Un des derniers reclassements: histoire destinée à Angie.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Brad Wright & Jonathan Glassner. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Avoir une fille
Jack O’Neill était nerveux et quand Jack O’Neill était nerveux, c’était tous ses subordonnés qui tremblaient…
- Du calme, il ne te mangera pas, susurra une voix à l’oreille du colonel, tandis qu’une main douce venait se poser sur la sienne, arrêtant le mouvement qui l’agitait comme si elle avait été douée de vie propre.
- Ca reste à voir…, maugréa l’homme.
Puis il fixa les yeux sur la femme qu’il aimait et ses yeux s’emplirent d’amour, chassant l’appréhension et la mauvaise humeur.
- Si tu veux, on peut annuler.
- Pas question… Ou… Tu veux ?
Il y avait beaucoup d’inquiétude soudain et dans la voix et dans les prunelles chocolat aussi Sam s’empressa de le rassurer d’un sourire et d’un regard où elle fit passer tout son amour, la présence des autres membres de l’équipe et de quelques dizaines d’autres manipulateurs et officiers dans la grande salle l’empêchant de déposer sur les lèvres de son amant les baisers qu’elle aurait voulu lui accorder.
Mais avant qu’elle ait pu répondre, la porte s’activa. Elle sentit la nervosité de son compagnon et elle sourit : qui aurait cru que le colonel O’Neill, par ailleurs si courageux, pouvait se révéler si nerveux, si adorablement nerveux ajouta-t-elle en son fort intérieur, pour une démarche somme toute banale qui ne faisait que légitimer ce que chacun ici savait depuis longtemps quand bien même la loi de non fraternisation, heureusement récemment abolie, avait interdit à quiconque de le mentionner ?
Puis Jacob fut là, avec cette prestance inégalée pour elle, jusqu’à ce qu’elle rencontre son Jack ! Elle s’avança pour saluer le dirigeant avant d’embrasser le père. Celui-ci lui rendit son étreinte de manière presque informelle, son regard ayant tout de suite cherché et trouvé celui qu’il venait voir. Il repoussa gentiment sa fille et ordonna d’une voix forte :
- Avec moi O’Neill !
- Papa…
- Plus tard Sammy… J’ai à parler avec le colonel O’Neill.
On aurait dit que toute la misère du monde venait de s’abattre sur les épaules du malheureux colonel dont le visage s’était vidé du peu de couleurs qui lui restaient encore un instant auparavant. Sam l’encouragea du regard tandis que les autres membres de l’équipe le regardaient, mi-figue, mi-raisin. Sans plus discuter, il emboîta le pas de Jacob Carter. De toute façon il n’avait pas vraiment le choix.
Avoir une fille, une petite opale
Des yeux qui brillent, une peau si pâle
Avoir une fille, c'est faire une femme
Une petite virtuose avant ses gammes.
Arrivé dans la petite salle de réunion mise à sa disposition, Jacob Carter s’arrêta et se retourna pour toiser l’homme qui lui faisait face, l’air penaud comme un enfant qui s’attend à être sévèrement réprimandé. Le chef de la Tok’ra dissimula un sourire mi-amusé mi attendri à voir ce grand gaillard subitement embarrassé de son corps, ce beau parleur visiblement rendu muet…
Mais il n’avait pas pour autant l’intention de lui faciliter la tâche. Ca faisait partie de la règle du jeu et il aimait jouer !
Avoir une fille, un cœur de sable
Cadeau de Dieu, cadeau du diable
Avoir une fille, c'est faire un crime
Où le coupable est la victime
Avoir une fille.
- Sam m’a dit que vous aviez quelque chose à me dire ?
- Oui… C’est… Enfin… Vous savez…
- Si je savais colonel, je ne serai pas là ! Vous imaginez bien que j’ai mieux à faire que les voyages intergalactiques pour venir apprendre des réponses que j’aurais déjà ! Si j’ai là un exemple de votre sagacité j’ai bien du mal à comprendre comment vous avez pu parvenir au rang que vous occupez actuellement. Je suis même inquiet de savoir ma fille dans votre équipe…
Il jouait…. Il jouait avec lui pour le simple plaisir, parce qu’il était heureux pour sa Sammy. Il savait bien sûr que Jack était un brave type, il l’avait toujours su, comme il savait que Sam était éperdument amoureuse de lui et que son amour était partagé. D’ailleurs, si O’Neill s’était avisé de jouer avec elle, avec SA Sammy, il lui en aurait fait passer le goût, le goût de beaucoup de choses d’ailleurs, depuis bien longtemps.
Mais il avait un rôle à jouer, un rôle qu’il préparait depuis le premier jour, ce jour où on lui avait glissé dans les bras un petit paquet de linge d’où émergeaient deux agates bleues. Et lorsqu’il avait croisé ce regard, il avait été irrémédiablement perdu.
