Reclassement du cadeau de Mamypirate
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Léonard Freeman, Alex Kurtzman, Roberto Orci, Peter M. Lenkov. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
L’amour et la guerre
Steve tournait et retournait l’enveloppe entre ses mains nerveuses. Il n’avait pas besoin de l’ouvrir pour savoir ce qu’elle contenait. Encore une mission, encore un départ vers un ailleurs dont il ignorait tout mais où il pourrait laisser sa carcasse.
Pour la première fois depuis qu’il avait intégré l’école militaire, le commandant McGarrett hésitait.
Pourquoi donc irais-je encore à la guerre
Après ce que j´ai vu, avec ce que je sais?
Où sont-ils à présent les héros de naguère?
Ils sont allés trop loin chercher la vérité.
Devoir, patrie, sacrifice… Ces mots il les avait conjugués à tous les modes, à tous les temps. Il avait donné plus que son dû, il avait fait plus que son devoir et la patrie n’avait rien à lui reprocher.
Il avait vu tomber autour de lui tellement de camarades et d’amis. Freddy… Freddy dont le dernier cri résonnait encore à son oreille, Freddy qui revenait le hanter la nuit pour l’encourager à « faire son job », Freddy, cette plaie béante qui ne se fermerait jamais totalement quand bien même elle était moins douloureuse depuis qu’il avait pu ramener le corps de celui qui s’était sacrifié à leur mission.
Il en avait vu tant et tant. Trop peut-être.
Quel que soit le printemps, les cigognes reviennent
Que de fois, le cœur gros, je les ai vues passer
Elles berçaient pour moi des rêveries anciennes
Illusions d´un enfant dont il n´est rien resté.
Il avait longtemps, trop longtemps sans doute, été de ces têtes brûlées qui foncent sans savoir pourquoi, simplement parce qu’on le leur a demandé. Depuis qu’il avait intégré les navy seals il s’était laissé prendre au jeu de la guerre : aller toujours plus loin, frapper toujours plus fort…
Cette aura d’héroïsme qui les suivait partout l’avait un peu grisé, lui comme tous ses camarades de combat. La guerre était leur lot, leur raison d’être, leur oxygène. Ils ne vivaient que pour ces décharges d’adrénaline, lorsque le danger était là, la mort prête à les enserrer de ses griffes. Ils se sentaient alors vivants comme jamais, invulnérables tout en sachant pourtant combien ils étaient fragiles.
L’homme ne comprendrait-il jamais que les armes ne peuvent pas être, ne pourront pas être la solution des problèmes ?
Toutes les fleurs sont mortes aux fusils de nos pères
Bleuets, coquelicots, d´un jardin dévasté
J´ai compris maintenant ce qu´il me reste à faire
Ne comptez pas sur moi, si vous recommencez.
Il avait fait son devoir, longtemps, toujours, malgré la peur parfois qui mordait ses entrailles, malgré les horreurs qu’il avait vues et parfois commises.
Mais aujourd’hui, pour la première fois, il hésitait. Aujourd’hui il savait qu’il y avait autre chose que le sang et les larmes, qu’il pouvait vibrer autrement qu’en suivant une piste, qu’en traversant une jungle, qu’en épaulant son fusil ou en combattant au couteau.
Aujourd’hui il avait trouvé une autre raison de vivre, une autre façon de sentir le sang couler dans ses veines, de voir son esprit s’affuter.
Cette lettre, elle lui parlait de souffrance, de mort, de blessures, d’heures sombres. Lui désormais il aspirait à la lumière, à la paix, au bonheur.
Tout ce que l´on apprend de victoires en drames*
Ni le feu, ni le fer n´y pourront jamais rien
Car l´amour - et lui seul - survit parmi les flammes
Je ferai ce qu´il faut pour défendre le mien.
