Je reclasse toujours... Voici une songfic destinée à l'époque à Videl.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Johnny Capps, Julian Jones, Jake Michie, Julian Murphy. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
L’amour magicien
Merlin se hâtait, la peur au ventre. Tout en lui, lui hurlait qu’il n’arriverait pas à temps, que toute sa magie n’était pas assez forte contre les forces de l’univers qui étaient à l’œuvre. Il n’était pas encore assez fort, pas assez rusé, pas assez instruit !
Au moment où il arrivait il vit Arthur tomber ! Il se précipita, en hurlant et prit le corps dans ses mains, cherchant à arrêter le sang qui s’échappait de sa poitrine.
Le jeune prince ouvrit des yeux que l’ombre déjà envahissait et il sourit en voyant son serviteur penché sur lui. Il leva une main fragile pour toucher le doux visage et se mit à murmurer :
Toi, au bout de ma vie,
Au bout de mes nuits,
Quand tout est fini,
Toi, que viens-tu chercher,
A l´heure où mes lampions
S´éteignent,
S´éteignent?
Merlin retenait ses larmes : ça ne pouvait pas s’arrêter ! Pas ici ! Pas comme cela ! Arthur avait une destinée à remplir : il était écrit qu’il serait un grand roi, le plus grand de tous peut-être. Tout ne pouvait pas s’arrêter dans cette sinistre clairière de la forêt de Brocéliande.
Il tentait d’appeler à la rescousse les fées et les magiciens des temps anciens, les mânes de ceux qui pouvaient inverser l’histoire mais les mots n’arrivaient pas à ses lèvres. Les seuls mots qu’il entendait c’étaient ceux que prononçait Arthur.
Toi, mais que me veux-tu
Et que cherches-tu
Au fond de mes yeux
Fatigués,
Fatigués?
Vois, mes lampions s´éteignent.
Ma fête est finie.
Il faut t´en aller.
Partir ? Partir et le laisser là ? Partir et accepter la défaite ? Partir et tenter d’oublier qu’il avait failli à sa tâche, qu’il avait échoué ? Comment Arthur pouvait-il même penser qu’il le quitterait au seuil de l’éternité ?
Les yeux brouillés de larmes, Merlin cherchait les incantations tandis que ses mains appuyaient sur la blessure d’où la vie s’échappait. Il sentait le flot rouge sur ses doigts et ne se souvenait plus de ce charme qui aurait permis de l’arrêter, comme si sa mémoire avait été effacée, comme si soudain il n’était plus rien qu’un humain comme les autres, comme si au fur et à mesure qu’Arthur s’éloignait de lui, ce pourquoi il était né se perdait aussi dans les méandres du temps.
De nouveau les doigts de son roi coururent sur ses lèvres, en faisant doucement le contour, comme s’il avait voulu imprimer chaque trait de son visage dans son esprit pour s’en souvenir là où il partait.
Je savais que, quelque part,
Tu existais
Mais tu viens si tard.
Je le savais
Que tu serais pareil à mon rêve
Avec tes mains douces
Sur mon poignet,
Tes yeux, mes vagues pour m´y noyer.
Pourquoi fallait-il que ce soit au seuil de l’au-delà qu’enfin son roi exprime enfin à nouveau ses sentiments ? Pourquoi toute leur relation avait-elle toujours été empoisonnée par le secret qu’il portait et cette distance qu’il y avait entre eux ?
Pourtant ils s’étaient aimés dans le secret du vieux donjon. Il se souvenait de leurs corps à corps fébriles et impatients, mâtinés de la peur d’être découvert.
Le Seigneur et le Serviteur, le Prince et le Manant : c’était à la fois tellement banal et extraordinaire ! Mais surtout il y avait l’homme avec l’homme et jamais la cour n’aurait accepté cet amour qu’ils cachaient.
