Une histoire offerte l'an passé à Mumu...
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Léonard Freeman, Alex Kurtzman, Roberto Orci, Peter M. Lenkov. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Parle-Moi
-
Steve….
- C’est bon Danno… Ca va ! Sur quel ton dois-je te le dire ?
La porte claqua, laissant Danny figé dans la chambre, se demandant une fois de plus, une fois de trop peut-être comment il pouvait franchir le mur qui s’était élevé entre lui et son compagnon, comment il pouvait percer la carapace que celui-ci avait érigée autour de lui, comment il pouvait réussir à atteindre son cœur pour le faire enfin s’ouvrir à lui.
Je ne sais plus comment te dire
Je ne trouve plus les mots
Ces mots qui te faisaient rire
Et ceux que tu trouvais beaux.
Il savait qu’il devait trouver une façon d’ouvrir une brèche, d’obliger l’homme qu’il aimait à affronter ses démons, à parler enfin de tout ça et à se libérer de ce poids de honte, de culpabilité, de souffrance qu’il traînait comme un boulet depuis des mois. Il savait que s’il n’intervenait pas, leur couple était voué à l’échec et il ne le voulait pas.
Cependant comment trouver la faille ? Comment mettre enfin
Steve face à ses peurs, ses regrets, sa colère aussi sans doute ? Comment lui faire admettre que quoi qu’il dise, quoi qu’il ait fait, quoi qu’il ait vu, cela ne changerait rien au regard que lui, Danny, porterait sur lui : il serait toujours son amour, son prince charmant, celui à qui il confierait sa vie sans se poser la moindre question.
Mais depuis des semaines, il avait l’impression d’avoir en face de lui un étranger et il n’était plus aussi sûr qu’il l’avait été de réussir à réparer le mal qui avait été fait. Comment faire quand l’autre refusait obstinément toute confrontation, comme cela venait encore de se produire, préférant la fuite, lui qui n’avait jamais fui avant devant quiconque.
Y aurait-il un jour une bonne façon, un bon moment ?
J'ai tant de fois voulu t'écrire
Et tant de fois courbé le dos
Et pour revivre nos souvenirs
J'ai même aussi frôlé ta peau
Les larmes aux yeux, Danny se souvenait de ces moments magiques, ces moments merveilleux qu’ils avaient vécu au tout début de leur relation, lorsqu’ils avaient enfin osé s’avouer qu’il y avait bien plus entre eux qu’une simple et solide amitié virile.
Catherine les avait aidés à se rendre compte des sentiments qui les animaient et Grace, à sa façon, leur avait permis d’enfin se libérer du poids de la peur et de leurs tabous… Et puis il y avait eu toute la ohana pour qui la nouvelle avait été une fête.
Oui, tout avait si bien commencé ! Ils s’étaient promis de s’aimer, de s’épauler, de se parler… Ils avaient eu des moments intenses, des moments romantiques, oui romantiques ! Quand bien même il imaginait la tête de ceux qui ne voyaient en
Steve qu’un militaire à peine dégrossi et juste capable de foncer dans le tas. Non, lui savait combien son amour était doux, tendre, capable de ces petits gestes gratuits qui mieux que les mots vous font prendre conscience de l’attachement qu’il vous porte.
Et maintenant… Ils en étaient là et il ne savait plus quoi faire…
Oh, dis-moi
Regarde-moi
Je ne sais plus comment t'aimer
Ni comment te garder
Parle-moi
Oui parle-moi
Je ne sais plus pourquoi t'aimer
Ni pourquoi continuer
Tu es là, mais tu es si loin,
De moi
Tout avait si bien commencé ! On les acceptait, ils étaient heureux, ils avaient même repeint la cuisine d’une couleur qui permettait à Danny de ne pas se sentir « dans une boîte d’ananas ! » et ils parlaient, bien qu’à mots encore couverts, de se marier, certes pas à Hawaii où le mariage homosexuel n’était pas encore admis, mais dans un autre état, juste pour le bonheur de porter leurs deux noms accolés.
