Reclassement d'une fic écrite l'an passé pour dame Brigitte...
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de: Hubert Besson, Georges Desmouceaux, Bénédicte Achard, Magaly Richard-Serrano & Olivier Szulzynger
. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Au commencement
Il y avait combien de temps maintenant qu’ils se fréquentaient ? Florian sourit à ce terme plutôt désuet qui ne reflétait certes pas ce qui se passait entre eux. Se fréquenter c’est passer quelques moments ensemble en se souriant d’un air niais, en se prenant la main tout en surveillant qu’on ne vous regarde pas, en échangeant quelques bisous à la sauvette.
Entre Thomas et lui il y avait bien longtemps que cette étape était révolue, quand bien même elle avait existé un jour : ils en étaient déjà aux corps à corps fougueux et brûlants, aux mains qui explorent une peau nue, aux baisers langoureux qui faisaient monter un désir inexorable du tréfonds de leur être.
Pourtant, personne jusqu’alors n’était au courant de leur liaison parce que lui, le petit juge, divorcé et père de famille, craignait plus que tout le regard des autres. Il savait que Thomas, qui assumait pleinement son homosexualité, souffrait de cet état de chose, pourtant il n’arrivait pas à passer le pas, jusqu’à cet instant, jusqu’à cette réunion d’amis où il avait demandé la parole en faisant tinter son couteau sur le verre en cristal. Toute la tablée avait tourné la tête vers lui, étonnée, se demandant pourquoi lui, si discret d’habitude, se poussait ainsi en avant. Certes il était l’ami de Thomas et certains parmi ceux autour de la table avait bien une idée très précise du genre d’amitié qui unissait les deux hommes, mais d’autres n’imaginaient même pas que le juge Florian Estève qu’ils connaissaient puisse s’abandonner dans les bras d’un autre homme.
Thomas le regardait, étonné lui aussi de voir son amant se lever devant l’assemblée composée de sa famille et de celle de Florian, d’amis communs ou d’amis de chacun d’entre eux. Déjà, lorsqu’il avait proposé à son juge d’organiser cette petite fête en l’honneur de son anniversaire, il avait été persuadé qu’il refuserait. Pourtant, à son grand étonnement, Florian avait accepté en insistant pour qu’il n’y ait pas que des connaissances à lui, disant que ce serait bien que leurs familles et amis se rencontrent.
Bien qu’ébahi de cette proposition, Thomas ne s’était certes pas fait prier pour organiser la rencontre, l’espoir au cœur. Il se disait que, peut-être, Florian commençait à poser des jalons pour révéler un jour à chacun leur liaison. Et lorsque ce jour serait venu, le barman s’était bien juré qu’il lui demanderait de venir vivre près de lui pour pouvoir enfin mener une vie de couple auprès de l’homme qu’il aimait.
Mais jamais il n’aurait imaginé voir son juge se lever ainsi, puis, après s’être éclairci la voix, plonger son regard dans le sien tout en disant :
Tout n’est que recommenc’ment
Depuis que le monde est monde
Avec toi je veux tout reprendre
A zéro depuis le début
Avec toi je veux réapprendre
Partir sur des bases nouvelles
Au diable le bien et le mal
Et les serments artificiels
Avec toi je suis vraiment moi
Absolument moi.
Au début tendu, Florian commençait petit à petit à sentir la pression se relâcher. De toute façon il n’était plus temps de reculer. Toute l’assemblée avait les yeux fixés sur lui, sur eux et lui ne voyait que Thomas, la bouche ouverte d’étonnement, dans une mimique qui, en d’autres circonstances, aurait déclenché illico son hilarité.
Mais à cet instant précis son cœur n’était vraiment pas à rire. Pour la première fois de sa vie peut-être le juge Estève affrontait la réalité, sa réalité. Pour la première fois il acceptait de se regarder tel qu’il était.
Il avait trop perdu de temps, depuis trop longtemps. Il avait laissé passer trop d’occasions d’être heureux. Il savait que s’il s’entêtait dans une relation clandestine il finirait par perdre l’homme qu’il aimait. Certes Thomas n’avait rien demandé, rien exigé, mais il savait qu’il souffrait de devoir se cacher, lui qui était franc comme l’or.
