Reclassement de la songfic offerte à Aynath l'an passé.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Léonard Freeman, Alex Kurtzman, Roberto Orci, Peter M. Lenkov. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Songfic basée sur l'épisode où Steve retourne chercher le corps de son ami Freddy en Corée.
L’absent
Il se tenait là, au garde à vous, figé tandis que retentissaient les détonations.
Il se tenait là et il se souvenait : ce premier jour, ce premier regard, ce sourire à peine esquissé.
Freddie… un partenaire, un camarade, un copain…
Freddie… son frère d’armes…
Freddie… un ami.
Qu´elle est lourde à porter l´absence de l´ami,
L´ami qui tous les soirs venait à cette table
Et qui ne viendra plus, la mort est misérable,
Qui poignarde le cœur et qui te déconstruit.
Ca n’avait pas toujours été rose ni pour eux ni entre eux. Cette bagarre ce soir où l’Enseigne Hart avait eu un moment de faiblesse, il lui semblait en avoir encore mal à la mâchoire !
Devait-il s’enorgueillir de l’avoir détourné de ce qui semblait être sa voie ce soir-là ? Devait-il au contraire s’en vouloir en pensant que, peut-être, s’il l’avait laissé sonner le troisième coup, Freddie serait toujours là aujourd’hui ?
Il imaginait bien la bourrade que son pote lui aurait envoyée s’il avait su ce qui lui passait par la tête. Freddie n’était pas un type à se tournebouler la cervelle pour rien : « Ce qui doit se passer se passer mon vieux ! » lui avait-il dit un jour où Steve s’était perdu dans des considérations que son ami trouvait stupides parce que stériles. « Ca ne sert à rien de se demander et si… mais… pourtant… » disait-il aussi.
Il en disait des choses Freddie : des conneries bien souvent, mais aussi de ces phrases qui avaient le dons de les faire rire dans les pires moments ou de leur redonner le courage un instant dissipé…
Il avait dit un jour : "Lorsque je partirai
Pour les lointains pays au-delà de la terre,
Vous ne pleurerez pas, vous lèverez vos verres
Et vous boirez pour moi à mon éternité."
Il s’en souvenait comme si c’était hier de cette soirée. C’était aussi à un enterrement : l’un des leurs avait laissé sa peau dans un putain de coin d’une saloperie de désert quelconque, il ne savait plus vraiment où, ou plutôt, il préférait penser qu’il ne savait plus où. Chacun d’eux entamait le panégyrique du disparu qui était au demeurant une sacrée ordure, mais qui était des leurs : c’était aussi un frère d’armes.
Freddy ne leur avait pas laissé le loisir de s’attendrir sur le sort du défunt ou de s’inquiéter de leur propre sort. Il leur avait sorti cette phrase sur le fait que pour sa part il espérait bien que ses copains ne joueraient pas les pleureuses mais prendrait une cuite à sa santé. Ensuite ils s’étaient lâchés, osant enfin ce qu’ils avaient sur le cœur et les chiens de leurs chiennes qu’ils gardaient à cet enfoiré de Bill qui finalement allait sans doute foutre un peu le boxon chez Satan où de toute façon ils le retrouveraient tous tôt ou tard.
Oui… Il était comme ça Freddie… Et à ce moment précis, devant la tombe béante, son visage souriant, ses éclats de rire tonitruant résonnaient à sa mémoire et lui serraient le cœur.
Dans le creux de mes nuits, pourtant, je voudrais bien
Boire à son souvenir pour lui rester fidèle,
Mais j´ai trop de chagrin et sa voix qui m´appelle
Se plante comme un clou dans le creux de ma main.
Et s’il l’avait laissé sonner la cloche ? Et s’il avait plutôt choisi un autre partenaire ?
« Et si ma tante en avait… » chantonna la voix de Freddie à ses oreilles…
Il savait bien qu’il ne changerait rien à ce qui s’était passé. Freddie était devenu le meilleur SEAL qui soit parce qu’il était fait pour ça, forgé de ce métal qui font les grands guerriers. Privé de sa dose quotidienne d’adrénaline, il n’aurait jamais été qu’un obscur tâcheron de la vie, sans joie et sans but… Et sans doute que la magnifique Kelly n’aurait pas fini par épouser ce camarade de lycée si peu fidèle à leurs ambitions d’alors.
Freddie avait suivi la voie qui lui était tracée, celle sur laquelle il était écrit qu’une nuit, l’Enseigne Steven McGarrett l’empêcherait de faire la connerie de sa vie en se laissant aller à une petite minute de découragement, cette voie qui l’avait amené dans ce trou perdu de Corée du Nord où il avait laissé sa grande carcasse.
