Reclassement de l'anniversaire de Semektare
Préambule :Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Steven Moffat et Mark Gatiss. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Personnages : Sherlock/John
Genre : Romance – Songfic
Résumé : Sherlock saura-t-il trouver les mots pour retenir John, à bout de nerfs ?
Je t’aime tu vois
- J’en ai assez tu comprends ! Assez de ton comportement, assez de ton excuse bidon : sociopathe ! Ca veut dire quoi hein ? C’est tellement facile ! Ca te permet tout : de dire ce que tu penses sans te soucier de blesser les gens, de te conduire en monstre d’égocentrisme, de me prendre et me rejeter au gré de tes caprices ! Là ça suffit ! Je préfère te laisser et aller voir ailleurs si je peux trouver quelqu’un d’un peu plus intéressant que toi !
Ca y était ! Il lui avait enfin dit ce qu’il avait sur le cœur depuis trop longtemps ! Il en avait assez d’avoir l’impression d’aimer à sens unique, d’être le seul à donner, à chercher à partager. Il s’épuisait à tenter de les porter tous les deux et à ne recevoir en échange que cette ironie mordante, ces mots qui faisaient souvent mal, quand bien même, au plus profond de lui, il savait que Sherlock ne les pensait pas.
Il regarda quelques secondes l’homme qu’il aimait et qui le fixait de ce regard auquel il n’avait jamais pu résister : mais pas cette fois, non ! Cette fois-ci il ne se laisserait pas avoir par de tendres yeux humides comme ceux des chiots et des boucles folles qui lui donnaient l’air d’un enfant perdu. Il lui avait déjà fait le coup ! Il ne se laisserait plus avoir.
Il se détourna et se dirigea vers la porte. Au moment où il allait l’ouvrir, un corps se pressa contre le sien et deux bras l’enlacèrent tandis qu’une voix qu’il reconnut à peine tant elle était empreinte d’émotion s’exclamait :
- Non ! S’il te plaît, John, ne pars pas ! J’ai besoin de toi !
Je ne sais pas t'offrir des fleurs
Je ne sais pas parler d'amour
C'est que peut-être j'ai dans le cœur
Plus de tendresse que de discours
Souvent tu sais j'ai très envie
De te serrer entre mes bras
Pourtant j'hésite et je me dis
Que tu vas te moquer de moi.
Il avait peur, peur comme il ne se rappelait pas avoir eu un jour. Et s’il avait trop tiré sur la corde ? S’il l’avait irrémédiablement cassée ? Si plus rien ne pouvait retenir cet homme qu’il aimait, lui qui pensait ne jamais pouvoir aimer à ce point ? Que lui resterait-il si John franchissait ce seuil et disparaissait de sa vie ? Que lui resterait-il d’autre que sa foutue suffisante, cette autosatisfaction affichée et assumée qui crispait ses connaissances, cette addiction dans laquelle il replongerait de plus belle pour s’étourdir, pour oublier ?
Pourquoi lui était-il si difficile de laisser les mots exprimer réellement ce qu’il ressentait, ce qu’il pensait ? Pourquoi fallait-il qu’il soit au bord du gouffre pour qu’enfin il ose les prononcer ces phrases que John attendait depuis si longtemps, trop longtemps.
Je t'aime tu vois, mais je ne le dis pas
Je n'aime que toi, mais tu ne le sais pas
Je t'aime tu vois plus fort de jours en jours
Je n'aime que toi comme on aime d'amour
Certes il n’était pas parfait, même s’il feignait de le croire. Mais personne ne pouvait tromper le remarquable détective, le psychologue habile qu’il était et il ne pouvait pas se tromper lui-même. Il savait très bien ce que cette assurance affichée cachait d’angoisse, de fragilité, de besoin de tendresse, tout ce que John avait su déceler chez lui et qui l’avait attiré, attendri et fait craquer finalement.
Et ce sentiment ouvertement affiché par celui qui au départ n’était que son co-locataire l’avait littéralement terrorisé : et si en s’abandonnant il se perdait ? Si, en devenant un homme comme les autres, en proie aux tourments de l’amour, il perdait cette aura qui le faisait un être à part ? S’il s’y brûlait les ailes et y laissait son instinct ? Et si… et si ?
Tous ces si qui ne faisaient que cacher sa peur profonde de l’abandon : repousser l’amour pour être sûr de ne pas le voir se faner un jour… Repousser les liens pour ne pas endurer la souffrance de leur rupture… Repousser les autres pour n’avoir pas à s’interroger sur le pourquoi de leur départ un jour.
