Une songfic pour l'anniversaire de Peggy Wolf l'an dernier.
Préambule : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Genre : P.O.V. / Romance / Songfic
Personnages : Jack/Ianto
Résumé : Jack et Ianto sont attirés l’un par l’autre, mais peuvent-ils franchir le pas ?
Le prochain amour
Ianto s’afférait à l’office, perdu dans ses pensées. Ses gestes étaient automatiques : il était tellement habitué à les faire qu’il n’avait plus besoin de les penser et qu’ainsi son esprit pouvait vagabonder à son gré. Il avait besoin de faire le point, de savoir où il en était…
Il se sentait perdu, tiraillé entre deux sentiments opposés, entre des sensations inconnues et l’appel du quotidien…
Il chargea les tasses sur le plateau et s’avança dans le Hub, certain que son offrande serait bienvenue.
Durant un bref instant, il jeta un regard incertain vers son leader qui riait, nonchalamment appuyé à un bureau, et son cœur battit un peu plus vite.
On a beau faire on a beau dire
Qu'un homme averti en vaut deux
On a beau faire on a beau dire
Ça fait du bien d'être amoureux
Jack riait en réponse à la remarque d’Owen. Il s’apercevait, de jour en jour, qu’il s’attachait à cette équipe comme peut-être il ne s’était jamais attaché à ses partenaires, sauf le Docteur et Donna.
Mais le docteur était parti et lui restait cloué ici à Cardiff, XXIème siècle, et il se devait de faire de son mieux pour protéger ceux qui avaient confiance en lui. Le fait de découvrir qu’il éprouvait pour eux d’autres sentiments que la simple satisfaction de pouvoir partager avec d’autres humains et de n’être pas totalement seul, était un peu déroutant mais plutôt agréable.
Dans sa vision périphérique, il perçut l’approche de Ianto, le tea-boy dont se moquait volontiers Owen. Puis son regard capta le coup d’œil que le jeune homme lui lançait à la dérobée et la brusque rougeur qui envahit ses traits tandis qu’il semblait soudain se concentrer sur sa charge.
Jack s’approcha de lui et lui enleva le plateau : leurs doigts se frôlèrent et le leader ressentit comme une décharge à ce bref contact.
Je sais je sais que ce prochain amour
Sera pour moi la prochaine défaite
Je sais déjà à l'entrée de la fête
La feuille morte que sera le petit jour
Ianto recula brusquement ses mains tandis qu’un frisson le parcourait. De nouveau ses yeux se posèrent sur son chef et il remarqua que celui-ci le fixait.
Il ne savait pas ce qu’il devait penser, ce qu’il devait croire… Parfois il lui semblait que Jack était sur le point de dire quelque chose, puis il se détournait…
Peut-être qu’il ne savait pas comment lui dire qu’il était temps que leurs routes se séparent. Bien sûr il n’avait pas pu pardonner Lisa.
Lisa…
Cela semblait si proche et si lointain à la fois… Quand il y repensait, Ianto se demandait comment il avait pu commettre cette imprudence : est-ce que l’amour pardonnait tout ?
Quand il y repensait, Ianto se demandait comment son cœur pouvait déjà battre de cette manière si particulière, pour quelqu’un de tellement différent.
Ou alors il se trompait ? Il perdait la raison ? Il se perdait dans les méandres d’un esprit en proie aux regrets, aux remords, à l’angoisse ?
Comment cela pouvait-il être possible ?
Je sais je sais sans savoir ton prénom
Que je serai ta prochaine capture
Je sais déjà que c'est par leur murmure
Que les étangs mettent les fleuves en prison
Il y avait eu déjà tant de personnes dans sa vie… Celle qui était un jour devenue sa femme, la belle Estelle, et ce capitaine dont il avait usurpé le nom, et tant d’autres encore dont l’identité parfois lui échappait, tant avec lesquels il avait partagé quelques minutes, une nuit, quelques semaines ou des années…
Et toujours, toujours il y avait au bout ce même pincement au cœur, et parfois cette déchirure qui semblait ne devoir jamais se refermer sur le moment… et qui se refermait toujours…
Avait-il le droit ? Pouvait-il de nouveau ouvrir son cœur et son âme, laisser quelqu’un partager ce fardeau ? N’était-ce pas pur égoïsme que d’accepter un amour qui ne serait jamais équitable ?
