TEXTE POUR FANZINE 2015
Auteur : Jo
Thème : slash/coming-out
J’ouvre les yeux et je tente de me glisser hors des draps sans éveiller Ronan qui dors encore. Les premiers examens importants de l’année et notre activité de cette nuit l’ont épuisé.C’est peine perdue, un bras s’enroule autour de mon torse tandis que son corps chaud vient se coller dans mon dos. Je l’entends marmonner quelque chose comme « Amaury ne pars pas, me laisse pas »Ces quelques mots, souvenirs d’une blessure mal cicatrisée, me ramène un an en arrière. C’était quelques jours avant Noël, j’étais en train de finir de boucler ma valise pour aller passer les vacances chez mes parents. Appuyé contre le chambranle de la porte de la salle de bain attenante à ma chambre il me regardait les yeux pleins de larmes.
Ronan et moi nous nous étions rencontrés lors de la rentrée alors que les bras chargés de paquets l’un et l’autre, nous faisions des aller-retour entre nos véhicules et le bâtiment C de la cité universitaire. Il était arrivé avant moi et je l’avais remarqué alors que je me garais devant sa voiture. Il devait aussi grand que moi sans être aussi musclé (sans prétention aucune de ma part), les cheveux noirs coiffés en catogan. Je n’avais vu la couleur de ses yeux que lorsqu’il était passé près de moi, alors que j’ouvrais mon coffre. Ils étaient d’un bleu si intense que je m’y suis perdu quelques secondes. Il dut le remarquer car il me gratifia d’un magnifique sourire tout en me lançant un « bon courage » avant de se frayer un chemin entre d’autres étudiants.
Le hasard avait fait que nos chambres étaient situées l’une en face de l’autre. Notre aménagement fini nous avions sympathisé autour d’un verre dans un café proche. Nous avions choisi une filière différente, j’étais en littéraire et lui en psycho mais nous avions pris l’habitude de travailler ensemble. Peu à peu de simple amitié nous étions arrivés à quelque chose de plus profond. Pour ma part je savais que j’étais tombé amoureux de lui mais même si j’avais surpris quelques uns de ses regards appuyés sur moi je ne savais pas s’il était gay ou pas.
On était mi-octobre, c’était un dimanche soir, nous le passions tout les deux à la cité U car nous ne rentrions pas systématiquement chez nos parents. Ronan m’avait proposé de venir regarder une vidéo dans sa chambre,, « Vies brûlées » ( Plata Quemada ). Installés sur son lit nous avions regardé l’histoire vraie de deux gangsters à Buenos Aires que l’on appelait les jumeaux mais qui étaient en réalité amants. Nous étions restés un instant silencieux après la fin tragique du film. Ronan après avoir éteint son ordinateur et l’avoir posé par terre, s’était penché sur moi et m’avait embrassé. Ce n’était pas mon premier baiser, j’avais 18 ans et connu quelques flirts mais je n’étais jamais allé plus loin. Ce premier baiser, au goût sucré des fraises Tagada , que nous avions mangé durant tout la durée de la vidéo, en avait appelé bien d’autres. Je n’étais pas rentré dans ma chambre, nous nous étions endormis sagement dans les bras l’un de l’autre. Il avait eu une liaison avant moi et la première fois où nous avions fait l’amour, j’ai découvert avec lui des plaisirs insoupçonnés.
Nous étions inséparables et notre relation n’est pas restée secrète très longtemps, du moins à la fac. Nous avions surpris quelques regards dégoûtés sur notre passage mais nous n’étions pas le seul couple homo et la plupart des étudiants étaient plus préoccupés par leurs études que par l’orientation sexuelle de leurs camarades.
Notre première séparation a été lors des vacances de la Toussaint, une semaine sans se voir. Une semaine sans toucher sa peau, sans voir son sourire, sans ses baisers. Heureusement nous communiquions par sms. C’est lors de ces vacances là que les choses se sont gâtées avec ses parents. Nous n’avions ni l’un ni l’autre fait notre coming-out, ses parents étant trop intolérants, les miens au contraire étaient si aimants que j’avais peur de perdre leur affection. La veille de son retour à l’université sa mère a découvert une photo de nous deux qu’il avait caché sous son matelas, elle s’était empressé de prévenir son père. Leur réaction a été odieuse. Ils n’avaient plus de fils mais seulement une personne qu’ils tolèreraient sous leur toit.
Je revenais de ma semaine de vacances, heureux de le retrouver. J’avais subi dès mon arrivée chez mes parents un véritable interrogatoire sur ma nouvelle vie loin d’eux,. Je n’avais pas pu résister à leur parler de Ronan, le présentant comme un véritable ami. Mais j’avais du prétexter ne pas avoir de temps pour trouver une petite amie Ma mère m’avait littéralement gavé en me cuisinant mes plats préférés et j’avais passé de longs moments avec mon père à bricoler.. J’étais reparti avec dans ma valise une boîte pleine craquer des délicieux sablés que faisait ma mère.