Mais à cet instant précis, il ne voulait pas, il ne pouvait pas imaginer que cet homme-là puisse disparaître de sa vie, que cette relation-là puisse s’achever sur un claquement de porte dans le froid poisseux d’une soirée d’octobre comme seul Londres savait en offrir à cette époque de l’année.
Qu’importait qu’il puisse tomber de son piédestal ? Sans John ce piédestal n’était que poussière… Il devait lui faire comprendre, le faire renoncer à son projet, refermer ses bras sur lui et continuer de lui susurrer à l’oreille tout ce qu’il n’avait jamais eu le courage de lui dire.
Je ne sais pas te consoler
Quand je vois que ça ne va pas
Et je m'en veux de m'énerver
D'être à ce point si maladroit
Le soir venu quand du t'endors
Quand je te sais trop fatigué
Bien que je rêve de ton corps
Je n'ose pas te réveiller
Il sentit le corps se détendre contre le sien et, rassuré mais sur le qui-vive, il relâcha son étreinte. John se retourna vers lui : ses yeux étaient pleins de larme et ses lèvres tremblaient, comme s’il n’arrivait pas vraiment à croire ce qu’il entendait, ce qu’il voyait.
Alors il lui prit la main, planta son regard dans le sien pour donner plus de poids aux mots, lui laisser lire au fond de son âme, voir qu’à cet instant il ne jouait pas, qu’il se mettait à nu devant lui, plus nu qu’il ne l’avait jamais vu, même lorsque leurs corps se fondaient l’un dans l’autre.
Il voulait lui donner accès à cette part d’âme qu’il lui avait toujours cachée de peur que la lui livrer ce soit perdre cette liberté à laquelle il tenait tant. Mais soudain, il s’apercevait que cette liberté, sans cet homme-là à ses côtés, n’était rien d’autre qu’une nouvelle prison qu’il se serait construite de ses mains pour s’enfermer à jamais.
Et les yeux dans les yeux, il lui répétait, comme grisé lui-même par les mots :
Je t'aime tu vois, mais je ne le dis pas
Je n'aime que toi, mais tu ne le sais pas
Je t'aime tu vois plus fort de jours en jours
Je n'aime que toi comme on aime d'amour
John se repaissait de cet instant si inattendu, si éphémère… Parce qu’il ne doutait pas que son amant, une fois la crise passée, retomberait dans ses travers. Mais c’était aussi pour ses défauts qu’il l’aimait même si parfois, comme ce soir, il n’en pouvait plus de cette attitude faussement détachée de tout.
Ces mots, il les avait attendus depuis si longtemps ! Il ne pensait pas pouvoir les entendre un jour, ou plutôt il ne le pensait plus. Et bien qu’il sache que les actes comptaient plus que les paroles, il avait fini par penser que lorsque certaines phrases ne sont jamais dites, c’est que les sentiments qu’elles expriment ne sont pas réels.
Il avait douté de l’amour de Sherlock…
Mais en cet instant, il savait qu’il avait tort et il ne se lassait pas de l’entendre lui répéter les mêmes choses qui étaient le meilleur des baumes sur ses blessures qui, finalement, était essentiellement des blessures d’amour propre, conclut-il en souriant à celui qui continuait de murmurer :
Je t'aime tu vois, mais je ne le dis pas
Je n'aime que toi, mais tu ne le sais pas
Je t'aime tu vois plus fort de jours en jours
Je n'aime que toi comme on aime d'amour.
Ô temps suspends ton vol ! s’était exclamé Lamartine dans « Le Lac ». John se souvenait qu’il avait souri à ce vers un peu grandiloquent.
Mais à cet instant précis, il avait pourtant l’impression que le temps s’était arrêté, pour lui, pour eux, refermant autour des deux amants une bulle protectrice où rien ne pourrait plus jamais les atteindre.
Ses doigts serrèrent les mains qui étreignaient les siennes et il avança son visage vers celui de son amant, quémandant le baiser en offrant son pardon. Et lorsque la bouche de Sherlock s’empara de la sienne, lorsque sa langue vint jouer avec sa jumelle, éveillant, comme à chaque fois, des millions de sensations délicieuses dans son corps, alors il sut qu’une fois encore le détective avait gagné et que contre lui il n’aurait jamais le dessus.
Mais il s’en moquait parce qu’il l’aimait plus que tout et qu’à cet instant précis, il savait que cet amour était réciproque.
FIN
Chanson de Daniel Guichard