Je démarre mes reclassements: attachez vos lunettes...
Celle-ci était destinée, l'an passé, à Djorie.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Donald P. Bellisario & Don McGill. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Viens jusqu’à moi
Il observait le groupe, un peu à l’écart, semblant participer à la fête sans vraiment être là. A dire vrai il avait hésité à répondre à l’invitation, mais le moyen de faire autrement ? Gibbs avait convié toute l’équipe à ce barbecue chez lui et chacun s’était empressé d’accepter : pouvait-il, lui, décliner sans que chacun se demande quelle raison il avait de le faire ?
Pourtant quelle torture d’être là parmi les familiers en se sentant tellement étranger finalement ! Lui qui mieux que tous connaissait leur patron, lui qui savait sur lui des choses que nul autre ne savait, lui qui était l’un des rares à connaître les moindres recoins de cette maison, il avait l’impression d’être le seul à ne pas trouver ses marques. Il entendait les rires, les plaisanteries, il voyait les sourires qu’il renvoyait lui-même et pourtant il était bien loin de cette ambiance bon enfant.
M´entends-tu quand je te parle
Dans la prison de ton coeur
Je connais le poids de tes larmes
Et des questions intérieures
Il avait vécu des heures si douces en ces lieux, si douces et si violentes à la fois ! Depuis que Gibbs et lui étaient amants, ils s’étaient bien souvent retrouvés blottis sur le canapé où présentement Ducky trônait, faisant un cours de médecine légale à monsieur Palmer toujours attentif aux explications de son patron, sous l’œil narquois d’Abby qui semblait attendre la première occasion pour fondre sur le duo.
Il se souvenait de leurs étreintes dans quasi toutes les pièces de la maison : ces moments où son patron n’était plus que l’homme qu’il aimait de toute son âme, où il laissait enfin tomber ses barrières et se laissait aimer, lui permettant d’approcher sa fragilité et ses blessures.
Mais ça ne durait jamais que le temps que le plaisir se dissipe.
Je comprends bien que tu protèges
De tous les maux et tous les pièges
En taisant tes douleurs
Ziva venait d’éclater de ce rire heureux et communicatif, entraînant celui de MacGee en écho et il aperçut Gibbs qui les regardait, un sourire presque paternel aux lèvres. C’était un moment rare que celui qui les voyait tous réunis simplement pour se détendre, bien loin des affaires sordides auxquelles ils étaient trop souvent confrontés.
Même Vance était détendu, paraissant soudain presque humain, en grande conversation maintenant avec Fornell, lui aussi invité à la petite sauterie. C’était étrange de voir tout ce monde réuni sur la terrasse alors que le maître des lieux officiait au barbecue.
Il aimait le voir ainsi détendu, apaisé et il aurait voulu se réjouir totalement de la sérénité qu’il affichait à cet instant. Mais cela lui était difficile quand lui-même se sentait tellement frustré de ne devoir être qu’un membre de l’équipe parmi tous les autres quand il aurait tant aimé proclamer ce qu’il y avait entre eux.
Je connais la liste longue
De ces barrières entre nous
Quand pour faire comme tout le monde
On fait semblant jusqu´au bout
Il était l’agent sénior, le bras droit, celui qui semblait avoir toute la confiance du boss. Mais il aurait voulu que chacun sache qu’il était bien plus que cela, qu’il était celui qui savait apaiser les doutes de l’homme qui les dirigeait, celui qui savait le convaincre de lâcher du lest, celui qui savait le rassurer lorsqu’il s’inquiétait.
Non qu’il soit son éminence grise : Dieu savait que Gibbs n’avait besoin de personne pour lui dicter sa conduite, mais il était son refuge lorsque tout allait mal. Il suffisait qu’il le prenne contre lui et son amour retrouvait sa force, sa confiance. Alors, à cet instant précis, il aurait simplement aimé qu’on sache qui il était vraiment.
Mais je veux une place différente
Etre l´âme soeur et la présence
Qui comprend tout
Bien sûr il avait su dès le départ, dès la première fois où il s’était laissé aller dans les bras de Jethro que les choses ne seraient jamais simples entre eux, qu’il lui faudrait porter le poids du secret. Gibbs avait été très clair : on ne devait pas savoir, personne, jamais. Et il n’avait pas protesté, lui-même bien trop inquiet des réactions que pourrait avoir son entourage s’il apprenait qu’il était tombé follement amoureux d’un homme.
Mais au fil des mois, il avait oublié cette vague honte et se sentait de jour en jour plus prêt à assumer sa différence et à se battre pour défendre son amour. Encore fallait-il que celui-ci soit dans les mêmes dispositions d’esprit. Or, il avait l’impression que plus il s’attachait, plus, en contrepartie, son amant semblait vouloir prendre ses distances.
