REclassement d'une fiction offerte l'an passée à Djorie. Un couple de personnages qui ne se sont rencontrés que dans mon esprit qui pense qu'ils iraient bien ensemble!
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Robin Green et Mitchell Burgess d’une part et de Jeff Davis d’autre part. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Va où tu veux
- Ecoute…
Spencer avait tendu la main vers l’homme qu’il aimait, voulant l’apaiser, tenter de lui faire comprendre. Mais en face de lui, il avait un inconnu : ce n’était plus le doux Jamie, paisible, aimant, sans autre exigence qu’être aimé. C’était un homme blessé, arrivé au bout de sa patience, un homme qui ne voulait plus attendre, qui ne voulait plus comprendre.
Pars, va-t'en, va où tu veux.
Au fond, tu sais, j ' m'en fous.
Tu es libre, après tout.
De t'en aller, quand tu voudras.
Ils se regardaient et il y avait une lueur de folie dans le regard du plus jeune. Cet homme, rencontré au cours d’une enquête, il l’aimait de toute son âme, de tout son cœur, il l’aimait comme il n’avait jamais aimé auparavant.
C’était pour lui, à cause de lui ou peut-être grâce à lui, que Jamison Reagan avait enfin osé regarder la vérité en face, sa vérité : il était gay et aucune femme au monde, aussi belle, aussi parfaite soit-elle, ne pourrait jamais lui apporter ce que lui apportait cet homme. Mais ça n’avait pas été facile pour lui, l’Irlandais, élevé dans la rigueur catholique, nourri au spectre du pêché, abreuvé de ce qui se fait et ne se fait pas, éduqué pour la « normalité ».
Ce qu’il avait pu lutter contre l’élan qui le poussait vers le docteur Spencer Reid ! Ce qu’il avait pu chercher à se mentir, à s’éloigner, à l’éloigner… Mais il était écrit quelque part que rien de ce qu’il ferait ne réussirait à le détourner de ce destin qui était le sien.
Alors il avait abandonné la partie, il s’était abandonné, sans plus vouloir se soucier d’un ailleurs, d’un après, d’un peut-être…
Et aujourd’hui… Il lui restait quoi ?
Pars, fous le camp, va où tu veux
N'essaie pas de parler
A quoi bon répéter
Des mots qui ne vont rien changer.
Spencer le regardait, les larmes aux yeux, cherchant les mots qui lui feraient comprendre, qui lui feraient admettre…
Mais comment trouver les mots quand soi-même on ne sait pas vraiment pourquoi ? Il était heureux pourtant près de ce jeune flic. Ils avaient le même âge, le même idéal de justice, la même soif de rendre le monde plus juste. Jamie le comprenait, le soutenait, l’encourageait. Lui qui avait si peu confiance malgré ses trois doctorats et son QI exceptionnel, il s’était pris à se croire beau, désirable, aimé. Il s’était donné corps et âme dans cette relation, une première pour lui aussi en ce qui concernait les hommes.
C’était peut-être cela aussi qui les avait rapprochés, cette découverte d’une facette d’eux-mêmes qu’ils ignoraient ou, susurrait le psychologue à l’intérieur de la tête de Reid, qu’ils avaient voulu ignorer. Mais au moment précis où ils s’étaient retrouvés face à face durant cette enquête sur un violeur tueur en série qui avait mis toute la police de New York sur le qui-vive, ils s’étaient reconnus et leur lutte vers ce qui les poussait l’un vers l’autre avait été vaine.
Mais aujourd’hui, ils étaient à la croisée des chemins et devant la colère et le chagrin de l’homme qu’il aimait, il se disait que c’était peut-être la fin de cette histoire qui leur avait apporté tellement de bonheur.
Nos souvenirs s'éteindront
Avec un petit peu de chance
Nos souvenirs s'en iront loin de nous
Fais moi confiance.
