Et je reclasse toujours... ici le cadeau d'anniversaire 2012 d'Ozias.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Immortel
Ils se regardaient, les yeux dans les yeux. Les prunelles océans s’attachaient aux prunelles azur et ils se parlaient. Ils se disaient tous ces mots qu’ils ne s’étaient jamais dit, tous ces mots qu’ils devaient se dire maintenant parce qu’ils ne pourraient plus le faire ensuite.
Si perdu dans le ciel
Ne me restait qu'une aile
Tu serais celle-là
Ils se regardaient et il y avait tous les regrets du monde dans ce regard. Les regrets de ce que la vie ne leur avait pas offert, de ce qu’ils n’avaient pas su prendre, du temps perdu à contempler d’autres horizons, d’autres futurs, d’autres voies.
Ils avaient mis tant de temps à comprendre que le sort les destinait l’un à l’autre.
Si traînant dans mes ruines
Ne brillait rien qu'un fil
Tu serais celui-là
Ils se regardaient et leurs mains s’étreignaient pour tisser un lien par-delà le temps, par-delà la vie, par-delà tout ce qui les avait séparés et qui les séparerait encore.
Et en regardant son ange, Jack pensait à cette chance qui lui avait été donnée de le trouver sur son chemin éternel.
Si oublié des dieux
J'échouais vers une île
Tu serais celle-là
Dans sa tête, comme un film, repassaient tous ces moments qui avaient jalonné leur histoire : la rencontre dans ce parc et cet homme venu à son secours sans hésiter, sans craindre pour sa propre vie ; il revoyait la capture de Myfanwy, leur trophée, leur victoire, comme un lien entre eux ; la mort de Lisa qui aurait dû marquer la fin de cette histoire à peine ébauchée.
Et puis il y avait eu le premier baiser, la première nuit et la transformation de ce qui pour lui, au départ, n’était qu’un agréable passe-temps en passion.
Si même l'inutile
Restait le seuil fragile
Je franchirais le pas
Qui aurait pu comprendre ses hésitations, ses reculs, ses retours en arrière ? Qui pouvait savoir la déchirure mille fois revécue de perdre l’être que l’on aimait le plus au monde ?
Comment oser s’attacher quand on sait qu’un jour l’objet de son amour vous laissera plus seul encore que vous étiez avant de le rencontrer ?
Immortel, immortel
Qui comprendra le sort cruel
Que de survivre à tout ce mal (1)
Je meurs de toi
Qui pouvait savoir l’immensité du désarroi lorsque la main que vous teniez vous lâche définitivement, lorsque vous perdez votre ancre, votre phare et que votre avenir semble soudain se résumer à une lente dérive dans le noir ?
Qui pouvait savoir cette mort lente du cœur et de l’âme quand le corps, lui, résiste à tout et revient, malgré vos prières, malgré vos désirs les plus profonds ?
Immortel, immortel
J'ai décroché un bout de ciel
Il n'abritait plus l'Eternel
Je meurs de toi
Leur histoire avait été jalonnée de ces hauts et de ces bas, de ces moments de retrouvailles suivis d’un nouveau départ, une nouvelle fuite, un nouvel essai de ne pas s’attacher, de ne pas souffrir encore.
Mais on ne peut rien contre le destin, et le sien était d’aimer cet homme plus qu’il n’avait jamais aimé quiconque.
Si les mots sont des traces
Je marquerai ma peau
De ce qu'on ne dit pas
Leur amour s’était épanoui malgré les embûches sur leur route, malgré les créatures venues d’ailleurs qui semblaient se liguer pour en faire un parcours d’obstacle, malgré les hommes qui ne comprenaient pas toujours.
Son ange, son gardien, sa raison de vivre…
Il avait lutté tant qu’il avait pu mais la lutte était perdue d’avance et il avait fini par se noyer dans les yeux bleus.
Pour que rien ne t'efface
Je garderai le mal
S'il ne reste que ça
Les plus beaux jours de sa trop longue existence il les avait connus dans cette ville galloise, auprès de cet homme qui semblait si fragile mais recelait tant de force. Combien de fois s’était-il appuyé sur lui ? Combien de fois était-il revenu à la vie dans ses bras ? Et à chaque fois, il lisait dans son regard l’immensité du désarroi, ce désarroi qu’il connaissait si bien, qui est celui du survivant.