Il avait enfin ouvert l’enveloppe et il parcourait la missive. C’était bien ce qu’il pensait… Une nouvelle mission… Un nouveau risque de laisser sa peau dans un coin quelconque de la planète sans que personne dans son entourage ne sache jamais ni où ni pourquoi il était tombé, quel avait été le prix de son sacrifice et quelles pensées avaient été les siennes au moment de faire le grand saut.
Il ne voulait pas… Il ne voulait plus… Il avait bien assez donné pour trop peu de rendu. Mais il savait que ce n’était pas là l’essentiel de cette vague crainte qui montait en lui, déjà, bien avant que de savoir ce que serait ce voyage peut-être sans retour.
Non… Il n’irait pas… Il n’irait plus.
Il n’avait que trop longtemps tergiversé à prendre cette décision, peut-être parce qu’elle remettait en cause tout ce qu’il avait fait, tout ce qu’il avait cru depuis que la porte de l’Académie s’était ouverte devant le gamin de quinze ans qu’il était alors.
Pourquoi donc irais-je offrir ma jeunesse
Alors que le bonheur est peut-être à deux pas?
Je suis là pour t´aimer, je veux t´aimer sans cesse
Afin que le soleil se lève sur nos pas.
En entrant dans le bureau, Danny le vit en train d’écrire. Son regard acéré avisa aussitôt la lettre sur le sous-main, le symbole sur l’enveloppe. Il blêmit.
- Tu pars ?
Steve leva les yeux et regarda cet homme qui comptait tant pour lui, cet homme qui lui avait fait prendre conscience que la vie était autre chose que le combat et le repos du guerrier.
- Non.
- Ne me raconte pas d’histoire McGarrett ! Tu crois que je ne sais pas ce que contient cette lettre ? Tu me crois trop débile pour n'avoir pas reconnu le cachet du ministère de la Guerre ?
- Oui… C’est une nouvelle affectation.
- Donc, tu pars.
Son cœur se serra jusqu’à en devenir douloureux. Comment vivre encore cette attente interminable, cette ignorance totale d’où était Steve, de ce qu’il faisait, de ce qu’il endurait, s’il était même encore vivant ? Il ne pourrait pas… Pas encore… Plus jamais.
Pourtant, de quel droit l’empêcherait-il de vivre la vie pour laquelle il était fait, cette vie qu’il avait choisie et qui donnait ce sel indispensable à son existence? Il n’avait pas le droit, tout simplement.
- Non.
Il sursauta : Steve s’était levé et était désormais debout devant lui, le regardant de cette façon qui lui donnait juste envie de se lover contre son torse musclé et de lui offrir ses lèvres. Mais bien sûr, jamais il n’oserait, d’abord parce que vraisemblablement il se ramasserait un marron dont il aurait du mal à se remettre (et manger de la bouillie avec une paille pendant trois semaines, très peu pour lui !) mais surtout parce qu’il risquait de saccager une belle amitié. Pourtant comme il aurait aimé, oh oui !
Il se secoua : ce n’était vraiment pas le moment de se laisser aller à ce genre de fantasme.
- Non ?
- Non. A moins que tu ne veuilles que j’y aille bien sûr.
- Moi ? Mais en quoi ça me regarde ?
- Ca pourrait te regarder, si tu le voulais…
Steve saisit la feuille sur laquelle il écrivait quelques minutes plus tôt et la tendit à son adjoint :
- Tiens, lis…
Danny parcourut rapidement la missive des yeux, puis il regarda son ami :
- Mais… C’est…
- Une lettre de démission. Je quitte l’armée.
- Toi ? Tu quittes l’armée ? Mais tu es l’armée ! Tu respires armée, tu manges armée, tu bois armée !
- Peut-être que j’ai trouvé quelque chose de mieux, de plus fort, de meilleur, quelque chose qui me tire vers la lumière et non vers l’obscurité.
- Quoi ?
Soudain Danny avait du mal à respirer. Ce regard sur lui, ce corps à portée de main… Il rêvait, il se méprenait… Ce n’était pas ça…
- Tu n’as qu’un mot à dire Danno…
- Quoi ?
