Voici une petite fiction offerte à Ana Lei en 2013.
Préambule : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
La vie en rose
Il était bien, tellement bien !
Après tant d’années à errer, tant de siècles de solitude, tant de jours à passer de cœur en cœur, de corps en corps sans jamais se fixer, il avait enfin trouvé celui avec lequel il pouvait envisager l’avenir sans crainte, celui auquel il osait se livrer, pieds et poings liés, parce qu’il savait qu’il n’abuserait pas du pouvoir qu’il lui offrait.
Oui, lui, Jack Harkness, après tant et tant d’aventures plus ou moins glorieuses, il avait aussi le droit d’être heureux.
Des yeux qui font baisser les miens
Un rire qui se perd sur sa bouche
Voilà le portrait sans retouche
De l´homme auquel j´appartiens
- On est juste bien, murmura l’Immortel en resserrant son étreinte sur son amant.
Celui-ci lui sourit et fit courir sa main sur le visage aimé. Dieu comme ces moments étaient précieux ! Comme il aurait aimé les faire durer encore et encore pour profiter de ces instants où le capitaine laissait tomber le masque et redevenait juste un homme avec ses failles et ses craintes, avec ses certitudes et ses hésitations, ses colères et ses passions…
Qui l’avait jamais vu fragile, dérouté, ne sachant plus que dire ou que faire ? Personne sauf lui, lui qui savait que cet homme était à la fois son réconfort et son tourment, sa plus belle réussite avant d’être un jour peut-être son plus grand échec, sa source de joie et de peine…
Mais lorsqu’ils étaient simplement tous les deux, peau contre peau, il n’avait peur de rien.
Quand il me prend dans ses bras,
Il me parle tout bas
Je vois la vie en rose,
Il me dit des mots d´amour
Des mots de tous les jours,
Et ça m´fait quelque chose
Qui aurait dit que l’homme du 51ème siècle prendrait tant de place dans sa vie, lui obscur humain de ce si imparfait 21ème siècle ? En tout cas pas lui.
Lorsqu’il s’était aperçu qu’insensiblement son amitié pour Jack dérivait vers quelque chose de plus tendre, de plus doux et de plus douloureux à la fois, il avait tout fait pour lutter, mais c’était peine perdu.
Sans doute était-ce écrit depuis l’aube des temps… Sans doute, sur cette ligne interminable qu’était l’existence de l’Immortel, y avait-il cette parenthèse de bonheur dont ils devaient profiter sans se soucier des lendemains : être heureux maintenant et ardemment pour ne pas avoir de regret lorsque la parenthèse se refermerait.
Il est entré dans mon cœur,
Une part de bonheur
Dont je connais la cause,
C´est lui pour moi,
Moi pour lui dans la vie
Il me l´a dit, l´a juré
Pour la vie
Et dès que je l´aperçois
Alors je sens en moi
Mon cœur qui bat
Jack avait l’impression de se découvrir un cœur pour la première fois depuis bien longtemps. Ce sentiment si tendre et si ardent, il se souvenait l’avoir ressenti enfant envers sa mère, son père et son frère. Tout ce qui lui avait succédé n’avait été qu’un succédané plus ou moins savoureux de ces premiers émois inscrits dans sa chair et dans son âme.
Même cette femme qu’il avait aimée n’avait pas éveillé en lui un tel tumulte, n’avait pas su autant l’apaiser…
Ianto était son ancre, son phare, son havre de paix ! Près de lui il redécouvrait le bonheur tout simple d’aimer et d’être aimé. Et leurs nuits enflammées étaient les plus belles qu’il eut jamais vécu durant sa longue, si longue, trop longue vie.
Après avoir connu cela, il aurait pu, sans regret, sans crainte, rejoindre cet au-delà qui lui serait toujours refusé, parce qu’il savait que rien jamais n’égalerait ce qu’il vivait en ce moment.
Des nuits d´amour à plus finir
Un grand bonheur qui prend sa place
Des ennuis, des chagrins s´effacent
Heureux, heureux à en mourir
Se sentir aimé, protégé, choyé… Savoir que son compagnon si fort a besoin de votre protection, que votre amour le pousse à se surpasser, le rend heureux au-delà de ce que les mots peuvent exprimer…
Et lorsqu’ils pouvaient profiter de ces moments volés à la guerre perpétuelle qu’ils menaient, ils avaient un aperçu de ce qu’aurait pu être leur existence dans d’autres circonstances. Mais si l’époque avait été différente, se seraient-ils même croisés ?
Leur amour était né et s’était épanoui au fil des épreuves qui avaient renforcé leurs liens, conforté leur confiance respective. S’aime-t-on aussi fort lorsqu’on ne craint pas que chaque jour soit le dernier ?
Dans ces moments trop rares, lorsque blottis l’un contre l’autre ils pouvaient ne penser qu’à eux, leurs cœurs battaient à l’unisson et ils se parlaient en silence, bercé par la même quiétude.
Quand il me prend dans ses bras,
Il me parle tout bas
Je vois la vie en rose,
Il me dit des mots d´amour
Des mots de tous les jours,
Et ça m´fait quelque chose
Un jour bien sûr Ianto partirait et le laisserait plus démuni que jamais ! Un jour il devrait reprendre seul ce chemin interminable que la destinée l’avait condamné à arpenter.
Il savait déjà que personne, jamais, ne pourrait prendre la place que le Gallois occupait. Certes, sans doute, il aurait des compagnes et des compagnons de route, pour un jour ou une année, parce que l’homme ne peut pas vivre totalement seul, parce que le corps a des besoins et le sien qui vieillissait si peu était bien loin d’être blasé, mais nul jamais ne comblerait ce trou béant qui s’ouvrirait en son cœur.
De vie en vie, de mort en mort, il chérirait toujours la mémoire de ce qu’ils partageaient, se remémorant chaque mot, chaque geste, chaque sourire depuis leur toute première fois.
Il est entré dans mon cœur,
Une part de bonheur
Dont je connais la cause,
C´est lui pour moi,
Moi pour lui dans la vie
Il me l´a dit, l´a juré
Pour la vie
Et dès que je l´aperçois
Alors je sens en moi
Mon cœur qui bat
- Comment ferai-je sans toi ?
- N’y pense pas. Pour le moment je suis là et je n’ai pas l’intention de partir.
- Mais un jour…
- Ce jour-là n’est pas venu, Jack. D’ailleurs peut-être que tu te lasseras bien avant qu’il n’arrive.
- Jamais… Jamais je ne pourrai me lasser de toi, de nous. Tu m’as apporté le bonheur Ianto Jones, un bonheur que je n’aurais jamais cru possible, alors ne crois pas que tu te débarrasseras de moi si facilement !
- Je n’ai pas envie de me débarrasser de toi Cariad. Tu es ce que j’ai de plus cher au monde et rien ni personne ne pourra jamais m’arracher à toi.
- Pourtant…
Le Gallois posa son doigt sur les lèvres de son amour pour l’empêcher de continuer.
- Chut… profite juste de ce moment. Soyons heureux tout simplement. Il fait beau, la faille est calme, les Weevils semblent avoir disparu alors ne pensons pas à demain.
- Carpe diem ?
- Carpe diem Jack Harkness…
L’Immortel prit la main de son amant, la baisa tendrement et la posa sur son coeur pour qu’il en capte le rythme.
- C’est pour toi qu’il bat, murmura-t-il, rien que pour toi.
Puis ils ne parlèrent plus, se contentant d’être vivants et d’être ensemble sous le beau ciel gallois.
FIN
Chanson d’Edith Piaf