Celle-ci était destinée à Catouchka...
Déclaration : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Léonard Freeman, Alex Kurtzman, Roberto Orci, Peter M. Lenkov. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Restera-t-il encore
Le lieutenant Daniel Williams était un homme qui savait ce qu’il voulait et comment l’obtenir. Il était têtu, même s’il préférait le terme obstiné, ne s’avouait jamais vaincu et avait, aux dires de certains un fichu caractère, disant, quant à lui, qu’il avait du tempérament.
Depuis qu’il était entré dans la police, il avait toujours su comment mener sa barque et comment parvenir à ses fins. Il était un bon flic, ça, personne n’aurait pu le nier, l’un des meilleurs sans doute, pensait-il avec un brin de fatuité. On ne le roulait pas comme ça dans la farine et des criminels qui s’étaient crus plus malins que lui l’avaient appris à leurs dépens.
Le lieutenant Daniel Williams ne lâchait jamais rien, quel que soit le prix à payer. Il l’avait montré en venant s’installer sur cette fichue île pleine de sable et d’ananas, deux éléments qu’il exécrait au plus haut point, juste pour suivre sa fille, sa belle petite Grace et tenter de reconquérir Rachel que Stan ne méritait décidément pas.
Et rien au monde n’aurait pu le faire renoncer à rester auprès de sa princesse, pas même un homme de Neandertal élevé chez les militaires et qui maniait plus facilement la grenade que la fourchette ! Pourtant il avait bien failli parfois baisser les bras devant l’immensité de la tâche à accomplir pour civiliser un tant soi peu l’espèce d’animal qui lui tenait lieu de supérieur et dont il avait fait la connaissance au bout du canon de leurs armes respectives.
Oui, le lieutenant Daniel Williams avait toujours su ce qu’il voulait. Toujours.
Jusqu’à ce jour-là…
Jusqu’à cet homme là…
Parfois, avec le recul, il se demandait si, ce jour là, il avait tiré, les choses auraient évolué comme cela : bien sûr que non ! répliquait-il aussitôt. Mais pour autant, auraient-elles été pires ou meilleures ?
Pouvait-il imaginer qu’elles aient été pires que ce qu’elles étaient actuellement ?
Un soleil pâlissant jette encore sa lumière
Sur un oiseau errant
Qui fuit devant l'hiver
Au retour de l'automne
Feras-tu comme l'oiseau
Qui s'envole et s'étonne
De me voir de si haut ?
Pourquoi la vie vous jouait-elle de ces tours qui vous mettent la tête à l’envers et le cœur sans dessus dessous ? Pourquoi, parmi tous les possibles, avait-il fallu qu’il choisisse celui-là, qui confinait à l’impossible ?
Pourquoi, lui qui s’était toujours cru un hétéro pur et dur, avait-il dû rendre les armes devant un individu à peine dégrossi, passé directement de la préhistoire à la dégénérescence de la race humaine sans détour par la case évolution ?
Bordel ! Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça ?
S’il devait aimer un homme pourquoi justement celui qui l’exaspérait au plus haut point, qui le rendait fou vingt heures sur vingt quatre, fou d’inquiétude ou fou de désir, mais fou tout de même !
Pourquoi ? Pourquoi ?
Combien de pourquoi avait-il égrenés depuis ce jour où il avait rendu les armes devant son beau capitaine… Son beau capitaine ! Il se souvenait des livres à l’eau de rose qu’affectionnait Rachel : l’un d’eux portait ce titre là : mon beau capitaine !
Lui, le lieutenant Daniel Williams, fierté de la police de Newark, était devenu un héros de roman rose ! Sa vie s’était teintée de rose….
De rose et de gris… et de noir… Comme à cet instant…
Restera-t-il encore
Un peu de notre amour
Au premier vent du nord
Aux premiers mauvais jours ?
Restera-t-il demain
Un peu de ton sourire
L'oiseau s'en va si loin
Saura-t-il revenir ?
- Où es-tu Steve ? Bordel, où es-tu ?
Il ne pouvait pas être parti, pas comme ça, pas justement ce jour-là…
Ils avaient affronté ensemble des tempêtes autrement violentes, des raz-de-marée autrement dangereux.
Du jour où ils avaient osé faire ce pas si longtemps retenu, ce pas qui les avait jetés dans les bras l’un de l’autre, ce pas qui les avait enchevêtrés dans le grand lit, qui les avait conduits jusqu’à l’autel il y avait un an jour pour jour, de ce jour-là sa vie avait basculé dans un maelstrom perpétuel, comme s’il vivait sur des montagnes russes.
Rien n’était simple avec Steve, pas même les choses les plus anodines. Rien n’était compliqué non plus, pas même les choses les plus obscures.
Steve était un être de lumière, un soleil qui amenait certes la vie mais pouvait aussi vous dessécher de sa passion. Et lui, Danny, s’épuisait à le suivre, tentant de le protéger. Mais comment le protéger quand le principal danger c’était lui-même ?
