Reclassement d'une fiction qui n'a sans doute pas plu à JB...
Retour aux sources en ce qui me concerne.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Cheryl Heuton & Nicolas Falacci. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Ta main
Il lui semblait que la nuit qui l’enveloppait n’en finirait plus jamais. Les chiffres avaient cessé de danser dans sa tête, les théorèmes ne venaient plus lui chuchoter leurs douces mélopées.
Il était vide.
Tu sais que j’ai du mal,
Encore à parler de toi,
Il parait que c’est normal,
Y'a pas de règles dans ces jeux là.
Ce prénom qu’il ne pouvait plus prononcer, ce visage qu’il ne pouvait plus contempler, cette voix qu’il ne pouvait plus écouter, cette main qu’il ne pouvait plus toucher…
Combien de temps pour accepter l’inacceptable ? Combien de temps pour occulter le vide ?
Tu sais j’ai la voix qui se serre,
Quand je te croise dans les photos,
Tu sais j’ai le cœur qui se perd,
Je crois qu’il te pense un peu trop.
L’avait-il su ce premier jour, trente ans auparavant ? L’avait-il su lorsque, triomphant, son frère était venu affronter l’ire paternelle en annonçant qu’il abandonnait le base-ball pour le FBI, agence honnie parmi toutes ! Et même s’il l’avait su, si son cœur à cet instant avait raté un battement, qu’aurait-il pu faire ?
Rien.
C’est comme ça,
C’est comme ça.
Ils avaient été si longtemps séparés sur des chemins parallèles, chacun dans son monde, chacun perdu dans un sas étanche où il lui semblait que l’autre n’avait pas sa place. Ils avaient été si longtemps étrangers l’un à l’autre, eux qui partageaient le même sang et qui pourtant n’auraient pas pu être plus différents.
Du temps de son enfance, il avait tout fait pour que son grand frère daigne lever les yeux sur lui, mais du haut de son étoile, jamais Don ne l’avait regardé de la manière dont il rêvait. Alors lui aussi avait tracé sa route, s’était fait ses propres expériences, s’était bâtie sa famille de cœur.
Tant de temps éloignés l’un de l’autre… frères étrangers… frères autistes l’un à l’autre.
Et maintenant…
J'aurais aimé tenir ta main,
Un peu plus longtemps…
J'aurais aimé tenir ta main,
Un peu plus longtemps…
J'aurais aimé que mon chagrin,
Ne dure qu’un instant.
Et tu sais j’espère au moins,
Que tu m’entends.
Qu’aurait-il pu faire, qu’aurait-il pu dire pour inverser ce destin ? Tous ses calculs, depuis le début, lui avaient révélé la dangerosité de la voie choisie par Don. Tous ses raisonnements l’avaient conduit à l’inéluctable départ anticipé. Et pourtant, lorsque c’était arrivé, il n’était pas prêt. Rien n’aurait pu le préparer à cela.
Au vide, au silence, à l’absence, au néant…
C’est dur de briser le silence,
Même dans les cris, même dans la fête,
C’est dur de combattre l’absence,
Car cette conne n’en fait qu’à sa tête.
Il n’aimait pas qu’on vienne le réconforter. Il haïssait ces voix lénifiantes qui tentaient de le convaincre que c’était le destin, qu’il n’aurait rien pu y faire, que c’était écrit. Il aurait tué ceux qui osaient prétendre que c’était mieux ainsi, que Don n’aurait pas voulu vivre dans ce corps devenu une prison qui aurait été l’alternative à la mort.
Mais qu’en savaient-ils tous ? Don avait toujours été un combattant et il avait tant de fois fait mentir les statistiques, tant de fois déjoué les hypothèses que rien ne pouvait assurer qu’il ne se serait pas relevé de nouveau, qu’il n’aurait pas trouvé un moyen de faire de sa vie une réussite.
Personne ne pouvait le réconforter parce que personne ne savait l’indicible.
Et personne ne peut comprendre,
On a chacun sa propre histoire.
On m'a dit qu’il fallait attendre,
Que la peine devienne dérisoire.
Le destin était cruel qui lui avait permis de se rapprocher de Don pour mieux le perdre ensuite.
