Reclassement de la songfic destinée à Lillie l'an passé.
Préambule : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Brad Wright & Robert Cooper. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Je suis un homme
Le docteur Beckett reposa son stéthoscope et sourit :
- Vous avez l’air d’aller mieux major, je pense que je vais pouvoir vous relâcher demain.
- C’est pas trop tôt, grommela Lorne. Dix jours ici c’est déjà dix jours de trop.
- Si vous le dites, répliqua le praticien en s’éloignant.
Il ne voulait pas montrer combien ces mots l’avaient blessé. Après tout, à qui la faute ? se disait-il en s’éloignant pour masquer son trouble. Comment Lorne pourrait-il savoir ce qu’il avait au fond du cœur ?
Je fais partie de ces gens un peu veules
De ces gens qui n'font jamais c'qu'ils veulent
J'fais partie de ces gens un peu lâches
Qui vous aiment bien mais qui vous lâchent
Qui aurait pu imaginer ce qu’il ressentait pour le militaire et qu’il cachait de son mieux ?
Depuis dix jours il vivait un véritable calvaire : l’avoir si près de lui, devoir jour après jour, heure après heure toucher ce corps qui l’attirait, palper cette peau appétissante, écouter ce cœur qu’il aurait voulu accaparer avaient mis ses réflexes professionnels à rude épreuve.
Mais apparemment il avait bien donné le change, comme toujours…
J'fais partie de ces gens qui causent
Qui vont jamais au bout des choses
Ni en amour, ni en affaire,
Je suis un menteur vraiment sincère
Arriverait-il un jour à se décider, à franchir le pas ? Arriverait-il à forcer le destin ?
Il en doutait : Lorne était son ami, un ami fidèle, et lui parler risquait de l’éloigner. Il préférait être son confident qu’essayer d’être son amant si cela devait rompre ce lien entre eux.
Pourtant, parfois, comme à cet instant précis, il aurait aimé trouver le courage d’affronter ses peurs, de bousculer ses tabous, de proclamer son amour et d’enfin provoquer la chance.
J'entreprends tout mais j'finis rien
J'écris "Je t'aime" et puis je gomme
Je crois en tout mais j'crois en rien
Mes chemins n'arrivent jamais à Rome
Je suis un homme
Il y avait pourtant eu des moments durant ces dix jours où il avait été à deux doigts de craquer. Certes pas durant les soixante-douze interminables premières heures, quand il se demandait si toute sa science allait réussir à sauver celui qu’il aimait en secret, mais ensuite, lorsque celui-ci l’avait remercié de l’avoir, une fois de plus, sorti d’affaire et puis ensuite, dans ces moments d’intimité obligatoires entre un médecin et son patient alité, lorsque, inconscient du trouble qu’il éveillait chez le médecin, le major s’offrait en toute impudeur à ses regards, se laissait toucher longuement sans esquisser un geste de défense. Cela aurait-il été semblable s’il avait su ? Sans doute que non : vraisemblablement il l’aurait repoussé avec dégoût en lui enjoignant de ne plus jamais posé ses sales pattes sur lui !
Je suis mon ennemi intime
Velléitaire, pusillanime,
Influençable et sûr de moi
Je fais tout le contraire de ce qu'on croit
Combien de fois la palpation professionnelle avait-elle failli dégénérer en caresses ? Combien de fois avait-il rêvé de transformer les grognements d’inconfort qui s’échappait parfois des lèvres du blessé en gémissements de plaisir ? Combien de fois, après avoir terminé les soins du militaire, avait-il dû s’isoler le temps de faire redescendre la pression de son corps et de lui procurer le soulagement nécessaire ?
Il s’en voulait d’être si lâche et de ne pas oser. Parce que, que risquait-il finalement ? Lorne pouvait le rejeter comme ami et ça ferait mal, mais pour le reste ? Etre homosexuel n’était pas un crime et aucune loi sur Atlantis n’interdisait la « fraternisation » entre membres de l’équipe. Professionnellement on n’avait rien à lui reprocher. Il faisait son boulot et il le faisait bien, chacun en convenait.
