Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
On s’aimera
Jack regardait son ange qui dormait et son cœur s’emplissait de gratitude et d’amour : il était là, il était en vie !
Il avait eu si peur dans ce bâtiment, lorsqu’il l’avait vu porter la main à sa gorge et s’effondrer, lorsqu’il avait vu ses yeux fixés sur lui, et qu’il avait entendu ses mots, ces mots qui lui disaient l’amour qu’il lui portait, ces mots que lui n’avait jamais osé prononcer.
Et tandis que la nuit obscurcissait son esprit il savait qu’en se réveillant il serait seul plus qu’il ne l’avait jamais été et que son ange aurait disparu. Il savait qu’il serait trop tard pour lui dire ce qu’il ressentait, cet amour qui l’oppressait parfois tant il était violent.
Et quand poissons fatigués
D'avoir trop nagé
Vers des eaux plus bleues
Et quand oiseaux épuisés
D'avoir tant cherché
Les chemins du ciel
Nous n'aurons plus la force
Ni la patience ni l'envie
De nous perdre encore
On s'aimera
Mais Ianto avait survécu : comment ? Pourquoi ? Par quel miracle ? Ces questions n’avaient et n’auraient jamais de réponse et il ne s’en souciait pas.
Il se souvenait de son réveil : ce retour de la mort toujours si douloureux qu’il avait tant de fois effectué dans ses bras et que cette fois-ci il faisait seul… si seul !
Il se souvenait d’avoir pris le corps contre lui et d’avoir titubé vers la sortie où Gwen les attendait.
Il se souvenait de leurs larmes, de leur colère, de leur désespoir.
Et puis il se souvenait soudain d’avoir senti un battement sous sa main posée sur le cœur, d’avoir vu les paupières se relever sur le regard bleu, d’avoir vu cette question au fond des yeux : suis-je en vie ?
Ianto était vivant par il ne savait quel mystère : mais lui qui avait tellement vu de monstres revenir des enfers où ils auraient dû rester, tellement observé de phénomènes inexpliqués se fichait finalement de savoir par qui ou quoi le miracle était arrivé.
Ianto était vivant et il pouvait enfin lui dire tout ce qu’il n’avait jamais dit.
Et quand le coeur déchiré
D'avoir trop voulu
Trouver un chemin
Et quand les yeux aveuglés
D'avoir tant versé
De larmes pour rien
Nous n'aurons plus que nous
Et nos sourires et nos regards
Et nos mots d'amour
On s'aimera
Avaient-ils l’éternité pour eux désormais ? Le Gallois venait-il de le rejoindre sur la courbe du temps, point fixe pour ancrer son éternité ? Deux cœurs qui battraient à l’unisson sans que le destin jamais ne puisse les séparer ? Deux âmes qui feraient ensemble le chemin d’éternité qu’on avait écrit pour eux ?
Trop de questions sans réponses, trop de réponses sans fondement….
Qu’importait.
Ils étaient ensemble ici et maintenant, il serait ensemble demain et ailleurs… Leurs vies ne faisaient qu’une comme leurs cœurs n’étaient plus qu’un.
Il n’avait pas parlé à ce moment-là, il avait juste serré son ange dans ses bras, sentant son cœur battre à se rompre et adressant à il ne savait qui une prière de remerciement. Désormais sa vie serait consacrée à rendre cet homme heureux parce qu’il l’avait arraché au néant.
Loin très loin du monde en noir et sang
Là où les couleurs quittent le sépia
Pour ces teintes qu'on ne connaît pas
Puiqu'elles n'existent toujours pas
Toujours pas
La vie donne et la vie reprend.
Elle lui avait fait le magnifique cadeau de cet amour auquel il avait fini par ne plus croire. Il papillonnait de cœur en cœur et de corps en corps depuis si longtemps ! Si rares étaient ceux, humains ou non, qui avaient réussi à le retenir dans leurs bras plus de quelques jours ou de quelques mois. Encore plus rare ceux qui avait su faire frémir son cœur qui se fossilisait au fur et à mesure que les années s’allongeaient.
Lorsqu’il avait vu Ianto pour la première fois il avait su qu’il pourrait être l’un de ceux-là et il s’était alors battu de toutes ses forces pour refuser cette évidence. Il ne voulait plus aimer ! Il ne voulait plus souffrir lorsque l’être adoré le laisserait, forcément, au milieu de la route, le cœur mort encore une fois dans un corps qui ne pouvait plus mourir.
Il avait retenu les gestes et les mots. Il avait simplement cédé à l’appel des sens, feignant de n’y voir que cela. Sans doute Ianto en avait-il souffert : mais sa souffrance à lui ne serait qu’éphémère, tandis que la sienne durerait l’éternité !
Seulement, ce jour-là, l’avertissement du destin avait été trop clair pour qu’il l’ignore : sois heureux quand tu le peux ! Vis ton bonheur tant qu’il en est tant !
