Ma première fic sur cette série que j'apprécie et dont vous trouverez un petit récap
ici pour ceux qui ne connaîtraient pas. J'ai déjà commis une songfic sur cette série, mais c'est tout.
Ce soir j'avais envie de me pencher sur le personnage de Jo, absent de la série et pourtant bien présent en chacun des protagonistes.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Robin Green et Mitchell Burgess. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Et si c’était à refaire…
Et si c’était à refaire,Je referai ce chemin… Vers de La Rose et le Réséda : Aragon
Il y avait la nuit, il y avait des bruits, des lumières qui clignotaient, des voix qui l’appelaient…
L’officier Joseph Reagan sourit : il se sentait si fatigué… Il n’avait pas envie de lâcher la barre mais il ne savait pas s’il aurait la force de continuer encore et encore.
Pourtant il savait qu’il le devait : pour sa famille, pour son père, son grand-père, sa sœur, ses frères…
Il était là, dans cette ruelle sombre, cherchant à retrouver son souffle, à comprendre ce qui lui arrivait, pourquoi il était là, pourquoi il avait du mal à respirer, pourquoi son corps ne lui obéissait plus. Il était là et il revoyait toutes les étapes qui l’avaient conduit à cet endroit.
Il n’arrivait pas à se souvenir d’une époque où il n’avait pas pensé être flic : son père l’était, son grand-père l’était et son arrière-grand-père l’avait été aussi. La famille avait toujours baigné dans cette atmosphère entre arme et loi, entre coups de gueule et coups de feu et tellement, tellement de volonté d’aider, de servir, de protéger… New-York était à la fois leur rêve et leur cauchemar, leur amante et leur enfant…
Alors Joseph Reagan, troisième enfant de Franck et Mary Reagan avait toujours su qu’un jour il revêtirait l’uniforme bleu, qu’un jour il arborerait une arme à son côté et qu’il arpenterait les rues qu’avaient arpentées avant lui trois générations de Reagan et que son frère Danny avait commencé à parcourir à son tour quelques années auparavant après avoir, comme son père, passé un temps dans les marines.
Certes on ne l’avait pas poussé à faire ce choix : jamais Franck n’avait fait pression sur lui pour choisir cette voix et Mary aurait plutôt eu tendance à tenter de l’en dissuader. Mais ça avait été une évidence : il serait flic, un bon flic, un grand flic !
Il avait tellement de bons souvenirs de l’école de police et, malgré les difficultés des premiers temps, il savait qu’il était exactement là où il devait être, là où son destin l’avait toujours appelé.
Bien sûr il n’avait pas prévu qu’il se trouverait si vite confronté à ce que le métier avait de plus moche : les flics ripoux qui gangrenaient leur confrérie, ceux qui étaient des hontes à leur profession, qui avaient oublié leur serment et ne pensaient plus qu’à eux, que l’argent ou le pouvoir, voire les deux conjoints, avaient détourné du droit chemin.
Il aurait pu, il aurait dû sans doute en parler à son père : mais comment oser lui dire qu’il soupçonnait les Templiers de l’Ordre d’avoir oublié la raison pour lesquelles son propre grand-père avait créé le mouvement plusieurs décennies auparavant ? Henry n’aurait pas pu comprendre, peut-être même l’aurait-il traité de menteur. Après tout qui était-il pour oser soupçonner la confrérie de malversations ? Certes le FBI lui avait présenté des preuves valables, mais celles-ci auraient-elles résisté à l’analyse sans concession de son grand-père, tellement prompt à défendre ce en quoi il croyait ? Jo n’était pas un lâche, mais il n’avait pas envie d’être celui qui amènerait la zizanie à la maison : sa mère était morte deux ans auparavant et depuis il veillait à ne pas tourmenter son père. Celui-ci semblait avoir surmonté sa peine mais il savait qu’il ne faisait que mettre son masque de policier dur et froid, celui qu’il montrait aux étrangers, aux suspects, à ses subordonnés. Cependant son fils savait lire ces nouvelles rides au coin de ses yeux, cette tristesse dans ces prunelles, il savait la solitude que ressentait son père, sa volonté de leur cacher sa souffrance.
Alors non, il ne serait pas celui qui viendrait ajouter à son fardeau. Il avait déjà bien assez à faire avec Danny, son aîné, tellement impulsif, courageux jusqu’à la témérité, qui était à la fois la fierté et la pire crainte de Franck qui craignait toujours de le voir soit se faire tuer, soit se retrouver responsable d’une telle bavure que sa carrière serait irrémédiablement brisée. Et puis il y avait Erin, en plein divorce, dont son père se souciait aussi. Alors non, Jo n’avait même pas eu l’idée d’aller se confier à lui.
Il n’avait pas parlé à Danny non plus : il n’était pas sûr de la façon dont celui-ci réagirait, d’autant qu’il avait été un Templier durant un temps. Bien évidemment il ne le soupçonnait pas de faire partie de ceux qui profitaient de leur position pour rançonner ou tuer, mais pour autant il savait qu’avec son emportement naturel, celui-ci risquait soit de lui dire que le FBI racontait n’importe quoi, soit d’aller directement trouver ses confrères pour leur poser des questions qui anéantirait l’enquête.
