Une autre petite histoire parue dans le fanzine.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Cheryl Heuton & Nicolas Falacci. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Le temps du bonheur
- Donnie ? Tu es là ?
Le professeur posa sa sacoche et s’avança dans le salon où son aîné était installé, affalé plutôt, dans un fauteuil, les pieds sur la table basse, une bière à la main, le regard vissé sur l’écran. Toutefois, le mathématicien se rendit vite compte que les yeux de Don ne semblaient pas franchement absorbés par les images qui s’affichaient et un pincement d’inquiétude lui serra le cœur. Quelque chose n’allait pas avec son frère, il le sentait. Le fait que celui-ci n’ait pas réagi au surnom le prouvait d’ailleurs.
Il avança dans la pièce et se planta à côté de l’agent fédéral qui n’avait pas daigné répondre à son entrée en matière.
- Don ? Tout va bien ?
Soudain sorti de ses pensées, l’aîné des frères Eppes sursauta violemment et regarda son cadet :
- Charlie… Ca fait longtemps que tu es là ?
- Non ! Je viens d’arriver. Que se passe-t-il frangin ?
- Comment ça ?
- Comment ça ? Je te trouve à la maison en plein après-midi, tu ne t’aperçois même pas de mon arrivée et tu demande : « comment ça ? » !
- J’avais juste envie de passer un peu de temps en famille, c’est interdit ?
- Nullement… Sauf que papa ne revient que demain et que tu savais que j’avais cours jusqu’à 15 h 00 puisque je te l’ai dit ce matin…
- Oui… j’avais oublié…
De nouveau le ton lointain et peut concerné de son frère serra le cœur du mathématicien dont l’impression première se trouva confirmée : quelque chose n’allait pas et il allait tirer les vers du nez de son aîné, dut-il le pousser dans ses derniers retranchements et, ce faisant, déclencher sa colère ! Et comme l’agent fédéral avait de nouveau reporté son regard sur l’écran, le professeur s’interposa entre l’objet et l’homme afin que celui-ci lui consacre un tant soit peu d’attention.
- Charlie ! Tu n’as pas l’impression de gêner là ? Je regarde le match je te signale !
- Oui… Je vois ça ! Tu sembles vraiment passionné. Tu pourrais me rappeler quel est le score d’ailleurs ?
L’expression un peu hagarde de Don l’aurait, en toute autre circonstance, franchement amusé, mais la confirmation du fait que son frère était à des années lumières d’un match qui aurait dû l’enthousiasmer n’était pas de nature à le rassurer quant à ce qui semblait le préoccuper. Décidant de brusquer les choses, il saisit la télécommande d’un geste preste et, avant que Don ne puisse protester, il éteignit le téléviseur. Puis, sans se soucier du regard courroucé de son aîné, il s’assit en face de lui et plongea ses prunelles dans les siennes :
- Et maintenant, si tu me disais ce qui ne va pas frangin ?
- Rien… Tout va bien… Rien qui te concerne Charlie.
Le mathématicien soupira : décidément son frère ne changerait pas ! Toujours prêt à épauler les autres mais incapable de demander de l’aide lorsqu’il allait mal, persuadé qu’il était que le monde reposait sur ses épaules et que son devoir était de protéger tout le monde, à commencer par sa famille. Il se mordit les lèvres, se demandant comment obliger Don à se livrer : comment lui faire comprendre qu’il pouvait, lui aussi, être là pour lui ? Son regard passa du visage ennuyé et plutôt fermé de son frère à la bière à peine entamée qu’il tenait en main, puis à la table basse sur laquelle reposaient ses pieds nus et là, à côté de ceux-ci, il avisa soudain le petit écrin.
L’agent fédéral surprit l’étincelle dans les yeux de son cadet et il vit à son tour l’objet du délit. Il fit un geste pour ramasser la petite boîte, mais Charlie fut plus rapide et il attrapa l’écrin qu’il ouvrit, découvrant une magnifique bague d’or blanc, sertie d’un diamant entouré de rubis.
- Tu comptes demander Robin en mariage ? s’exclama-t-il avec un immense sourire, se disant que là était peut-être la source de la préoccupation de son aîné.
Puis, devant la mine défaite de celui-ci, son regard s’assombrit et, d’une voix hésitante il continua :
- Tu l’as déjà demandée ? Donnie… Est-ce qu’elle t’a refusé ?
