Fiction offerte à JB l'an passé.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Michael Crichton. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Les choses qu’on ne dit pas
John Carter hésitait : devait-il enfin parler ? Devait-il brusquer le destin ? Avait-il le droit de dire enfin ce qu’il ressentait sans risquer de compromettre l’amitié qui l’unissait à la jeune interne qu’il supervisait ? Et justement, le fait qu’il soit son titulaire lui permettait-il cet aveu qui lui brûlait les lèvres depuis si longtemps ?
Il n’avait jamais été un homme à femmes, un de ces types sûrs d’eux-mêmes qui baguenaudent de bras en bras et butinent chaque cœur qui passe à leur portée sans se préoccuper d’un après. Bien sûr il avait eu des maîtresses parce qu’il était malgré tout un homme avec ses besoins, ses élans, ses aveuglements… mais il n’avait jamais ressenti ce qui le poussait vers la fragile jeune femme qui avait capturé son âme.
J´ai inventé des mots jaillis de nulle part
Et repoussé les murs de ma mémoire
Pour agrandir le monde et cacher mes trésors.
Je chercherai peut-être longtemps encore.
J´ai trouvé quelquefois le bonheur et la joie,
Je me suis réveillé un jour auprès de toi.
John Carter ouvrit les yeux et sourit : tout cela n’était pas juste un beau rêve. Lucy était bien là, endormie à ses côtés, ses cheveux blonds épars sur l’oreiller, un doux sourire flottant sur ses lèvres.
Les choses étaient allées si vite finalement : quelques mots, un sourire, un regard et cet élan l’un vers l’autre qu’ils n’avaient ni pu ni voulu réprimer parce qu’il était la conséquence de leurs sentiments enfin avoués et assumés.
Désormais, il savait que lui et Lucy étaient faits l’un pour l’autre et que rien au monde ne pourrait les séparer, rien ni personne et si le règlement de l’hôpital les en empêchait, alors il irait exercer ailleurs ou bien rejoindrait l’entreprise familiale, au grand bonheur de ses parents, il n’en doutait pas. Après tout, il n’avait pas vraiment besoin de ce travail de chirurgien et si son amour l’exigeait, alors il sacrifierait sans regret cette passion pour une passion bien plus forte.
J´ai murmuré des nuits entières des mots d´amour et de lumière,
Mais ce qui m´a rendu le plus heureux sur terre,
Ce sont les choses qu´on ne dit pas,
Les vrais secrets qu´on garde au fond de soi.
Ce sont les choses qu´on ne dit pas
Parce que les mots, les mots n´existent pas.
- Tu es mon soleil.
- Tu es mon oxygène.
- Tu es mon univers.
Ils se disaient ces mots qui ne riment à rien, les mots que l’on se dit lorsque parle le cœur plus fort que la raison. Jour après jour ils avaient l’impression de se reconnaître, de s’être retrouvés après des années d’errance à la recherche l’un de l’autre.
Aujourd’hui elle était en blanc, intimidée et fragile devant l’assemblée réunie : leurs amis bien sûr, mais aussi toutes les relations de la toute puissante famille Carter. Elle ne parvenait pas vraiment à se dire que c’était elle, Lucy Knight, qui entrait dans cette famille. Elle avait peur, mais elle savait que John serait là pour elle, l’empêcherait de commettre des erreurs et la protègerait contre l’arrogance des uns et la malveillance des autres.
Elle avait plongé son regard dans le sien et elle écoutait ce qu’il lui disait en silence : entre eux, les mots n’avaient pas d’importance, ils se savaient sans rien dire, ils se comprenaient sans parler.
Et c´est souvent dans ce qui reste à dire
Que sont cachés les plus beaux souvenirs.
Ce sont les choses qu´on ne dit pas,
Parce que les mots, les mots n´existent pas.
John Carter regardait sa merveilleuse épouse et s’émerveillait de la voir si belle, alanguie sur le lit, fatiguée mais heureuse, avec dans le regard cette nouvelle étincelle. Elle tenait contre elle leur petite fille, celle qui faisait d’eux des parents et symbolisait la puissance de leur amour.
Ils n’avaient pas eu que des moments heureux depuis leur mariage : ils avaient vu disparaître certains de leurs amis, de leurs parents, ils s’étaient parfois affrontés, mais toujours leur amour avait été le plus fort. Le chirurgien savait qu’il avait fait le bon choix lorsqu’il avait osé lui parler et lui dire ce qu’il ressentait.