Fais tomber les armures
Viens casser pierre à pierre tous les murs
Et combler les distances qui t´éloignent de moi
Je partage tes blessures
Je comprends tes erreurs, tes ratures
Si tu me dis les mots que tu pensais tout bas
Viens jusqu´à moi
Viens jusqu´à moi
Un éclat de rire un peu plus fort le tira de ses songes et il s’avança pour se mêler au groupe, conscient du regard intrigué que posait sur lui Abby se demandant pourquoi le plus volubile de l’équipe semblait si éteint ce jour-là.
Cela aurait été tellement plus facile si tout le monde avait été au courant, s’il avait pu s’avancer vers le maître des lieux et déposer un baiser sur ses lèvres au vu et au su de tous, s’il avait pu simplement prendre sa main dans ce geste doux et tendre qui les unissait les soirs où ils s’endormaient l’un contre l’autre.
Mais il savait que le temps n’était pas encore venu et que la décision devait venir de Gibbs et de lui seul : lui forcer la main ne ferait que signifier la fin de leur histoire.
Je suis là dans le silence
Quelque soit le jour et l´heure
J´attendrai que tu t´avances
Pour avouer ce qui t’es lourd
Pourtant cela devenait de plus en plus dur à porter : le secret, les mensonges, les excuses… Il en avait assez. Il lui semblait que petit à petit vivre dans l’ombre étiolait leur amour. Il voulait la lumière, la clarté, le grand jour et il n’avait que l’ombre, la nuit et les mots susurrés qu’il aurait aimé hurler.
Pourtant il savait du plus profond de son âme que Gibbs l’aimait et qu’il avait besoin de lui. Il était le seul qui l’avait jamais vu pleurer, celui qui l’avait entendu crier dans son sommeil, celui auquel il avait confié ses angoisses les plus intimes.
Oui, Gibbs l’aimait, mais il aurait voulu que chacun sache la place qu’il occupait dans son cœur pour que tout soit clair et qu’il puisse vivre son amour sans crainte. Il en avait parlé à son amant mais celui-ci faisait la sourde oreille la plupart du temps, ou alignait des arguments pour lui prouver que tout allait bien ainsi : pourquoi changer ce qui fonctionnait ? « Pour vivre heureux, vivons cachés ».
Mais il aurait aimé ne plus se cacher parce qu’il savait que parfois, Gibbs le laissait à l’écart à des moments où il aurait eu besoin de lui, juste parce que d’autres étaient auprès de lui, d’autres qui ne pouvaient pas le comprendre autant que lui le comprenait, d’autres qui lui auraient laissé la place s’ils avaient su.
Je veux cette place différente
Celle de l´âme soeur, de la présence
Qui sait porter secours
- Hé Tony ! Tu viens jouer avec nous ?
Il sourit à McGee qui s’amusait comme un petit fou avec le pistolet à eau qu’il avait arraché à Ziva. Dieu que ces deux-là pouvaient être gamins par moment ! Soudain il se sentait l’âme d’un grand frère indulgent, riant de l’immaturité de ses cadets.
Tandis qu’Abby se lançait à son tour dans la bataille avec un hurlement sauvage qui fit sursauter Ducky et Vance en grande conversation, il se retourna vers Gibbs qui était en train de déposer les grillades sur un plat. Il aurait aimé se diriger vers lui et l’enlacer, poser sa tête sur son épaule comme il le faisait lorsqu’ils n’étaient que tous les deux, mais il ne pouvait pas se permettre ce geste et une fois de plus il sentit la frustration l’envahir tandis que des larmes lui montaient aux yeux qu’il s’empressa de chasser en clignant rapidement des paupières.
Il se dirigea vers la table où il s’installa juste avant que Gibbs n’appelle les autres convives à les rejoindre. Chacun se choisit un siège dans une agréable pagaille tandis que le chef de groupe déposait son fardeau au milieu de la table.
A ce moment-là leurs regards se croisèrent et Tony sentit son cœur se gonfler d’amour et il lutta avec lui-même pour ne pas se relever et aller étreindre son amant. Celui-ci n’était pas prêt et ne le serait peut-être jamais.
Viens te raccrocher à moi
Mon coeur est une terre d´asile
Pour que tu trouves les pas tranquilles
Vers ton amour
Chacun était installé et soudain un tintement interrompit le brouhaha. Tout le monde se tourna vers Gibbs qui venait ainsi d’attirer l’attention en tapant son couteau contre son verre.
