Dernier reclassement d'une songfic anniversaire: celle-ci était pour Marguerite R-Jones
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Donald P. Bellisario & Don McGill. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Ce que je crains
- Mais enfin de quoi as-tu peur ?
- Je n’ai pas peur ! Tu oublies qui je suis…
- Non je ne l’oublie pas, justement… Je te connais Ziva… Et je sais quand tu as peur. Et en ce moment-même, tu crèves de trouille, tu ne peux pas me mentir.
Il avait posé ses mains sur ses épaules et elle se dégagea rapidement, presque brutalement avant de lui tourner le dos pour cacher son visage, dissimuler la souffrance dans ses yeux.
Oui elle avait peur, peur comme jamais, peur comme elle pensait n’avoir jamais peur et elle se refusait à ce qu’il la voit ainsi : faible, perdue, hésitante…
Comment lui expliquer cette angoisse qui lui rongeait les entrailles ?
Comme il est terrible l´enfer
À qui connut le paradis
Comme il est pénible l´hiver
À qui connut printemps fleuri
Comme il est terrible le temps
Qui s´allonge, qui s´alanguit
Pour qui connut la plénitude
Et la passion des jours bénis
Tony s’était approché doucement d’elle et son bras vint s’enrouler autour de sa taille. Il l’attira contre lui doucement. D’abord elle se raidit, puis elle se laissa aller dans l’étreinte, son bras venant se poser sur celui qui l’enlaçait.
Elle était bien ainsi, elle avait l’impression d’être à la place qui lui était destinée de toute éternité : dans les bras de cet homme qu’elle avait pourtant trouvé si horripilant lorsqu’elle avait fait sa connaissance.
Elle était bien mais la vie lui avait appris que le bonheur n’est qu’un instant fugace et que rien de ce à quoi on tient ne dure jamais.
La vie nous prend
La vie nous traîne
La vie nous traîne
La vie nous croît
Au bout de la détresse humaine
L´homme se lève et crie "Pourquoi?"
Comment lui expliquer ? Comment lui faire comprendre ? Tony était un irréductible optimiste, c’était aussi cela sans doute qui l’avait faite succomber à son charme italien, à son sourire ravageur, à son côté un peu hâbleur…
Il croyait en la beauté de la vie, il avait foi dans le bonheur, pensait qu’il était possible d’être heureux malgré leur métier, malgré tout ce qu’ils voyaient jour après jour.
Heureux homme grandi dans une nation qui n’avait jamais été envahie, pour laquelle il avait fallu attendre deux mille onze ans avant que la guerre ne vienne frapper en plein milieu de leur cœur, causant un traumatisme qui ne disparaîtrait jamais des consciences collectives. Heureux homme issu d’une famille, certes pas particulièrement unie ni ordinaire, mais qui lui avait procuré une enfance et une adolescence ni meilleure ni pire que celle de la plupart des Américains de son milieu social.
Comment lui expliquer que pour elle, l’ennemi c’était justement la paix, la tranquillité, ce sentiment de bien être qu’il lui procurait ?
Et va ma vie
Et va mon coeur
Ce que je crains
C´est le bonheur
C´est trop de ciel
Trop de soleil
Et trop de joie.
Lorsqu’on a été élevée dans une nation en guerre perpétuelle, lorsqu’on a un père directeur de l’un des services secrets les plus efficaces et les plus impitoyables au monde, lorsqu’on a vu tomber autour de soi tant de personnes que l’on aimait, comment réussir à faire confiance ? Comment penser qu’on a le droit, nous aussi, à une part de bonheur qu’on ne viendra pas nous reprendre à peine y aurons-nous goûter ?
Comment croire dans le bonheur quand son propre père s’est servi de son frère pour remplir sa mission ? Comment croire dans les liens du cœurs quand un jour on a soi-même abattu ce frère devenu incontrôlable ?
Et va ma vie
Et va mon coeur
Ce que je crains
C´est le bonheur
Celui qu´on donne
Et qu´on retire
En une fois.
Pourtant elle s’était laissée approcher, attendrir, apprivoiser… Pourtant il y avait eu ce premier baiser, ces premières caresses, cette première étreinte qui l’avait emmenée plus loin qu’elle n’était jamais allée, elle qui, pourtant, n’était pas une novice en matière de relations charnelles…
Pourtant il y avait des soirs où elle se noyait dans les yeux verts de son amant, où elle se laissait souler par les mots qu’il lui disait, où le sourire qu’il attachait sur elle la faisait fondre au point qu’elle se disait que peut-être, oui, peut-être, c’était possible.
Mais toujours revenait la peur… cette peur intangible, inextinguible qui la dévorait de l’intérieur, cette peur qu’à s’attacher, une fois de plus, une fois de trop, elle souffre encore… Trop de larmes avaient jalonné sa courte vie pour qu’elle ne sache pas que tout se payait au prix fort en ce bas monde, le bonheur plus que le reste !
