e continue à reclasser... Désolée pour vous, c'est loin d'être fini...
Celle-ci était destinée à Brigitte pour ses... euh... 76 ans? C'est ça?
Fous de rien
Où était passée la magie ? Où s’était enfuie la folie ? Où s’était dissoute la passion ?
Jour après jour Stan ressassait les mêmes questions. Douze ans de vie commune, douze ans de bonheur partagé, douze ans de tendresse et quoi aujourd’hui ?
L’ennui, la morosité, la méfiance…
Je garde
En brume au seuil des cils
Un peu de l´ombre qui déborde
De nos coeurs
J´égare
Au bout de nos sentiers
Cailloux et fleurs qui ne seront
Plus jetés
Pourquoi la vie tient-elle a si peu de chose ? Douze ans auparavant, il s’en était fallu de quelques minutes, quelques secondes peut-être pour que leurs routes ne se croisent pas. Lui aurait déjà dû avoir quitté les bureaux du journal, Max n’aurait pas dû le rencontrer dans l’escalier, le percuter sans le vouloir et leurs regards ne se seraient pas croisés.
Stan se souvenait de cet émerveillement soudain, de cette certitude partagée qu’ils avaient enfin trouvé ce qu’ils cherchaient sans le savoir. Bien sûr ça ne s’était pas fait en une heure, ni même en un jour : ils avaient leur vie, chacun de leur côté, lui avec Stéfania et Max avec Julien.
Mais ils avaient fait tout ce qu’il fallait pour un jour se retrouver ensemble.
Un jour se retrouver là…
J´efface
De ma bouche l´ébauche
Du sourire dont il ne cherchait
Pas l´esquisse
Je fronce
Un bâillon sur mes lèvres
D´où ne s´élève plus que l´air
De notre ennui
Etait-ce l’usure ? Etait-ce juste que l’amour s’effiloche aux aspérités de la vie ? Etait-ce tout simplement que rien ne dure, pas même les sentiments les plus beaux, les plus vrais, les plus violents ?
Aujourd’hui ils n’avaient plus grand-chose à se dire. Certes ils partageaient toujours le même appartement, le même lit, mais jour après jour les silences entre eux étaient plus longs, nuit après nuit les étreintes se faisaient plus courtes, plus rares. Ils n’avaient pas vraiment de mots à mettre sur ce malaise, pas vraiment de raisons à lui imputer.
Il leur semblait simplement qu’un jour ils s’étaient réveillés, presque étrangers, plus étrangers que ce premier jour où ils s’étaient reconnus sans se connaître.
Son regard, je l´évite
Je m´enfouis dans ses manches
Où je m´égare, je l´évite
Quand je hais nos dimanches
Fous de rien...
Petit à petit ils avaient oublié les gestes qui amusent, qui rassurent, qui unissent. Max n’était plus rentré avec des fleurs, des muffins à la groseille, ces petites attentions, ces petits riens tellement importants qui disent combien l’autre vous accompagne tout le long de votre journée. Stan avait cessé de préparer de bons petits plats, d’arranger la table avec de la vaisselle fine, coordonnée, ces petites choses du quotidien qui révélaient qu’à chaque minute il avait attendu le retour de son compagnon.
Max était avocat et peu à peu Stan avait vu la flamme dans ses yeux se faner quand il lui parlait de ses affaires, de ses enthousiasmes, de ses indignations… D’ailleurs il lui semblait qu’il n’y avait plus enthousiasme ou indignation, juste un train-train quotidien dans lequel il s’assoupissait et où il oubliait d’exister.
Stan, lui, après avoir été pigiste dans son journal, était désormais un éditorialiste recherché ainsi qu’un nouvelliste reconnu. Il travaillait à domicile, par choix, ce qui lui donnait du temps pour soigner son intérieur en « parfaite petite maîtresse de maison » comme l’appelait son amant en riant. Mais lui aussi avait cessé de raconter ses recherches, ses découvertes, ses idées en même temps que ses attentions pour leur petit nid devenaient petit à petit corvées.
Je laisse
Ma peau se déparer
Du souffle dont tes doigts savaient
Bien m´habiller
Je blesse mes pas posés à vide
Il n´y a plus d´éclats de nous
Pour s´abîmer...
Si seulement il y avait eu une cassure, peut-être auraient-ils pu la colmater. S’il y avait eu un drame, sans doute se seraient-ils appuyés l’un sur l’autre pour se soutenir et y faire face.
Mais rien… rien n’était venu troubler leurs jours qui se succédaient et parfois Stan pensait que c’était une bien triste ironie que trop de bonheur conduise à tout affadir.
Quoi ? Aurait-il préféré l’infidélité, les coups, les insultes ? Max lui avait posé la question un soir où le silence était si épais qu’il hurlait à leurs oreilles. Où avaient-ils perdu les mots, eux qui, par leurs métiers respectifs savaient les amadouer, les apprivoiser, les tisser, les enchevêtrer et en tirer le plus beau ? Où avaient-ils perdu cette flamme qui avait brûlé si fort entre eux ?
