Et je reclasse toujours.... une songfic destinée à l'époque à Imaë D.Zéro
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de:
David Shore. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Le mauvais homme
Grégory House n’était pas un homme heureux. Peut-être l’avait-il été, à une époque. Sans doute avait-il su rire sans blesser, plaisanter sans se montrer sarcastique, profiter des bons moments sans se demander quand ils cesseraient. Mais il n’arrivait pas à s’en rappeler : il ne gardait aucun souvenir d’une enfance insouciante, d’une jeunesse turbulente.
Il lui semblait que tout avait toujours été noir ou gris, que rien jamais pour lui n’avait eu ne serait-ce que l’avant-goût d’un possible bonheur.
Tout a commencé dans l'amour et le sang.
Une femme m'a mis au monde en hurlant.
Elle m'avait gardé comme le pourboire d'un homme
Qui n'l'a pas regardée en l'aimant,
Seulement mon père,
Mon père, c'était un régiment.
Vous comprendrez sans doute
Pourquoi j'ai l'air méchant.
Sa mémoire semblait avoir effacer les bons moments, les fous-rires entre amis (avait-il jamais eu des amis ?), les virées entre copains (que lui voulaient-ils ces copains ?), les nuits aux bras de belles filles (un peu de sexe et puis ?). Il lui semblait que rien n’avait existé avant cette douleur perpétuelle qui lui agaçait les nerfs, faisant de lui ce type aigri et cruel dont chacun, tout en louant son professionnalisme, redoutait les saillies et les piques.
Un rire douloureux monta à sa gorge : toute sa vie se résumait à ça, cette jambe inutile qu’il traînait comme un boulet ! Cette foutue guibole qu’il avait tenu à garder, contre l’avis de tous, creusant la tombe d’un possible avenir heureux.
Mauvais homme,
Mauvais mari, mauvais amant
Qui tient debout, évidemment,
Entre l'alcool et les calmants.
Pour avoir voulu conserver ce membre, il avait sacrifié tout le reste : son sourire, son humour, sa vitalité et son amour. Il s’était réveillé un jour, dans un monde de douleur, de colère et de rancune, sans avoir la mémoire d’un avant heureux.
C’est à ce moment-là qu’il était devenu cet être dénué de toute sensibilité, égocentrique, cruel, sans pitié, ne croyant plus ni en l’homme ni en quoi que ce soit, certain que seul le mensonge guidait le monde.
Il s’était glissé dans la peau du misanthrope et avait réinventé tout son passé à l’aune de cette nouvelle image.
Mauvais homme,
J'étais déjà mauvais enfant
Et mauvais frère et mécréant,
Le coeur battant au minimum.
Petit à petit ils s’étaient éloignés de lui : les parents, les amis, les copains, tous ces proches qui avaient juste voulu le soutenir et qu’il avait rejeté impitoyablement, se vengeant sur eux de l’adversité qui l’avait marqué de son sceau.
Alors il avait ri ! Il avait ri plus fort encore de cette solitude dont il crevait mais qu’il proclamait être son choix.
Tout le monde ment ! Nul n’est honnête ! Alors mieux vaut être seul que mal accompagné, forcément mal accompagné !
Mauvais homme
Et pas du tout c'que vous croyez :
Seulement un type perdu
Qui ne voulait rien demander.
Parfois durant ses longues nuits d’insomnie, avant que l’alcool et la vicodine ne fassent leur effet sur son organisme, il tentait de saisir l’effluve d’un parfum, la chaleur d’un rayon de soleil, le frôlement d’une main… des souvenirs fugaces qui imprégnaient ses sens et qu’ils ne parvenaient pas à faire remonter. Il s’en agaçait, plongeant plus loin alors dans cette existence grise qu’il revendiquait crânement.
Mauvais homme,
Mauvais ami et mauvais père,
Mauvais ivrogne qui veut la mer
Et qui s'endort avec un rhum.