Et puis tout avait basculé soudainement. Il avait fallu cette enveloppe portant le sigle du ministère de la guerre et Danny avait su que son homme allait repartir, il ne savait où et pour combien de temps. Bravement il avait caché ses craintes, avait souri, avait serré
Steve dans ses bras au moment de l’embarquement et il avait longtemps suivi des yeux l’avion qui l’emportait loin de lui.
Comment aurait-il pu se douter alors que l’appareil emportait aussi toutes ses chances de bonheur, toutes leurs chances d’une vie normale ?
Je ne sais plus comment poursuivre
Cet amour qui n'en est plus
Je ne sais plus que souffrir
Souffrir autant que j'y ai cru.
Des mois sans nouvelles à se demander où était
Steve, ce qu’il vivait, s’il vivait tout simplement. Des mois parfois entrecoupés d’étincelles d’espoir apportées par de laconiques messages du ministère de la guerre affirmant que le « Commandant McGarrett et son équipe étaient déployés sur le terrain et qu’à ce jour aucun incident n’était à déplorer. »
Il avait fallu tenir bon, tenir malgré la peur au ventre, tenir malgré cette putain de sale petite voix au fond de lui qui lui prédisait la catastrophe. Mais il n’avait pas le temps de l’écouter : en l’absence de
Steve c’était lui assurait la direction du 5-0 et les criminels ne s’étaient pas mis en congés parce que le pays avait eu besoin de rappeler le commandant McGarrett sous les drapeaux, loin de là !
Et puis il y avait eu ce jour maudit, ce télégramme, tout aussi laconique que l’avaient été les relatives bonnes nouvelles précédentes : « Nous avons le regret de vous faire savoir que le commandant McGarrett a été porté disparu au cours d’une opération dans un pays étranger. »
Il avait eu beau tempêter, menacer, supplier, tenter de circonvenir certains officiers dont il avait fait la connaissance au cours du temps, il n’avait rien pu obtenir de plus.
Steve avait disparu, il ne savait où, il ne savait même pas quand ni pourquoi et il n’avait aucun moyen de le retrouver, de se lancer à son secours pour le ramener auprès de lui.
« Disparu, ça ne veut pas dire qu’il est mort, garde confiance » avait tenté de le rassurer Kono, puis Chin et d’autres encore, dont Catherine qui avait tout fait pour obtenir des informations, en vain…
Bien sûr il restait un peu d’espoir… Si peu… Mais il n’avait pas le droit de laisser tomber,
Steve ne l’aurait pas voulu.
Mais je sais qu'il me faut survivre
Et avancer un pas de plus
Pour qu'enfin cesse la dérive
Des moments à jamais perdus
Un nouveau séisme dans sa vie, pour le mieux avait-il cru alors : un autre télégramme qui lui annonçait qu’on avait retrouvé
Steve et qu’on allait le rapatrier. Il serait tenu au courant….
Rien d’autre… Rien sur ce qui s’était passé, sur son état, sur ce qu’il avait subi…
Rien.
Et l’homme qui était revenu, après sept mois d’absence n’était plus son
Steve. Oh bien sûr c’était encore lui, ce grand brun aux yeux verts, un peu plus maigre certes, le corps marqué de nouvelles cicatrices dont il ne voulait pas parler… Mais dans son regard il y avait des abysses d’épouvante qui n’y étaient pas auparavant.
La nuit il se réveillait en hurlant et les contacts physiques semblaient être devenus presque douloureux, contraints. Même leurs moments intimes n’étaient plus pareils :
Steve était devenu presque violent, se contentant d’assouvir un besoin primaire, oubliant la tendresse, la passion, le plaisir…
Et chaque fois que Danny tentait de lui parler, il se refermait comme une huître, prétendant que tout allait bien, que ça passerait, qu’il lui fallait juste encore un peu de temps. Mais le blond savait que le temps exigerait plus de temps encore et que le fossé entre eux allait devenir un abîme infranchissable. Il sentait que petit à petit l’homme qu’il aimait lui échappait.
Oh, dis-moi
Regarde-moi
Je ne sais plus comment t'aimer
Ni comment te garder
Tout avait si bien commencé : des rêves, des projets et cet amour qui les unissait, cet amour qui leur était tombé dessus comme la foudre, ni l’un ni l’autre n’ayant jamais soupçonné chez lui d’autres tendances que celles normalement admises dans leurs milieux respectifs.
