Petite songfic pour l'anniversaire 2010 d'un de nos rares garçons: Onsteller.
Préambule :
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Cheryl Meredith Stiehm. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Personnages : Lily/Scotty
Genre : Romance – Songfic
Résumé : Scotty se rend compte qu’il n’a aucune chance avec Lillie.
Je deviens fou
Scotty Valens vida son verre et le claqua sur le bar en clamant :
- Un autre…
Le barman, occupé à l’autre bout du zinc, se tourna vers lui et approcha tranquillement, dévisageant son client. Son expérience ne le trompait pas : cet homme avait déjà largement dépassé la quantité nécessaire pour le faire basculer dans le monde flou de l’ivresse.
- Tu ne crois pas que tu as déjà assez bu mon gars ? questionna-t-il d’un ton patelin.
- De quoi j’me mêle !!! rétorqua le jeune homme. Tu es là pour servir à boire non ? Alors sers-moi.
- D’accord… Seulement si tu me donnes tes clés de voiture mon pote.
De toute façon, il savait qu’il ne pourrait empêcher cet homme de s’enivrer jusqu’à rouler par terre. Alors qu’au moins il l’empêche de reprendre ensuite sa voiture et d’aller, peut-être saccager la vie d’innocents en même temps que la sienne.
- Je ne suis pas saoul, protesta Scotty.
- Ah non… Tu veux passer un test ?
A travers le brouillard qui commençait à obscurcir son jugement, le jeune policier entendit soudain la voix de la raison. Cet homme avait raison. Il était largement au-delà de la limite autorisée et reprendre le volant pouvait s’avérer criminel.
- OK… Voilà mes clés… Maintenant sers m’en encore un autre.
En soupirant, le barman rangea le trousseau dans le tiroir fermé à clé réservé à cet effet puis il déboucha la bouteille de pur malt et remplit de nouveau le verre de son client.
- Alors mon gars… Comment elle s’appelle hein ?
Scotty le regarda d’un air idiot, se demandant comment l’homme pouvait savoir.
- Non, je ne suis pas magicien, expliqua celui-ci. Mais tu as l’air d’un type bien, pas du genre qui se saoule tous les soirs et bois sa paye pendant que sa femme et ses gosses crèvent la dalle. Des gars comme toi, j’en ai vu défiler depuis que je fais ce job. Alors je sais très bien ce qui vous met dans cet état généralement. Une fille hein ?
- Non… pas une fille, objecta le policier en hochant la tête. Une femme !!! Une vraie femme !!
- Oh !!! Une femme hein ? Tu m’en diras tant ! Et elle s’appelle comment cette femme ?
- Lily… elle s’appelle Lily, avoua Scotty avant de porter le verre à ses lèvres et de le vider cul sec puis de faire un geste pour que le barman le remplisse à nouveau, ce qu’il fit avec un soupir désabusé.
- Et si tu m’en parlais de cette femme…, proposa l’homme.
Alors les mots se bousculèrent.
Si seulement nous vivions ensemble
Si sur terre il n'y avait que nous
Si nous avions la même chambre
Le même lit je deviens fou
Il parlait.
Il parlait à cet inconnu comme il n’avait jamais parlé avec personne.
Etait-ce l’alcool qui ouvrait ainsi les vannes qu’il tenait si soigneusement fermées depuis si longtemps ?
Etait-ce un magicien déguisé que ce type, la quarantaine avenante, une barbe blonde parfaitement taillée encadrant un visage agréable, les cheveux coupés courts, tout son être respirant la santé et la compréhension ? Comment réussissait-il à lui faire vider ainsi son cœur ?
Ou bien c’était l’alcool : ces cinq verres ingurgités coup sur coup, juste pour oublier, juste pour faire taire un instant cette putain de saleté de voix qui ne cessait de lui répéter qu’il n’avait aucune chance, que Lily ne verrait jamais en lui qu’un collègue, plus jeune qu’elle de surcroît, qu’au mieux il pourrait être son petit frère.
Il ne voulait pas être son petit frère non !!! Il voulait être son compagnon, son amant, son amour.
Si seulement dans les eaux profondes
Un bateau sombrait avec nous
Nous entraînant au fond du monde
Le même lit je deviens fou
Il voulait pouvoir s’endormir à ses côtés et se réveiller dans son odeur. Il voulait pouvoir l’entendre gémir sous son étreinte, l’aimer comme elle le méritait, elle qui avait tellement de mal à croire en l’amour.