De la colère commençait à poindre dans les yeux du professeur : comment Robin pouvait-elle faire ainsi souffrir son frère ? Il savait combien celui-ci tenait à l’assistante du procureur. Il l’avait vu souffrir lorsqu’elle l’avait quitté et, depuis qu’ils avaient renoué, il était témoin de son bonheur : Don était plus souriant, plus ouvert, visiblement heureux. Lui et Alan en avaient encore parlé la veille au soir, tous les deux fort satisfaits de voir enfin l’homme qu’ils aimaient trouver la stabilité familiale dont il avait besoin et Alan avait même émis l’espoir que Don ne tarde pas à se déclarer pour enfin lui donner les petits enfants qu’il espérait tant. Et soudain, à le voir ainsi, Charlie craignait que leur pire cauchemar ne soit en train de prendre forme et que Robin, une fois de plus, une fois de trop peut-être, ait blessé Don en le quittant.
- Donnie….
L’agent fédéral sembla soudain sortir de l’espèce de transe où l’avait plongé le fait que son frère ait découvert la bague. Il soupira profondément puis répondit :
- Non… Je ne lui ai pas encore demandé.
- Alors pourquoi cette tête ? Tu as toutes tes chances non ?
- Ca fait déjà trois semaines que j’ai acheté la bague.
L’aveu laissa le mathématicien bouche bée.
- Pourquoi ne lui as-tu pas donnée ?
- Je n’arrive pas à trouver le bon moment…
- Invite la au restaurant, ou dans un grand hôtel. Partez pour un week-end romantique, proposa Charlie.
- C’était mon intention, mais…
- Mais quoi… Que se passe-t-il Don ?
Un nouveau soupire s’échappa de la poitrine de l’aîné, il fixa ses mains un moment avant de reporter son attention sur son cadet :
- Je crois que je suis en train de la perdre Charlie…
L’immensité de la souffrance qui perçait dans le ton de son frère fit monter les larmes aux yeux du plus jeune. Mais il se secoua : ce n’était pas le moment de se laisser aller. Son frère allait mal et c’était à lui de l’aider :
- Qu’est-ce qui te fait croire ça ?
- Des petits riens… Elle est fuyante, absente… Elle semble passer beaucoup de temps à son bureau… Elle a reporté plusieurs de nos rendez-vous.
- Peut-être qu’une affaire importante l’occupe. Ce n’est pas à toi que je vais apprendre comment ça se passe.
- Non… Je sais… Ce n’est pas ça. En ce moment, pour elle comme pour moi, c’est plutôt le calme plat.
- Tu lui as parlé ?
- J’ai essayé.
- Alors il faut que tu essaies plus fort.
De nouveau son cœur se serra en voyant le désarroi dans le regard que son frère planta alors dans le sien tout en répondant :
- Mais je crève de trouille Charlie. Que se passera-t-il si elle veut me quitter ? Si elle cherche à trouver les mots pour me dire qu’elle ne m’aime plus, ou qu’elle en aime un autre. Tant que je ne provoque pas la discussion, au moins je peux la garder…
Puis dans un murmure il acheva :
- Je ne sais pas comment je ferai sans elle…
Le mathématicien comprit alors le dilemme qui déchirait Don, entre le besoin de connaître la raison de l’attitude de sa compagne et l’appréhension de voir se concrétiser sa peur de la perdre. Cependant il savait que son aîné ne pourrait pas longtemps se contenter de cette situation boiteuse. Don était un homme qui avait besoin de savoir où il allait, même si c’était dans des endroits qu’il n’aurait pas souhaité connaître. Alors, durant les minutes qui suivirent, il lui parla à cœur ouvert, lui faisant entendre la voix de la raison, celle qui dit qu’un malheur connu est plus sûr qu’un bonheur imaginé. Et lorsque l’agent fédéral le quitta, alors que le soir tombait, il était déterminé à avoir enfin avec celle qu’il aimait la conversation qu’il reportait depuis trop longtemps.
*****
- Robin, il faut qu’on parle.
L’avocate leva la tête vers son amant qui fut douloureusement impressionné par la pâleur qu’avait pris son teint à cette entrée en matière à la fin d’un repas pris dans le silence, chacun d’eux semblant plongé dans des réflexions pour le moins morose.
- Tu as raison, soupira-t-elle. On doit parler.
Ce fut le tour de Don de pâlir : il se demanda soudain s’il n’aurait pas dû laisser les choses en l’état. Le fait que Robin acquiesce à sa suggestion prouvait bien que quelque chose n’allait pas. Il bloqua sa respiration durant quelques secondes, s’efforçant de trouver en lui le calme qu’il montrait lors des opérations les plus dangereuses dans l’exercice de son métier. Il refusait de s’effondrer devant la femme qu’il aimait, quoi qu’elle lui annonce. Lorsqu’il se pensa assez fort pour encaisser le choc, il reprit la parole d’un ton qu’il aurait aimé plus assuré :
- Tu veux me quitter, c’est ça ?
