Reclassement du cadeau d'anniversaire 2017 de Jo.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Stéphane Giusti, Alain Robillard & Alain Tasma. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Cœur sacré
Ils étaient dressés l’un contre l’autre, si près qu’ils pouvaient se toucher, si loin qu’un gouffre les séparaient. Ils étaient déjà à des lieues l’un de l’autre, chacun sur son île, chacun ses désirs, chacun ses attentes, chacun ses peurs.
Pourtant ils s’étaient aimés quelques minutes ou quelques heures avant, à moins que ce ne soit déjà quelques siècles plus loin tant à cet instant leurs gestes tendres se dissolvaient dans cette tension qui les habitait.
Pas un mot, pas un cri
J'aimerais tant
J'aimerais tellement, rien ne vient pourtant
C'est écrit, sur ta peau
Kevin se demandait pourquoi il s’était lancé dans cette aventure, comme si le capitaine Berthier, ce type insupportable, sûr de lui, exigeant, féroce même, pouvait être celui qui le rendrait heureux. Quel idiot il avait été de croire que le brun pourrait juste craquer pour lui assez pour se dévoiler aux yeux des autres ! Quel idiot il avait été surtout de tomber amoureux !
Il aurait dû s’en tenir à une histoire de fesses. Après tout, c’était bien aussi les histoires de fesses, ça faisait du bien au corps sans faire de mal au cœur, ça entretenait la confiance : quoi de plus flatteur que de s’apercevoir que l’on plaît, surtout à un mec qui ne s’assume pas ? Ca évitait les prises de tête du petit matin lorsque l’un se réveillait avec l’envie d’aller plus loin et que l’autre n’avait que l’envie de s’enfuir bien loin.
Oui… Il aurait dû s’en tenir là. Mais il n’aurait pas été lui-même s’il avait su se contenter d’histoires de fesses. Il s’était toujours attaché avant de coucher, c’était son problème et, à cet instant, c’était devenu leur problème.
Comme un coeur, sacré tatoué,
L'amour, peut il durer toujours
Crois tu vraiment à l'amour ?
Yann s’en voulait en même temps qu’il paniquait totalement. Ce type, il l’avait dans la peau finalement, quoi qu’il puisse en dire ou tenter de s’en convaincre. Au départ ça n’avait été que pour le fun, la nouveauté : un regard bleu à se noyer dedans, un corps de rêve qu’on voulait toucher, effleurer, posséder… Et cette candeur presqu’enfantine qui le rendait si attachant.
Mais il ne voulait pas, il ne pouvait pas, il ne devait pas s’attacher ! Ou plutôt si. Il s’attacherait un jour à une gentille fille, peut-être un peu nunuche, il le faudrait bien pour supporter son épouvantable caractère, en tout cas plutôt jolie, souriante, et calme… oui… Il lui fallait une fille calme qui lui donnerait deux marmots tout aussi calmes qu’il aurait plaisir à retrouver après ses journées de boulot aussi harassantes que stressantes. Ils habiteraient un pavillon dans une banlieue quelconque, pas trop loin du commissariat où il serait à ce moment-là, peut-être même en province, pourquoi pas ? Il se voyait bien, vers la cinquantaine, diriger un commissariat dans une ville moyenne : pas trop de stress mais assez pour ne pas s’encroûter… Et puis ils auraient un chien : un labrador ou un terre-neuve… peut-être un berger allemand. Non… Un berger allemand ça faisait trop chien de flic ! Lui il voulait…
Il voulait tout et son contraire. Il voulait la vie de monsieur tout le monde et ces élans d’autres corps, ces élans clandestins qui le laissaient à chaque fois étonné et vaguement dégoûté de lui-même…
Mais Kevin…
Tout est faux, tout est gris
Tu prétends
Tenter tant le sang jamais ne ment
Il fallait bien qu’un jour ils en arrivent là, à cet instant T, à ce moment précis où leurs désirs entreraient en conflit. Kevin avait envie de sortir de leur clandestinité, envie de pouvoir se balader dans les rues en lui prenant la main, envie de l’embrasser à pleine bouche s’il le voulait, envie que tout le monde sache que Yann était à lui. Non… pas à lui. Il abhorrait cette tournure : personne n’appartient à personne, chacun doit rester libre de ses choix, de son cœur, de son corps, de son âme… Il voulait qu’on sache que Yann était AVEC lui… oui… ça c’était mieux. Avec, c’était le signe d’un choix réfléchi, d’un accompagnement sans faille.
