Reclassement d'une petite fic offerte à Peggy Wolf l'an passé.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Donald P. Bellisario & Don McGill. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Ecris ta vie sur moi
- Abby…
- Quoi ?
La laborantine se retourna avec vivacité, et à la moue qui retroussait ses lèvres, à la lueur furieuse de ses yeux noirs, Gibbs comprit que sa protégée n’était pas dans les meilleurs dispositions d’esprit.
- Je venais voir si…
- Si j’avais des résultats, bien sûr ! C’est tout ce que je suis ici, un fournisseur d’indice, un révélateur de pièces à conviction, une sorte de robot aux bons plaisirs de ces messieurs. Une analyse Abby ! Et pour hier ! Abby, tu ne pourrais pas désosser cette voiture histoire de trouver une empreinte ? Abby, tu peux passer ça au séquenceur ADN ! Abby tu…
- D’accord ! Qu’est-ce qu’il a encore fait ?
Stoppée net dans sa diatribe, la jeune femme regarda son chef puis interrogea à son tour :
- De quoi tu parles Gibbs ? Qui a fait quoi ?
- Allons Abby, je te connais comme si je t’avais faite ! Si tu es de cette humeur soit c’est que tu manques de soda, et visiblement étant donné le nombre de gobelets sur ta paillasse ce n’est pas le cas, soit que cet imbécile de McGee a encore fait des siennes.
- Je te défends de dire de McGee qu’il est un imbécile ! C’est…
- Un imbécile…
La voix venant de derrière eux les fit sursauter. Ils se retournèrent d’un bloc vers le jeune agent qui venait à son tour de pénétrer dans le laboratoire. Sur le visage parfois un peu mou de celui-ci, Gibbs lut une certitude, une autorité qu’il ne lui avait jamais vue et il s’écarta de lui-même tandis que Tim s’avançait vers Abby.
- Excuse-moi mon cœur, excuse-moi, je suis un imbécile, c’est vrai. C’est que tu m’as surpris vois-tu… Je ne m’y attendais pas et…
Ni l’un ni l’autre ne s’aperçut que Gibbs, avec un sourire presque paternel, s’éclipsait discrètement, interceptant au passage Di Nozzo qui débouchait à son tour dans la pièce et lui intimant d’un regard impitoyable de ne pas laisser fuser la phrase ironique qui visiblement lui montait aux lèvres à la vue de « Macjolicoeur » serrant Abby contre lui dans l’enceinte de l’agence, ce qui était totalement contraire à la règle n° il ne savait quoi de leur chef direct et à la ligne de conduite générale du bureau.
Restés seuls sans même en avoir conscience, les deux amants se regardèrent puis, doucement, Tim attira Abby vers le canapé qui meublait son coin bureau et il s’assit, l’enlaçant :
- C’était un malentendu Abby…
- Mais tu as dit…
- Je sais ce que j’ai dit... Oublie-le ! Ce qui compte vraiment c’est ce que je te dis maintenant :
Mets tes mots sur mes lèvres
Et ta main sur mon cœur
Écris ta vie sur moi
Tes rêves sur ma peau
Comme un frisson sur l´eau
Qui n´en finirait pas.
- Tim…
Doucement il posa les doigts sur les lèvres aimées : l’empêcher de parler, l’empêcher de partir dans l’un de ses discours plus ou moins abscons où il n’arriverait pas à en placer une. Juste l’obliger à écouter, pour pouvoir lui dire enfin ce qu’il n’avait jamais réussi à lui dire, ce qu’il avait toujours retenu au fond de lui, ce qui pourtant lui semblait essentiel.
Abby était son rayon de soleil, celle qui l’encourageait, jour après jour, à aller de l’avant, celle qui avait fait de lui un homme meilleur.
Pourtant près d’elle il avait toujours été sur le qui-vive, se demandant si un jour sa fée ne reprendrait pas son envol pour un ailleurs où il n’aurait pas sa place. C’est qu’elle était si imprévisible son Abby : ce n’était pas un oiseau que l’on pouvait mettre en cage, elle était libre et belle de cette liberté. Alors il avait toujours eu peur que les mots qui lui brûlaient les lèvres ne l’incitent à fuir, de peur de perdre son individualité, son autonomie, sa façon d’être si particulière.