L’air éberlué qui se peignit sur son visage lui fit comprendre combien sa question lui semblait incongrue et aussitôt le soulagement l’envahit, soulagement qui ne dura pas lorsque Robin s’approcha de lui à le toucher en murmurant :
- Qu’est-ce qui peut te faire croire que…
- Cela fait des semaines que tu es lointaine, fuyante, que tu évites toute conversation et même tout rapprochement… On n’a pas fait l’amour depuis plus de dix jours ! Je ne te reproche rien mais… Je voudrais comprendre.
Elle le regarda bien en face puis baissa les yeux en disant :
- Non… Non, je ne veux pas te quitter. Mais j’ai peur que toi tu me quittes.
Ce fut à son tour de la regarder comme si elle était devenue folle. La quitter, lui ? Lui qui ne respirait que par elle, ne mangeait que par elle, ne vivait que par elle ? Comment pouvait-elle imaginer qu’il puisse la laisser quitter sa vie.
- Robin… Je n’ai pas l’intention de te quitter, ni maintenant, ni jamais, lui assura-t-il.
Les yeux de la jeune femme s’emplirent de larmes :
- Mais lorsque tu sauras…
- Quoi ? Lorsque je saurai quoi ? Robin ! Parle-moi ! S’il te plaît mon amour…
Alors elle se jeta dans ses bras et il referma son étreinte sur elle tandis qu’elle sanglotait, accrochée à son tee-shirt. Et soudain une idée affreuse l’envahit, distillant la glace dans ses veines : et si Robin était malade, gravement malade ? Et si le sort avait décidé de s’acharner une fois de plus sur lui en lui retirant la seconde femme la plus importante de sa vie. Il ferma les yeux, bouleversé par cette supposition, puis il posa ses mains sur les épaules de sa compagne et l’éloigna doucement de lui pour pouvoir voir son visage :
- Robin… Est-ce que… est-ce que tu es malade ?
Sa voix tremblait d’angoisse et elle répliqua aussitôt :
- Non ! Non ! Je vais bien ! Rassure-toi ! Je vais très bien !!! Trop bien peut-être.
- Trop bien ? Comment peut-on aller trop bien ? s’effara-t-il. Robin, qu’est-ce que tu essaies de me dire ?
Il la regarda se mordiller les lèvres quelques instants puis soudain elle releva la tête et plongea ses yeux dans les siens et il comprit qu’il allait enfin connaître la raison de son tourment.
- Don… Je suis désolée… Je ne sais pas comment c’est arrivé… Je sais que c’est trop tôt, que nous n’en avions pas parlé…
Elle se tut, le mettant au supplice, puis elle prit une profonde respiration et annonça :
- Je suis enceinte Don !
Et avant qu’il ne puisse réagir, elle enchaîna très vite :
- Je sais ce que tu vas dire : on n’est pas prêts, on n’est même pas mariés ! Et peut-être que tu ne veux pas de cet enfant ! Et…
- Chut ! L’interrompit-il en posant un doigt sur ses lèvres avant de questionner d’une voix douce : Toi, qu’est-ce que tu en penses ? Tu veux garder ce bébé ?
Elle baissa de nouveau la tête, semblant réfléchir, puis affronta son regard en déclarant :
- Oui… Oui je veux le garder. J’approche de la quarantaine, c’est peut-être ma seule chance d’être mère. Et de toute façon, même si je n’en voulais pas il serait déjà trop tard. Je ne me suis pas rendue compte assez vite de mon état et… Je ne te demanderai rien si tu n’en veux pas. Je peux l’élever seule, tu n’auras pas à t’en occuper et…
- Et tu crois vraiment que je pourrais me détourner de mon enfant, de notre enfant ? C’est là toute l’estime que tu me portes ?
Elle le regarda en face, consciente que son attitude pouvait être blessante pour lui, prête à s’excuser, puis soudain elle vit son expression, ce sourire craquant qui la faisait fondre à chaque fois, ses yeux emplis de joie et son cœur se mit à battre plus vite tandis qu’il reprenait :
-Un enfant ? Mais c’est une merveilleuse nouvelle ma chérie ! Une formidable nouvelle !