Mais l’avec Yann ne serait pas. L’avec Yann n’irait pas plus loin que ce matin brumeux, que ce matin hargneux où ils se dévisageaient comme s’ils ne se connaissaient pas, comme si jamais ils ne s’étaient rencontrés.
Et c’était juste ça : ils ne s’étaient jamais rencontrés ainsi, chacun sur sa rive, chacun sur ses principes, chacun sur son rêve. Ils ne s’étaient jamais confrontés à la réalité de l’autre, se contentant de faire l’amour, nuit après nuit, de voler du plaisir à un destin déjà scellé.
Tu sais bien, les matins
Quand les coeurs
Semblent peser, si lourd
Ton corps tatoué, amour
D'un coeur sacré
Est ce l'amour ?
Yann regardait le tatouage sur le bras de Kevin… C’était bizarre : il avait pensé s’en faire un aussi, le même, au même endroit… Mais ça aurait impliqué tant de choses.
Devait-il abdiquer ses rêves pour embrasser ceux de son amant ? Devait-il finalement devenir ce qu’il s’était toujours interdit d’être ?
A la base, ça ne devait être qu’une aventure d’une nuit, de deux peut-être ou même d’une semaine. Ca ne devait pas devenir ça… Ca n’avait jamais été dans ses plans de permettre à un homme de s’immiscer ailleurs qu’entre ses fesses. Pour lui, ça s’arrêtait là : du sexe et rien d’autre, un moment de plaisir sans contrepartie, sans regrets, sans remords, sans attente…
Mais Kevin avait atteint son cœur… Balaise le mec ! Atteindre le cœur par le cul, faut quand même le faire ! Mais voilà… Il l’avait fait… Et maintenant ils étaient là, comme des cons, à se la jouer roman d’amour à la noix, scène de ménage et crise de nerfs, adieux déchirants et reproches fielleux.
Ils étaient là et lui ne savait plus où il était…
Comme un coeur, sacré tatoué,
L'amour, peut il durer toujours
Crois tu vraiment à l'amour ?
- Attends…
- Quoi ? On s’est tout dit non ? Tu as été très clair : tu n’es pas prêt. Et je suis tout aussi clair : je ne serai pas ton joujou du placard !
- Ouais… surtout qu’il faudrait un sacré placard, tenta piteusement Yann avec un pauvre sourire qui ressemblait à un rictus.
- C’est ça, marre-toi. Moi je me tire !
- Comme ça ?
- Oui, comme ça.
- Tu es à moitié à poils je te signale.
Ce ne fut qu’à ce moment là que Kevin se rendit compte qu’effectivement il n’avait pour tout vêtement que son boxer, enfilé à la hâte. Et alors qu’il prenait conscience de ce fait, il entendit le rire de Yann, d’abord un petit filet de rire, à peine perceptible, puis de plus en plus fort jusqu’à ce qu’il devienne tonitruant. Yann riait. Il riait de leur bêtise, ou plutôt de sa bêtise, il riait de cette situation stupide, il riait pour détendre ses nerfs à vif, pour retrouver enfin le souffle.
Et Kevin se mit à rire avec lui. Ils devaient sembler complètement cinglés tous les deux, juste vêtus d’un boxer, à rire comme des bossus !
Mais bordel que ça faisait du bien.
Et après le rire, enfin libérés de toute cette tension nerveuse, ils réussirent à parler, décidèrent de se retrouver à mi-chemin de leurs antipodes. Ils ne dévoileraient pas leur liaison mais désormais ils étaient un couple. Et si ça marchait…
Ca marcherait… Ca marcherait parce qu’ils s’aimaient et un jour Yann aurait la force de s’assumer et lui serait là à ses côtés. Kevin était capable d’attendre tant qu’il y avait de l’espoir.
Et tandis que leurs corps se rapprochaient, que leurs bouches se retrouvaient, ils comprirent que le pas qu’ils avaient fait ce jour-là les engageait sur un chemin ensemble. Ce que ça durerait ni l’un ni l’autre ne le savait, mais maintenant qu’ils s’étaient avoué leur amour, ils n’avaient plus qu’à aller de l’avant ensemble, d’un même cœur, d’une même âme, chacun tatoué du désir de l’autre, chacun porteur de l’espoir d’un futur à deux.
FIN
Chanson de Thierry Amiel