Il voulait guérir ses blessures et la faire sourire de ce sourire si rare et si précieux, entendre son rire perler, voir ses yeux s’éclairer et son visage rayonner d’une confiance qu’il n’y avait jamais lu.
Lily…
Son prénom était comme une chanson à ses oreilles, sa vision était comme celle d’un tableau artistement peint, la fragrance de son parfum l’enivrait plus que cet alcool qui courait à présent dans ses veines. Il voulait pouvoir toucher sa peau douce, goûter sa saveur qu’il imaginait sucrée et fleurie.
C’était ce qu’elle était : une fleur, à la fois fragile et forte, semée dans un terrain ingrat et ayant survécu aux tempêtes et aux bourrasques.
Elle était sa fleur et il en crevait de ne pouvoir la cueillir.
Fou fou fou fou fou fou
Je deviens fou
Ce soir encore ils avaient bouclé cette enquête difficile. Il avait eu tellement peur lorsque ce type avait pointé son flingue sur elle !
Mais elle n’avait pas bronché. Elle avait fixé sur le criminel ses yeux azur, froids comme les pierres et elle lui avait parlé… Juste des mots…
Il tremblait pour elle. Il l’avait supplié de reculer. Il était prêt à faire feu, à descendre ce minable qui menaçait la femme qu’il aimait.
Mais elle n’avait pas bougé. Son visage n’avait pas frémi quand le doigt de leur suspect s’était crispé sur la détente de l’arme. Scotty n’arrivait toujours pas à comprendre si elle savait qu’il ne tirerait pas ou bien si, tout simplement elle s’en moquait. Comme si sa vie ne lui importait pas…
C’était ça qui le tuait : se dire qu’elle avait besoin de lui mais qu’elle ne s’en rendait pas compte.
Et lui ne parlait pas : comment aurait-il pu lui dire ? Comment trouver les mots pour la convaincre, percer le mur qu’elle avait bâti autour d’elle pour qu’on ne puisse plus jamais la faire souffrir ?
Elle était son amie. Et si lui avouer ses sentiments l’éloignait irrémédiablement de lui ? Comment pourrait-il jamais y survivre ?
D’un autre côté, combien de temps encore supporterait-il de la côtoyer sans qu’elle sache, sans qu’il puisse enfin s’assurer qu’il n’avait aucune chance.
Et si son silence les faisait passer à côté du bonheur ?
Si seulement nous vivions ensemble
si notre vie était à nous
Avant qu'un Dieu nous mit en cendres
Le même lit je deviens fou
Il racontait toujours et l’homme l’écoutait, cet homme qu’il n’avait jamais vu auparavant et qu’il ne reverrait sans doute jamais.
Lorsque l’homme avait laissé tomber son arme, Lily lui avait passé les menottes, souriant à son coéquipier dont le cœur battait la chamade à l’idée qu’il aurait aussi bien pu la perdre, insouciante des affres qu’il venait de traverser.
Et lorsque les dernières formalités avaient été bouclées, il lui avait proposé d’aller manger ensemble, juste un petit truc entre collègues, comme ils l’avaient déjà fait. Il avait besoin de s’assurer qu’elle allait bien, de l’entendre encore un peu, d’avoir peut-être la chance de l’effleurer, de pouvoir la contempler en dehors de leur cadre ordinaire, de la voir évoluer comme une femme et non comme un flic… Il n’avait pas si souvent l’occasion d’avoir cette possibilité.
Il ne l’avait pas eu ce soir-là parce qu’elle avait simplement décliné, comme elle l’avait fait le jour d’avant, et celui d’avant, et la semaine précédente, et la précédente encore. Et c’est seulement alors qu’il avait réalisé que depuis plus de deux mois ils n’avaient plus jamais eu l’occasion de se voir en dehors du travail : comme si elle le fuyait.
- Lily… Est-ce qu’on a un problème tous les deux ?
La question l’avait figée net et elle s’était retournée vers lui avec ce visage inexpressif qu’il haïssait parce qu’il savait qu’il cachait des milliers de choses auxquelles elle ne le laisserait jamais avoir accès.
- Non… Pourquoi cette question ?
- J’ai l’impression que tu m’évites.
Ce rire… Ce rire froid qui sonnait faux parce qu’il n’y avait pas une étincelle d’amusement en lui et que les prunelles restaient si sérieuses, ce rire il l’entendait encore tandis qu’elle rétorquait.
