[Texte court] - Je vous ai bien eu - PG13

Toujours dans les reclassements, un ovni pour l'anniv' de Dobby, en 2010.



Il regarda autour de lui, avec ce sourire angélique qui, depuis toujours, lui attirait les faveurs de tous et de toutes, ce sourire qui faisait que personne n’imaginait ce qui se cachait derrière.


Ils étaient tous là, comme il s’y attendait. Il y avait cette banderole imbécile qui proclamait en lettres fluo « Bienvenue aux anciens de la promo 1984 », des ballons et des guirlandes accrochées un peu partout, et chacun arborait un sourire niais en reconnaissant tel ou tel camarade d’alors.


Il passait de groupe en groupe, cachant derrière des mots lénifiant, une physionomie ouverte, l’écoeurement qu’il ressentait et la jubilation qui le soulevait à imaginer leurs têtes s’ils avaient su !


C’était jouissif de les revoir, après tout ce temps. Les miss de l’époque étaient devenues des matrones flasques aux yeux délavés par l’horizon sans espoir qui était le leur, les athlètes s’étaient reconvertis en cadres ventripotents, les premiers de la classe bouclaient difficilement leurs fins de mois avec les salaires de misère qu’ils touchaient en tant qu’enseignant.


Il serrait les mains, embrassait des joues, prenait des nouvelles des uns et des autres sans se départir de son urbanité. Et trop souvent il voyait l’interrogation poindre dans les yeux de ses interlocuteurs : mais qui était donc cet homme ? Personne n’avait gardé souvenir de lui. Tant mieux, ça l’arrangeait.

Pour le moment…


Il avait été transparent à l’époque : ni souffre-douleur, ni pôle d’attraction, rien qu’un élève anonyme dont même les professeurs avaient du mal à se remémorer le nom. Un fantôme parmi les fantôme. Déjà il cachait bien son jeu.


Qui aurait pu se douter de la haine qui le dévorait sous son air serein ? Qui aurait pu mesurer la somme de violence qu’il dissimulait dans ses gestes timides ? Qui aurait pu détecter la révolte qui le soulevait dans son attitude docile et tranquille ?

Qui aurait pu percevoir le démon sous l’habit de l’ange ?


C’était ça son truc, sa grande réussite : avoir l’air tellement normal, tellement banal que personne ne se souvenait de lui, que personne ne se méfiait même de lui. Monsieur tout le monde… Ce monde qu’il honnissait. Quiconque aurait plongé aux tréfonds de son âme se serait aussitôt consumé aux foyers diaboliques qu’elle abritait.


Il y en avait eu des gens dans sa vie : des hommes, des femmes, de toutes races, de toutes religions, de tous âges. Ils traversaient sa vie comme des météore : il traversait la leur comme l’ange de la mort.

Quiconque voyait son vrai visage ne le voyait qu’une fois.


Il était là, parmi eux… Eux qui se gargarisaient de leurs sales petites réussites, de leurs sales petites maisons dans leurs sales petites banlieues. Eux qui se vantaient d’avoir élevé de sales gosses qui reproduiraient à l’infini la médiocrité dans laquelle ils se complaisaient.

La haine remontait en lui comme un reflux gastrique, se bloquait dans sa gorge et crispait ses mains sur le verre qu’il tenait.

Et pourtant il leur souriait, s’amusant finalement de leur étonnement lorsqu’ils le croisaient, lui le fantôme qui n’avait laissé aucune trace dans leur mémoire mais traçait, jour après jour, un sillon qui marquerait à jamais les humains.


Combien y en avait-il eu de ces anonymes qu’il avait tenu sous son joug ? Combien y en avait-il eu qui, avant de fermer définitivement les yeux, s’étaient noyés dans le vide infini de sa conscience ?

Il lui arrivait d’égrener des visages, de retrouver des odeurs, la texture d’une peau, la couleur d’une chevelure… C’étaient ses fantômes à lui…


Nul ne le vit sortir de la salle, arborant toujours ce sourire qui faisait de lui cet homme si agréable à côtoyer. La soirée continua sans lui, dans les mêmes rires forcés et les mêmes blagues éculées, dans la même atmosphère de fête un peu contrainte comme s’il était impératif de s’amuser à ce genre de soirée.
Nul ne l’avait vu s’approcher de la table et verser une petite fiole dans le punch.

En rentrant chez lui, il souriait : ce soir ce serait son chef-d’œuvre. Ce soir le fantôme allait enfin sortir de l’ombre !


Chanson de Michel Sardou

Wow Est-ce que la fiole contient du poison ? Cette songfic est juste fabuleuse.C'est si bien écrit et cet homme invisible aux yeux des autres qui semble perdu quelque part entre la folie et la réalité. Ca me plaît vraiment beaucoup cette ambiance sombre et mystérieuse que tu as crée autour de cet inquiétant personnage. Oserais-je te demander une suite,parce-que je me demande bien ce que ce drôle type va devenir.
Bravo Cissy Du grand art Bisous.

comment ais-je pu râté cette fiction , c'est divin, un vrai plaisir pour mes neurones . Tu as le don de nous enchanter Dame Cissy, je me demande souvent comment tu arrives à ses prouesses , mais tu y arrives.

franchement un reel talent

WAW... La vengeance d'un homme de l'ombre... Les premiers seront les derniers, mais au final un même sort leurs est réservé... Cette songfic est magnifique et magnifiquement portée par cette chanson que j'adore...
Bravo

Merci à vous tous... vos compliments me vont droit au coeur...
Une suite Emma? Euh... J'ai bien en tête quelques histoires pourquoi pas... mais d'un autre côté, n'est-il pas plus intéressant de laisser ainsi planer le doute sur le fantôme vengeur?

Brrrr, cela fait froid dans le dos ! Heureusement que je ne bois pas de punch

Très bonne initiative... Froid dans le dos, au moins tu n'as pas pleuré...
Merci de ta fidélité...