Reclassement de la songfic de Louzanes
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de:
Steven S. DeKnight Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Rien qu’un homme
Avait-il le droit d’y croire ? Avait-il le droit d’oser ? Avait-il le droit de défier les dieux et d’avoir l’outrecuidance de tenter d’aimer ?
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
Qui traîne sa vie aux quatre vents
Qui rêve d´été et de printemps
Lorsque vient l´automne et les tourments
Mais c´est monotone, monotone
De me supporter depuis si longtemps
Et la même gueule et le même sang
Coulant dans mes veines d´un même courant
Il y avait bien longtemps maintenant qu’il avait tourné le dos à l’espoir, à l’envie, à l’amour. Il se contentait de vivre le moment présent, de prendre ce qui passait à porter de sa main, de mordre dans le fruit, de s’alanguir à la chaleur du soleil, sans rien désirer de plus que cet instant.
Aimer ? Non… Aimer faisait trop mal ! Aimer c’était courir le risque de voir partir la personne que notre cœur avait choisi et cette douleur-là… Cette douleur…
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
J´ai perdu mon cœur depuis longtemps
Et qu´on me pardonne, me pardonne
Si je ne sais plus que faire semblant
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
J´ai brûlé mes ailes aux soleils brûlants
J´ai fermé ma porte, oui qu´importe
Pour cause de rêve ou de testament
Oh il en avait eu des rêves. Lorsqu’il était gamin, à la ferme de ses parents… Son père était si grand, si fort, sa mère si belle, si douce. Il pensait alors que sa vie ce serait ça : quelques lopins de terre dont on tirait sa subsistance, quelques bœufs pour vous transporter et vous aider à retourner la terre meuble, quelques poules pour les œufs…
Il avait rêvé d’une belle femme blonde, comme sa mère, qui lui aurait donné des enfants qui auraient couru autour de la maisonnette de terre…
Et puis était venue la guerre qui avait emporté tous ses rêves en même temps qu’elle ensevelissait ses parents. Son frère et lui étaient alors devenus des guerriers vivant au jour le jour, ne comptant que l’un sur l’autre.
Désormais il savait que la vie n’est pas propice aux besogneux.
Si je me rappelle, me rappelle
Que la vie fut belle de temps en temps
Je ne saurai taire pour bien longtemps
Ce que me coûtèrent ces beaux moments
Mais y a rien à faire, rien à faire
Car je sais trop bien qu´au premier tournant
Au premier sourire, au premier bon vent
Je retomberai dans le guet-apens
Pourtant, parfois, le soir, il se remémorait encore son rêve d’enfant. Avec Duro ils réinventaient un monde où ils auraient fondé leurs familles sur la même terre, où leurs parents encore en vie auraient rassemblé autour d’eux les enfants pour leur narrer l’histoire de leurs ancêtres.
Ils se pensaient capables de réussir malgré l’adversité, tant qu’ils seraient deux. Et même au ludus ils parvenaient à garder foi en leur étoile parce qu’elle ne les avait pas séparés.
Gladiateur ! Ce n’était pas rien ! Un jour peut-être leurs noms seraient sur toutes les lèvres, comme ceux de certains des leurs. Ils seraient presque les égaux des dieux s’ils faisaient face aux épreuves.
Il avait cru, vraiment cru durant un fugace moment que c’était possible. Et la destinée s’était vengée.
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
Et j´aime la vie si je m´en défends
Elle le sait bien cette poltronne
Qui donne toujours et toujours reprend
Et qu´on me pardonne, me pardonne
Si je n´y crois plus que de temps en temps
Je sais que personne, non personne
N´a jamais su dire le chemin des vents
Duro… Duro le petit frère si agaçant, si attachant, si fidèle. Duro qui avait donné sa vie pour que la sienne continue, pour que son sillage rayonne dans celui du faiseur de pluie. C’était si douloureux encore de penser à lui, à tous ceux qui avaient traversé sa route et étaient partis pour l’autre monde sans avoir eu le temps de tenir leurs promesses.
Il savait désormais qu’il serait de ceux-là : ces lumières qui éclairent le monde un vague moment avant de s’évanouir dans l’éternité. Il ne voulait plus souffrir, plus jamais…
La douleur physique, ce n’était rien : il y était habitué depuis l’enfance. La ceinture du père n’avait pas été douce sur ses reins enfantins, le joug du bœuf, la rudesse des hivers, l’ingratitude de la terre… Il s’était blessé aux tâches de tous les jours.
Puis il y avait eu son apprentissage de guerrier : le froid de la lame sur sa peau, l’acier du poignard qui tranchait sa chair, le sang qui coulait… Ensuite le dressage au ludus…
Oui… La douleur physique ne lui faisait pas peur. Il avait appris à la dompter depuis bien longtemps. Mais la douleur morale, ce déchirement de soi lorsqu’on perd un être cher…
Celle-là, il s’était promis de ne plus jamais la ressentir. Son cœur était mort désormais, froid et vide, juste un bloc de glace qui battait dans sa poitrine mais ne se réchaufferait plus jamais à aucune présence.
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
Et je vais ma vie au gré des vents
Je crie, je tempête et je tonne
Puis je m´extasie au premier printemps
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
Entre goût de vivre et goût du néant
Entre Dieu et Diable, il faut voir comme
Je plie, je succombe et je me repens
Et pourtant…
Pourtant devant ce frêle esclave à la peau aussi brune que la sienne était blanche, aux yeux aussi noirs que les siens étaient bleus, à la chevelure aussi foncée que la sienne était claire, il sentait la glace fondre petit à petit.
Un sourire… un regard… un mot par ci par là…
Il s’était rangé aux côtés de Crixus : il fallait tuer l’esclave félon, celui qui avait voulu tuer son libérateur. S’il était tombé ce soir-là, si Spartacus ne lui avait pas accordé la vie, alors les choses auraient été bien plus simples pour lui.
Parce qu’il sentait que tous ses serments ne serviraient à rien. Ce corps-là, il voulait le serrer contre lui, l’étreindre et l’aimer, le faire hurler de plaisir en prenant possession de lui. Il voulait voir ses yeux briller en croisant son regard, il voulait l’entendre susurrer ces mots qu’il avait rayés de son vocabulaire depuis trop longtemps.
Il voulait l’aimer, malgré l’adversité, malgré les risques, malgré la douleur à venir.
Je ne suis qu´un homme, rien qu´un homme
Et je vais ma vie au gré des vents
Et qu´on me pardonne, me pardonne
Si je n´y crois plus que de temps en temps.
Ils étaient nus, l’un contre l’autre, alanguis et Agron refusait de penser à l’avenir. Il vivrait au présent cet amour qu’il avait essayé de fuir. Il vivrait chaque jour comme une victoire, parce que dans la vie de fugitifs traqués qui était la leur, leur seul luxe résidait dans l’instant présent.
Peut-être que c’était folie, peut-être que le sort lui ferait payer cher d’avoir, une fois de plus, osé aimer.
Peut-être…
Mais avec Nasir au creux de ses bras, à cet instant précis de sa vie, il se sentait invulnérable.
FIN
Chanson de Alain Barrière