Mais lors de ces nuits, quand soudain il cessait de se mentir (tout le monde ment, pourquoi pas moi ?) il savait.
Il savait que cette vie ne rimait à rien, que de cette vengeance contre le monde entier il sortait le seul vaincu. Seul… Il s’enorgueillissait en public de cette situation pourtant il aurait tout donné pour avoir, lui aussi, quelqu’un qui l’attendait, quelqu’un qui pensait à lui, quelqu’un qui le rassurerait et lui donnerait l’envie d’affronter le futur.
Pouvait-il changer les choses ? Refaire le chemin à l’envers ?
J'voudrais recommencer : c'est ça mon testament,
Transformer mon passé, mais comment ?
Et être un jour peut-être une bible ou un enfant,
Un animal normal, simplement.
Lorsqu’il se regardait dans la glace, nu, comme ce soir-là : il voyait ce corps presque maigre, ces poils grisonnant, ce visage sévère, austère, d’aucuns aurait dit cruel et cette cicatrice sur la cuisse, cette cicatrice qui avait essaimé dans son âme, dans son cœur, dans sa tête.
Il n’était qu’une cicatrice ! Une cicatrice purulente et douloureuse !
Devait-il boire jusqu’à la lie ce verre qu’il avait choisi un jour, lorsque la colère l’avait dominé, lorsque cette impression d’avoir été trahi l’avait bouleversé au point d’en faire ce qu’il était aujourd’hui ?
Pouvait-il espérer une rédemption lui qui ne croyait plus en rien ?
Mais comment m'refaire,
Comment rev'nir en arrière,
Rentrer dans l'ventre de ma mère
Et refaire mon entrée...
...Chez les hommes
Où je ne suis qu'un mauvais homme
Qui n'a rien fait de bien en somme,
Qu'on effacerait d'un coup de gomme ?
Lorsqu’il regardait autour de lui, il ne voyait qu’un champ de ruines : ses subordonnés le respectaient certes, mais ne l’aimaient pas, voire le détestait carrément ! A l’hôpital il passait pour le dernier des connards et il n’avait pas usurpé cette réputation !
Cuddy semblait avoir baissé les bras, lasse de se battre contre ses démons à lui, ayant bien assez des siens !
Et Wilson… Wilson….
Mauvais homme,
Je ne peux plus changer d'histoire,
Changer de nom, changer de forme.
Y a rien à voir dans ma mémoire.
D’aussi loin qu’il se souvenait, Wilson avait toujours été là : l’ami fidèle, dévoué, celui qu’il prenait plaisir à humilier, à rabaisser parce qu’il savait qu’il ne lui manquerait jamais.
Qu’avait donc vu cet homme en lui pour lui rester ainsi attaché, malgré les coups pendables qu’il lui faisait, les blagues pourries qu’il lui destinait, les mots cruels qu’il lui adressait ?
Quel être regardait-il lorsqu’il le suivait des yeux ? Apercevait-il le House d’avant, celui qui avait encore une once d’humanité en lui ? Pensait-il qu’il pouvait ramener ce fantôme du passé, ce spectre de ses souvenirs ?
Wilson ! Wilson n’était qu’un naïf ! L’un de ces hommes au cœur trop grand né pour souffrir par les autres !
Mauvais homme,
Qui a vendu son âme au diable,
Mais qui finit tout seul à table,
Qui n'est ensemble avec personne.
Wilson n’était qu’un idiot, un masochiste qui aimait qu’on le piétine !
Wilson n’était que…
Il n’était que celui qui était resté auprès de lui, jour après jour, depuis tant d’années. Celui qui l’avait couvert, au risque parfois de sa propre vie. Celui qui répondait toujours présent, de jour comme de nuit.
Wilson était son ami…
Wilson était son amour…
Mauvais homme,
Mauvais mari et mauvais père,
Qui fait l'amour à des sorcières
Et qui s'endort avec un rhum.
Soudain les larmes lui montèrent aux yeux tandis qu’il se regardait dans cette glace qui lui renvoyait toute sa nullité, sa cruauté, son inutilité !