Pourtant ça n’avait pas été si facile : Jamie à New-York, Spencer à Quantico lorsqu’il n’était pas dans un état plus éloigné, à la poursuite d’un quelconque monstre…
Cependant ils avaient réussi à se ménager des moments rien qu’à eux, entre deux enquêtes, entre deux avions… A l’insu de tous, les deux hommes se retrouvaient chez l’un ou chez l’autre pour voler quelques heures à leurs vies si occupées.
Il y avait maintenant près de dix mois que cette relation les unissait, renforçant jour après jour les liens qu’ils avaient tissés. Du moins, c’est ce que pensait Jamie, jusqu’à ce qu’il pose la question, jusqu’à ce qu’il entende cette réponse…
Jusqu’à cette colère, dévastatrice, irrépressible, une colère comme il ne se souvenait pas en avoir jamais connue.
Pars, va-t'en, va où tu veux.
Ce soir, j'en ai assez
Assez de me jouer
La comédie, la comédie.
- Pourquoi ai-je été assez stupide pour penser que tu m’aimais ? Pourquoi ai-je cru que je te suffirai, que pour moi tu oserais, comme je suis prêt à oser pour toi ?
Spencer ne pouvait pas répliquer, son cerveau était comme court-circuité par les sentiments qui se déversaient dans les mots de Jamie. Il n’arrivait plus à connecter ses neurones pourtant plus qu’opérationnels, il avait l’impression d’être entraîné dans un tsunami incontrôlable qui balayait tout sur son passage et ne laisserait que des ruines.
Les ruines de leur amour…
Ce qu'il y avait entre nous
Ça peut te paraître très bête
C'était l'amour un peu fou
L'amour dont rêvent les poètes.
Dix mois… Dix mois à craindre que sa famille ne découvre le pot aux roses. Dix mois à sourire aux insinuations lourdingues de Danny, à résister aux questions indiscrètes d’Erin, à éviter tout tête à tête avec son trop sagace père, à détourner les conversations grand-père, petit-fils, à tenir la trop curieuse Nikki à l’écart, à éluder les interrogations pleines de sollicitude de Linda…
La tribu n’avait pas manqué de s’apercevoir qu’il était plus gai, plein d’allant, rêveur parfois, arborant par moment le sourire niais de celui qui pense à l’être aimé, s’absentant même lors des sacro-saints repas du dimanche avec toujours une bonne excuse aux lèvres. Pour eux, pas de doute : le bébé de la famille avait une liaison et cela semblait sérieux. Fidèle à ses principes, Frank avait attendu, sachant que, le moment venu, Jamie leur présenterait l’élue de son cœur.
Mais Jamie avait peur : que se passerait-il lorsque les siens découvriraient que l’élue était en fait un élu ? Comment réagiraient-ils à cette nouvelle qu’ils n’anticipaient absolument pas ? Alors il avait préservé son secret, le temps d’être sûr, le temps d’avoir assez confiance en lui, en son amour, pour oser affronter la famille, oser peut-être devoir choisir entre elle et l’homme qu’il aimait.
Spencer avait cheminé sur le même sentier : lui non plus n’avait pas osé dire quoi que ce soit à son équipe qui lui tenait lieu de famille. Pourtant, membre d’une équipe de redoutables profileurs, il n’avait pu, lui non plus, échapper à leur curiosité lorsqu’ils avaient compris que leur petit génie était amoureux. Derek surtout s’était montré insistant, lui qui veillait sur lui comme un grand frère, prêt à voler à son secours au moindre problème. Mais Spencer avait tenu bon : pas question de dévoiler ce pan de sa vie qu’il était à peine en train d’apprivoiser lui-même.