C’était cet amour qui l’avait conduit à révéler sa vraie nature à son amant. Il se souvenait de la réaction de celui-ci : il était resté quelques minutes immobiles, le regardant les yeux dans les yeux, comme s’il voulait sonder jusqu’à son âme. Puis il avait souri et il avait prononcé ces phrases, celles qui s’étaient gravées en lui comme au fer rouge.
Ô magicien, magicien,
Tu m´as redonné la lumière.
Ma fatigue est un oiseau blanc
Qui survole tes océans.
Magicien, magicien,
Je retrouve le goût de vivre
Ce jour-là, tandis qu’il se laisser aller dans les bras de son prince, il avait cru que le plus dur était fait et que l’avenir leur appartenait. Naïf qu’il était ! Il avait oublié que son destin n’était pas d’être heureux et de filer le parfait amour avec l’homme de sa vie. Non ! Il était né pour le servir, pour le protéger, pour l’amener à la place qui lui était dévolue depuis la nuit des temps lorsque le moment en serait venu.
La pression de leur monde avait fini par les séparer. Arthur un jour lui avait asséné ces mots cruels qui parlaient d’erreur, de besoin d’interdit, de folie passagère. Puis, devant son désarroi, il s’était emporté, l’avait accusé de l’avoir ensorcelé, d’avoir fait de lui quelqu’un qu’il n’était pas. A cet instant là Merlin avait su que le temps du bonheur était révolu.
Ils avaient continué leurs chemins sur des voies désormais parallèles, lui veillant sur le futur souverain tout en gardant la prudente distance que celui-ci avait mis entre eux.
Une distance qui n’était rien à côté de celle qui allait bientôt les séparer, songea l’enchanteur en se penchant vers le moribond pour ne pas perdre une miette des mots qu’il disait.
Mais trop tard.
Tu me viens trop tard.
Au bout de ma vie,
Tu vois, c´est fini
Et rien, rien n´y pourra rien.
Je m´arrête ici.
Toi, tu vas plus loin.
Aller plus loin sans lui ? Vivre dans un monde où Arthur ne serait plus ? Un monde qu’il n’éclairerait plus de son sourire, de ses yeux clairs ? Un monde qui ne tremblerait plus de ses colères ? Un monde qui n’aurait plus l’once d’un espoir ?
Même s’ils n’étaient plus amants, ils avaient gardé l’un en l’autre une confiance indéfectible, et Merlin savait au fond de lui-même, que son prince l’aimait toujours. Il n’avait qu’à voir la lueur dans son regard, le tremblement de sa main lorsque parfois il le frôlait, tout ce langage muet qui proclamait un amour interdit, un amour auquel il ne se laisserait plus jamais aller.
Mais à l’instant précis, Arthur voulait gommer ces années d’éloignement : Merlin devait savoir combien il avait compté dans sa vie et lui voulait emporter le souvenir du visage aimé qui se penchait sur lui, des larmes qui tombaient sur son visage et qui lui disaient toute la détresse de celui qui restait.
Tu sais, au bout de ma vie,
Et de tant de nuits
Passées à dire
Je t´aime, je t´aime,
Un jour,
Il fallait qu´un jour,
Pour moi, ce soit la fin du voyage
Et c´est le bout de ma vie,
Le bout de mes nuits
- Reste ! Tu ne peux pas partir ! Pas ainsi ! Pas maintenant ! Laisse-moi trouver le moyen de te garder ! Je sais qu’il existe.
Un sourire fatigué étira les lèvres devenues blêmes tandis qu’Arthur murmurait d’une voix plus faible :
- Si j’avais dû être sauvé tu serais arrivé à temps. Je vivrais dans ton cœur, dans ton âme… Je resterais à tes côtés pour t’aider et tu seras un grand enchanteur je le sais.
- Pas sans toi ! Nos destinées sont liées ! Rappelle-toi : les deux faces d’une même médaille ! Il n’y a pas d’Arthur sans Merlin, pas de Merlin sans Arthur.
Un autre sourire, un autre murmure :
Et puis c´est fini.
