Toujours dans les reclassements, voici une histoire offerte l'an passé à Ozias.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Brad Wright & Robert Cooper. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Faire semblant
Lorsque l’on est un génie, que vos parents ont eu l’idée saugrenue de vous prénommer Meredith alors que vous êtes un garçon, lorsque ce qui paraît abscons aux autres vous semble, à vous merveilleusement simple, vous apprenez très vite à cacher vos émotions, à ne rien montrer de ce que vous ressentez lorsqu’on se moque de vous, lorsque vous êtes le dernier choisi quand on fait des équipes, lorsque les mots blessants fusent, lorsque les menaces plus ou moins violentes vous parviennent.
Rodney McKay avait donc appris à faire semblant très tôt : semblant de rire lorsqu’il avait envie de pleurer, semblant d’être heureux lorsqu’il sentait son cœur se briser, semblant de ne pas comprendre lorsque les autres étaient perdus dans leurs réflexions tandis que lui aurait pu faire le cours à la place du professeur, semblant de n’avoir besoin de personne quand il aspirait plus que tout à être aimé, semblant de regarder les femmes alors que très tôt il s’était rendu compte qu’elles ne l’intéressaient pas le moins du monde.
Oui, il était le champion du faire semblant.
Faire semblant de s'aimer un peu, semblant d'y croire
Faire semblant quelquefois pour se passer le temps
Faire semblant d'être heureux et perdre la mémoire
Pour ne pas être seul, ne fusse qu'un moment
Mais aujourd’hui, il n’avait pas envie de se cacher, pas envie de se mentir, pas envie d’essayer de tromper les autres. Aujourd’hui il voulait oser se livrer, s’offrir entièrement, corps et âme, sans masque, sans armure, sans barrière.
Pour la première fois de sa vie il voulait se donner nu et vierge à l’homme qui faisait battre son cœur depuis si longtemps, ne plus rien cacher, ne plus rien nier. Ici et maintenant, il voulait être vrai, être lui, être l’homme qui pourrait peut-être rendre heureux celui qui, s’il lui laissait sa chance, serait l’amour de sa vie.
Mais tu es là, et je suis là, le reste ne compte pas
Tu es là, je suis là, les autres n'existent pas
Tu es là, et je suis là, c'est une première fois
L'avenir, on verra, vaut mieux pas penser à ça.
Lorsque vous êtes issu d’une famille de militaires où règne une discipline stricte, vous apprenez très vite à enfouir au plus profond de vous tout ce qui, aux yeux de vos parents, paraît futile et vain.
Sorti de la petite enfance, John Sheppard était passé maître dans l’art de faire semblant : nul jamais ne savait combien il aurait aimé que sa mère le serre dans ses bras lorsqu’il avait mal, que son père lui dise qu’il était fier de lui lorsque grâce à lui l’équipe gagnait un match décisif. Il ne montrait jamais ses sentiments, ne pleurait que dans le secret de sa chambre, encaissait les critiques méprisantes avec un sourire figé sur les lèvres. Il avait fait semblant que tout cela n’était rien pour lui, avait tracé sa propre voie. Puisqu’on n’avait pas le droit d’afficher ses sentiments, il avait décidé de vivre sa vie sans plus se soucier des autres, encouru la colère de ses parents en choisissant d’être à son tour militaire alors qu’ils le voulaient avocat, celle de ses supérieurs en se comportant comme une tête brûlée, celle de ses petites amies en butinant de ci de là, sans jamais leur donner quoi que ce soit de ce qu’il était vraiment.
Et là où il avait été le plus doué, c’était pour dissimuler ce qu’il était vraiment au fond de lui, vers où le portait son inclination, collectionnant les jeunes femmes quand il rêvait de corps d’hommes, d’étreintes viriles et fantasmait plus volontiers sur les acteurs que sur les actrices tout en affichant haut et fort sa préférence pour ces dernières.
Faire semblant et s'imaginer des tas de choses
Faire semblant d'être heureux et pleurer bien souvent
Faire semblant, faire semblant, en prenant mille poses
Pour garder l'illusion que tout est comme avant.
Mais à cet instant précis, John Sheppard ne voulait plus faire semblant, ignorer la réalité de ce qu’il était, de ce qu’il ressentait, de ce qu’il désirait.
A cet instant précis, il voulait simplement laisser ses mains tremblantes caresser le corps qui s’offrait à lui, permettre à l’autre de le toucher comme aucun homme ne l’avait jamais touché jusque là, abandonner enfin cette carapace qui n’était pas lui pour se révéler dans l’innocence première qui avait un jour été la sienne et qu’il avait enfoui au plus profond de lui.