Son regard, je l´évite
Je m´enfouis dans ses manches
Où je m´égare, je l´évite
Quand je hais nos dimanches
Fous de rien...
Ce soir-là, Max n’était pas rentré et, après avoir vainement tenté de le joindre au téléphone, Stan s’était couché, ruminant son chagrin et sa colère. C’était sans doute la première fois depuis des mois qu’il se sentait vraiment vivant, que son cœur battait, que ses pensées se tournaient vers son compagnon et l’emplissaient de lui comme il l’avait été à ses débuts. Il se tourna et se retourna toute la nuit, muselant son angoisse, réfrénant l’envie d’appeler toutes leurs connaissances communes pour savoir où était l’absent, se jurant que lorsque celui-ci passerait leur seuil, il allait en prendre pour son grade.
Mais dans ces heures qui n’en finissaient pas de s’égrener, il se sentait vivant comme il ne l’avait pas été depuis longtemps, les sentiments enfouis et qu’il croyait oubliés revenaient le heurter en pleine face et planter un fer rouge dans ce cœur qui lui avait semblé engourdi.
S´il s´en faut de rien
Pour souffler sur un automne
On se suffira bien
Pour détisser le monotone...
Il était revenu, tête basse, les larmes aux yeux, osant à peine affronter le regard de celui qui l’attendait. Il n’y avait pas eu besoin de mots entre eux : Stan avait compris d’un regard avec cette acuité qu’ont les gens qui s’aiment à déceler les failles chez les autres.
Il avait compris le collègue un peu entreprenant, le regard brillant de convoitise attaché sur un homme qui avait l’impression d’être devenu transparent, inutile, insipide… Il avait compris le cœur qui bat plus vite et les sens qui s’affolent d’une main sur la vôtre, de lèvres qui se tendent vers vous, d’une paume qui frôle cet endroit que si peu d’hommes ont possédé…
Il avait compris le réveil dans des draps froissés et la culpabilité instantanée qui avait suivi, puis la peur panique d’avoir tout gâché et de ne jamais plus pouvoir rattraper ce moment d’erreur, cet instant d’errance…
Il avait compris, mais bon Dieu que ça faisait mal malgré tout ! Et lorsque leurs larmes s’étaient unies, celles du coupable et de la victime, celles du regret et de la douleur, ils avaient senti leurs cœurs se retrouver, comme avant, avant que la vie ne les fasse oublier l’essentiel.
Ses regards, je lui vole
Je m´enfouis dans ses manches
Où il me garde et m´envole
Au-dessus des dimanches
Fous de bien...
La force de l’amour c’était aussi la force du pardon. Bien sûr Stan aurait pu faire sa valise ou chasser l’homme volage… Mais était-ce être volage que de se fourvoyer une fois, que de se noyer dans un sourire, dans un regard, dans la sensation d’exister de nouveau, d’être beau pour quelqu’un, désirable, aimable ?
La faute n’est-elle pas partagée lorsqu’on a fini par oublier que s’aimer c’est aussi se le dire, au-delà de l’évidence, c’est aussi se le prouver par des petits riens, des attentions qui ne coûtent pas grand-chose mais qui comptent tellement !
Ils avaient traversé un bref orage soudain et brutal mais pas vraiment inattendu. Max avait flanché mais Stan était conscient que ça aurait tout aussi bien pu être lui. Le sort avait voulu que, logiquement, ce soit celui qui vivait le plus à l’extérieur qui soit tenté et qui succombe, mais son compagnon savait que là où ils en étaient arrivés, il ne fallait pas grand-chose pour que l’un où l’autre bascule.
Le destin venait de leur envoyer un avertissement et ils avaient ouvert les yeux sur l’essentiel : cet amour qu’ils avaient cru moribond et qui s’était ranimé au bord du précipice, comme un comateux qui s’éveille à l’instant précis où on a décidé de débrancher les machines qui le retiennent en vie.
Ils n’effaceraient pas douze ans de vie commune à cause de quelques minutes d’égarement. Ils ne renieraient pas leur amour qui était au-delà de l’union de leurs corps. Bien sûr ça faisait mal d’imaginer Max dans les bras d’un autre, se laissant caresser par d’autres mains, embrasser par d’autres lèvres… Mais ça aurait été infiniment plus douloureux de le laisser partir et disparaître de sa vie.
L’amour n’est pas toujours un long fleuve tranquille : il a parfois besoin de ressac pour se réveiller, se ressourcer. Max avait compris son erreur et le remords qu’il ressentait était à la mesure de l’amour qu’il éprouvait pour son amant. Désormais il savait que rien ni personne ne le séparerait de Stan.
Ils étaient l’un à l’autre, l’un pour l’autre, l’un et l’autre… Ils n’étaient qu’un.
A perte de vie...
FIN
Chanson d’Elodie Frégé
Désolée... Je m'aperçois que le sujet est le même que celui de la songfic précédemment postée en fanfiction.. Hum.... Va falloir que je voie un psy pour en savoir un peu plus sur cette attirance pour l'adultère...