Combien de fois s’était-il emporté contre lui pour une imprudence, ou plutôt ce que le commun des mortels aurait considéré comme de la folie limite suicidaire et que Steve, lui, pensait tout à fait naturel ? Combien de scènes lui avait-il faites qui se terminaient toujours de la même manière : au creux du lit, lui possédant presque brutalement son compagnon pour évacuer cette peur, cette colère…
Un couple peut-il durer sur ces bases-là se demandait-il souvent. Qu’en sera-t-il lorsque le désir pâlira, lorsque nos corps seront trop usés pour exulter nuit après nuit, voire plusieurs fois dans la nuit, et pourquoi pas le jour si les circonstances s’y prêtaient ? Quoiqu’avec la vie qu’ils menaient, Steve surtout, auraient-ils jamais l’occasion de voir leurs corps s’étioler sous les assauts du temps ?
Il aurait parfois aimé pouvoir se projeter dans le futur, savoir s’ils allaient construire quelque chose ensemble, quelque chose qui leur ressemblerait… Non ! Ca ne pourrait pas leur ressembler : ou alors ce serait surréaliste !!! Eventuellement ça lui ressemblerait à lui, ou alors à Steve… Mais quelque chose qui ressemblait à Steve ne pourrait être qu’éphémère…
Bordel ! Voilà que de nouveau il s’égarait loin de l’essentiel !
Restera-t-il enfin
Quelque chose de nous
Lorsque les feuilles d'automne
Recouvriront l'été
Rassemblant tous les hommes
Autour des cheminées ?
Couché sous une pierre
Bien à l'abri du vent
Un oiseau solitaire
Dormira pour longtemps.
Qu’allait-il rester d’eux ? Tout cela en avait-il valu la peine ?
Et tandis qu’il fouillait les décombres de la pièce où se tenait son amant avant que tout n’explose, Danny retenait ses larmes en pensant à tout ce chemin parcouru, ce chemin qui semblait devoir s’achever ici, à cet instant, dans cette apothéose de flammes et de bruit. Un petit rire douloureux lui échappa en pensant que si Steve avait dû choisir sa fin, c’est celle-là qu’il aurait choisie : partir en fumée dans le souffle d’une grenade, comme un immense pied de nez au destin !
Mais lui, Danny Williams n’avait pas l’intention de le laisser faire, pas encore, pas maintenant ! Et tandis qu’il se ruait dans les décombres fumants, il criait le nom de son amour, sentant le désespoir l’envahir au fur et à mesure que les minutes passaient sans que la moindre réponse ne lui parvienne.
Restera-t-il encore
Un peu de notre amour
Au premier vent du nord
Aux premiers mauvais jours ?
Restera-t-il demain
Un peu de ton sourire
L'oiseau s'en va si loin
Saura-t-il revenir ?
- Steve ! Je te jure que si tu n’es pas mort, cette fois je te tue !!!!
Un petit rire douloureux, une toux rauque percèrent le brouillard et il dirigea sa lampe vers le son, le cœur battant à tout rompre, les nerfs tendus comme une corde d’arc.
- Steve !
Il se laissa tomber à genoux et entrepris de dégager les débris qui couvraient son compagnon :
- Tu es blessé ? Tu as mal ? Dis-moi… Ne t’inquiète pas ! Les secours vont arriver. Tu vas t’en sortir…
- Je croyais que tu voulais me tuer…
La voix était un peu faible mais le timbre ironique le rassura mieux que ne pourraient le faire les médecins qui allaient l’examiner sous toutes les coutures avant qu’il ne fasse de même et dans les moindres recoins ! pensa le lieutenant en tentant vainement d’envoyer un regard courroucé à l’homme qu’il aimait et qui osait se moquer ouvertement de lui !
Mais il était vivant et rien d’autre n’avait d’importance !
Qu’importait le temps que le sort leur donnerait ! Qu’importait si Steve venait de brûler une autre de ses vies, les rapprochant toujours plus près de l’inexorable ! Qu’importaient les jours à venir, les angoisses, les querelles, les doutes !
Qu’importaient ce qu’ils laisseraient…
Restera-t-il enfin
Quelque chose de nous ?
Restera-t-il un jour
Quelque chose de nous ?
Il resterait d’eux leur amour, cet amour que rien ni personne n’arriverait à briser, cet amour qui leur permettait d’oublier tout ce qui les agaçait parfois chez l’autre, cet amour qui était la plus belle chose qui pouvait leur arriver à ce moment de leur vie…
Il resterait leurs mains qui s’étreignaient, leurs bouches qui se cherchaient et leurs langues qui se découvraient de nouveau avec cette avidité jamais apaisée, jamais assouvie.
Il resterait tout ce qui faisait qu’ils étaient eux, des humains certes imparfaits mais qui, dans la plénitude de leur amour, touchait à la perfection.
Il resterait l’essentiel : le souvenir de deux hommes qui s’aimaient au point d’en oublier combien ils étaient différents.
FIN
Chanson de Michel Sardou.