Parfois il avait hésité, prêt à parler, puis il s’était tu… comme quelques minutes auparavant. Il aurait tant aimé être certain d’avoir fait le bon choix !
Quand j'entends hurler à la lune
Les bergers allemands des tribunes
Je me demande comment ils font
Pour être si sûrs d'avoir raison
- Beckett, ai-je dit quelque chose qui vous a blessé ?
-Qu’est-ce que vous faites-là Lorne ? s’exclama le médecin en se tournant vers le major qui venait d’entrer dans son bureau. Vous devriez être au lit !
- Vous venez de me dire que tout allait bien et que j’allais pouvoir regagner mes quartiers dès demain, alors je ne pense pas que de venir jusqu’à votre bureau va mettre ma vie en danger non ?
- Non… Et effectivement vous allez pouvoir rentrer chez vous : vous n’avez pas fait mystère de votre joie à ce sujet.
Il n’avait pu s’empêcher de laisser perler de l’amertume dans sa voix et le militaire réagit aussitôt :
- C’est à cause de cette petite phrase ? Mais vous savez bien que ça n’a rien à voir avec vous Carson.
Lorsqu’il disait ainsi son prénom, Beckett sentait fondre toutes ses peurs et il se mordit la lèvre pour ne pas laisser échapper les mots qui y montaient tandis que le major enchaînait :
- Ce n’est pas vous que je cherche à fuir, c’est juste ce lieu… Partir d’ici signifie que je vais pouvoir reprendre mon poste, mais vous me manquerez.
Il avait avancé d’un pas et soudain le médecin eut l’impression qu’il cherchait à lui dire beaucoup plus que ces simples phrases. Etait-ce enfin le moment de se risquer, celui d’affronter la vérité ?
J'entreprends tout mais j'finis rien
J'écris "Je t'aime" et puis je gomme
Je crois en tout mais j'crois en rien
Mes chemins n'arrivent jamais à Rome
Je suis un homme
Il avait reculé jusqu’au mur et Lorne avait posé ses bras de chaque côté de lui, pour l’empêcher de sortir :
- Tu n’as vraiment rien à me dire Carson ?
Je suis un homme
Et le tutoiement qui remplaça le vouvoiement cérémonieux auquel ils n’avaient pas dérogé durant ces dix jours fit battre plus vite le cœur du médecin qui plongea ses yeux dans celui de son vis-à-vis. Ce qu’il y lut lui donna enfin la force de se lancer :
- Tu veux vraiment que je te le dise ?
- Comment pourrai-je être sûr autrement ?
C’était un jeu, comprit-il soudain. Mais que ferait-il si c’était juste un jeu cruel, si, une fois les mots échappés de sa bouche, Lorne ne faisait que rire cruellement de lui ou de lui enjoindre de se tenir désormais à distance respectable ? Oui, mais s’il ne « jouait » pas, il ne saurait jamais.
Je suis un homme
- Tu sais que nous ne pourrons plus revenir en arrière.
- Je n’aime pas regarder en arrière.
Ces yeux dans les siens et la proximité de ce corps embrasaient ses sens et obscurcissaient son jugement. Il prit une longue inspiration et décida de se jeter dans le vide :
- Je t’aime.
Il ferma les yeux, s’attendant à ce que le ciel lui tombe sur la tête sous la forme d’un grand éclat de rire ou d’un juron. Mais le silence seul lui répondit et, après quelques secondes, il se décida à soulever les paupières, plongeant directement dans le regard intense du militaire qui, après l’avoir ainsi fixé de longs instants, esquissa un sourire en murmurant :
- Et bien… Tu y auras mis le temps !
Un flot de questions se bouscula sur ses lèvres mais avant qu’il ne put même formuler la première, elles se retrouvèrent prisonnières de celle de l’homme qui peuplait ses rêves depuis si longtemps et à ce moment-là tout devint limpide. Les questions pourraient attendre, les explications n’étaient pas urgentes.
Il échangeait enfin un baiser avec l’homme qu’il aimait et tout le reste n’était qu’accessoire.
Je suis un homme
FIN
Chanson de Serge Lama