Pourquoi avait-il fallu que tout soit bouleversé ainsi ? Pourquoi ? Et surtout, pourquoi ne pouvait-il rien savoir ? Comment lutter quand on ne sait pas qui est l’ennemi, où il est et de quelle manière le réduire à néant ? Comment lutter quand celui que vous voulez sauver est votre principal adversaire et vous oppose jour après jour le même refus de se livrer, de laisser tomber son fardeau pour que vous puissiez l’aider à le soulever ? Comment garder l’espoir de bâtir quelque chose quand parfois celui en qui vous aviez toute confiance vous fait peur ?
Certes
Steve n’avait jamais levé la main sur lui, mais parfois il voyait dans ces yeux tant de rage contenue, parfois il y avait ce geste, ce poing qui se crispait, ce regard presqu’animal où il ne retrouvait plus l’homme aimé. Bien sûr, jusqu’à présent
Steve s’était toujours contenu : il avait soudain émergé de sa sorte de transe brutale, ouvert des yeux effarés s’emplissant de culpabilité et était sorti. Mais jusqu’à quand cela durerait-il ? Et si un jour l’éveil était plus tardif ? Danny ne se faisait aucune illusion sur ses chances dans un corps à corps avec le militaire…
Non… Il fallait que ça cesse, parce qu’il n’en pouvait plus… ILS n’en pouvaient plus et s’ils devaient se quitter, qu’au moins les choses soient claires, une fois pour toute.
Oh, dis-moi
Regarde-moi
Il y a la vie dont on rêvait
Celle qui commençait
Oh, parle-moi
Parle-moi
Je ne sais plus pourquoi t'aimer
Ni comment continuer
Steve était sur la plage, comme il s’y attendait, comme toujours après leurs disputes… Si on pouvait appeler disputes ces piètres tentatives d’ouvrir un dialogue qui se soldaient toujours par la fuite du commandant. Assis sur le sable, les genoux ramenés sur son torse, entourés de ses bras, le brun regardait la mer, comme s’il essayait d’y trouver une réponse qui ne venait pas.
Danny s’assit doucement auprès de lui et regarda avec lui. Peut-être que leurs regards tournés vers le même horizon leur permettraient de se retrouver enfin… Peut-être que c’était la solution : rester là, à côté de lui, sans parler, sans bouger, jusqu’à ce que le destin leur envoie un signe, un message, quelque chose qui lui permette de savoir…
Oh, dis-moi
Oh, dis-moi
Dis-moi, si tout est terminé
Si je dois m'en aller
- Danny…
La voix était rauque, presque méconnaissable et le souffle du blond s’accéléra imperceptiblement. Est-ce que c’était le moment ? Est-ce que c’était l’instant où il allait devoir partir ou bien celui qui allait leur donner une deuxième chance, la chance de retrouver la lumière, de rebâtir sur les ruines de leur bonheur ?
Il ne savait pas s’il devait répondre ou continuer à se taire, faire un geste vers son amour ou rester un peu à l’écart… Il ne savait plus : tout et n’importe quoi pouvait faire basculer leur amour dans les ténèbres, il le savait et il savait que
Steve en était conscient aussi.
Il lui restait juste à espérer que le
Steve qui était revenu l’aimait aussi fort que celui qui était parti ou du moins l’aimait assez fort pour leur donner cette chance à laquelle il aspirait de toutes les forces de son être !
Oh, parle-moi
Parle-moi
Regarde-moi.
Alors il se mit à parler, d’une voix monocorde, sans le regarder, sans le toucher, sans lui laisser le temps de placer le moindre mot. De toute façon qu’aurait-il pu dire ? Comment trouver les mots pour faire face à tout cela ?
La défaite… Malgré le courage, malgré la volonté… Une opération qui n’était pas si secrète que cela… Le piège… Les tirs, les cris de ceux qui ne reviendraient pas, la poudre et le sang…
Capture, emprisonnement, cris, brutalité….