Pourquoi ? Pourquoi fallait-il qu’alors que lui se sentait enfin prêt, Spencer l’ait regardé de cette manière, avec ce regard quasi-paniqué, cette lividité soudain sur son visage déjà naturellement peu coloré ? Pourquoi tout ce qu’il avait trouvé à répondre à sa suggestion de dévoiler enfin leur amour et de s’installer ensemble officiellement, après tout, New-York n’était qu’à vingt-trois minutes de Quantico par avion et il n’était pas impossible d’envisager que Spencer vienne s’installer chez lui en attendant qu’ils se trouvent un chez eux, le profileur avait simplement répliqué qu’il allait y réfléchir mais qu’il ne pensait pas que ce soit la meilleure idée qui ait jamais germé dans le cerveau de son petit ami. Ensuite, il s’était excusé de devoir repartir plus tôt que prévu, mais il avait un rapport à rendre et…
Et la déception, la peur d’avoir perdu l’amour de sa vie avaient soudain emporté la retenue du jeune policier : si Spencer ne voulait pas de lui dans sa vie au grand jour, alors il ne voulait plus de lui du tout !
Pars, va-t'en, va où tu veux.
Je te l'ai dit, je m'en fous.
Tu es libre, après tout
De t'en aller quand tu voudras.
Jamie pleurait maintenant : les larmes coulaient malgré lui et il les essuya d’un revers de main rageur. Il ne voulait pas donner le spectacle pitoyable d’un homme qui supplie l’autre de lui rester. Spencer avait fait son choix : à ses yeux, ce que pensait son équipe était plus important que ce que ressentait son amant. Ce dernier était prêt à prendre le risque de perdre sa famille pour lui et lui n’imaginait même pas une seconde se risquer à encourir les critiques de ceux qui, après tout, n’étaient que ses équipiers.
Au fond de lui, Jamie savait qu’il n’était pas tout à fait juste : l’équipe de Spencer était sa famille. Il l’avait vu lorsqu’il avait collaboré avec eux, mis à leur disposition par le chef de la police parce qu’il avait été le premier sur les lieux de l’un des crimes qui avait permis de comprendre qu’on avait à faire à un tueur en série. Il l’avait ressenti chaque fois que son compagnon lui parlait des siens : Hotch qu’il admirait tellement, Emily et JJ, les amies fidèles à qui il pouvait tout confier, ou presque, Pénélope au grand cœur, la seule dont il était certain qu’elle ne le jugerait pas, Rossi le sage qui l’apaisait et savait faire taire ses doutes et Morgan, le grand frère, celui dont il recherchait plus ou moins consciemment l’approbation et l’admiration. Ils étaient la famille du génie qui n’avait qu’eux au monde en dehors de sa mère qui perdait de plus en plus pied dans son monde imaginaire. Lui avait la chance d’avoir une vraie famille avec laquelle il partageait des souvenirs remontant aussi loin qu’il pouvait se rappeler.
Mais justement : s’il était prêt à risquer ce lien tissé depuis sa naissance, Spencer ne pouvait-il pas, en contrepartie, risquer ce qui l’unissait à l’équipe de profileurs ? De ce qu’il avait vu de ses équipiers, Jamie ne pensait pas qu’un seul d’entre eux aurait des préjugés contre l’homosexualité dévoilée de leur collègue. Mais quand bien même cela provoquerait des tensions dans l’équipe, après tout, avec ses trois doctorats et son QI exceptionnel, il ne serait pas en peine de trouver un nouveau poste à New-York si jamais cela s’imposait, alors que pour le jeune policier, trouver autre chose serait plus compliqué et que rien au monde ne pourrait remplacer sa famille si elle le rejetait.
C’était quoi cet amour qui ne voulait prendre aucun risque ? C’était quoi ce besoin d’avoir tout sans aucun compromis ?
Pars, fous le camp, va où tu veux.
Et si je veux pleurer,
Viens pas me consoler,
Je peux très bien pleurer sans toi.
Il lui avait tourné le dos pour cacher les larmes qu’il ne pouvait plus arrêter. Il se sentait minable : il aurait dû se contrôler, tenter de trouver des arguments plus convaincants. Mais aurait-il pu trouver plus convaincant que son amour brûlant, que sa volonté qu’ils puissent se voir au grand jour, se promener ensemble main dans la main, assister ensemble au repas du dimanche à la table familiale, boire une bière avec l’équipe de Quantico en tant que couple et non en simples collègues ?