Elle est ma vie, elle est mon sang
Elle est le fruit de mes élans*
Et je maudis tous ses amants
Elle est ma vie, elle est mon sang
Et je maudis tous ses amants.
Il avait toujours dissimulé au plus profond de lui cet élan qui le poussait vers sa fille, cet instinct qui l’incitait à l’enfermer loin de tout, du monde cruel, des dangers innombrables et bien sûr des hommes, ces prédateurs qui ne pourraient manquer à leur tour de se laisser prendre au piège des yeux bleus et des boucles blondes. Pourtant il l’avait laissée vivre sa vie, parce que c’était là qu’était son devoir de père.
Même s’il s’inquiétait pour elle, même s’il tremblait parfois, il savait que Sam n’était pas un animal de compagnie qu’on soumet à sa volonté et qui ne bouge pas tant qu’elle n’en a pas reçu l’ordre. Sam lui ressemblait : elle était intelligente, vive, volontaire et libre ! Sam ne serait jamais heureuse si on cherchait à la brider. Alors il l’avait encouragée à faire ses propres expériences, veillant sur elle de loin, tentant d’apprivoiser ses craintes et de se dire que, quoi qu’il fasse, elle devait faire ses propres choix, ses propres expériences, ses propres erreurs.
Avoir une fille, c'est trembler de peur
Qu'elle se maquille pour un menteur
Avoir une fille, c'est plus jamais
Traiter les femmes comme je l'ai fait
Avoir une fille.
Des erreurs finalement, il n’y en avait pas eu tant que cela… Quelques godelureaux mal fichus, provocateurs et finalement assez insipides durant la crise d’adolescence… Des gamins qui étaient passés comme des météores, Sam étant bien trop intelligente pour se fourvoyer à long terme dans des relations simplement destinées à agacer son géniteur. Un ou deux amants qu’il n’avait pas appréciés outre mesure… Ce Pete qu’il avait haï du plus profond de son être pour le mal qu’il avait fait à sa fille…
Mais Sam était sortie grandie de tout cela et son cœur était peut-être plus fort encore. Aujourd’hui elle savait parfaitement ce qu’elle voulait et ne voulait plus…
Même si lui restait sur le qui-vive, toujours alarmé à l’idée qu’on se joue d’elle, qu’on lui fasse du mal. Malgré son intelligence, sa petite fille était à ses yeux trop sentimentale, trop douce pour ne pas être un jour la proie d’un de ces sales types qui briseraient son petit cœur si doux.
Je hais les hommes et leurs regards
Je sais leurs ruses et leurs victoires
Et quand viendra le jour où l'un d'eux
Me prendra ma fille en m'appelant monsieur
Alors ce jour et pour toujours
Je fermerai à double tour
Mon cœur et je deviendrai sourd.
Finalement ils en étaient là… C’était le moment qu’il avait redouté depuis le premier jour, le moment où il allait devoir s’effacer, ou, dans le cœur de son enfant, il ne serait plus le premier, le seul, celui vers lequel elle se tournerait naturellement en cas de besoin.
Il se morigéna intérieurement : assez de mélo ! Il y avait bien longtemps que Sam se débrouillait sans lui, bien longtemps qu’elle ne venait plus le chercher pour soigner ses petits ou ses gros bobos, bien longtemps qu’elle ne lui demandait plus son avis sur la manière de mener sa vie.
Il y avait bien longtemps aussi que Jack l’avait supplanté dans le cœur de sa fille, et il en était conscient. D’ailleurs non, supplanté n’était pas le mot : pour Sam il aurait toujours une place à part, une place que personne ne pourrait jamais prendre, cette place du père qu’un seul être peut occuper même si la vie vous éloigne, vous sépare parfois, même si, au fil du temps, un autre ou d’autres hommes viennent occuper le principal de vos pensées, posséder votre cœur, votre corps et votre âme, cette place-là, grande ou infime, elle reste toujours occupée par la seule personne qui l’ait marquée de son empreinte.
Et tant qu’à faire, s’il devait donner Sam à quelqu’un, autant que ce soit à cet homme, un guerrier valeureux qu’il avait appris à apprécier et auquel il savait pouvoir faire confiance pour prendre le relais et veiller sur son enfant.
Avoir une fille c'est continuer à espérer
Et croire encore que quand viendra le jour de ma mort
Elle portera tout au fond de son corps
Cette étincelle de celui ou celle qui à son tour
Et par amour viendra crier le cœur si lourd.
- Monsieur…
- Jacob !
- Jacob… Je … Enfin…
Bordel ! Il était lamentable ! Il allait se faire jeter comme un malpropre ! Si sa Sam le voyait à ce moment-là, nul doute qu’elle n’aurait plus aucune envie de partager ses jours. Après tout, que pouvait-il lui arriver ? Etre désintégré par un rayon laser ? Etre envoyé au fin fond de l’univers ? Voir son corps occupé par il ne savait quelle drôle d’entité ?