Bien évidemment, il ne s’était pas confié à Erin : elle avait bien assez à faire avec son divorce et Nikki qui lui en voulait de celui-ci. Quant à Jamie… comment parler de ce genre de chose au bébé de la famille, celui que leur mère avait tenu à mettre à l’écart de la vocation familiale et qui était l’un des meilleurs élèves de sa classe de droit ? Il serait un grand avocat, mais chaque homme de la famille Reagan espérait qu’il choisirait plutôt d’œuvrer pour le ministère public, comme sa sœur, plutôt que de défendre ces criminels qu’ils s’échinaient à mettre derrière les barreaux. Il anticipait déjà les tensions entre ses deux frères si jamais le petit dernier choisissait cette voie.
Non… Sur ce coup-là Joseph Reagan avait décidé de faire front seul, sans le clan, sans le soutien de ses partenaires, ne sachant pas lequel pouvait être impliqué, soupçonnant un peu chacun et n’importe qui. Il avait acquis quelques certitudes : Sonny Malevski était sans doute mouillé, et quelques autres… Mais pour le moment il n’avait pas encore assez de preuves. Puis il avait cessé de collaborer avec le FBI, continuant l’enquête pour son propre compte, ayant aussi perdu confiance dans les fédéraux.
Aurait-il dû agir autrement ? Aurait-il dû parler ? Aurait-il pu changer le cours des choses ?
Si c’était à refaire, referait-il la même chose ?
Il serra sa main sur sa poitrine, s’étonnant de la trouver humide alors qu’il ne pleuvait pas. Il avait froid, pourtant ce n’était pas l’hiver. Sa respiration était embarrassée et soudain il comprit : il revit Sonny braquer son arme sur lui, il se souvint du choc, de la douleur qui l’avait ravagé.
Maintenant il n’avait plus mal. Mais les voix autour de lui s’estompaient et les lumières lui paraissaient moins brillantes.
- Tiens bon… Cramponne-toi.
Renzulli ! Que faisait-il là son ancien partenaire, celui qui lui avait tout appris ? Il aurait aimé lui répondre, mais sa langue était de plomb, comme son corps. Il aurait pourtant aimé lui dire tellement de choses, qu’il puisse passer des messages à ceux qu’il aimait : son père… pauvre papa ! Comment allait-il réagir, lui qui se relevait à peine de la mort de son épouse ? En pensant à celle-ci, Jo se dit, pour la première fois, qu’il était heureux qu’elle ne soit plus là. Il aurait détesté qu’elle pleure à cause de lui. Danny… Ciel ! Danny allait être tellement en colère ! Et Erin… Ils avaient partagé tant de choses tous les deux : elle allait perdre son confident, son meilleur ami… Jamie… Jamie… son adorable petit frère… Il aurait eu tant de choses à lui dire encore, tant de choses à partager avec lui, à lui apprendre…
Mais Jo Reagan savait qu’il ne pourrait plus rien apprendre à personne, qu’il ne se disputerait plus avec quiconque… Il laissait tant de monde derrière lui, tant de personnes qui allaient souffrir à cause de lui. Il ne verrait pas grandir ses neveux, Jack et Sean, il ne serait pas là pour donner des conseils à sa chère Nikki…
Il savait que ce soir-là, dans cette ruelle, tout allait se terminer pour lui. Ce qui l’enrageait, c’était que cet enfoiré de Sonny puisse s’en tirer. Mais non ! Il ne s’en tirerait pas : Danny le coincerait, forcément, il ne pourrait pas s’en tirer ainsi. Et si ce n’était pas Danny, ce serait quelqu’un d’autre ! Lui… lui il avait échoué sur ce coup-là.
Il y avait la nuit, il y avait des bruits, des lumières qui clignotaient, des voix qui l’appelaient…
Il y avait sa vie qui défilait : tous ces choix qu’il avait faits, sa décision d’entrer à l’académie de police, la fierté de son père et de son grand père, le sourire de son grand frère, la crainte de sa mère, le soutien de sa sœur, l’admiration de son petit frère. Qu’allait-il devenir sans lui le petit Jamie ? Certes il saurait se débrouiller, mais ce serait dur pour lui de perdre le frère qui l’épaulait, qui servait de relais avec leur aîné.
Sa vie… La vie d’un flic… Ce qu’il avait choisi.
Bien sûr il aurait aimé continuer un peu son chemin, se marier, avoir des enfants… Mais lorsqu’il s’était engagé, il savait que cela pouvait arriver. Simplement il n’avait pas pensé qu’il serait frappé par l’un des siens. Pourtant il ne regrettait pas d’avoir mené l’enquête : un jour quelqu’un leur ferait payer, il en était certain. Il regrettait juste de ne pas être là pour le voir.
Il avait toujours su qu’il suivrait cette voie ; il avait toujours voulu être policier. Lorsqu’il était petit et qu’il se projetait dans l’avenir, il s’était toujours vu revêtu de l’uniforme : servir et protéger !
S’il avait pu choisir de dissocier le destin, il aurait évidemment changé la fin : il n’aurait pas choisi de mourir là, dans cette ruelle, avant d’avoir accompli tout ce qu’il pensait avoir à faire dans la vie, avant d’avoir laissé sa propre trace, ébauché son sillage… Mais le destin est un tout : on ne le découpe pas en tranches pour n’en prendre que les morceaux les meilleurs. Cette fin prématurée était l’aboutissement de ce qui lui avait été alloué, elle était la rançon de ses choix : éviter l’une était renier les autres…
Alors, au moment où il ferma les yeux définitivement, Jo Reagan partit avec une certitude au cœur : si ça avait été à refaire, il aurait fait exactement la même chose !
FIN