- Je t’évite ? Je te signale tout de même qu’on se voit tous les jours et que nous venons de passer près de dix-huit heures ensemble.
- Mais c’était pour le boulot. Ne fais pas semblant de ne pas comprendre Lily.
Alors elle avait eu ce regard, cette expression fugitive qui était passée tellement vite avant qu’elle ne réponde froidement :
- Evidemment que c’est pour le boulot… Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?
Elle avait tourné les talons et avait disparu avant qu’il ne puisse reprendre la parole, avant qu’il n’ait, peut-être, la chance de laisser fuser les mots qui lui brûlaient les lèvres.
Nous boirions à la source claire
Source de vie où tout est flou
Et nous repeuplerons la terre
Le même lit je deviens fou
Lily et ses cheveux blonds comme les blés, ses yeux bleus comme le ciel, ses lèvres roses comme le ciel de l’aube, son teint pâle et clair comme celui d’une poupée de porcelaine…
Lily et son caractère tranchant, sa témérité, sa dureté et toutes ses failles, ce besoin de tendresse qui la consumait et contre lequel elle luttait pied à pied, ses frayeurs de petite fille qu’on n’avait pas assez protégée, son entêtement et son courage.
Lily…
Le barman était sûr qu’il l’aurait reconnue entre mille cette jeune femme dont on lui parlait. Le bar s’était vidé peu à peu et il écoutait le jeune homme qui en oubliait de boire tandis qu’il racontait la femme de sa vie.
Le serveur en avait vu passer des ivrognes, des piliers de bars qui refaisaient le monde, dépeignait la pire des harpies en princesse des mille et une nuits tant leurs sens, troublés par l’alcool, avait perverti leur réalité. Mais il sentait que celui-là n’était pas de leur race.
Lorsqu’il l’avait vu rentrer vers les neuf heures, il l’avait reconnu pour l’un de ces mecs paumés, à qui il vient d’arriver un coup dur, entré par hasard dans cet établissement plutôt que dans le voisin, cherchant juste un lieu pour se réchauffer, pour oublier…
En l'entendant parler de cette femme, il se disait qu’il ne devait pas oublier… peut-être oser enfin…
Et lorsque, vaincu par l’ivresse, Scotty cessa de parler et laissa tomber sa tête sur ses bras, le barman tendit la main pour attraper le téléphone que son client avait posé sur le comptoir. Il appuya sur la touche raccourci 1 et sourit en voyant s’afficher le nom qu’il était sûr de voir.
Ils n’échangèrent que quelques mots : il s’y attendait. Pas le genre de personne qui parlemente des heures : c’était oui ou non, mais en tout cas c’était bref.
- J’arrive.
Il raccrocha et il attendit.
Fou fou fou fou fou fou
Je deviens fou
Une main sur son bras, une caresse sur son front et cette voix douce à ses oreilles :
- Scotty… Allez… Scotty…
Il ouvrit des yeux embrumés par la fatigue et l’alcool et les plongea directement dans les prunelles claires où il lui sembla déceler un soupçon d’inquiétude. Ahuri, il se redressa tant bien que mal :
- Lily… Mais… Qu’est-ce que tu fais là ?
- Le barman m’a appelée. Il a bien fait il me semble. Allez viens, je te ramène.
- Non… Je n’ai pas besoin de toi, grogna-t-il.
- Arrête de faire l’idiot ! Tu es ivre ! Tu imagines ce qui pourrait se passer si des collègues te ramassaient dans cet état. Alors tu me suis sans faire d’histoires où je te passe les menottes !
Lorsqu’elle employait ce ton là, il savait qu’il valait mieux ne pas discuter. Il se leva en chancelant et elle l’aida à s’équilibrer tandis qu’elle s’adressait au barman :
- Il vous a réglé ?
- Oui… Tenez… Ses clés de voiture.
- Merci de m’avoir appelée.
- De rien, sourit-il en regardant le couple s’éloigner.
Tout son instinct lui disait qu’il avait pris la bonne décision.
Dans la voiture, Scotty avait fermé les yeux, refusant la conversation. Dans l’état où il était, il y avait trop de risques qu’il se trahisse.
Lorsque le véhicule s’immobilisa, il souleva les paupières et s’étonna :
- Mais… Où sommes-nous ?
- chez moi.