Et soudain ils éclatèrent de rire en se jetant dans les bras l’un de l’autre avant qu’il ne l’entraîne vers le canapé où elle se blottit contre lui, heureuse de pouvoir enfin déposer ce fardeau qui l’étouffait depuis que, trois semaines plus tôt elle avait commencé à suspecter son état et qu’un test suivi d’une visite chez le médecin lui avait appris qu’elle était déjà enceinte de deux mois. Elle s’en était alors voulu de n’avoir pas compris avant, trop prise par une affaire importante qui lui avait fait manquer les symptômes, à commencer par l’absence de ses règles. Puis était venue la crainte de la réaction de Don : et s’il la quittait, furieux de cette paternité non désirée.
Mais tout allait bien : il semblait tellement heureux de la nouvelle que soudain la venue de cet enfant lui parut une bénédiction.
- Tu veux vraiment ce bébé ? demanda-t-elle, voulant s’assurer qu’il ne se forçait en rien.
- Et comment que je le veux. Et je veux t’épouser aussi ! déclara-t-il.
Elle le regarda, bouche bée, les yeux écarquillés, restant silencieuse si longtemps que le sourire radieux qu’il arborait se fana pour laisser place à une mine soucieuse.
- Tu ne veux pas ? murmura-t-il d’une voix éteinte.
- Si… Non… Enfin… Je ne veux pas te forcer la main ! Je ne veux pas que tu m’épouses parce que je suis enceinte.
Le sourire revint sur ses lèvres tandis qu’il glissait la main à sa poche :
- Mais tu ne m’obliges à rien. Il y a des jours et des jours que j’essaie de trouver le courage de te le demander.
Il sortit un écrin de sa poche et se laissa glisser à genoux à ses pieds et, tandis qu’elle sentait ses yeux s’embuer, il lui déclara en ouvrant la petite boîte :
- Robin Brookes, voulez-vous me faire l’immense honneur de devenir ma femme ?
Elle vit la bague qui scintillait de mille feux et comprit qu’effectivement, cette demande n’avait rien à voir avec son état. Alors un sourire ému s’afficha sur ses lèvres tandis qu’elle répondait :
- Oui ! Oh oui, je veux devenir ta femme !
Il lui passa l’anneau d’or au doigt et ils s’embrassèrent avec une tendresse qui laissa bientôt place à un désir qu’ils s’empressèrent de satisfaire.
Et lorsqu’ils furent repus d’amour, alors qu’elle reposait contre lui, sa tête sur son torse, il se releva soudain en déclarant :
- Allons prévenir mon père ! Il va être fou de joie !
- Don ! Il est près de 23 h 00 !
- Et alors ? Il n’y a pas d’heure pour les bonnes nouvelles ! rétorqua-t-il avec un grand rire communicatif.
A cet instant il faisait si jeune, si heureux, si insouciant qu’elle reconnut à peine l’agent fédéral sérieux et responsable qu’elle connaissait. Emportée par son enthousiasme, elle céda à son caprice et le couple se rendit à Pasadena où il fut accueilli par un Alan passablement affolé de les voir débarquer à une heure aussi tardive. Mais l’inquiétude fit bientôt place à la joie la plus pure, le vieil homme se réjouissant du fond du cœur du bonheur de son fils et de la perspective d’être enfin bientôt grand-père. Charlie, de son côté, était aux anges : il s’était tourmenté pour son aîné toute la soirée et de le voir aussi heureux le rendait heureux à son tour.
- A quand le mariage alors ? demanda-t-il.
- Le plus tôt possible ! répliqua Don. Tu es mon témoin ! C’est à toi de tout organiser !
Le mathématicien rougit de plaisir et de confusion :
- Ton témoin ?
- Oui ! Qui d’autre serait plus digne de l’être que mon petit frère hein ? Sans toi, je serais encore à me morfondre…
Les deux frères s’empoignèrent dans une accolade où transparaissait toute l’affection qu’ils se portaient, sous les yeux émus de leur père et des deux femmes qui partageaient leurs vies.
Le mariage eu lieu quinze jours plus tard et, six mois après, Mary Margaret et Nathan Alan Eppes vinrent agrandir la famille Eppes, faisant le bonheur de leurs parents, de leurs oncle et tante et surtout de leur grand-père qui fut tout de suite fou d’eux.
Regardant leurs enfants dormir dans leurs moïses, Don et Robin Eppes se dirent qu’ils étaient les personnes les plus heureuses du monde et qu’ils possédaient un trésor inestimable : l’amour qui les unissait et qu’ils s’évertueraient à faire durer jusqu’à la fin de leur vie.
FIN