Il ne gaspillerait pas une seconde de cette seconde chance qui leur était accordée. Il saurait dire tout ce qu’il n’avait pas dit, livrer son cœur et son âme comme il avait déjà livré son corps.
Et quand nos amis fidèles
Auront fait la belle
Comme on fait le mort
Et quand nous serons tout seuls
D'avoir trop crié
Qu'on rêvait encore
Même si dans nos miroirs
On aura quelque peu changé
Vieillis et usés
On s'aimera
Il n’y aurait rien qu’il ne puisse faire pour rendre son ange heureux ! Rien qu’il n’ose affronter pour le garder à ses côtés ! Rien qu’il ne soit capable de surmonter pour le retrouver, dans ce monde ou dans l’au-delà !
Ianto était son ancre, son phare, sa rédemption ! Ianto était le seul lien qui lui permettait de garder cette humanité qui le fuyait au fur et à mesure que sa vie s’allongeait. Comment rester sensible lorsqu’on sait combien le monde est cruel ? Comment se sentir homme lorsqu’on voit ce que celui-ci peut faire par goût du lucre, par vengeance, par simple plaisir ? Comment, jour après jour, garder la foi, quand tout ce que l’on observe nous conduit à douter de tout et de tous ?
Ianto était sa certitude, sa vérité, sa volonté… Avec lui il pourrait chevaucher les nuages, il pourrait atteindre à l’essentiel, à la pureté. Avec lui il serait lavé de ses pêchés, purifié de ses fautes. Ianto était l’ange venu lui montrer un chemin qu’il ne pouvait plus, ne voulait plus emprunter.
Et ce chemin, désormais, il le suivrait jusqu’à son terme en profitant de chaque détour, de chaque mètre, de chaque paysage.
Loin très loin du monde en noir et sang
Là où les couleurs quittent le sépia
Pour ces teintes qu'on ne connaît pas
Puiqu'elles n'existent toujours pas
Toujours pas
Il dormait, épuisé par ce voyage aux portes de la mort, ce voyage qu’il avait commencé sans lui, sans espoir de retour.
Mais il était revenu : caprice de la nature ou volonté divine ? Jack ne le savait pas et ne le saurait jamais. Mais il savait qu’à l’instant où Ianto avait ouvert les yeux, il s’était senti revivre aussi, pas dans la douleur mais dans la plénitude et le bonheur. Il ne chercherait pas à connaître la cause du miracle, il se contenterait d’en profiter et de veiller sur celui qu’on lui avait rendu.
Ils vivraient ensemble toute la vie terrestre de son compagnon, cette vie durant laquelle il chercherait comment l’accompagner lorsque le moment serait venu. Ils vivraient ensemble les bonheurs simples et purs et s’enivreraient de cet amour désormais révélé, cet amour qui, peut-être les avait sauvés.
L’amour ne meurt jamais…
Et quand tirés tous les traits
Sur tous ceux qui pleurent
Sur ceux qui se tuent
Et quand revenue la paix
Parce que plus nos peurs
Devant l'inconnu
Parce que ce jour là presque frères
De même espoir de même joie
Pour vivre encore
On s'aimera
Soudain les paupières frémirent et le regard océan se riva au sien :
- Jack… Tu ne dors pas ? Quelque chose ne va pas ?
Il fit taire l’alarme qui transparaissait dans le ton de son amant d’un de ces sourires qui détournaient automatiquement les pensées de celui-ci vers quelque chose d’à la fois plus terre à terre mais qui, paradoxalement, les conduisait toujours au septième ciel, tout en disant :
- Non. Tout va très bien au contraire. Je te regardais juste dormir. Tu es si beau !
Ianto rougit :
- Arrête de dire des bêtises !
- Ce ne sont pas des bêtises ! Tu es beau et tu es vivant ! Je crois que je pourrai passer ma vie à te regarder dormir, à m’assurer que tu es toujours avec moi.
- Je ne te quitterai jamais Jack, tu le sais ! Je serai toujours à tes côtés.
- Pourtant…
Ianto posa ses doigts sur les lèvres de son compagnon, l’empêchant de continuer :
- Non… Je suis là dans ton lit. Et je resterai toujours là, murmura-t-il en déplaçant sa main pour la poser sur la poitrine de l’Immortel, là où il sentait son cœur battre la chamade, là, dans ton cœur… Je vivrai toujours à travers toi… Je ne te quitterai pas… Tu le sais…
- Oui, je le sais ! Je t’aime mon amour ! Si tu savais comme je t’aime !
- Je t’aime aussi ! Plus que je ne pourrai jamais le dire.
Leurs lèvres s’unirent, ouvrant la voie pour leurs corps qui se redécouvrirent avec toujours la même ivresse.
Seul dans le grand lit, Jack sourit dans son sommeil : son ange était là, à ses côtés et jamais plus il ne serait seul.
FIN
Chanson de Nicolas Peyrac