- Je veux rentrer chez moi !
- Désolée. Il est plus de minuit, j’ai sommeil et ton appart’ est à l’autre bout de la ville. Alors ou tu sors ou tu dors dans la voiture, mais de toute façon tu ne rentres pas chez toi ce soir.
Comme si elle l’avait privé de toute volonté, il sortit et la suivit vers la petite maison où il entra à sa suite.
Il restait là, dans l’entrée, les bras ballants et elle lui dit :
- Entre… qu’est-ce que tu attends ? Viens t’asseoir avant de t’effondrer !
Il opina de la tête, et s’affala dans le canapé sentant la migraine commencer à serrer ses tempes. Comme par magie un verre et deux comprimés se matérialisèrent alors devant lui. Etonné, il leva son regard vers Lily avant de récupérer ce qu’elle lui tendait, puis, après avoir pris le médicament, il interrogea :
- Comment savais-tu que…
- Disons que j’ai une longue habitude des poivrots ! rétorqua-t-elle d’un ton peu amène.
Il se mordit les lèvres, comprenant soudain combien il devait être pénible pour elle de le voir dans l’état où elle avait si souvent trouvé sa mère. Comment pourrait-elle jamais lui faire confiance si elle pensait qu’il risquait, lui aussi, de tomber dans cette addiction qu’elle haïssait du plus profond de son âme ?
Elle lui tendit un oreiller et une couverture :
- Tiens… Ca ira comme ça ?
- Oui… Merci.
- Ah… et interdiction de vomir partout sinon tu auras à faire à moi !!!
Le son de sa voix l’interpella et il la regarda en face, s’étonnant de voir un vague sourire sur ses traits, comme si, finalement, elle ne condamnait pas vigoureusement ce qu’il venait de faire. C’est peut-être ce qui le poussa à oser reprendre la parole :
- Lily…
- Oui ?
- Je suis désolé. Ca ne m’arrive pas si souvent tu sais.
- Pas si souvent, c’est déjà trop Scotty !
De nouveau elle avait la voix froide, accusatrice et il avala sa salive, se demandant s’il devait persévérer dans cette conversation qui risquait de conduire à un désastre.
- Je sais… Je suis désolé.
- Tu l’as déjà dit Scotty…
Sa voix était lasse d’un seul coup et elle s’assit près de lui, plongeant son regard dans le sien.
- Pourquoi ?
De l’avoir si près de lui, si belle, si proche et si lointaine à la fois rompit d’un seul coup toutes ses défenses et il parla, il parla sans s’arrêter, comme si tous ces mots qui l’étouffaient depuis si longtemps devaient désormais se déverser jusqu’au dernier, jusqu’au « Je t’aime » qu’il osa enfin prononcer.
Et lorsqu’il eut laissé échapper cet aveu, il osa la regarder de nouveau. Elle se tenait toute droite, semblant l’étudier très attentivement, comme pour le sonder jusqu’aux tréfonds de son âme. Puis elle se leva en disant doucement :
- Nous en reparlerons demain Scotty. Je crois que ce soir, ce n’est pas le bon soir.
Il eut l’impression que son cœur se déchirait : il l’avait perdue, c’était évident ! Les larmes lui montèrent aux yeux qu’il s’efforça de combattre tandis qu’il la voyait s’éloigner au travers de la brume qui avait envahi son regard.
Au moment de quitter la pièce, elle se retourna vers lui et vit cette larme, cette unique larme qui roulait sur sa joue. Alors elle fut de nouveau près de lui, ses bras autour de son corps et sa joue contre la sienne.
- Non… Scotty…
Il laissait reposer sa tête sur sa poitrine, heureux d’entendre son cœur battre au même rythme que le sien. Puis soudain des lèvres douces se posèrent sur sa bouche… un baiser léger, comme une promesse tandis qu’elle se relevait en murmurant :
- Demain Scotty… Demain, je te le promets… Nous parlerons. Je refuse de m’engager auprès d’un homme ivre.
Il leva les yeux sur elle, n’osant pas croire ce qu’il venait d’entendre, prêt à poser une question, à rompre ce moment magique avec des mots superflus. Alors elle déposa un nouveau baiser sur ses lèvres avant de se lever :
- Demain Scotty.
Elle s’éloigna de lui et, au moment où elle quittait la pièce, il lui sembla entendre :
- Je t’aime aussi.
FIN
Chanson de Michel Sardou