Au fond de lui-même, il savait que ça pouvait arriver. Non… Il savait que ça arriverait, comme si un sixième sens lui avait susurré de profiter tant qu’il en était temps.
On ne se bat pas contre la destinée.
C’est comme ça,
C’est comme ça.
Ils avaient été étrangers durant près de vingt-cinq ans, de sa sortie de la prime enfance aux alentours de ses trente ans, lorsqu’enfin nombres et enquêtes s’étaient rejoints pour leur permettre de se redécouvrir.
Ca ne s’était pas passé en un jour, pas sans heurts, pas sans frustration. Comment réussir à gommer tant d’années d’indifférence et d’incompréhension ? Comment permettre à chacun d’empiéter sur la chasse gardée de l’autre sans se sentir envahi, presque agressé ?
Mais ils y étaient parvenus. Malgré les hauts et les bas, ils avaient réussi à s’entendre, à s’écouter, à se comprendre. Et un jour ils s’étaient éveillés amis.
Amis… enfin… Amis après avoir été frères durant trop de temps. Un sourire, un clin d’œil, une main sur son épaule…. Tout ce dont il avait rêvé durant longtemps et qu’il avait enfoui au fond de lui sous une couche d’indifférence teintée de ressentiment.
Ils avaient eu alors de belles années, presque vingt ans qui avaient forgé entre eux ce lien solide que rien n’aurait dû trancher.
J'aurais aimé tenir ta main,
Un peu plus longtemps…
J'aurais aimé tenir ta main,
Un peu plus longtemps…
J'aurais aimé que mon chagrin,
Ne dure qu’un instant.
Et tu le sais j’espère au moins,
Que tu m’entends.
Ironie d’un destin bien cruel ! C’était au moment où Don avait abandonné la rue pour prendre la direction de l’unité de Los Angeles que le sort avait frappé.
C’était au moment où enfin Charlie s’était permis de se détendre, de ne plus envisager le pire pour son frère que les Parques l’avaient désigné de leurs fuseaux maudits !
Les larmes ne servaient à rien. Elles ne remplaceraient jamais tout ce qu’il n’avait pas eu le temps de dire, tout ce qu’il ne pourrait plus jamais partager. On croit avoir tout le temps du monde, et un jour il est trop tard.
Je voulais te dire que j’étais fier,
D’avoir été au moins un jour,
Un peu ton ami et ton frère,
Même si la vie a ses détours.
Ils avaient vécu en parallèle durant un quart de siècle, ils avaient vécu côte à côte durant un cinquième de siècle seulement. Ou plutôt non… Si on considérait les cinq premières années de sa vie, finalement, ils avaient eu aussi un quart de siècle ensemble.
Equité parfaite ? Inégalité flagrante ? Ironie mordante ?
C'est comme ça,
C'est comme ça.
Il n’y avait pas, il n’y aurait jamais de justice dans la disparition d’un être aimé. Il était le dernier dans la maison de son enfance. Sa mère, partie bien trop tôt, son père quelques années auparavant et maintenant son frère. Si on lui avait dit un jour que ce serait la disparition qui lui ferait le plus mal, qui créerait en lui le vide le plus béant, il aurait bien ri.
Pourtant c’était le cas. Il aurait voulu encore partager tant de choses, tant de mots, de rires, de querelles ! Malgré les années écoulées, ils se heurtaient encore de façon régulière, parce que c’était aussi leur manière d’être, leur manière de se prouver leur attachement mutuel.
Qui désormais jouterait avec lui ? Qui mettrait en doute ses théories ? Qui le pousserait à se dépasser, à aller au-delà des apparences ?
J'aurais aimé tenir ta main,
Un peu plus longtemps…
J'aurais aimé tenir ta main,
Un peu plus longtemps…
J'aurais aimé que mon chagrin,
Ne dure qu’un instant.
Mais tu sais j’espère au moins
Que tu m'attends.
- Charlie…
- Don… Don tu es là ?
- Bien sûr banane ! Ou voudrais-tu que je sois ?
Etait-ce son tour ? Etait-ce juste un mauvais rêve ?
En tout cas, Don était là… Le reste, tout le reste, y compris ses chers nombres, n’avait strictement aucune importance !
FIN
Chanson de Grégoire