Même s’il savait que ce ne serait que momentané, Ianto n’avait jamais réussi à accepter sereinement les morts de son compagnon. Mais il avait appris à faire avec. Et Jack avait trouvé auprès de lui l’âme sœur qu’il poursuivait à travers les âges et à travers les mondes.
On aura beau me dire
Que rien ne valait rien
Tout ce rien est à moi
Ianto…
Quels mots trouver pour dire tout ce qu’il lui devait, tout ce qu’il ressentait pour lui ? Quels mots seraient assez fort pour traduire son amour, cet amour qu’il s’était toujours refusé à avouer.
Peur imbécile ! Peur de braver le sort par trois mots galvaudés. Peur de forcer le destin à se rappeler leur existence par trois syllabes usées. Peur de forcer le bonheur et de le perdre irrémédiablement.
Ces mots qu’il n’avait pas dits, ils chantaient dans son cœur aujourd’hui, à ce moment précis où il acceptait enfin la vérité en face.
A quoi peut me servir
De trouver le destin
S'il ne mène pas à toi ?
Mais trois mots ne changent pas ce qui est écrit, trois mots n’apportent ni la paix ni la guerre, trois mots n’ouvrent pas les portes de l’enfer.
Non.
L’enfer on le construit jour après jour en refusant de voir la vérité, en refusant d’assumer ses erreurs, en fuyant le bonheur par la peur de souffrir.
L’enfer, il est toujours là, à nos portes, quoi qu’on dise ou quoi qu’on fasse. Il est toujours là parce qu’il est tapi au fond de nous, attendant la faille pour s’ouvrir.
Immortel, immortel
Qui comprendra le sort cruel
Que de survivre à tout ce mal (1)
Je meurs de toi
Il avait fini par accepter ce cadeau du ciel et par baisser sa garde. Il avait fini par s’endormir dans la torpeur d’une histoire où il se sentait merveilleusement bien.
Il avait fini par occulter tout ce qui n’était pas eux et par s’ouvrir à cet amour offert sans restriction.
Il avait fini par oublier…
Immortel, immortel
J'ai décroché un bout de ciel
Il n'abritait plus l'Eternel
Je meurs de toi
Ils se regardaient et les mots étaient devenus inutiles.
Ils savaient.
Je meurs de toi...
Le destin donne, le destin reprend.
Il avait fini par oublier.
Et la vague de souffrance qui le ravageait aujourd’hui était la vengeance de cet oubli.
Rien ne s’offre sans contrepartie.
La fin est inscrite dès le commencement.
Immortel, immortel
Qui comprendra le sort cruel
Que de survivre à tout ce mal (1)
Je meurs de toi
Ils se regardaient et leurs larmes se mêlaient sur la joue du plus jeune.
Ce regard-là, Jack savait qu’il allait l’emporter avec lui pour les milliers d’années qui lui restaient à vivre…
A cet instant précis, plus encore que d’habitude il maudissait cette immortalité qui le condamnait, inéluctablement à rester seul.
« Je t’aime ».
Trois mots dans un souffle et les yeux s’étaient refermés tandis que le corps s’alourdissait entre ses bras.
Immortel, immortel
J'ai décroché un bout de ciel
Il n'abritait plus l'Eternel
Je meurs de toi
« On se retrouvera Ianto, je ne sais ni quand ni comment mais j’en fais le serment. Je te traquerai de monde en monde, de siècle en siècle, jusqu’à ce que je te retrouve. Tu es à moi… »
Jack sentait le froid de la mort l’envahir à son tour. Il savait qu’il reviendrait, inéluctablement, mais à cet instant précis il espérait, du plus profond de son âme, que cette fois-ci il allait partir pour de bon.
Partir pour le rejoindre.
Partir pour être unis pour l’éternité.
FIN
Chanson de Lara FAbian
(1) Paroles originales :
J’ai le sentiment d’être celle
Qui survivra à tout ce mal