Mais à cet instant, il avait ouvert les vannes et, quoi qu’il doive advenir de cela, il voulait qu’elle l’écoute, jusqu’au bout…
Accroche tes jours à mes nuits
Comme un soleil à mon ennui
Une autre vie qui recommence
Ouvre les pages de mon enfance
Et, de ta plus belle écriture,
Écris l´amour sur mes blessures.
Les mots coulaient librement et elle n’essayait plus de parler, les yeux rivés aux siens, ces yeux qu’il voyait s’emplir de larmes.
Les larmes ! Dieu qu’il s’en voulait de les avoir fait couler sur les joues aimées ! Ce n’était pas ce qu’il avait voulu, mais elle l’avait tellement surpris.
Il y avait plus de six mois qu’ils sortaient ensemble à l’insu de tous, ou du moins, à ce qu’ils en avaient cru. Visiblement, Gibbs au moins devait être au courant s’il en jugeait par les propos qu’il avait surpris lorsqu’il avait enfin rassemblé assez de courage pour revenir affronter celle qu’il aimait.
Six mois de bonheur, de crainte, de joie pure, de folie par moments… Et ce secret qu’ils croyaient bien gardé ajoutait à la magie de leur relation. C’était Abby surtout qui y tenait, qui avait besoin de cette part de mystère, de cette sorte de clandestinité qui donnait du piment à une relation qui, sinon, lui aurait semblé diablement « plan plan », bien loin de la vie trépidante qu’elle imaginait dans ses rêves.
Bien évidemment il avait acquiescé à tout ce qu’elle suggérait, trop heureux qu’elle soit à lui, qu’elle l’accepte, lui, le petit dernier de l’équipe, le « bleu » qui ne s’écartait pas du manuel, incapable de tenir tête à ce séducteur de DiNozzo, toujours intimidé par le charisme de son chef, encore bien peu conscient de sa propre valeur. Alors ce qu’elle voulait était pour lui parole d’évangile. Pourtant de son côté, il aurait tant aimé officialiser, lui dire les mots qui lui feraient comprendre qu’il voulait plus, mieux peut-être, en tout cas autre…
Viens graver ton chemin
Dans le creux de ma main
Je guiderai tes doigts
Viens broder ta mémoire
Au fil de mon histoire
Écris ta vie sur moi
C’était devenu une évidence : tant qu’Abby voudrait de lui, il devrait vivre dans l’ombre, dans son ombre… Mais son ombre lui suffisait, parce que même là il recevait plus de soleil qu’en plein zénith là où elle ne serait pas.
Alors quand la veille au soir c’était elle qui avait parlé de s’installer ensemble, de faire une grande fête pour annoncer qu’ils étaient en couple et d’officialiser enfin leur relation, il était resté sans voix, trop interloqué pour pouvoir émettre autre chose qu’un vague :
- Quoi… mais… pourquoi ?
Avec son enthousiasme habituel, Abby s’était attendu à un transport de joie, à des exclamations ravies, à une étreinte torride peut-être pour la remercier d’envoyer ainsi cul par-dessus tête tout ce en quoi elle avait dit croire jusqu’à présent. Alors cette réaction l’avait précipitée dans des abîmes de perplexité qui n’avaient pas tardé à se transformer en certitude que Tim ne l’aimait pas autant qu’elle le croyait, pas autant qu’elle-même l’aimait. Et une fois que la jeune femme avait enfourché ce cheval de bataille, il n’avait plus rien pu dire. Il n’avait pas tardé à se retrouver dehors, abasourdi, étourdi, estomaqué, n’arrivant pas vraiment à comprendre ce qui s’était passé, ni comment, ni pourquoi… Et surtout pourquoi il avait laissé passer cette chance qu’il avait pourtant si longtemps espérée.
Après une nuit blanche à tourner et retourner tous ces mots qu’il n’avait pas su dire, il était arrivé au bureau, bien déterminé à ne pas laisser le soleil se coucher une nouvelle fois sur un malentendu entre eux.
