Coucou... Encore un reclassement de l'époque où Emma n'aimait que les vampires... Depuis elle s'est entichées des gladiateurs, ce qui fait que je n'aurais peut-être pas à récidiver avec ceux-là...
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Josh Whedon & David Greenwalt. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Le mot fin
Il avait l’impression de marcher sans but depuis une éternité. Cela faisait d’ailleurs sans doute une éternité. Comment avoir une bonne idée du temps qui passe quand votre vie s’étale à perte de vue comme une immense étendue d’eau infinie ?
Il marchait sans but parce qu’il se sentait vide. Bien sûr certains diraient que lorsqu’on n’a pas d’âme on est obligatoirement vide. Mais n’avoir pas d’âme ne voulait pas dire ne pas avoir de cœur et le sien lui faisait mal.
On est tout seul au monde quand on ne s'aime plus
Moi je compte les secondes du temps perdu
A chercher où tu t'enfuis
A chercher où tu m'oublies aussi
Des siècles à se chercher, à se fuir, des siècles à s’aimer, à se haïr, des siècles à s’unir et à se combattre.
L’amour entre haine et désir, entre violence et volupté. Un amour qui ne dit pas son nom, qui ne s’avoue pas, qui ne ressemble à rien de ce que l’on décrit dans les livres. Un amour fait de rage et de souffrance, de cruauté et de sang. Peut-on aimer vraiment lorsqu’on n’est plus humain ?
Les affres qu’avaient connues le poète, la créature de la nuit pouvait-elle encore les ressentir ? Peut-on toujours souffrir d’amour lorsqu’on en a péri ? Peut-on toujours mourir d’amour lorsqu’on n’est plus vivant ?
On s'est presque tout dit, toi tu n' m'écoutais pas
Pourtant mes larmes ont mis la pluie sur toi, toi
Et le temps qui nous sépare
Efface tout ce qui nous reste d'espoir
Il avait essayé pourtant de dépasser son inhumanité. Il avait essayé de toutes ses forces d’aller au-delà de ces soirs de jouissance pure, entre douleur et plaisir, ces soirs où ils se donnaient l’un à l’autre avec avidité, dans une étreinte ressemblant à un combat où chacun est le vainqueur, ou chacun est le vaincu.
Il avait osé les mots tendres, les gestes doux. Parfois une étincelle dans le regard de son amour lui faisait penser qu’enfin il avait été entendu. Mais l’étincelle se voilait, la face angélique retrouvait son côté sombre et les crocs qui se plantaient dans son cou tandis que des mains avides s’emparaient de son corps étaient la seule réponse à ses tentatives d’établir autre chose qu’une relation charnelle.
Le cœur devient-il sourd lorsqu’on n’a plus d’âme ? Trop de chagrin tue-t-il la peine, anesthésie-t-il les sentiments les plus simples ? Si tant est que l’amour puisse être simple bien sûr.
Même si tous les mots de mon coeur
Ne croisent jamais ton chagrin
Et même si j'ai mal, même si je pleure
Ne dis pas le mot FIN
Il marchait sans but dans la nuit noire devenue son amie depuis bien trop longtemps maintenant. Il marchait pour tenter d’oublier l’immense ruine qu’était sa vie. Mais peut-on parler de vie lorsque vous n’êtes qu’une coquille vide, créature de l’ombre vouée à la haine et à la destruction ?
Pourtant, cette âme qu’on lui avait rendue comme un fardeau n’était-elle pas la preuve qu’il faisait partie des vivants ? Il savait de nouveau distinguer le bien et le mal. Et la souffrance désormais ne le quittait plus. Mais lorsque vous êtes une âme maudite, comment croire que vous ayez quelque part une moitié de vous ? Comment croire que cette âme noire a une sœur quelque part dans les ténèbres du temps ?
Alors il avait fait l’idiot, le sourd, l’insensible. Il était parti avant de souffrir encore plus. Avant que la destinée ne se venge en lui volant la parcelle de bonheur qu’il aurait pu construire.
J'ai appris le silence, construit des murs d'ennui
J'ai compté ton absence, voulu l'oubli
Mais tout ça, ça sert à rien
Les souvenirs c'est plus fort que le chagrin...