Arrivé à la cité U, j’avais juste pris le temps de poser mon bagage avant de rejoindre Ronan. Mais les retrouvailles n’avaient pas été aussi joyeuses que je l’avais espéré, il s’était jeté dans mes bras en pleurant. Il m’avait tout raconté et cela avait ravivé ma crainte de faire ma sortie du placard auprès de mes parents. Au fil des jours sa peine s’était estompée et notre amour s’était retrouvé renforcé..
Puis Noël était arrivé à grand pas et il redoutait de retourner chez ses parents sachant que cette fois ci les fêtes seraient une épreuve. Il faisait pourtant bonne figure ne voulant pas gâcher ma joie de retrouver ma famille. La veille de mon départ nous nous étions offert nos cadeaux, une écharpe de la couleur de ses yeux pour lui et un livre sur la mythologie nordique pour moi.
La séparation avait été difficile et même s’il a fait tout pour me cacher sa tristesse, ses yeux remplis de larmes m’avaient fait mal au cœur.
A peine ma voiture garée dans l’allée de la maison de mon enfance que ma mère était sortie pour me prendre longuement dans ses bras ; son « bébé » était de retour. Mon père qui l’avait suivi avait levé les yeux au ciel mais je savais qu’il était tout aussi heureux qu’elle de me revoir.
Noël était chez nous l’occasion de réunir toute la famille et ma mère, comme chaque année, mettait les petits plats dans les grands.
Revoir mes grands-parents, mes oncles et surtout mes cousin(e)s avaient été une grande joie. Mais une il y avait cette année là une ombre au tableau, depuis le lendemain de mon arrivée je n’avais plus de nouvelles de Ronan. Je passais une bonne partie du repas à lui envoyer des messages qui restaient sans réponse. Cela n’avait pas échappé à ma mère qui m’avait gentiment réprimandé en me priant de laisser mon téléphone pour manger. Je n’avais pu échapper aux questions concernant ces appels et j’avais laisser planer le doute face aux allusions à une éventuelle petite amie.
Nous étions arrivé au dessert et je m’apprêtait à déguster la délicieuse bûche aux trois chocolats quand mon portable avait vibré dans ma poche.
J’étais sorti de table et m’étais réfugié aux toilettes. Un message de Ronan, enfin ! Je m’étais empressé de le rappeler mais la joie que j’avais ressentie en entendant sa voix avait vite été effacé par ses sanglots.
Il était devant le portail. J’étais sorti de la maison sans même prendre un manteau. Il m’attendait la tête posée sur ses bras croisés sur le volant. Nous avions échangé un long baiser mouillé de ses larmes. Ensuite il m’avait expliqué que ses parents lui avaient confisqué son portable et son ordinateur et qu’il avait été enfermé dans sa chambre. Ils l’avaient menacé, s’il ne se décidait pas à rompre avec moi et à quitter sa vie de « débauché » ils le chasseraient de la maison sans un sou en poche. Ils lui avaient laissé jusqu’à Noël pour réfléchir. Sa décision avait été rapide, il avait rassemblé dans deux sacs de voyage des vêtements et tout ce qu’il ne voulait pas laisser derrière lui.
Il avait profité le matin que ses parents soient partis faire les dernières courses pour le réveillon pour s’enfuir. Il avait réussi à passer par le velux et était descendu le long de la gouttière. Ses parents avaient oublié de lui confisquer ses clés, alors il avait pu entrer dans la maison, récupérer ses sacs, son portable et son ordinateur ainsi que quelques billets que sa mère cachait dans un tiroir de la cuisine. Il avait tout jeté à la hâte dans sa voiture et il était parti me rejoindre.
Comment des parents pouvaient être indignes à ce point, n’étaient pas là pour donner lui donner de l’affection sans conditions.
En ouvrant le portail afin de le faire entrer dans la cour, j’avais pensé aux miens si proches de moi. J’avais toujours eu peur de leur réaction s’ils apprenaient ma préférence mais ce soir là, alors que Ronan, mon amour, avait eu le courage de tout quitter pour ne pas me perdre, j’avais pris enfin ma décision.
Notre entrée, main dans la main , dans la salle à manger avait fait tourner toutes les têtes vers nous. Ma mère s’était levée et avancée vers nous. J’avais lu dans son regard qu’elle avait deviné . Je n’avais pu que murmurer « Maman je suis gay » et elle m’avait répondu « ça ne change rien pour nous, Amaury ».
Elle m’avait embrassé puis avait fait de même avec Ronan avant de l’inviter à prendre place à notre table.
Ce jour là, Ronan avait eu une nouvelle famille, la mienne.
Depuis il a définitivement coupé les ponts avec ses parents. Comme ils l’avaient annoncé ils lui avaient coupé les vivres. Il avait pu continuer ses études grâce à sa grand-mère qui était la seule à ne pas l’avoir renié. Malheureusement elle était décédée au printemps, lui léguant sa maison. Il l’avait vendu et avait acheté ce petit appartement près de la fac où nous habitions tout les deux maintenant.
Je me retourne et le regarde s’éveiller doucement. Je baise doucement ses lèvres puis je murmure à son oreille « N’ai pas peur, je serai toujours là, je t’aime ».