Cette fois-ci il avait gagné ! Il avait définitivement fait le vide !
Wilson était parti à son tour, usé, épuisé par cette lutte constante, anéanti par ce don de soi quotidien qui se heurtait toujours au même mur.
Pourtant il y avait cru, durant des semaines… Leurs jours avaient été magiques et leurs nuits encore plus belles depuis ce premier soir d’ivresse où leur corps s’étaient unis pour la première fois, répondant enfin à l’appel de leurs sens en abolissant toutes les tensions, toutes les rancunes, toutes les blessures.
Les choses prenaient leur vraie place : Wilson et House, House et Wilson… Grégory et James… Deux corps pour une seule âme, une âme tourmentée, déchirée mais une âme qui se retrouvait enfin entière.
C’était compter sans sa tête, sans ce cœur sec, sans son inaptitude au bonheur, sa méfiance viscérale envers tout ce qui semblait de près ou de loin s’apparenter à une forme quelconque de bien-être. Comme si être heureux c’était se perdre, perdre ce qu’il avait mis si longtemps à construire : ce personnage qu’il détestait lui-même mais avec lequel il vivait depuis des décennies maintenant, au point d’en avoir oublié que lui aussi avait eu des espoirs, des rêves et certes pas de se retrouver un jour dans ce corps-là, seul ! Désespérément seul !
Parce que Wilson en avait eu assez des cachotteries envers leur entourage, des méchancetés gratuites en public pour dissimuler leur liaison, des coups bas répétés…
Il y a un moment où l’espoir finit par s’effriter et où vous devez partir sous peine de vous perdre. Pour James, ce moment était arrivé, quelques heures auparavant, lorsqu’il lui avait jeté ses quatre vérités à la figure.
Tout le monde ment… mais quand on dit la vérité, putain que ça fait mal ! sanglota House en se laissant tomber au sol. Il redevenait humain, dans la douleur du départ de celui dont il ne mesurait que maintenant combien il l’aimait.
Il redevenait humain trop tard… au moment où il avait enfin fini de tout saccager !
Mauvais homme,
Je suis un mauvais homme,
Mauvais homme.
- Non… Non… Tu n’es pas mauvais… Tu es juste blessé, tellement blessé ! Laisse-moi te soigner ! S’il te plaît ! Donne-moi cette chance !
Les bras l’avaient enveloppé et il se sentait bien dans le cocon de ce corps. Ses yeux brouillés de larmes interceptèrent l’image dans le miroir : Wilson était là, derrière lui. Il était revenu et il le serrait contre lui.
- James ! Je regrette ! Je regrette tellement !
- Chut ! Ce n’est rien… Tout va s’arranger ! Tout ira bien !
Et il le croyait. Lorsqu’il était revenu sur ses pas, déterminé à donner une dernière chance à son amour, il n’aurait jamais imaginé trouver son amant dans cet état, preuve que tout sentiment n’était pas mort en lui, contrairement à ce qu’il lui avait jeté à la figure quelques heures plus tôt.
Il n’était pas bien sûr de ce qu’il devrait faire ou dire en revenant, il n’était même pas sûr de ne pas être impitoyablement rejeté, une fois de plus, une dernière fois… Mais au moment où il s’était accroupi pour prendre l’homme qu’il aimait dans ses bras, oubliant d’un seul coup ses griefs, ses propres blessures, ses craintes, il comprit qu’une page venait de se tourner.
Et celles qu’ils allaient écrire maintenant, ensemble, ne seraient peut-être pas facile à rédiger, il n’était certes pas naïf à ce point, mais il savait qu’elles seraient belles.
Et le baiser désespéré qui les unit à ce moment-là, le « Je t’aime », balbutié désespérément par Grégory tandis qu’il se serrait contre lui comme s’il voulait se fondre dans son corps lui fit comprendre que tous les espoirs leur étaient enfin permis.
FIN
Chanson de Michel Sardou