Rien, rien, tu n´y peux plus rien,
Amour magicien.
Passe ton chemin.
- Bats-toi Arthur ! Ne laisse pas la mort gagner ! Je sais que ton temps n’est pas venu ! Je ne te laisserai pas partir ! Laisse le temps à la magie d’agir.
- Quelle magie ? La magie ne peut rien et tu le sais. Tu n’es pas assez fort pour défier la mort.
Au bout de ma vie,
Et c´est fini, fini.
Rien, tu n´y pourras rien.
Mes lampions s´éteignent.
Ma fête est finie...
Les yeux s’étaient fermés et le souffle s’était arrêté. Merlin laissa tomber le corps de son prince et se leva, le corps tremblant de colère et de désespoir. Il éleva les mains aux cieux et lança une incantation venue du plus profond de son être, du plus profond des âges !
Soudain il s’élevait au-dessus des mortels ! La magie l’enveloppait et le soulevait ! Il n’était plus l’apprenti enchanteur encore maladroit et peu sûr de ses sorts. Il devenait un maître, défiant toutes les forces de la nature qui se déchaînèrent soudain sur ce petit espace de l’univers.
A bout de forces Merlin tomba au sol et la bourrasque faiblit tandis que la pluie s’éteignait.
- Merlin ?
L’enchanteur leva les yeux, ne pouvant croire ce qu’il voyait. Arthur le regardait : un Arthur bien campé sur ses jambes.
- Arthur ! Tu es en vie ! Ca a marché ! Tu es vivant !
Il voulut bondir vers son amour mais il se sentait soudain si fatigué ! Sans doute avait-il laissé beaucoup de forces dans la bataille.
- O Merlin qu’as-tu fait ? Mais qu’as-tu fait ? pleura soudain le jeune prince en s’agenouillant à ses côtés.
- Je t’ai ramené ! J’ai accompli ma destinée : je t’ai protégé !
- Mais toi… Toi… Regarde-toi !
Le magicien se redressa péniblement pour s’avancer vers la source et s’y mirer, voulant comprendre ce qui bouleversait ainsi son amour. Et tandis qu’il se penchait sur l’onde maintenant sans une ride, il aperçut son visage : celui d’un vieillard à la longue chevelure et à la barbe blanche ! La magie était en lui, il en avait payé le prix.
Il regarda l’homme qu’il aimait et vit des larmes dans ses yeux. Mais lui ne regrettait rien. Arthur vivait et il pourrait continuer à veiller sur lui pour accomplir la destinée. Certes il avait maintenant l’apparence d’un vieillard, mais la fatigue se dissipait et il comprit que ses jours sur terre étaient loin d’être à leur terme. Ils auraient du temps pour se parler, pour s’aimer : qu’importait son apparence. Il regarda une fois de plus dans l’onde : il commençait à s’habituer déjà à ce visage et soudain derrière lui apparut le reflet de son prince. L’espace d’un instant, s’y superposa celui d’un homme plus mûr, la couronne de Pendragon sur la tête. Il avait ouvert un portail sur le temps, un portail qu’il pourrait franchir si la nécessité s’en faisait sentir.
Par la magie de l’amour il était devenu Merlin l’Enchanteur, celui dont le nom serait à jamais uni à celui d’Arthur, roi de Camelot. Il sut à ce moment précis que leur histoire serait éternelle et que leurs noms seraient de ceux qu’on n’oublie pas. Et croisant le regard de son prince, il sut aussi que leur amour ne faiblirait plus jamais et que cela seul aurait justifié le don de sa jeunesse.
Il enveloppa son prince de ses bras et ils se réchauffèrent mutuellement au corps de l’autre : Arthur et Merlin, Merlin et Arthur, les deux côtés d’une même médaille, les deux pans d’une même histoire, les deux parties d’une même âme. Ils avaient commencé à écrire leur histoire.
FIN
Chanson de Barbara