CHAPITRE 52
Assise à mon bureau, de nombreuses années après les faits, je marquais une pause, face à mon ordinateur portable. Je rédigeais toujours les mémoires de notre équipe, y incluant les moments intimes de nos vies et j’avais du mal à réaliser comme la mémoire humaine pouvait être fascinante.
Nous avions vécu bon nombre d’aventures, relevé des épreuves et des défis dans nos vies aussi bien personnelles que professionnelles et pourtant j’avais la sensation que je serais capable de me souvenir de cet échange avec Fred jusqu’à mon dernier soupir - le plus tard possible, bien entendu !
J’entendais autour de moi l’activité habituelle du SGC car je gardais toujours ma porte ouverte et parfois, j’aimais me remémorer nos péripéties passées avant de les coucher sur papier - virtuellement parlant puisque j’écrivais en réalité sur mon portable. Les choses avaient changé depuis mon arrivée et pourtant, j’avais le sentiment étrange que tout était encore pareil, comme figé dans le temps.
Un héros de film a dit ”Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes” * et ça se vérifiait tous les jours.
Sam dirigeait à présent la base, succédant ainsi à Hammond et à O’Neill. Teal’c ne vivait plus à temps plein parmi nous mais nous avions la joie et le bonheur de le voir très régulièrement. Daniel transmettait son savoir et se passionnait toujours autant pour la culture Ancienne, ainsi que pour les langues mortes ou venant d’autres planètes. Il faisait souvent la navette entre la station Atlantis et le SGC.
Les missions d’exploration se poursuivaient encore et toujours, fournissant des matériaux au service Recherches et Développement, toujours en expansion. Nous maitrisions bien mieux le voyage dans l’espace grâce à nos vaisseaux terriens. Sam supervisait les recherches sur l’espace-temps et le multivers.
Le Général Carter-O’Neill avait beaucoup plus de responsabilités au sein du SGC que ses prédécesseurs, car la Zone 51 était elle aussi passée sous son contrôle. Je lui servais de bras droit, la soulageant quand c’était possible d’un certain nombre de ses obligations.
Jack avait pris sa retraite quelques années plus tôt et restait à la maison, pour s’occuper de leurs enfants - et de mon fils par la même occasion. Je savais nos enfants en sécurité avec lui et cette nounou ne se plaignait jamais de nos retards ou du fait que nous étions parfois coincées à la base pendant plusieurs jours. Il connaissait le métier et composait avec l’absence de son épouse.
Fred était mort quelques années auparavant, en mission de reconnaissance, me laissant seule avec mon petit garçon. J’avais été très entourée par mon équipe et nous ne manquions de rien.
Je fixais le curseur noir qui clignotait sur la page blanche du traitement de texte. J’ignorais depuis combien de temps elle était là, m’observant en silence, mais le Général Sam me tira de mes rêveries.
”Tu penses à Fred ?” me demanda-t-elle, dans un murmure, comme pour ne pas faire s’envoler mes souvenirs.
Elle s’approcha de moi et posa sa main droite sur mon épaule. Elle serra juste assez fort pour me faire comprendre qu’elle était là, si j’en avais besoin.
”Oui, tu sais, je repensais au jour où il m’a parlé de son oncle.”
Elle hocha la tête en retenant à peine un grognement dans sa gorge.
”Alex, si c’est trop dur, on peut demander à quelqu’un de te soulager de cette peine, à partir de nos notes et dossiers. Certains détails n’ont pas besoin d’être divulgués.”
Je fis pivoter mon siège afin de lui faire face.
”Sam, on passe tous par des moments plus ou moins drôles, tu le sais aussi bien que moi. Ce n’est pas en déléguant cette tâche que ça changera ce qui est arrivé. Au contraire, ça m’aide à dépasser ça.”
”Je comprends” dit-elle, en s’asseyant sur le coin de mon bureau.
Elle portait un treillis, adoptant le style vestimentaire décontracté du Général O’Neill plutôt que celui, plus strict, du Général Hammond avant eux. Elle courait toujours à droite ou à gauche dans la base, elle avait besoin du confort apporté par la tenue de combat.
Elle me contemplait toujours avec ce regard bienveillant qui ne la quittait jamais quand il s’agissait de moi. J’avais l’impression d’être la petite soeur qu’elle n’avait pas eue.
”Mais je te rassure, la suite sera bien plus sympa.”
Elle m’interrogea du regard.
”Ton mariage avec Jack !”
Elle éclata de rire.
”Oh ça ! Je ne suis pas sûre que tes lecteurs se passionnent pour ce détail.”
A mon tour de la regarder, mais comme si elle s’était enfuie d’un asile.
”Attends Sam…” soupirais-je. ”Un homme et une femme que tout sépare et qui pourtant s’aiment d’un amour plus fort qu’un champ de force Goa’uld ? Que les années-lumière ne peuvent séparer ? Que les maladies n’arrivent pas à achever ?”
Elle me considéra un instant avant que je termine.
”Et toi, tu penses égoïstement que ça ne fait pas partie de la Légende du SGC ?”
Elle sourit et secoua doucement la tête, laissant échapper quelques cheveux de sa tresse blonde.
”Je pensais que tu parlerais de tes recherches, des technologies acquises par le SGC… Pas de Jack et moi.”
”Le commun des mortels se passionne plus pour Lancelot et Guenièvre que pour E=MC2” dis-je en riant.
”Lancelot ? Pas Arthur ?”
”Ca semblerait plus approprié pour Jack, je te l’accorde mais… C’est Lancelot du Lac qui est fou d’amour pour la Reine… Et Arthur connait un destin funèbre !”