Jack Harkness avait-il le droit, durant quelques heures, quelques mois, d’être un homme comme les autres, avant que la réalité ne le rattrape ?
Mais on a beau faire on a beau dire
Qu'un homme averti en vaut deux
On a beau faire on a beau dire
Ça fait du bien d'être amoureux
Ce cœur qui battait plus vite et cette fine sueur qui mouillait sa chemise, il y était habitué désormais. Pourtant il ne pouvait s’empêcher de se traiter d’idiot !
Que croyait-il, à quoi rêvait-il ?
Certes Jack l’avait gardé après la mort de Lisa, mais cela signifiait-il qu’il avait confiance en lui ? N’était-ce pas plutôt un moyen de le garder à l’œil, de s’assurer qu’il ne cherche pas à se venger ? Garder ses ennemis près de soi… quelle était cette maxime qui développait ce concept ? Quelle importance d’ailleurs ?
Quand bien même Jack ne verrait pas en lui un adversaire, quelle fatuité que de penser, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, qu’il pourrait lui accorder de l’importance : il était l’insignifiant Tea-Boy, le médecin le lui rappelait bien assez souvent. Son rôle se bornait à effacer les traces d’activités du groupe et à veiller à leur bien-être.
Idiot de cœur qui s’emballait ! Idiote de tête qui lui soufflait des rêves insensés ! Idiots de sentiments qui s’égaraient !
Idiot qu’il était d’imaginer…
Je sais je sais que ce prochain amour
Ne vivra pas jusqu'au prochain été
Je sais déjà que le temps des baisers
Pour deux chemins ne dure qu'un carrefour
Il semblait si fragile, si vulnérable… Pourtant Jack savait la pugnacité que cachait ce visage fermé, la détermination dissimulée sous un sourire angélique…
Aller vers lui, serait-ce une bénédiction ou une malédiction ?
Rien ne lui permettait d’affirmer que son jeune collègue pourrait se montrer intéressé. Il avait aimé cette femme, cela signifiait que, selon toute vraisemblance, les hommes ne l’attiraient pas.
Mais lui, Jack, il aimait aussi les femmes et ça ne l’empêchait pas de partager la couche des hommes, de sentir son cœur battre pour eux… comme pour tout être dont l’aura l’attirait d’ailleurs…
L’aura… Est-ce que c’était ça qu’il reconnaissait dans les gestes effacés, les regards timides, cette quasi-mutité dans laquelle il s’enfermait parfois ?
Devait-il tenter la chance, forcer le destin ou passer son chemin ? Avait-il le droit de se laisser aller, au risque de souffrir ou de faire souffrir ?
Je sais je sais que ce prochain bonheur
Sera pour moi la prochaine des guerres
Je sais déjà cette affreuse prière
Qu'il faut pleurer quand l'autre est le vainqueur
Quel nom donner à ce sentiment ? Etait-ce le même amour que celui qui l’avait uni à Lisa ? Comment pouvait-il déjà trahir celle-ci ? Etait-ce une trahison d’ailleurs ? Lisa était morte, morte depuis bien avant que son corps ne gise à ses pieds, alors où était la trahison ?
Etait-ce parce qu’il avait déjà ressenti cet élan quand elle vivait encore, femme-robot déshumanisée qu’il croyait pouvoir sauver ? Etait-ce parce qu’elle était morte de cette main qu’il rêvait de voir se poser sur lui ? Etait-ce tout simplement parce que ses actes lui semblaient l’avoir condamné à la solitude éternelle, l’Enfer sur terre pour les humains ?
Ou bien avait-il simplement peur de mettre des mots sur quelque chose qu’il découvrait chez lui et qu’il n’avait jamais soupçonné ? Avait-il peur qu’on se moque, qu’on se détourne de lui avec dégoût, qu’on le condamne ? Et si tout était à sens unique ? Quelle humiliation !
Et s’il y avait une chance : devait-il laisser un amour propre mal placé la condamner d’avance ?
