Et une songfic de plus!!!
Celle-ci était destinée à Natasia à l'époque où elle était encore à peu près jeune....
Préambule : Je ne connais pas les personnes et je ne sais rien de leur vie. Je me contente de les mettre en scène dans une fiction, sans en tirer aucun bénéfice.
Pour ceux qui l'ont lue, cette fiction fait suite à "Méfie-toi on t'aime", offerte à Mapi.
Tu ne m’as pas laissé le temps.
Shanon restait prostré au bord du lit. Rien de ce que pouvaient lui dire les gens qui l’entouraient ne l’atteignait. Il ne voyait qu’une seule chose : son frère, l’amour de sa vie, dans ce petit lit d’hôpital, entouré par toutes ces machines qui lui paraissaient autant d’instruments de torture, même si sa raison lui disait que, sans elles, Jared serait déjà bien loin de lui et que rien ne le ramènerait plus.
Depuis quatre jours qu’il était là, nul n’avait réussi à le faire quitter le chevet de son ange. Eu égard à leur notoriété, le personnel soignant acceptait sa présence en dehors de toute règle : de toute façon il aurait fallu l’assommer pour l’éloigner de la chambre.
Il s’était éloigné de lui une fois, une fois de trop et maintenant il était là, allongé entre ces draps, presque diaphane tant il avait perdu de sang malgré la perfusion qui continuait à l’alimenter. Il se souvenait vaguement qu’on lui avait parlé d’une blessure au foie qui compliquait la coagulation, d’où ce besoin régulier de poches amarantes qu’une infirmière accrochait et qu’il ne pouvait regarder sans se souvenir de tout ce sang répandu sur le bitume tandis qu’il tenait son petit frère dans ses bras.
J'reste
Avec mes souvenirs
Ces morceaux de passé
Comme un miroir en éclats de verre
Mais à quoi ça sert
L’amour peut-il vraiment tuer ? Comment peut-on passer du statut de fan à celui de meurtrier ? Pourquoi ne s’était-il pas méfié ? Pourquoi s’était-il laissé abusé par un joli minois innocent, deux grands yeux bleus émerveillés, une voix enfantine, une silhouette fluette ? Pourquoi avait-il baissé sa garde au moment où il aurait fallu au contraire être plus vigilant que jamais ?
Il se souvenait de ce cri, de cette voix qui n’avait plus rien d’angélique, il se souvenait de ceux de Jared, il le revoyait au sol, perdant son sang par ce qui lui avait semblé une multitude de blessures. En vérité il y avait eu sept coups portés dont trois potentiellement mortel : un au foie, un qui avait ébréché l’aorte et un qui avait transpercé le poumon. Jared aurait déjà dû être mort et pourtant il vivait, si on pouvait appeler ça vivre, se reprit-il en laissant ses yeux dériver un instant vers l’appareillage compliqué qui entourait son frère.
Qu’aurait-il pu faire de plus pour empêcher le drame de se produire ? Comment inverser le sort ? Comment garder l’espoir quand, depuis tant d’heures, son amour était suspendu entre deux mondes, juste retenu auprès de lui par ces fils qui couraient de son corps inerte aux machines ?
Comment lui faire comprendre qu’il avait besoin de lui ?
C'que j'voulais te dire
Reste sur des pages blanches
Sur lesquelles je peux tirer un trait
C'était juste hier
Et si ce jour était le dernier ? Si cet amour, noué du premier jour où il avait croisé les yeux incroyablement bleu de son cadet, devait s’arrêter là, dans cette chambre triste et froide ? Comment pourrait-il jamais supporter de le laisser partir ? Comment pourrait-il continuer à vivre sans lui, sans sa présence, sans son sourire, sans la chaleur de son corps ?
Peu de personnes savaient pour eux parce que la plupart des gens auraient été indignés, voire dégoûtés de ce lien qu’ils auraient qualifié « contre nature » qui les unissait. Pourtant il avait vécu ses plus beaux moments auprès de Jared et il voulait en vivre encore d’autres, parce qu’ils avaient eux aussi le droit au bonheur d’aimer : qui peut condamner l’amour vrai, celui qui uni deux êtres de chair et de sang responsables et libres ? Est-ce que le destin venait de leur envoyer le message qu’ils avaient fauté ? Il est évident que certaines personnes l’auraient ainsi pris. Lui ne voulait pas le croire : leur amour était trop beau pour être condamnable, trop précieux pour être jeté en pâture aux idiots qui ne comprendraient pas.
Il voulait avoir encore du temps : du temps pour aimer, du temps pour rire, du temps simplement pour vivre.
Tu ne m'as pas laisser le temps
De te dire tout c'que je t'aime
Et tout c'que tu me manques
On devrait toujours dire avant
L'importance que les gens prennent
Tant qu'il est encore temps
Mais tu ne m'as pas laissé le temps
Soudain, près de ce lit, il se souvenait de toutes les fois où il avait hésité, où il s’était dérobé, où la peur l’avait rendu fuyant, injuste… Il se souvenait de tous les mots qu’il n’avait jamais dits parce que les dire aurait été ancrer dans la réalité ce qu’il avait du mal à accepter lui-même.