Aujourd’hui, médecins tous les deux, ils avaient trouvé un équilibre et lorsqu’ils se perdaient, lorsque la vie était plus difficile, ils venaient se ressourcer à leur amour.
J´ai fait le tour de ton amour au grand complet
Et j´ai fermé la porte à clé sur mon secret.
C´est un drôle de jardin rempli de tout ce qui
N´est rien pour les autres et qui pour nous est la vie.
C´est le silence le plus intense que je connaisse
Où se referment les blessures de nos tendresses
Qui me rassure dans mon sommeil,
Qui me sourit quand tu t´éveilles,
Et qui réchauffe aussi mon cœur comme un soleil.
Comment exprimer le bonheur d’une existence ? Comment trouver d’autres mots pour redire les mêmes choses, exprimer ses sentiments ?
John Carter aurait aimé à ce moment-là que sa parole soit aussi habile que ses mains, elles qui faisaient qu’on venait de loin pour avoir la chance d’être opéré par lui. Il savait que Lucy connaissait ses sentiments, mais il aurait tellement aimé pouvoir trouver les mots pour les lui dire encore et encore, quand bien même il savait que ce n’était pas le plus important à ses yeux.
Tout ce qui comptait pour elle, c’était qu’il soit là, jour après jour, malgré son métier harassant, qu’il l’encourage, la soutienne, qu’il soit un bon père pour leurs deux enfants, qu’il comprenne qu’elle n’avait pas l’étoffe d’une femme au foyer et soit fier qu’elle soit devenue un pédiatre réputé quand bien même cela signifiait parfois qu’ils ne se voyaient guère durant des jours.
Mais quoi qu’il se passe, si brefs soient leurs moments en commun, ils savaient d’un regard, d’un geste, d’un souffle, se raconter tout ce qu’ils ne disaient pas.
Ce sont les choses qu´on ne dit pas,
Les vrais secrets de mon amour pour toi.
Ce sont les choses qu´on ne dit pas,
Parce que les mots, les mots n´existent pas.
John Carter tenait la main de son épouse et tous deux se levèrent pour répondre aux vivats qu’on leur adressait. Ils échangèrent un long regard où brillait toujours autant d’amour, de confiance, d’abandon.
Ils fêtaient aujourd’hui leur vingt-cinquième anniversaire de mariage et ils avaient l’impression que le temps était passé comme un éclair sans qu’ils se soient aperçus de rien. Aujourd’hui Alicia et Marc étaient adultes, la première interne en médecine, le second préparant son admission au barreau. Ils étaient leur fierté et leur joie, eux qui témoigneraient un jour de l’amour qui les avait unis, lorsqu’eux-mêmes ne seraient plus là pour en parler.
Cette fête symbolisait tout ce qu’ils avaient bâti, réussi ou raté, toutes ces années à se tenir la main sans discontinuer et à regarder vers l’avenir d’un même regard, marcher d’un même pas quelles que soient les embûches dressées sur leur parcours.
Aujourd’hui, plus qu’hier et moins que demain… c’était ce qu’ils se murmuraient dans un sourire en remerciant ceux qui étaient venus leur redire leur amitié, leur amour, leur tendresse, leur admiration.
Et c´est parfois dans un regard, dans un sourire
Que sont cachés les mots qu´on n´a jamais su dire,
Toutes les choses qu´on ne dit pas
Et dont les mots, les mots n´existent pas,
Toutes les choses qu´on ne dit pas,
Mais que l´on garde pour toujours au fond de soi,
Et qu´on emporte en l´au-delà, là où les mots, les mots n´existent pas.
John Carter avait refermé les doigts sur ceux de son épouse et ils restaient ainsi à contempler l’océan, se parlant en secret, s’écoutant dans le silence.
Il se tourna vers elle et l’admira : elle était encore plus belle avec ses cheveux blancs qu’elle ne l’avait été dans la plénitude de sa jeunesse. Ses traits s’étaient ridés, ses mains étaient tâchées, elle s’était voûtée et lorsqu’il se regardait dans le miroir, il y voyait les mêmes changements. Mais cela n’avait aucune importance.
Lucy était la femme de sa vie comme il était l’homme de la sienne. Aujourd’hui, ils savaient qu’ils étaient à la fin de leur parcours et que le chemin ne serait plus très long pour eux. Pourtant ils n’éprouvaient aucune crainte, aucun regret. Ils savaient que tant que leurs mains seraient réunies, ils n’auraient rien à craindre.
FIN
Chanson de Yves Duteil