Toujours dans les reclassement: ceci était destiné à dame Aragone.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Après toi
- Jack…
Le capitaine secoua la tête et se détourna. Il ne voulait pas écouter Gwen, il ne voulait pas la voir. Il voulait juste rester là, dans son sanctuaire, à regarder les images d’un bonheur enfui, à bercer un chagrin qui durerait l’éternité. Il n’aurait jamais de répit, jamais de rémission.
Désormais la peine était sa compagne quotidienne.
Les photos, les cadres
Sont pourtant bien là
Vestiges de gloire
Douloureuse joie
Vidés de l'histoire
Il était une fois
Un Je, un Tu
Et Tu s'envola*
Le Docteur était passé le voir, avait tenté de lui parler mais il ne l’avait pas écouté. Il n’écoutait que cette voix intérieure qui racontait une solitude que rien jamais ne remplirait.
Ce n’était pas juste, tout simplement pas juste ! N’avait-il pas le droit aussi au bonheur ? Pourquoi fallait-il qu’on lui offre l’amour pour le lui reprendre de cette façon cruelle et irrémédiable ? Pourquoi lui avoir donné l’éternité si c’était pour la passer seule ?
Tellement de souvenirs à égrener et aucun avenir à l’horizon.
Je vais funambule
Sur un fil de verre
Toutes mes pendules
Tournent à l'envers
J'amasse les heures
Entre toi et moi
Gravats de rancœurs et d'effroi
Bien sûr il savait qu’il lui faudrait reprendre sa route, reprendre la lutte. Bien sûr il ne pourrait pas rester là, enfermé dans sa bulle, à se souvenir de leurs beaux et doux moments, à imaginer ce qui aurait pu être, à pleurer sur ce qui ne serait pas.
Le monde ne s’était pas arrêté de tourner lorsque Ianto était tombé dans cette tour de verre, mais son monde à lui, ce monde où, pour la première fois depuis bien longtemps il se sentait enfin complet, son monde avait explosé en milliards de millions de petites particules qu’il ne parviendrait jamais à réunir pour reformer un tout.
Bien sûr il n’était pas le seul à affronter la tragédie, mais pour les autres, tous les autres, tôt ou tard le chagrin s’évanouirait dans les limbes du temps. Pour lui, il y aurait toujours au fond de son cœur ce regret lancinant d’une histoire inachevée, trop tôt fracassée.
Il faudrait en rire
C'est tellement banal
Mélo-tragédie
A deux balles
Je sais y'a bien pire
Je sais l’hôpital
Mais puis-je au moins dire
Que ça fait mal
Il aurait dû le savoir ! Il aurait dû, dès le départ, prendre ses distances, ne pas laisser le Gallois entrer en son cœur. Oh, il avait essayé de ne voir en lui qu’un partenaire de plaisir, un de ceux que l’on prend et que l’on jette, sans regrets, sans remords. Relations consenties entre adultes responsables… il était le champion de ce type d’interaction et il avait longtemps voulu se convaincre qu’il n’y avait rien de plus entre lui et Ianto.
Mais c’était compter sans la personnalité du Gallois, sans son corps parfait qui vibrait sous ses mains, sans ses yeux azur dans lesquels il lisait tout l’amour que l’autre lui portait, sans cet attachement mille fois déclaré, mille fois prouvé.
Ianto avait trouvé le chemin de ce cœur qu’il pensait de marbre, il l’avait éveillé de nouveau aux sentiments…. Et maintenant il n’y avait plus rien.
Et là moi je fais quoi
Après toi
Mes rêves sont vides
Je ne fais que des faux pas
Je fais quoi
Ici-bas
Les beaux souvenirs me brûlent de froid
Sans toi, moi je sers à quoi
Jack Harkness avait toujours su qu’aimer, pour lui, signifierait toujours souffrir, parce que depuis qu’il était devenu un point fixe sur la ligne du temps, il avait réalisé que c’était toujours lui qui resterait derrière, toujours lui qui verrait partir l’objet de son amour.
Il avait voulu, de toutes ses forces, se prémunir contre cette douleur, et il avait échoué. Il s’était toujours interdit de dire à son amant les trois petits mots magiques, pensant peut-être que cela l’empêcherait d’avoir mal lorsque le moment serait venu.
Il comprenait qu’il avait eu tort.
Des rues sans couleurs
Le monde est en deuil
Si vide et si seul
Et pourtant si rempli de toi
Déclaré coupable
Toi tu vas au diable
A moi les chemins de croix
Ianto était parti sans savoir combien il comptait à ses yeux. Ou plutôt non, il le savait sans doute, il le savait sûrement. Jack ne pouvait pas imaginer que le Gallois se soit éteint sans avoir compris qu’il était pour lui l’Amour avec un grand A, qu’il avait compté plus que n’importe qui avant lui, plus même que cette femme que pourtant il avait aimée tellement.
Est-ce que d’avoir dit « Je t’aime » aurait changé les choses ? Est-ce que ça aurait pu inverser le destin ? Est-ce que le sort aurait été plus clément devant un amour déclaré, assumé ?
Toutes ces questions qui allaient et venaient dans son esprit, il aurait voulu les faire taire, sachant qu’elles n’auraient jamais de réponse.
