Une songfic écrite pour l'anniversaire de Peggywolf
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T
Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Nous
Il était parti depuis si longtemps maintenant.
Idiot qu’il avait été de croire que Jack pourrait s’attacher à lui, voir en lui autre chose qu’un joli garçon avec qui passer du bon temps !
Nous, c'est une illusion qui meurt
D'un éclat de rire en plein cœur
Une histoire de rien du tout
Comme il en existe beaucoup
Il aurait dû savoir, dû prévoir !
Pourtant il avait essayé de résister à cette attirance qu’il ne comprenait pas, lui qui n’avait jusque là connu que des femmes et tant aimé Lisa.
Mais l’immortel avait su tisser sa toile autour de lui, petit à petit. Et même si, au début, lui aussi avait voulu croire à une aventure sans lendemain, un peu de plaisir entre adultes consentants qui ne savaient jamais de quoi serait fait l'instant suivant, il s’apercevait, à l’aune de cette absence, que c’était bien plus que ça.
Du moins à ses yeux.
Notre amour qu'on croyait petit
A grandi quand tu es partie
Grandi comme une déchirure
Comme une blessure
Il ne comprenait pas : pourquoi le capitaine était-il parti ainsi, sans se retourner, sans rien leur dire ?
Pourquoi ne donnait-il pas signe de vie ?
Avait-il juste voulu le punir de ses erreurs en lui infligeant cette souffrance ?
Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi pourquoi
Pourquoi le silence
Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi
Pourquoi ce grand vide quand je pense à nous
Il aurait dû être plus prudent. Mais peut-on aborder une histoire avec prudence ? Peut-on ne se donner que de corps en laissant son cœur et sa tête à l’écart ? Peut-on prendre autant de plaisir qu’il en avait pris sans perdre son âme ?
Cette première fois restait marquée en lui comme au fer rouge : jamais il n’avait ressenti à ce point le plaisir, jamais il ne s’était senti autant vivant.
Et chaque fois qu’ils se retrouvaient et que leurs corps exultaient, il avait l’impression que le capitaine lui appartenait, que, l’espace d’un instant ils étaient égaux : lui, l’homme du LIème siècle, point fixe sur la ligne du temps et lui, le mortel du XXIème siècle qui survivrait dans la mémoire de celui qui avait l’éternité en ligne de mire.
C'était comme un défi au temps
Le printemps avant le printemps
Un chemin qui va n'importe où
Mais semé de roses partout
Qu’avait-il fait ? Qu’avait-il oublié ? Qu’avait-il dit ou tu ? Qu’aurait-il pu changer pour que Jack reste auprès de lui, pour qu’il lui donne sa chance ?
Pourquoi avait-il fallu qu’il finisse par y croire, par penser qu’il représentait quelque chose aux yeux du capitaine ? Pourquoi avait-il fini par donner son cœur en même temps que son corps, comme un stupide adolescent qui ne connaît rien aux choses de la vie ?
Pourquoi avait-il eu l’impression qu’il aimait pour la première fois ?
Nous c'est une illusion qui meurt
D'un éclat de rire en plein cœur
C'est la fin du premier amour
Ma vie qui appelle au secours
J'en rêve et j'en crève
D’abord il avait cru que Jack reviendrait vite : après tout, à son échelle, le temps n’avait pas la même durée que pour eux. Il aurait pu, s’il l’avait voulu, passer des années avec son mentor et revenir vers eux dans la minute même où il était parti.
Mais l’Immortel était parti depuis si longtemps que Ianto commençait à comprendre que sans doute il ne reviendrait jamais, qu’il s’était éloigné d’eux comme on s’éloigne d’une atmosphère délétère.
Au moins il aurait pu leur envoyer un signe, leur faire savoir qu’il allait bien.
Mais rien : de son éternité, le grand Jack Harkness avait oublié les pauvres petits mortels qui s’étaient attachés à lui et celui qui n’avait été qu’un jouet à ses yeux et qui n’arrivait pas à le détester.
Il aurait simplement aimé comprendre.
Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi
Pourquoi le silence
Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi
Pourquoi ce grand vide quand je pense à nous
Idiot, imbécile, insensé, stupide…
Tous ces mots qu’il s’adressait ne berçaient pas la douleur de son cœur blessé et de son âme désertée.
Il n’avait jamais su donner à moitié, jamais su se contenter de rester à la surface des choses. Lorsque leur liaison avait commencé, sur les bases claires de simples bons moments entre deux hommes qui voulaient se donner du plaisir, il aurait dû savoir, refuser d’aller plus loin, de se livrer à cette ivresse, à ce plaisir, de se soumettre à son désir…
Il avait joué, il avait perdu.
Il avait rêvé d’un nous et il s’apercevait qu’il n’y avait eu qu’un lui et moi.
Quelque part cet homme devait être heureux auprès d’autres naïfs dans son genre et rire de lui qui, dans son infinie bêtise, avait cru pouvoir représenter quelque chose à ses yeux.
Ou plutôt, quelque part, il ne pensait même plus à lui et vivait sa vie comme il l’avait toujours fait, sans se soucier de piétiner les sentiments de ceux qui avaient le malheur de s’attacher à lui.