Cet homme, en face de lui, c’était sa chance d’être enfin celui que le destin avait voulu qu’il soit, sa chance de devenir meilleur, plus fort, entier.
Mais tu es là, et je suis là, le reste ne compte pas
Tu es là, je suis là, les autres n'existent pas
Tu es là, et je suis là, c'est une première fois
L'avenir, on verra, vaut mieux pas penser à ça.
Ils s’étaient tournés autour pendant si longtemps, voulant, chacun de son côté, ignorer tout ce qui les poussait l’un vers l’autre. Ils s’étaient affrontés, disputés, ignorés, déchirés, épaulés, combattus, séparés, retrouvés, jouant le pour et le contre, un jour amis, un jour adversaires, se moquant l’un du manque de forme de l’autre, l’autre du manque d’intelligence du premier.
Ils avaient tenté de résister à cet élan qui les poussait l’un vers l’autre, tenté de continuer à se mentir comme ils le faisaient depuis si longtemps. Il y avait tant en jeu : leur carrière respective, le regard que portaient leurs subordonnés sur eux, l’attente de leurs familles, l’image même qu’ils avaient d’eux-mêmes.
Il y avait trop en jeu pour se tromper et ce n’est que lorsqu’ils avaient compris que, quoi qu’ils fassent, ils se retrouveraient un jour l’un en face de l’autre, cœur et âme à nu, qu’ils avaient baissé leur garde.
Faire semblant de s'aimer si bien qu'un jour on s'aime comme ça
Simplement sans trop savoir pourquoi
On ne fait plus semblant et l'on vit dans un rêve
Dans un rêve impossible auquel on croit pourtant.
Ils étaient là, en face l’un de l’autre, aussi gauche l’un que l’autre, osant pour la première fois les gestes qu’ils avaient si longtemps fantasmés, risquant les mots qu’ils pensaient ne jamais pouvoir dire et soudain ils étaient vrais : deux hommes amoureux qui ne se cachaient plus, ne faisaient plus semblant, prenaient le risque de s’aimer, le risque de souffrir peut-être, le risque d’être heureux.
Ils étaient là et qu’importait que l’un parte dans un jargon scientifique incompréhensible tandis que l’autre abordait les choses comme on aborde une campagne militaire : ils se rejoignaient dans un même point de l’espace et du temps, un point où il n’y avait plus qu’eux, eux et la réalité de leur amour.
Comme toi et moi, comme toi et moi, le reste ne compte pas
Tu es là, je suis là, les autres n'existent pas
Tu es là, je suis là, c'est une première fois
L'avenir, on verra, vaut mieux pas penser à ça.
Les mots avaient fait place aux baisers, les baisers aux caresses et corps contre corps ils se découvraient enfin, se révélant dans les gestes bien plus que dans les mots, se disant tout ce qu’ils n’avaient jamais dit à personne, oubliant de se cacher et de dissimuler leurs sentiments.
Leurs cœurs battaient à l’unisson tandis que leurs âmes se reconnaissaient pour être la moitié de l’autre, celle qu’on avait déchiré un jour pour qu’elle erre de corps en corps, de siècle en siècle, jusqu’à se retrouver entière.
Ils étaient l’un contre l’autre, l’un sur l’autre, l’un dans l’autre et ils étaient bien, seuls au monde, oublieux de tout ce qui les entourait, de tout ce qu’ils avaient vécu, de tout ce qu’ils connaîtraient par la suite.
A cet instant précis leur vie commençait.
Tu es là, je suis là, les autres n'existent pas
L'avenir, on verra, vaut mieux pas penser à ça
Tu es là, je suis là, c'est une première fois
L'avenir, on verra, vaut mieux pas penser à ça.
Lorsque l’élan de leur désir se brisa à l’intensité de leur plaisir, lorsque leurs corps se séparèrent, ils restèrent allongés, tournés l’un vers l’autre, leurs mains enlacées, leurs yeux rivés les uns aux autres et le regard qu’ils posaient l’un sur l’autre était plein d’espoir, d’amour, de douceur. Ils avaient enfin trouvé ce qu’ils avaient cherché toute leur vie, chacun de leur côté, ils avaient enfin trouvé la force de se révéler tels qu’ils étaient et désormais ils savaient qu’ils ne se cacheraient plus rien : quand bien même le voudraient-ils, cela leur serait impossible.
Aujourd’hui, Rodney McKay et John Sheppard avaient définitivement cessé de faire semblant parce que l’un près de l’autre ils n’en avaient plus besoin. A deux ils seraient assez forts pour tout supporter, à deux ils étaient enfin complets. Ils étaient vrais et ils s’aimaient.
FIN
Chanson de Daniel Guichard