Il avait été assez stupide pour jouer, il avait perdu, s’était brûlé les ailes et le cœur, une fois de plus, une fois de trop ! Ca lui apprendrait à n’avoir pas renoncé à l’espoir d’aimer.
Pourquoi pas sourire
Rien de plus normal
Mélo-tragédie
A deux balles
Je sais y'a bien pire
La peine capitale
Mais je peux te dire
Que ça fait mal
Il regardait les photos, tous ces clichés d’eux pris à divers moments : Ianto alangui sur le lit, après l’amour ; Ianto souriant de toutes ses dents en brandissant le ridicule nounours gagné dans une quelconque foire ; Ianto allongé dans l’herbe un jour de pique-nique ; Ianto armé jusqu’aux dents, feignant d’affronter une créature venue d’ailleurs ; Ianto nourrissant le ptérodactyle ; Ianto assis à son poste de travail, concentré sur sa tâche ; Ianto penché sur la machine à café, une ride d’attention plissant son front ; Ianto lové dans ses bras sous le grand chêne ce jour où ils s’étaient échappés de Cardiff pour une virée dans le pays de Galles…
Ianto était partout autour de lui et il était surtout partout en lui. Il s’apercevait soudain que sans lui l’air était plus lourd, la nourriture insipide et l’eau moins pure.
Ianto avait été son oxygène durant des mois… Désormais il devait réapprendre à respirer autrement.
Et là moi je fais quoi
Après toi
Mes rêves sont vides
Je ne fais que des faux pas
Je fais quoi
Ici-bas
Les beaux souvenirs me brûlent de froid
Sans toi, moi je sers à quoi
Il aurait juste aimé fermer les yeux et se laisser dériver dans le néant, ou bien se tirer une balle dans la tête pour rejoindre celui qu’il aimait. Mais il savait que ça ne servirait à rien : tôt ou tard la camarde le rendrait à cette vie qu’il exécrait, tôt ou tard il devrait à nouveau affronter la solitude éternelle qui serait son lot pour les millénaires à venir, et au-delà encore.
Gwen était bien gentille, mais ses encouragements l’insupportaient, sa mine triste l’agaçait : il ne voulait rien d’elle parce qu’elle ne pouvait rien pour lui.
Partir avec le docteur ? Reprendre sa vie d’errant, sans attache, sans espoir, sans regrets ? C’était une possibilité…
Il ne savait pas, il ne savait plus…
Et là moi je fais quoi
De mes pas
Toutes les rues mènent à des impasses
Et là j'écoute quoi, sans ta voix
Sans tes mots, tes rires, tes chants, tes éclats
Ça sert à quoi tout ça
Sans toi
- Jack…
Il se retourna, l’invective aux lèvres. Il voulait juste qu’on le laisse seul, seul avec sa peine, seul avec ce vide qui emplissait jusqu’aux moindres fibres de son corps douloureux.
Et puis il interrompit son geste, écarquillant les yeux, les mains tremblant, le cerveau en déroute :
- Ian…
C’était une hallucination, forcément. Il ne pouvait pas en être autrement. Il avait vu son compagnon s’effondrer sur le sol, il l’avait tenu dans ses bras tandis qu’il rendait son dernier soupir… Il ne pouvait pas être là, devant lui, avec des larmes plein ses grands yeux clairs. Il rêvait ou il avait perdu la raison. Mais quoi qu’il en soit, il s’en fichait : Ianto était là, près de lui, et même si ce n’était qu’un délire, alors il voulait le vivre jusqu’au bout.
Il attira le Gallois contre lui, trouva sa bouche, retrouva son goût sur ses lèvres, le satin de sa peau sous ses doigts… Il l’entendait lui parler, lui raconter l’intervention du Tardis, comme ce qui s’était passé pour lui.
Immortel… Immortel lui aussi…
Il ne pouvait pas comprendre, pas encore… Mais le moment viendrait où il réaliserait que désormais son éternité ne serait plus de solitude. A cet instant précis, tout ce qu’il voulait, c’était aimer celui qu’il avait cru à jamais perdu, l’aimer de tout son cœur, de tout son corps, de toute son âme. Il voulait se fondre en lui pour ne plus faire qu’un, à jamais. Et surtout, surtout, il voulait qu’enfin il entende ces mots qu’il ne lui avait jamais dit et dont l’urgence, aujourd’hui brûlait ses lèvres : « Je t’aime… Si tu savais comme je t’aime. »
Ianto le savait, c’était pourquoi il était là, c’était pourquoi il avait fait ce choix…
L’éternité auprès du capitaine valait tous les sacrifices. Et si un jour il s’apercevait qu’il avait fait fausse route, si un jour son compagnon prenait un autre chemin que le sien, le laissant seul jusqu’à la fin des temps, au moins il aurait vécu jusqu’au bout la passion qui le dévorait.
Et puis plus aucun des deux hommes ne pensa : ils s’aimaient et leurs âmes en se retrouvant s’unirent pour l’éternité.
FIN
Chanson de Christophe Willem
*Paroles originales :
Un Il, uneElle
Et l’Elle s'envola