Reclassement du cadeau de Tarma
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Stéphane Giusti, Alain Robillard & Alain Tasma. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Jeu Tentant
- Tu vas bien ?
- Oui… ça va.
- Et… tu comptes revenir un jour ?
Des mots banals, des mots cent fois répétés, des mots qui ne voulaient rien dire. Yann aurait simplement aimé lui hurler qu’il l’aimait, qu’il voulait le voir rentrer, qu’il ne serait plus jamais aussi con qu’il l’avait été. Il aurait aimé lui dire tout ce qu’il ne lui avait pas dit, tout ce qu’il aurait dû dire bien plus tôt.
Pourtant il s’en tenait à cette conversation stupide et insipide.
Pourquoi ça grésille sur la ligne
Dés qu'il faut parler de liaison difficiles
Tous ces mots qu'on aligne
Ces flots immobiles
Cernant les mobiles du fragile
Pas facile
Il avait l’impression d’être à des années lumières de son amour. Pourtant il y avait quoi : 600, 800 kilomètres de Paris à Biarritz ? Tiens… Il ne s’était jamais vraiment posé la question en fait. Comme si ça n’avait pas vraiment d’importance. Pourtant, à cet instant précis, ça devenait d’une importance cruciale, au millimètre près.
Combien de kilomètres de câbles téléphoniques pour enfin, après tous ces mois d’attente et d’angoisse entendre la voix tant aimée ? Il aurait fallu que son cœur cesse de battre aussi fort, au point qu’il arrivait à peine à entendre
Kevin. Il aurait fallu que ses mains cessent de trembler et que sa vue se réajuste au monde qui l’entourait.
Il aurait juste voulu que tout redevienne normal.
Pas facile quand dehors l'orage gronde
Se faire l'écho de celui qui nous inonde
Déjà la fin du monde
Où sont les saphirs ?
Aux doigts du désir tout se dire
Sans traduire le meilleur en pire.
Cela faisait maintenant plus de quatre mois que
Kevin était parti sans donner signe de vie. Plus de quatre mois qu’il tournait en rond comme un fauve en cage, qu’il se noyait dans le boulot, qu’il rendait la vie infernale à ses équipiers et à ses subordonnés, plus sauvage et inabordable que jamais.
Cela faisait quatre mois qu’il se traitait de tous les noms, d’avoir ainsi laissé tomber l’homme qu’il aimait, de l’avoir poussé à la démission, au départ, simplement pour ne l’avoir pas écouté, pour avoir refusé de le croire.
Et maintenant que
Kevin était là, si près et si loin à la fois, il ne trouvait plus aucun des mots qu’il s’était juré de lui dire s’il le retrouvait un jour.
Je t'entends si mal
Jeu tentant : jouer a ne plus rien entendre
M'entends-tu au moins?
Jeu tentant : jouer même si c'est pas bien
Kevin avait appelé : n’était-ce pas le signe que les choses allaient s’arranger ? N’était-ce pas ce signe qu’il avait attendu jour après jour, entre alcool et colère, entre beuveries et étreintes sordides dont il ressortait plus las, plus dégoûté.
Il avait pourtant cherché autant qu’il le pouvait, mis à contribution la formidable machine de la police, fait jouer tous ses contacts.
Kevin avait disparu sans laisser de traces. Il avait alors pensé qu’il était parti rejoindre Tiago, quelque part à l’étranger et que tout était fini.
Pourtant il avait voulu continuer d’y croire, continuer de penser que
Kevin ne partirait pas comme ça, sur un coup de tête. Lui en aurait été capable, sans regrets, sans remords. Mais
Kevin était trop probe, trop foncièrement honnête pour le laisser ainsi dans l’ignorance. Un jour il donnerait signe de vie.
Et ce jour était arrivé.
Sous ton air d'y croire
Tout s'éclaire
La lumière se fait sur ce qui nous arrive
Là bas sur l'autre rive
Il y a un désert
Et rien dans les airs qui ne vive
Rien qui m'enivre
Pas d'âme qui vive.
- Tu me manques.
Idiot ! Triple imbécile ! Ane bâté !!! Tu me manques… Trois mots stupides qui étaient bien loin de traduire l’immensité du vide qui l’habitait, la vacuité de tous ses gestes, l’inutilité de tous ses mots. Mais y avait-il des mots assez forts pour exprimer son ressenti ?
A l’autre bout du fil, de l’autre côté de l’univers,
Kevin lui parlait et il avait du mal à comprendre tant son tumulte intérieur brouillait la communication.
Je t'entends si mal
Jeu tentant : jouer a ne plus rien entendre
M'entends-tu au moins?
Jeu tentant : jouer même si c'est pas bien.
Quatre mois de doutes, de peurs, de désespoir, de colère, de regrets… Quatre mois qui s’effaçaient soudain juste au son d’une voix. Il redessinait dans sa tête les contours du visage aimé, ses mains tremblantes retrouvaient la texture d’une peau, ses narines frémissaient à une fragrance familière…
Si près et pourtant si loin…
Je t'entends si mal
Jeu tentant : jouer a ne plus rien entendre
M'entends-tu au moins?
Jeu tentant : jouer même si c'est pas bien.
- Non… Non… Je… Si tu savais… Si…
Et voilà qu’il se mettait à bafouiller comme le dernier des abrutis ! S’il continuait comme cela
Kevin allait raccrocher, le renvoyer à son néant et ce serait bien fait pour lui !
Il devait lui dire, il devait lui raconter : sa traque, l’arrestation de Recht et de ses ripoux, ses recherches pour le retrouver, ses allers-retours vers Biarritz, le harcèlement quasi-quotidien qu’il avait fait subir à Brigitte jusqu’à ce que celle-ci le menace de porter plainte tout en lui promettant de le tenir au courant si
Kevin réapparaissait…
Tant de choses… Trop de choses ! Par quoi commencer ? Comment continuer ? Quel ordre donner ? Qu’est-ce qui prouverait le plus à
Kevin qu’il n’avait cessé de penser à lui, qu’il avait besoin de lui comme jamais ?
Silence ! Juste un peu de silence dans ma tête ! Je veux m’entendre penser ! Je veux pouvoir dire les choses essentielles tant que j’en ai le temps !
Facile quand dehors l'orage gronde
Se faire l'écho de celui qui nous déchire
Sur la longueur des ondes
On pourrait en dire
Jusqu'au jour de la fin du monde
Fin du monde.
Kevin avait raccroché et il était vide… vide… Il restait là, idiot, planté au milieu de salon, le combiné muet dans sa main, les larmes roulant sur ses joues. Il était là et à des kilomètres ailleurs. Son esprit, son âme, son cœur avaient déserté son corps pour rejoindre l’être aimé.
Et puis il y eut ce bruit de clé dans la serrure, le bruissement d’une porte qui s’ouvre et, comme dans un rêve,
Kevin fut là, devant lui.
Lui aussi tenait un combiné à la main : son portable.
- Je ne savais pas si tu serais tout seul. Je voulais être sûr avant de te dire que j’étais là.
Il n’avait pas besoin d’explication, pas besoin de mots. Non…
Yann laissa tomber le téléphone inutile et se précipita vers son amour : il le prit contre lui, le huma, le palpa, le goûta… C’était
Kevin. C’était lui. Il était là.
Le monde pouvait s’arrêter de tourner.
Kevin était revenu.
FIN
Chanson d’Isabelle Boulay