A l’aube de son trente-cinquième anniversaire, il était plus que temps qu’enfin le juge Estève redevienne Florian, l’enfant un peu rêveur, romantique, rêvant d’un amour de conte de fée. Et maintenant qu’il avait trouvé son prince charmant, il était prêt à tout pour le garder.
Depuis la première seconde
C’est la magie absolue
Je n’attendais vraiment plus personne
J’étais tout seul, j’étais perdu
L’amour que tu me portes
Est incroyablement bon
Je me sens mieux, je me sens fort
Je n’ai même plus peur de la mort
Avec moi tu es vraiment toi
Absolument toi
Il y avait des larmes maintenant dans les yeux bleus de son amour, et ses lèvres qui tremblaient lui donnaient envie de poser sa bouche sur la sienne pour l’apaiser.
Il quitta un instant des yeux l’homme qu’il aimait pour regarder l’assemblée : les amis de Thomas, sa famille, souriaient, pas vraiment étonnés de la révélation. Ses amis à lui, sa famille, arboraient un panel extraordinaire d’expressions allant de l’abasourdissement le plus pur à une forme de complicité et d’encouragement qui lui remirent du baume au cœur tandis qu’il se focalisait de nouveau sur l’homme qui avait fait chavirer son cœur, bousculé sa vie, qui lui avait ouvert de nouveaux horizons, des horizons où il n’aurait plus jamais peur, où il ne serait plus jamais seul.
Tout n’est que recommencement
Nus et déculpabilisés
Allons bâtir ce nouveau monde
Où l’on ignore le péché
Subjugués l’un par l’autre
On s’connaît depuis la nuit des temps
L’amour s’rait-il donc éternel
Comme dans les contes de fées ?
J’entends ton signal silencieux
Même en pleine nuit.
Oui, Thomas était son âme sœur, celui qui lui était destiné de toute éternité. Sa moitié perdue dans les limbes du temps du jour où on les avait séparés pour qu’ils passent leur vie à se retrouver. Alors maintenant qu’ils étaient réunis, maintenant que le conte de fée dont il rêvait petit s’exauçait, il n’avait pas l’intention de laisser passer ce cadeau de la vie.
- Thomas… Tu m’as fait découvrir tellement de choses. Tu m’as surtout permis de me découvrir moi-même. Je ne veux plus me mentir, je ne veux plus mentir à personne. Tu m’es plus précieux que l’oxygène que je respire, que l’eau que je bois. Sans toi je me sens vide et j’ai froid. Veux-tu vivre avec moi ?
Quelques convives se dirigeaient lentement vers la sortie. Florian haussa les épaules : il n’avait pas besoin d’amis dans ce genre. Bon vent ! Il ne les regretterait pas. Pour lui il n’y avait qu’une seule personne dont la réaction lui importait vraiment et en voyant Elodie lui sourire tout en essuyant une petite larme, il comprit que la personne la plus importante au monde pour lui serait à ses côtés. Il se sentit soulagé au-delà de toute mesure : il ne savait pas ce qu’il aurait fait si sa fille avait condamné sa liaison. Il n’était certes pas prêt à renoncer à Thomas, mais il ne l’était pas non plus à voir sa fille s’éloigner de lui. Grâce au ciel, ce dilemme ne lui serait pas imposé.
Alors il se tourna de nouveau vers Thomas qui s’était levé et s’approchait de lui, avec tellement d’amour dans les yeux qu’il se mit à trembler à son tour : serait-il un jour digne de l’immensité de cet attachement ? Saurait-il apporter à cet homme autant d’amour qu’il lui en offrait ?
Et puis il cessa de se poser des questions tandis que son amour l’enlaçait et posait ses lèvres sur les siennes dans un baiser qui devint très vite ardent, sous les vivats de leurs familles et de leurs vrais amis, heureux de leur bonheur.
Et lorsqu’ils se séparèrent, Thomas saisit sa main et déclara d’une voix empreinte d’émotion :
- Oui Florian. Oh oui ! Je veux vivre avec toi !
Le cri de joie d’Elodie fut couvert par les applaudissements tandis qu’à nouveau ils s’embrassaient. Et ce baiser avait le goût de la première fois, parce qu’ils était à l’aube d’une vie nouvelle où ils n’auraient plus besoin de se cacher.
FIN
Chanson d’Etienne Daho