Avant que le temps nous emporte
Vers d´autres peaux, vers d´autres portes
Je veux rêver d´un avenir
Je veux graver ton souvenir
Sur tout mon corps, de tout mon être
T´appartenir et te connaître
Et puis mourir et puis renaître
Elle l’écoutait et elle sentait son cœur fondre de tendresse et de bonheur. Comment avait-elle pu être assez sotte pour penser, l’espace d’un moment, que son Tim ne l’aimait pas autant qu’il lui semblait ? Mais c’était tout elle ça : emportée, trop vive, incapable de se poser, instable en un mot… Elle passait de l’enthousiasme le plus pur à la déprime la plus noire sans laisser aux autres le temps de s’adapter…
Elle avait bien de la chance d’avoir en face d’elle un homme doux, bon, amoureux, qui l’acceptait telle qu’elle était, qui l’aimait telle qu’elle était…
Elle l’écoutait et elle savait qu’entre eux c’était pour toujours…
Elle l’écoutait et tandis qu’il terminait, il glissa soudain à genoux devant elle, prit son doigt et y glissa un magnifique diamant :
Je suis un livre ouvert
Un histoire à refaire
Écris ta vie sur moi
- Tim… Oh Tim… Je l’adore ! Je l’adore ! Viens ! Viens on va la montrer aux autres ! Je veux qu’ils sachent ! Elle est magnifique !
Elle était debout, des étincelles plein les yeux, regardant tour à tour la bague qui luisait à son annulaire et l’agent fédéral qui s’était relevé, un peu gauche, ne sachant toujours pas vraiment ce qu’il devait dire ou faire. Il était conscient que ce serait toujours comme ça : Abby serait toujours Abby et il y aurait sans doute d’autres surprises, d’autres malentendus, des querelles peut-être… Mais elle était son Abby et c’était tout ce qui pensait.
- Allez ! Viens ! Je veux leur dire ! Maintenant ! s’impatientait-elle en le tirant par la main vers les ascenseurs.
- Abby !
Le ton de commandement si inhabituel dans la voix de McGee stoppa les transports enthousiastes de la laborantine qui se tourna vers lui, interloquée :
- Quoi…
- Tu ne m’as pas répondu…
- Comment ça, pas répondu…
- Tu ne m’as pas dit si tu acceptais !
Ses yeux s’écarquillèrent, comme si il venait d’énoncer une énormité :
- Mais… Bien sûr que j’accepte ! Bien sûr ! C’est évident que j’accepte ! D’ailleurs je veux me marier maintenant, tout de suite ! Allez viens ! On va chercher Gibbs ! Il est mon témoin ! Et Ziva est ma demoiselle d’honneur et Tony est ton témoin… On y va ! On va trouver le juge de paix !
Il sourit, imaginant la noce : lui emprunté, étourdi, elle dans la tenue grunge qu’elle arborait ce jour-là, la demoiselle d’honneur vêtue d’un pantalon de treillis et d’un débardeur, éventuellement tâchés de sang selon les activités à laquelle se serait livrée ladite demoiselle durant les instants qui précèderaient la cérémonie, son propre témoin tiré à quatre épingles arborant un sourire moqueur qui lui donnerait envie de lui écraser son poing sur la figure et Gibbs accompagnant la mariée devant l’officier d’état civil et fixant sur lui un regard glacé lui signifiant sans détour que si jamais il se comportait encore comme « un imbécile », il aurait à faire à lui ! Ah oui, ce serait une sacrée cérémonie !
Mais ce serait la plus belle des cérémonies, parce qu’Abby deviendrait sa femme et qu’ensemble ils commenceraient une nouvelle vie, une vie qui en vaudrait le coup, une vie qui serait belle, longue et heureuse.
Lui et Abby… Toute une vie à écrire. Et ça commençait maintenant tandis que ses lèvres trouvaient celle de sa belle, un instant calmée par la douce étreinte. Puis leurs bouches se désunirent et il se résigna à suivre la tornade à laquelle il venait d’enchaîner volontairement le reste de ses jours, pour le meilleur, il en était sûr !
FIN
Chanson de Yves Duteil