C'est un cri arraché au ciel
Un rayon qui manque au soleil
Quatre lettres me rendent fou
Et dans ton oubli tu t'en fous
Combien de fois était-il retourné dans leur restaurant favori, commandant les plats qu’ils partageaient ensemble ? Combien de fois avait-il remis ses pas dans leurs promenades amoureuses, ou du moins qu’il avait cru telles, le long de la Taff, dans les jardins du château ?
Combien de fois était-il retourné dans ce vieux cinéma, revoir le film en noir et blanc que Jack adorait ? Combien de fois s’était-il assis sur ce banc où ils s’étaient embrassés si souvent, sans se soucier des regards amusés, outrés, complices ou écoeurés de leurs concitoyens ?
Parfois il lui semblait voir une silhouette, entendre un rire, respirer un effluve, ressentir un frôlement, qui l’espace d’une seconde lui faisait croire qu’il était là à ses côtés. Une seconde seulement, avant que la réalité ne revienne le heurter douloureusement.
Je suis seul à nos rendez-vous
Mais parfois dans mes rêves flous
Une voix de je ne sais où
Me parle d'espoir et de nous
Il savait qu’il lui fallait tourner la page, refermer le livre et le brûler comme il avait brûlé les vêtements de Lisa et tout ce qui la lui rappelait.
La vie ne s’était pas arrêtée avec le départ du capitaine et la faille ne s’était pas refermée : il n’avait pas de temps à perdre en lamentations et en regrets, pas plus qu’il ne pouvait se disperser en récriminations et en colère.
La vie ne s’était pas arrêtée… seul son cœur semblait l’avoir fait. Ou plutôt non… Son cœur battait mais il était juste là pour forcer son corps à vivre : il n’était plus qu’un organe essentiel à l’existence, une machine régulière qui se contractait et se relâchait mais ne battait plus pour personne.
Il avait pris ses désirs pour des réalités, ses rêves pour des vérités. La naïveté se paie, et se paie au prix fort !
Il était temps qu’il oublie… ou plutôt qu’il enfouisse tous ses souvenirs au fond de lui comme on enterre un cadavre dans un coin où personne jamais ne le retrouvera.
Nous c'est une illusion qui meurt
D'un éclat de rire en plein cœur
C'est la fin du premier amour
Ma vie qui appelle au secours
Il prit la tasse du leader et s’approcha de la poubelle : c’était l’une des preuves de son existence, ce stupide objet de porcelaine qu’il lui avait offert et dans lequel il lui préparait ce café qu’il aimait tant !
Depuis des mois il trônait là, sur le comptoir de la cuisine et parfois il lui arrivait encore de le remplir machinalement, oubliant que personne n’allait déguster le nectar qu’il y versait. Et quand il s’apercevait de sa bévue, il jetait rageusement la boisson dans l’évier : pour lui, personne n’avait le droit de boire dans ce récipient, ç’aurait été comme accepter l’inacceptable, entériner le fait que Jack n’en aurait plus jamais l’utilité.
Alors se débarrasser de ce symbole, c’était déjà faire un premier pas dans la bonne direction, et commencer à refermer cette porte qu’il n’aurait jamais dû ouvrir.
Pourtant il restait là, la tasse à la main, luttant contre les souvenirs qui remontaient à la surface, tous ces moments où l’immortel la tenait, la humait, la portait à ses lèvres sensuelles, où il souriait de contentement et laissait échapper ce petit soupir satisfait qui lui arrachait à chaque fois un sourire. Et à l’imaginer, il avait l’impression de le voir, de le sentir, de l’entendre.
Fou ! Il était complètement fou ! Dans un geste de colère il arma son bras pour lancer la tasse contre le mur, la briser en mille morceaux comme son cœur était brisé, pouvoir ensuite la piétiner comme Jack avait piétiné ses sentiments !
Et à ce moment-là une main retint la sienne, un corps se colla contre lui tandis qu’une voix murmurait à son oreille :
- Non ! J’en ai tant rêvé d’un café dans cette tasse ! Tu ne veux pas me priver de ce nectar pour lequel j’ai retraversé tout l’univers tout de même !
Il se retourna, abasourdi, éperdu, se demandant s’il n’était pas victime d’une vision née de sa frustration :
- Jack ? Tu es revenu ? balbutia-t-il en levant une main tremblante pour caresser le beau visage, s’assurant du même coup qu’il était bien là, s’enivrant de cette odeur qu’il n’avait jamais oublié, de ce contact qui le faisait frissonner.
- Oui… Je suis revenu…
- Mais comment ? Pourquoi ? Où étais-tu ? Pourquoi n’as-tu pas donné signe de vie ? Qu’est-ce que…
-Chut ! coupa l’immortel en resserrant son étreinte. Plus tard, je te promets que je te raconterai tout plus tard. Pour l’instant j’ai juste besoin de ce dont j’ai rêvé pendant trop longtemps.
- Quoi… un café ?
- Non… T’embrasser.
Et tandis que les lèvres de l’immortel s’écrasaient sur les siennes, Ianto sentit que son cœur redevenait vivant. Il n’avait pas toutes les réponses, mais à cet instant précis ça lui était égal : Jack était revenu, c’était tout ce qui comptait.
FIN
Chanson d’Hervé Vilard