Quelques minutes plus tard, elle quitta la pièce et je me sentais plus légère. Je repris le cours de mon récit.
SJSJSJ
”Mon père est un Républicain des plus… Convaincus. Pour éviter les discussions trop compliquées et houleuses, j’ai préféré taire ton identité et tes origines aussi longtemps que possible, sauf que mon père a vite fait le rapprochement. Bien que ta mère soit une fière représentante des Démocrates, mon paternel reste un opportuniste malgré ses convictions” me dit Fred.
Je ne savais ni qui dire, ni quoi faire. J’avais senti depuis longtemps sa réticence à me présenter sa famille mais comme j’avais moi-même mis un certain temps à parler de lui à mes parents, j’aurais été mal placée pour lui en faire la remarque.
”Et c’est quoi le rapport avec ton oncle ?” dis-je après un silence pesant.
”J’y viens…” soupira-t-il, comme si ce qu’il allait dire était une épreuve. ”Mon père pense que mon oncle a été emprisonné suite à une erreur judiciaire.”
”Il existe des recours dans des cas comme celui-ci.”
”Alex, tu vis dans ton monde doré ! Ouvre les yeux et regarde un peu autour de toi ! Personne n’est ni foncièrement bon ou mauvais ! Il existe des nuances mais tes parents t’ont toujours protégé de tout ça ! Regarde, observe et cherche plus loin que le bout de ton nez !”
Il ne criait pas mais je pouvais sentir sa rage. Elle émanait de lui, comme une aura brulante.
Je pouvais tolérer beaucoup de choses mais pas ça. Je n’avais pas été élevée comme une princesse, enfermée dans son château. Même si je n’avais pas connu les mêmes problèmes que la plupart de mes concitoyens, je savais comment était le monde dehors, je n’étais ni naïve ni stupide.
Ramassant ma serviette tombée au sol, je me levais et décidais de quitter la pièce afin de m’habiller et de sortir faire un tour.
Fred essaya de me retenir mais je tentais de lui expliquer posément que quand il serait prêt et plus calme, alors je l’écouterais.
Il me retrouva sans peine deux ou trois heures plus tard. Seulement, si j’étais plus sereine, ce n’était pas le cas de Jack. Il fulminait et Fred n’était pas préparé à ça quand le maitre des lieux lui ouvrit sa porte quand il frappa. C’est tout juste s’il ne l’attrapa pas par le col de son polo pour le conduire au salon.
”Maintenant que tu es là, tu nous expliques sans détour ce qu’a fait ton oncle !” ordonna le Colonel.
Sam lui jeta un regard lourd de sens mais Jack préféra l’ignorer.
J’étais dans un fauteuil et je regardais Fred qui n’en menait pas large. Il osait à peine regarder Jack, et encore moins Sam ou moi.
”Mon oncle était dans l’armée de terre, il y a quelques années. Il a été accusé de viol sur un officier féminin, sa subordonnée. Les preuves étaient accablantes et la cour martiale le condamna après un procès plutôt court.”
Sam et moi avons échangé un regard horrifié et j’ai cru que le poing de Jack allait s’écraser dans un mur, tellement il semblait en colère.
”Donc Papa s’est dit que la Sénatrice de Californie allait plaider en sa faveur ? Cette même femme qui se bat depuis des années pour dénoncer ce genre pratiques ?”
Fred hocha juste la tête, doucement de haut en bas.
”Il espère aussi que l’Amiral pourra intercéder.”
Si mes craintes à propos de l’honnêteté de Fred s’étaient envolées il y a un petit moment, je n’avais jamais envisagé que sa famille serait un jour un problème. J’étais dévastée.
”Oui bien sûr, je vois l’appel d’ici ! ‘Allô, Bill, salut c’est Jack. Dis-moi, ça te dirais de m’aider à faire sortir un violeur de prison ?’”
”Il est hors de question de demander quoi que ce soit !” s’indigna Fred, en se levant.
Jack, Sam et moi nous sommes regardé, surpris par sa réaction.
”Je suis persuadé qu’il est coupable ! J’allais souvent chez lui quand j’étais enfant et avec le recul, plusieurs détails me sont revenus. Certains détails me gênent, même si on peut difficilement monter un dossier contre lui avec ça. Mais je reste convaincu qu’il a maltraité cette femme et sans doute d’autres. Sa place est en prison !”
Tout le monde retrouva son sang-froid et Jack nous invita à dîner. Fred me fit des excuses et la vie reprit son cours… Sauf que j’avais appelé ma mère pour lui expliquer ma situation. Je ne voulais pas qu’elle reçoive un jour une demande, venant de la famille de Fred sans avoir été avertie au préalable.
La Présidente du Sénat américain fit ressortir le dossier et ouvrit une enquête officieuse sur l’ex Lt-Colonel Wesley. Il s’avéra qu’il était coupable et d’autres femmes sortirent de l’ombre. L’oncle de Fred resta en prison plus longtemps que prévu.
Les tensions montèrent entre nos deux familles et Fred se trouva face à un dilemme. Il finit par choisir le camp de mes parents. Sa mère venait nous rendre visite de temps à autre mais son père se murait dans son silence et sa haine.
* Kurt Russell AKA Snake Plissken dans ”New York 1997” & ”Los Angeles 2013”
**********
Voilà le dernier chapitre avant la reprise, car comme je le disais dernièrement, je prends l'avion demain soir (lundi) pour la Métropole. J'aurais les retrouvailles, le décalage horaire et la fatigue du voyage à gérer :)
A très bientôt