Il était une âme errante, un cœur mort, un corps vide. Les années succédaient aux années dans la même morosité et la malédiction originelle pesait sur lui de plus en plus lourd.
Certes, de loin en loin ils se rejoignaient au creux d’un même lit et s’aimaient avec la même désespérance, sachant que les secondes volées au malheur ils les paieraient au centuple. Mais que devient l’amour au milieu des tourments ? A-t-on le droit d’aimer lorsqu’on a vécu sa mort de massacres en cruautés indicibles ?
Pourtant il n’avait jamais dit les mots qui auraient définitivement éloigné son amant aussi maudit qu’il l’était lui-même. Parce qu’aussi infime puisse être l’espoir qui le soulevait d’avoir un jour la chance de pouvoir s’ouvrir à l’amour, il se refusait à le piétiner.
Même si tous les mots de mon coeur
Ne croisent jamais ton chagrin
Même si j'ai mal, même si je pleure
Ne dis pas le mot FIN...
Ils marchaient dans la même nuit sans se voir, sans savoir qu’ils se cherchaient de néant en néant.
Ils marchaient dans l’ombre parce qu’ils ne pouvaient plus depuis bien longtemps s’exposer à la chaleur du soleil. L’amour peut-il vivre dans l’obscurité ? Peut-il germer, croître et s’épanouir alors qu’il ne connaît que la fraîcheur des cryptes et les voûtes étoilées ?
Ils marchaient tandis que défilaient dans leurs mémoires ces moments où ils étaient apaisés parce que réunis.
Les souvenirs c'est plus fort que le chagrin
L’âme la plus noire est souvent la plus tourmentée. Celle qu’on lui avait rendu avait la couleur de l’encre brute, aussi obscure que son être, aussi violente que les feux de l’enfer qu’on lui promettait lorsqu’enfant il ne se conduisait pas bien.
Elle était si loin son enfance, perdue dans les limbes d’un temps qui n’en finissait pas…
Il n’avait pas tant de souvenirs à chérir : de vie en vie trop de souffrance, trop de sang versé, trop de cris dans sa mémoire. Pourtant il lui restait aussi quelques mots murmurés au paroxysme du plaisir, quelques gestes ébauchés et un regard azur où il aurait pu, s’il l’avait osé, se purifier de ses souillures.
Même si tous les mots de mon coeur
Ne croisent jamais ton chagrin
Même si j'ai mal, même si je pleure
Ne dis pas le mot FIN
Et puis ils furent face à face : cadeau d’un destin qu’ils n’avaient pas choisi et qui s’était acharné sur eux. Le poète et le gentilhomme, deux créatures qui, au-delà des croyances populaires, avaient encore un cœur, ce cœur qu’on perçait d’un pieu pour les anéantir sans se demander s’il battait pour quelqu’un ou simplement pour le mal.
Et à l’instant où chacun émergea de l’ombre pour retrouver l’objet de son tourment, ces cœurs justement s’emballèrent tandis que les yeux brillaient d’une émotion rare. Peut-on parler d’âme sœur quand l’un l’a retrouvé par malédiction et que l’autre n’en a plus ? Pourtant soudain ils avaient la sensation d’être entiers, d’avoir atteint la fin de leur quête.
Pourquoi avoir mis si longtemps à accepter ce que le destin leur offrait ? Pourquoi avait-il fallu des siècles avant qu’ils ne soient prêts à mettre des mots, non… UN mot, sur ce qui les attirait l’un vers l’autre ?
Même si j'ai mal, même si je pleure
Ne dis pas le mot... FIN...
Non… Il n’y aurait pas de fin parce qu’ils avaient désormais l’éternité devant eux. Et corps contre corps ils se parlaient de ce langage éternel des amants.
Spike et Angel… Ils s’étaient trouvés, s’étaient battus, s’étaient étreints, s’étaient séparés. Il leur avait fallu tous ces siècles pour être prêts. Mais à ce moment précis, en ce lieu, ils décidaient enfin de tourner le dos à la souffrance et tant pis si elle revenait se venger.
Ils avaient trop longtemps repoussé cet amour, désormais ils allaient le vivre en profitant de chaque seconde qui leur serait accordée.
FIN
Chanson de Chimène Badi