Il regardait par la fenêtre les rues de cette ville qu’il avait juré de servir et de protéger et il attendait le coup de grâce : le son de la porte qui se refermerait sur Spencer, brisant ses rêves, foulant son amour aux pieds, le laissant dévasté d’un chagrin qu’il ne pourrait confier à personne parce qu’il ne pourrait pas avouer qu’il avait aimé un homme et que celui-ci l’avait quitté. Dévoiler son amour en présentant Spencer à sa famille, il y avait été prêt, prêt à livrer bataille pour avoir le droit de l’aimer, mais il ne risquerait pas de perdre les siens pour du vent !
Puis soudain il y eu des bras autour de sa taille et une tête qui se posait sur son épaule. Il se raidit, prêt à se dégager, mais l’étreinte se referma autour de lui et il s’y laissa aller. Si ce devait être leur dernier moment d’intimité, alors il voulait s’en repaître, s’en enivrer pour pouvoir garder ce souvenir précieusement dans la longue solitude qu’il connaîtrait désormais.
- Je suis désolé, murmura Spencer à son oreille. Je ne voulais pas réagir comme cela. Tu m’as surpris…
- Pourtant, tu aurais dû t’y attendre. Ca fait dix mois Spence… Il est normal que j’ai envie d’aller plus loin.
- Oui, c’est normal… Et j’en ai envie aussi.
A ces mots il se dégagea des bras qui l’entouraient et fit face à son amant, incrédule :
- Mais… Tu as dit…
- Oublie ce que j’ai dit ! Je ne suis qu’un crétin ! J’ai été surpris, comme je te l’ai dit. Je ne m’y attendais pas, pas comme ça, pas encore… Mais oui… C’est toi qui as raison : il est temps.
- Je ne veux pas te forcer la main.
- Tu ne forces rien. Je ne voulais pas y penser en fait. Mais maintenant que tu l’as proposé…
Il y eut un long silence durant lesquels les deux hommes se regardèrent fixement et tout leur amour se lisaient dans ce long regard qu’ils échangèrent. Puis Reid reprit :
- Maintenant… Je n’imagine plus de continuer à vivre sans toi. Je veux pouvoir t’aimer au grand jour auprès de toi, avoir ta photo sur mon bureau, pouvoir parler de toi, de ce que tu as dit, de ce que nous avons fait…
- Pas de manière trop détaillée j’espère, répliqua Jamie, tentant de reprendre pied grâce à l’humour.
Spencer laissa échapper un éclat de rire :
- Ne t’inquiète pas. Même si Morgan me fait passer au troisième degré, il y a des choses qui resteront toujours entre nous.
- Pareil pour moi et Danny, sourit Jamie.
- C’est drôle : on a tous les deux un grand frère un peu envahissant mais qu’on ne voudrait décevoir pour rien au monde.
- Encore un point qui nous rapproche. C’était écrit : toi et moi…
- C’était écrit.
- Alors… on fait quoi maintenant ?
Il ne savait plus, il n’était plus sûr de rien. Sa colère l’avait vidé, dépouillé de sa volonté, de son énergie. Il s’abandonnait à Spencer, prêt à accepter ce qu’il voudrait pourvu qu’il reste près de lui. En même temps, il espérait la réponse qui ne tarda pas :
- Et bien… On est dimanche… Tu as ton repas de famille… Peut-être qu’il est temps que j’y participe aussi.
Jamie le regarda les yeux brillants :
- Tu es sûr ?
- Tout ce qu’il y a de plus sûr. Et si le chef de la police t’accorde ton lundi, ensuite nous partirons pour Quantico et demain tu viendras visiter mon bureau.
Il y avait tout le bonheur du monde dans les yeux de Jamie et en le regardant Spencer se sentit fondre d’amour. Il l’enlaça et leurs bouches s’unirent pour un baiser plein de promesses : quoi que leur réserve l’avenir, ils feraient front ensemble, parce que c’était ensemble qu’ils étaient les plus forts.
FIN
Chanson de Daniel Guichard