« Fais ton job ! Merde ! Fais ton job ! »
Combien de fois avait-il entendu résonner cette phrase depuis qu’il l’avait vu tomber là-bas, fermant les yeux sur ses espoirs de mari et de père pour lui sauver la peau, lui permettre de mener à bien leur mission ? Combien de fois, de là où il était, Freddie lui avait-il de nouveau sauvé les fesses par ces trois mots qui le poussaient en avant : « Fais ton job ! »
Et son job il l’avait fait, cette fois-ci encore, en le ramenant parmi les siens, pauvre dépouille mutilée d’un héros auquel il devait d’être là aujourd’hui.
Alors je reste là au bord de mon passé,
Silencieux et vaincu, pendant que sa voix passe
Et j´écoute la vie s´installer à sa place,
Sa place qui pourtant demeure abandonnée.
Il se souvenait de leur conversation dans l’avion qui les emmenait vers ce qui était, pour Freddie, un voyage sans retour. Il se remémorait le sourire imbécile peint sur les lèvres du tout nouveau jeune marié, futur papa, heureux comme un gamin de ce qui lui arrivait, excité par cette mission à deux… La vie lui souriait, leur souriait… de ce sourire hypocrite qui l’avait directement propulsé dans les bras de la Camarde.
S’il avait su… S’il avait pu… Aurait-il fait autrement ? Aurait-il laissé Freddie à la base ? Aurait-il choisi un autre équipier ? Aurait-il échangé les rôles ?
Il l’avait laissé derrière lui, parce que c’était son devoir, parce qu’il savait que rien ne sauverait Freddie, que celui-ci en était conscient et qu’il refuserait de sacrifier une autre vie pour la sienne qui ne valait déjà plus rien. Il l’avait laissé derrière lui et durant trois ans il ne s’était pas passé une journée sans qu’il pense à lui, sans qu’il se demande ce qu’il aurait pu faire autrement pour que les événements soient différents…
« Fais ton job ! »
Il avait continué d’avancer, sans Freddie, sans son père, mais pour eux et par eux. Il avait continué d’avancer et de grandir, continué de remplir sa mission pour être digne de ceux qui s’étaient sacrifiés pour qu’il poursuive sa route.
La vie de chaque jour aux minuscules joies
Veut remplir à tout prix le vide de l´absence
Mais elle ne pourra pas, avec ses manigances,
Me prendre mon ami pour la seconde fois.
Aujourd’hui Freddie était de retour chez lui. Il retrouvait la terre de son pays natal plutôt que celle dure et sèche de la Corée. Il aurait une pierre tombale où on viendrait se recueillir et lui parler plutôt qu’un trou anonyme au milieu de nulle part…
Freddie était rentré chez lui, auprès de ses parents, de sa femme, de cette petite fille qu’il aimait tant et qu’il n’avait pas connue.
Freddie était rentré chez lui, mais il n’entendrait plus sa voix, son rire n’exploserait plus à ses oreilles, ses grandes mains ne s’abattraient plus jamais sur son épaule, le faisant trébucher et râler…
Freddie étaient rentré chez lui, dans une boîte recouverte du drapeau américain… Il était rentré chez lui avec les honneurs dus à son sacrifice. Il serait un héros dans la mémoire de ses parents, de sa femme, de son enfant comme il était un héros dans la sienne depuis ce jour où dans le rétroviseur, il l’avait vu s’effondrer sur son fusil-mitrailleur, sachant que déjà la vie avait quitté son corps.
Freddie était rentré chez lui… Et lui, McGarrett, se sentait toujours aussi mal, aussi sale, aussi seul…
Qu´elle est lourde à porter l´absence de l´ami.
Qu´elle est lourde à porter l´absence de l´ami!
- Viens Steve…
Cath était là, à ses côtés, elle qui était venue l’aider à ramener Freddie, elle qui savait ce qu’il ressentait. Et puis il y avait sa Ohana : Danny, Kono, Chin… Ils étaient tous là…
Non… Il n’était pas vraiment seul…
« Fais ton job ! »
Oui, il ferait son job, en souvenir de Freddie, en souvenir ce ceux qui l’avaient amené où il en était et pour ceux qui étaient là, à ses côtés….
Steve McGarrett se releva, salua une dernière fois le cercueil qu’on venait de descendre dans la fosse puis il s’éloigna sans se retourner, comme il l’avait fait ce jour-là… Et un grand éclat de rire résonna alors dans son cœur et dans sa tête.
Freddie était revenu chez lui.
FIN
Chanson de Gilbert Bécaud