Il aurait été capable d’affronter le diable et ses séides, tous les Goal’ud de la création et même les anges et leurs légions pour Sam… Il n’allait tout de même pas se dégonfler devant… euh… Jacob… Son père… Enfin…
Il ferma les yeux quelques secondes, prit une grande inspiration puis, relevant les paupières, il lâcha d’une bordée :
- Jélonneurdevousdemandélamaindevotrefille.
- Plaît-il ? Vous n’êtes pas très clair jeune homme. On ne vous apprend donc pas à articuler dans vos écoles d’officiers ? Si vous passez vos ordres de cette manière là, je crains le pire pour vos subordonnés.
Jack ferma spasmodiquement les poings : il y allait fort le beau-père… futur beau-père… à condition bien sûr qu’il arrive à obtenir son accord, ce qui n’était visiblement pas gagné. Il inspira de nouveau puis, en articulant exagérément cette fois-ci, il reprit :
- J’ai l’honneur de vous demander la main de votre fille.
- Oh… Et Sam… Elle en dit quoi ?
Il le regarda, interloqué :
- Elle est d’accord bien sûr.
- Autrement dit, vous lui avez demandé avant d’avoir ma permission… Ce qui fait que, connaissant ma fille, quelle que soit ma réponse, elle n’a aucune valeur en vérité.
- Euh… Si bien sûr… Enfin… Non… Oui… Mais…
A ce moment-là la porte s’ouvrit à la volée et une Sam au regard courroucé fit irruption dans la salle :
- Ca suffit papa maintenant ! Tu arrêtes de tourmenter Jack ! Tu lui dis oui et c’est tout ! Je ne t’ai pas fait venir pour autre chose.
Du rire plein les yeux, Jacob Carter écarta les bras en signe de défaite :
- Dit comme ça… D’accord.
- D’accord quoi ? demanda Jack serrant contre lui sa fiancée comme on s’accroche à une bouée.
- D’accord, vous pouvez épouser ma fille…
Dès le départ il avait su bien sûr qu’il donnerait cette permission, d’abord parce que Sam aurait difficilement pu trouver mieux que le colonel, bientôt général d’ailleurs, mais aussi parce que, comme il l’avait si bien signalé, de toute façon elle se serait passée de sa permission dans le cas contraire, quand bien même cela leur aurait brisé le cœur à tous les deux.
Avoir une fille, une petite opale
Des yeux qui brillent, une peau si pâle
Avoir une fille, c'est faire un crime
Où le coupable est la victime
Avoir une fille.
- Merci…. Merci, monsieur… euh… Jacob…., dit Jack, infiniment soulagé, en venant serrer la main de son futur beau-père.
Celui-ci la retint dans une poigne de fer :
- Mais je vous préviens jeune homme… Si jamais vous lui faites du mal…
- Aucun risque monsieur… Je l’aime trop pour ça…
- Lâche-le papa maintenant, s’interposa Sam, mi grondeuse mi amusée et Jack put sortir sa main endolorie de l’étreinte d’ours en guise d’avertissement.
Les fiancés s’enlacèrent : Jack coula un regard un peu anxieux vers Jacob qui sourit, magnanime :
- C’est bon… Vous pouvez embrasser votre fiancée… D’ailleurs je vous soupçonne de n’avoir pas attendu mon autorisation pour vous octroyer ce droit, et bien plus encore, ajouta-t-il à mi voix.
Sam le fusilla du regard :
- Papa !
- Ben quoi…
- Tu n’es pas gentil !
- Pas gentil ?
- Tu as torturé ce pauvre Jack par pur plaisir…
- Ah oui, admit-il, nullement contrit. C’était mon droit.
- Ton droit ?
- Oui… Mon droit… Jack me comprend lui…
Et devant le regard ébahi du colonel, il corrigea :
- Ou plutôt il me comprendra dans quelques mois ou dans quelques années…
Cette fois-ci deux regards incompréhensifs se fixèrent sur lui et il acheva avec un sourire triomphant :
- Lorsqu’il aura une fille à son tour ! Et maintenant, si vous vous décidiez à embrasser votre fiancée avant que je ne vous retire ma permission ?
Et pour éviter ce drame, Jack et Sam, sous les applaudissements de leurs amis qui pénétraient petit à petit dans la pièce, couvés par le regard attendri de Jacob, échangèrent un baiser qui, pour n’être pas le premier de leur histoire, était celui qui officialisait leur relation et marquait leur premier pas vers cette vie de famille à laquelle ils aspiraient ensemble.
FIN
Chanson de la comédie musicale : Roméo et Juliette
*Paroles originales : de mes vingt ans