Comme il est trop grand l´univers!
Et comme on se sent tout petit
Quand on est seul, à découvert
Face au silence de la nuit!
Avant que sagesse ne vienne
Ce qu´il faut se brûler les doigts
Aux fausses joies, aux fausses peines
À tous les tabous d´ici-bas.
Ce soir Tony lui avait dit qu’il voulait aller plus loin, qu’il voulait qu’entre eux ce soit plus qu’une liaison clandestine entre collègues, plus qu’une simple histoire « de fesses », comme elle s’entêtait à appeler ce qui les unissait, refusant obstinément de laisser les mots : tendresse, affection, amour, venir troubler ce qu’elle pensait avoir instauré entre eux.
Il avait attendu longtemps qu’elle ose enlever son armure pour s’offrir aussi nue qu’elle s’offrait à ses caresses, nue de ses angoisses, nue de son passé si lourd, nue de ce sentiments irraisonné qu’elle ne méritait pas d’être heureuse.
Mais Ziva restait sourde à ses prières, à ses raisonnements, à ses colères même… Elle restait figée sur elle-même, refusant de s’ouvrir, comme l’animal sauvage refuse de s’adoucir de peur que le fouet ne prenne tôt ou tard le relais de la main qui le cajole…
Ce soir il l’avait bousculée, l’avait poussée dans ses retranchements, l’avait forcée à affronter sa vérité.
La vie nous prend
La vie nous traîne
La vie nous traîne
La vie nous croît
Au bout de la détresse humaine
L´homme se lève et crie "Pourquoi?"
Elle s’était retournée maintenant et avait plongé ses yeux dans les siens tandis que sa main courait sur sa joue.
Pouvait-elle vraiment se lâcher ? Pouvait-elle lui permettre de s’immerger dans un bonheur auquel elle ne croyait plus depuis longtemps ? Pouvait-elle le laisser la guider sur un chemin de lumière ? Pouvait-elle vraiment abandonner entre ses mains cette carapace qu’elle portait depuis si longtemps ?
Et va ma vie
Et va mon coeur
Ce que je crains
C´est le bonheur
C´est trop de ciel
Trop de soleil
Et trop de joie
Il y avait tant d’amour au fond des prunelles vertes, tant d’amour qu’elle en frissonnait… Souvent il les lui avait susurré les trois petits mots magiques qu’elle se refusait à entendre et encore plus à prononcer elle-même… Il savait qu’elle n’était pas prête à les recevoir et encore moins à les offrir, mais lui avait besoin de les lui dire pour lui faire comprendre ce qu’elle représentait à ses yeux.
Il n’attendait pas d’elle qu’elle plie devant sa volonté : elle était femme, libre, magnifique dans sa sauvagerie presque indomptée. Jamais elle ne serait sa chose et il ne le voulait surtout pas : il voulait une compagne, une égale, quelqu’un qui saurait l’épauler, le consoler, le rassurer, se battre à ses côtés. En échange il lui offrirait à son tour son aide, son appui, sa protection, sa combativité.
Ensemble ils n’étaient qu’un mais Ziva ne l’avait pas encore compris, trop effrayée par l’avenir pour oser vivre le présent.
Et va ma vie
Et va mon coeur
Ce que je crains
C´est le bonheur
Celui qu´on donne
Et qu´on retire
En une fois...
- Mais si…
- Chut… Il n’y a pas de si… Il n’y a pas de mais… Est-ce que tu me fais confiance Ziva ?
- Tu le sais bien…
- Non je ne le sais pas… Dis-le… Dis-le moi, s’il te plaît.
Alors, yeux dans les yeux, elle prononça distinctement :
- Bien sûr que je te fais confiance Tony.
- Alors si tu me fais confiance, il est temps… Temps d’être ensemble aux yeux de tous. Et je te promets que le monde ne va pas s’écrouler…
Et avant qu’elle ait pu émettre un nouveau « mais », il posa son index sur les lèvres joliment ourlées, les fermant ensuite d’un baiser :
- Je t’aime Ziva David. Je t’aime et je veux vivre ma vie auprès de toi.
Alors elle abandonna la lutte : de toute façon, fuir n’y changerait rien, elle avait déjà perdu et depuis longtemps. Autant se laisser porter, autant se laisser aller à y croire, le temps que ça durerait. Alors, pour la première fois, les mots franchirent enfin ses lèvres :
- Je t’aime Tony… Je t’aime et je veux vivre ma vie auprès de toi.
Puis il n’y eut plus besoin de mots, leurs corps parlant un langage bien plus riche pour les assurer de leur amour, de leur besoin, de leur désir, de leur bonheur…
FIN
Chanson d’Alain Barrière