Le cerveau vide, le lieutenant avait l’impression de ne plus savoir ni comment il s’appelait, ni où il se trouvait, ni même comment articuler autre chose que ce « quoi » qui devait lui donner l’air profondément débile.
- Si tu le veux, je déchire cette lettre et je pars. Si tu me le demandes, je l’envoie.
- C’est ça ! Pour qu’un jour tu me reproches de t’avoir empêché de vivre ta vie !
Pour le coup, il retrouvait la parole en même temps que sa mauvaise humeur légendaire.
- Je ne te le reprocherai jamais.
- Et de quel droit je prendrais cette décision pour toi ? Qu’est-ce qui me…
La bouche de Steve s’écrasant sur la sienne mit fin à la question et tout devint limpide. Leurs langues se trouvèrent, leurs peaux se touchèrent… Et lorsqu’ils se séparèrent, à bout de souffle, Steve murmura :
- De ce droit-là. Je t’aime Danny… Je ne veux pas te quitter… plus jamais.
Les yeux du blond s’emplirent de larmes à ces mots dont il avait si souvent rêvé mais qu’il ne pensait jamais entendre.
- Dis-le moi…
- Quoi ?
Il releva la tête, croisa le regard de Steve posé sur lui, chercha à comprendre la question.
- Est-ce que tu veux que je reste ?
Son cerveau était en ébullition et mille pensées contradictoires se télescopaient : oui, bien sûr il devait rester ; mais si jamais il regrettait ; l’avoir auprès de lui, enfin ! ; mais si un jour il en avait assez ; était-ce de l’amour ou du désir ? ; était-il prêt à s’engager au grand jour ?
- Danno…
Il y avait tant d’inquiétude dans le regard posé sur lui, dans le tremblement imperceptible de la voix. Alors Danny balaya toutes les objections, tous les mais, tous les si et il décida de se contenter de cet instant, ce moment qu’il avait pensé ne jamais connaître. Et même s’il devait souffrir par la suite, avoir vécu cela valait tous les tourments à venir.
- Oui… Oui je veux que tu restes Steve ! Je ne pourrai pas supporter que tu sois loin, de ne pas savoir où tu es, ce que tu fais. Je ne pourrai pas supporter qu’il t’arrive quelque chose.
- Pourquoi ?
Une lueur de joie s’était allumée dans les prunelles de Mc Garret, dans laquelle un observateur attentif aurait aussi remarqué une petite étincelle de moquerie.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu ne veux pas que je parte ?
- Tu le sais bien !
- Non je ne le sais pas.
- Si tu ne le sais pas c’est que tu es un idiot !
- Dis-le moi.
- Non… Je ne vois pas pourquoi je te dirais ce que tu sais déjà !
- Si tu ne me le dis pas je déchire cette lettre et je fais mon sac.
Danny recula d’un pas et foudroya le seal du regard :
- Ca s’appelle du chantage ça Mc Garrett, et c’est puni par la loi !
- Arrête-moi alors ! Mais si tu ne me dis pas…
- OK !!! Je t’aime ! Ca te va ! Tu es le plus insupportable, le plus pénible, le plus idiot, le plus inconséquent des hommes que j’aie jamais rencontré, mais je t’aime ! Je t’aime comme un fou, comme un abruti que je suis parce que tu vas sans doute me briser mon tendre petit cœur, mais je t’….
Le reste se perdit dans le baiser torride que vint lui voler Steve… Enfin… rarement voleur fut aussi bien accueilli par sa victime, pensa Danny en rendant le geste avec usure. Puis il cessa de penser tandis que leurs vêtements volaient dans les airs et que leurs corps s’imbriquaient l’un dans l’autre.
La guerre était terminée… L’amour pouvait s’épanouir.
FIN
Chanson de Charles Aznavour
* Paroles originales : dans le regard des femmes