Comment peut-on aimer son frère plus qu’un frère ? Si souvent il avait posé cette question à laquelle, toujours, son cadet avait des réponses, des réponses qui paraissaient si claires, si normales…
Pourtant il avait lutté, pied à pied, la raison contre le cœur, se noyant dans des liaisons sans lendemain, simplement pour éloigner une vérité qui lui faisait peur.
Mais Jared, lui, n’avait jamais douté. Il avait attendu, patiemment, sachant qu’un jour viendrait où son aîné serait obligé de rendre les armes. Quand il croisait son regard, Shanon sentait fondre ses réserves peu à peu, ses craintes s’émoussaient. Petit à petit le plus jeune l’avait forcé à regarder la réalité en face, il l’avait amené à déposer les armes. Il l’avait obligé à grandir.
Toi qui m'as tout appris
Et m'as tant donné
C'est dans tes yeux que je grandissais
Et me sentais fier
Cette première fois il s’en souvenait comme si elle s’était déroulée la veille. Le désir, le plaisir, la peur, et la culpabilité, il les avait côtoyés, chevauchés dans un même moment. Mais il avait compris aussi, au moment où leurs âmes se parlaient au summum de la volupté, qu’il était à sa place, là où il devait être depuis que le monde était monde.
Bien sûr il y avait eu d’autres jours d’hésitation, des jours de colère, des jours de souffrance, mais ils avaient fini par trouver un équilibre et la douceur de leur amour apaisait les craintes qu’il continuait d’avoir et qui lui interdisait de prononcer certains mots, des mots pourtant qu’un frère peut dire à son frère sans être jugé pour cela.
Ce n’était peut-être pas le paradis, mais ça y ressemblait : leur amour, le succès, la foule en délire qui les attendait après chaque concert, la musique qu’ils partageaient…
Le paradis et soudain…
Pourquoi sans prévenir
Un jour tout s'arrête
Et vous laisse encore plus seul sur terre
Sans savoir quoi faire
Les bips lancinants résonnait dans sa tête douloureuse, dans son corps anesthésié par la peur, une peur comme il n’en avait jamais connue auparavant.
Soudain tous ces moments où il avait refusé de s’abandonner, de vivre leur passion, lui apparaissaient comme autant de temps perdu qu’il ne rattraperait jamais. Et tout ce qu’il n’avait pas dit et qui lui brûlait les lèvres maintenant, pesait comme un poids sur son cœur, un poids qui devenait plus lourd à mesure que s’égrenaient les heures et qui l’étouffait peu à peu.
Et si Jared partait sans avoir entendu ce qu’il avait à dire ? Et si son ange prenait son envol vers cet autre monde sans connaître ses pensées les plus profondes, sans imaginer combien il lui était essentiel, comme l’eau qu’il buvait ou l’air qu’il respirait ?
- Je t’en supplie mon ange, je t’en supplie…
Tu ne m'as pas laisser le temps
De te dire tout c'que je t'aime
Et tout c'que tu me manques
On devrait toujours dire avant
L'importance que les gens prennent
Tant qu'il est encore temps
Tu n'm'as pas laissé le temps
- Sans toi je ne suis rien qu’une enveloppe vide. Si tu pars je te rejoindrai très vite parce que je ne pourrais pas continuer la route sans ta présence. Je sais que je n’ai pas toujours su te montrer combien tu comptais, mais si tu reviens je pourrai te dire ces mots que je t’ai refusés. Est-ce que tu m’entends là où tu es ? Est-ce que tu vois mes larmes ? Est-ce que tu ressens ma solitude, mon chagrin ? Reviens-moi mon amour, reviens… J’ai tellement de choses à te dire.
Une pression sur sa main lui fit baisser les yeux et son cœur bondit dans sa poitrine en voyant les doigts frissonner entre les siens.
- Oui… Reviens… Je sais que tu m’entends. Je sais que tu es là… Je sais que tu le peux… Reviens… Ouvre tes beaux yeux… Je t’en supplie mon amour…
Il se fichait qu’on puisse entendre sa prière, qu’on puisse se rendre compte qu’il y avait bien plus entre eux qu’une relation fraternelle : tout ce qui importait c’était de ramener son amour à ses côtés, tout le reste était sans importance ! S’il l’avait compris avant, peut-être que rien de tout cela ne se serait produit ! Peut-être que l’aveu aurait donné à leur vie une autre tournure et que cette folle n’aurait pas croisé leur route, peut-être que…
Deux orbes d’un bleu profond vinrent interrompre ses pensées, deux prunelles qui se fixaient sur les siennes et dans lesquelles il lut la douleur, l’égarement mais surtout un océan d’amour.
- Merci mon ange ! Merci de revenir ! Tu verras, désormais tout ira bien. Je t’aime.
« Je t’aime aussi » répondit le blessé des yeux.
Et tandis que les médecins venaient pour s’assurer que leur patient déjouait tous les pronostics et s’engageait sur la voie de la guérison, ils gardaient leurs regards rivés l’un sur l’autre : le destin venait de les éprouver, mais ensemble ils étaient indestructibles.
Leur amour les ramènerait toujours l’un vers l’autre, même des portes de la mort.
FIN
Chanson de David Halliday