- Bien… Je suppose que vous vous demandez pourquoi je vous ai tous réunis aujourd’hui…
- Pour goûter ta sublime cuisine ? rétorqua Abby de ce ton un peu insolent qu’elle était la seule à pouvoir prendre avec leur chef.
- Oui… Ca aussi, sourit celui-ci avant de reprendre : j’ai surtout voulu vous réunir pour vous mettre au courant de quelque chose d’important.
- Gibbs !!! Tu n’es pas malade hein ? Dis-moi ? Tu vas bien ? Tu n’as pas…, s’affola aussitôt la laborantine.
- Abby, je vais très bien ! Et si tu arrêtais de m’interrompre toutes les secondes, tu saurais ce que je veux dire, répliqua-t-il.
- D’accord. Je me tais… Je t’écoute. Vas-y. Tu peux parler. Je ne dis plus un mot. Promis, juré, je me…
Ziva posa sa main sur la bouche de la scientifique afin de la réduire au silence sous les rires des autres membres de l’assemblée. Gibbs lui ne riait pas, pas plus que Tony : leurs regards venaient de s’accrocher et le plus jeune se sentit soudain oppressé tandis que son cœur se mettait à battre la chamade. D’un seul coup il comprit pourquoi ils étaient tous là .
- Merci Ziva, reprit Gibbs en reportant son attention sur la tablée. Voilà, je voulais simplement vous dire que Tony et moi nous sommes ensemble depuis un an et que je n’ai jamais été aussi heureux de ma vie.
Fais tomber les armures
Viens casser pierre à pierre tous les murs
Et combler les distances qui t´éloignent de moi
Je partage tes blessures
Je comprends tes erreurs, tes ratures
Si tu me dis les mots que tu pensais tout bas
Viens jusqu´à moi
Viens jusqu´à moi
- Ensemble ? Comment ça ensemble ? s’ébahit MacGee tandis qu’Abby poussait un hurlement de joie avant de se jeter au cou de Gibbs puis à celui de Tony et que Ziva envoyait un grand coup de coude dans les côtes du jeune agent histoire de lui remettre les idées en place.
- Tony et moi nous nous aimons, continua Gibbs dès qu’il le put. Je ne suis pas en train de vous demander votre bénédiction : que ça vous plaise ou non c’est ainsi.
Et en disant ces mots il regardait plus précisément le directeur Vance qui se contenta d’incliner la tête, signifiant que le message était bien passé et le chef de groupe enchaîna :
- Nous sommes une équipe et je pense qu’il est important que nous sachions ce qui se passe d’important dans la vie de chacun d’entre nous. Alors voilà, maintenant vous savez : j’aime Tony ! Il est ce qui m’est arrivé de mieux depuis bien longtemps et je ne veux plus que nous nous cachions.
- Rassure-moi : vous n’allez pas vous papouiller à longueur de temps devant nous ? questionna Ziva, s’attirant un regard meurtrier des deux amants alors qu’Abby protestait :
- Et pourquoi pas ? Ils sont si choux !!!
Chacun éclata de rire à l’attribut qui s’il était déjà étrange pour Tony, ne s’appliquait franchement pas à Gibbs.
Le plus jeune qui avait retenu sa respiration durant tout ce temps sentit l’étau qui enserrait sa poitrine se relâcher un peu : visiblement le monde ne s’était pas écroulé et quand bien même il sentait qu’il allait passer au troisième degré, pour le moins, avec certains de ses collègues, aucun de ceux-ci ne semblait choqué par la nouvelle et Vance lui-même arborait désormais un sourire indulgent qui pour flippant qu’il puisse être sur ses lèvres, semblait indiquer qu’il ne voyait pas leur liaison d’un mauvais œil.
Et puis il cessa de s’intéresser aux réactions de leur entourage quand Gibbs tendit la main vers lui.
Viens jusqu´à moi, viens jusqu´à moi...
- Pourquoi ? souffla-t-il lorsqu’il fut dans les bras de l’homme qu’il aimait.
- Parce que je sentais que tu en avais besoin.
- Mais pourquoi comme ça ? Pourquoi aujourd’hui ?
- Pourquoi pas ? Et puis peut-être que j’en avais besoin aussi. Tu es fâché ?
- Je devrais l’être, mais je ne peux pas. Je t’aime.
- Pas autant que moi je t’aime, murmura le plus âgé avant de prendre sa bouche dans un baiser exigeant et tendre.
Tout à leur amour, aucun des deux ne prêta attention aux sifflets et vivats qui saluèrent leur étreinte. Ils étaient dans un monde où il n’y avait qu’eux deux.
FIN
Chanson d’Elodie Frégé