Regarde-moi
Leurs regards étaient toujours tournés vers la mer, comme si les mots allaient s’y perdre, y disparaître à jamais, se noyer dans l’immensité… Mais ils savaient l’un et l’autre que ces mots-là, ils résonneraient toujours dans leurs têtes, leurs cœurs, leurs âmes…
L’horreur… L’horreur d’être là sans savoir où, sans savoir aux mains de qui, sans savoir pourquoi, sans savoir comment en sortir… L’horreur du quotidien… L’horreur qui agresse chacun de vos sens. Le goût infâme de la bile qui vous monte aux lèvres, du sang dans votre bouche lorsqu’un coup fend votre lèvre… Le frôlement des rats qui pullulent et vous obligent à disputer votre pauvre pitance contre eux, à mobiliser vos forces défaillantes pour les affronter, à résister au sommeil pour qu’ils ne viennent pas vous dévorer la nuit… L’odeur de la sueur, des vomissures, des excréments… L’odeur de la pourriture et de la mort… La vue de vos compagnons d’infortune, de leurs blessures béantes… Le son de leurs plaintes, de leurs cris, de leurs râles lorsque la vie finit par déserter les corps affaiblis…
Silence, obscurité, faim, soif, froid….
Regarde-moi
Insensiblement leurs mains s’étaient rapprochés, leurs doigts s’étaient emmêlés, ces doigts tremblants qui les unissaient et recréaient ce lien qui s’était presque brisé sous le poids de ces souvenirs, ces souvenirs horribles, atroces, qu’il aurait tant voulu garder pour lui pour ne pas souiller son amour de ce qu’il avait vécu, fait, enduré….
Mais à cet instant il avait compris que le silence ne le sauverait pas, bien au contraire… Alors il avait ouvert les digues et il parlait, sachant que chaque mot, chaque syllabe était un coup porté à l’homme qu’il aimait, mais que de ces coups il reviendrait plus fort et qu’il pourrait ainsi l’aider à se relever et, non pas à oublier, mais à tourner la page pour aller de l’avant.
Et les mots s’enchaînaient dans le soir tombant…
La souffrance… la souffrance inhumaine, insupportable, qui vous glace le cœur, fait de votre corps l’ennemi, vous fait aspirer au néant, vous empêche de trouver du réconfort, comme avant dans le souvenir de ceux que vous aimez, ceux qui vous aiment et qui vous attendent, pour lesquels vous résistez malgré tout, malgré vous…
Coups, humiliations, sauvagerie, torture…
La peur… La peur abjecte, débilitante, spectre affreux qui accompagne vos nuits et hante vos journées, qui vous fait sursauter au bruit d’une porte qui claque, à l’appel de votre nom, à un rire, à un frôlement…
Viol….
Danny sursauta comme atteint par une décharge électrique et il tourna vers son compagnon un regard éperdu, horrifié, épouvanté !
Steve avait cessé de parler et il regardait droit devant lui, des larmes roulant sur ses joues. Alors Danny prit doucement en coupe le visage tant aimé et il força le regard vert à croiser le sien, enfin…
Regarde-moi
- Je suis là
Steve…. Je suis là et je serai toujours là pour toi…
Il y aurait beaucoup d’autres mots à se dire, beaucoup de temps à passer à parler, à se rassurer, à se réconforter…
Mais ce soir là, Danny Williams savait que
Steve venait de leur offrir une nouvelle chance et il comptait bien ne pas la laisser passer.
Il n’était pas stupide : il savait que la route serait longue et difficile, mais maintenant il comprenait et il se savait assez fort pour soutenir son amour tout le long du chemin jusqu’à ce qu’enfin ils émergent ensemble au grand soleil, là où était leur place.
Et dans la nuit tombante, il posa simplement ses lèvres sur celle mouillées de
Steve, un baiser doux, tendre, sans connotation sexuelle, un baiser qui rassure, celui dont avait besoin l’homme qu’il aimait, celui qui lui promettait qu’il pouvait compter sur lui et qu’ensemble ils réussiraient à chasser les ombres, parce que leur amour était plus fort que tout.
FIN
Chanson d’Isabelle Boulay