Trop de pensées, trop de questions … Et si peu de certitudes…
Mais on a beau faire on a beau dire
Qu'un homme averti en vaut deux
On a beau faire on a beau dire
Ça fait du bien d'être amoureux
Il entendait les mots qui se bousculaient dans la tête du jeune homme. Ce n’était pas qu’il cherchait à le sonder, non… Il y avait longtemps déjà qu’il s’était fait la promesse de ne jamais utiliser ses dons de télépathie sur les gens avec lesquels il travaillait, parce qu’il voulait leur faire confiance. Mais il lisait en Ianto comme dans un livre ouvert et pénétrait dans son esprit avec une facilité qui l’étonnait.
Il aurait aimé pouvoir lui répondre, apaiser ses craintes, lui faire des promesses…
Mais quelles promesses ? Il n’était même pas sûr de pouvoir un jour lui dire la vérité sur lui, sur ce qu’il était… Il ne pouvait pas s’engager, lui donner l’assurance de rester près de lui, aussi longtemps qu’il le désirerait…
Devait-il céder à ce qui, pour lui, n’était peut-être qu’une attirance passagère comme il en avait déjà si souvent connue ? Devait-il prendre le risque, peut-être, de s’attacher, une fois de plus, une fois de trop ?
Je sais je sais que ce prochain amour
Sera pour nous de vivre un nouveau règne
Dont nous croirons tous deux porter les chaînes
Dont nous croirons que l'autre a le velours
Que se passerait-il s’il parlait à Jack ? S’il lui disait ce sentiment trouble qui le poussait vers lui ? S’il surmontait ses complexes pour tenter de le sonder, savoir si peut-être…
Idiot ! Triple, non quadruple, quintuple idiot !
Décidément il avait la tête à l’envers et le cœur détraqué !
Jamais le capitaine ne pourrait envisager, un seul instant, autre chose que des relations purement professionnelles entre eux…
Ou alors juste pour une nuit… un coup au passage…
Et bien au moins il saurait… Il aurait une idée de ce que c’était… Il y verrait peut-être plus clair…
Ianto rougissait d’avoir ce genre d’idée : si on lui avait dit que lui, le romantique pour qui l’amour devait être éternel, non seulement oublierait si vite Lisa, mais l’oublierait pour un homme, qui plus est, l’homme qui l’avait abattue, il aurait sans doute ri au nez de son interlocuteur.
Non, Ianto Jones n’avait vraiment pas de quoi être fier de lui… Et pourtant il n’arrivait pas à se raisonner.
Je sais je sais que ma tendre faiblesse
Fera de nous des navires ennemis
Mais mon cœur sait des navires ennemis
Partant ensemble pour pêcher la tendresse
Gwen, Owen et Tosh étaient partis et Jack brancha la caméra pour localiser le jeune homme qui s’était éclipsé très vite, comme à son habitude.
Il le vit dans la salle des archives, visiblement toujours perdu dans ses pensées et il se demanda ce qu’il devait faire…
Il savait que c’était lui qui avait la clé : jamais Ianto n’oserait rien si lui-même ne faisait pas le premier pas…
Devait-il faire ce pas ? Devait-il risquer le précaire équilibre auquel ils étaient arrivés pour quelque chose qui n’en vaudrait peut-être pas la peine ?
Mais devait-il passer à côté de quelque chose de merveilleux, juste pour préserver cet équilibre ?
Car on a beau faire car on a beau dire
Qu'un homme averti en vaut deux
Ianto sursauta au son de la porte qui se refermait et qu’il n’avait pas entendue s’ouvrir. Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir qui venait d’entrer, pourtant il le fit, juste pour confirmer son impression, pour justifier que son cœur batte plus vite et que ses mains soient devenues moites.
Bien sûr… Son corps ne l’avait pas trompé : il était là… Il était là et il avait ce regard…
Ce regard qui laissait à penser que tout était possible… qu’il lui suffisait de décider… d’oser…
Alors il s’avança, pas à pas, tremblant à la fois de peur et d’anticipation…
Il s’avança vers ce qui pouvait être le paradis ou l’enfer…
Mais il devait savoir.
On a beau faire on a beau dire
Ça fait du bien d'être amoureux
Les bras de Jack s’étaient refermés sur lui, ses lèvres s’étaient posées sur les siennes…
La sarabande des questions cessa soudain.
FIN
Chanson de Jacques Brel