En attendant d'avoir accès au delà de l'horizon et de pouvoir poster mon nouveau bébé en gestation sur Nico/Boris, voilà un aperçu de mes écrits passés; à la base le premier chapitre d'une fic non achevée il y a bien longtemps que j'ai juste remanié pour en faire un OS. **********************************************
Les personnages de la série ne m'appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de A.Tasma, S.Giusti et A.Robillard. je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Blue is the new black
Partir
Ne pas se retourner, surtout pas … Franchir ce pont coûte que coûte, ce pont qui l’éloignait du cœur de Paris… La Seine comme la première frontière à franchir… Laisser l’immensité liquide du fleuve engloutir tout ce qui avait fait sa vie depuis trois ans… Tout… Les gens, les lieux, les sentiments, les souvenirs, les trahisons … Si son sac avait pu tous les contenir c’est avec soulagement qu’il l’aurait jeté par-dessus le parapet du pont … Mais à moins de s’y jeter lui-même tout entier rien ne ferait taire le chaos qui régnait dans son cœur, dans son esprit… Rien…
Sauf peut-être la distance qui transformerait en murmures lointains les cris, les voix, les mots qui résonnaient dans sa tête jusqu’à le rendre fou… « Je viens porter plainte pour vol… vol de ma capacité de concentration… quelqu’un de très spécial… » …. « Ben moi tu vois je serais jamais parti nulle part sans toi… J’arrête pas de penser à toi moi… Viens on reprend tout à zéro… » … « Recht a gagné… s’il est venu me voir c’est pour me demander votre tête… » … « Il va au Mexique, il change de vie… Il reviendra pas… »
Sa détermination vacilla un instant… Il se retourna…Qu’attendait-il ? Qu’on lui court après ? Qu’on le retienne ? Qui attendait-il ? Non… Ne pas se retourner…Partir… Fuir… Droit devant… Toujours plus loin… Peut-être vers nulle part…
Officiellement il était en congés, naïf comme le bleu qu’il était encore il y a peu, il avait cru qu’il suffisait de rendre sa carte pour quitter la police… Foutaises, l’État n’allait pas le lâcher aussi facilement… Des paperasses l’attendaient et surtout il allait devoir rembourser une partie des frais de formation puisqu’il partait avant d’avoir accompli les cinq ans qu’il devait à l’État … Qu’il devait… Comme si l’État ne lui devait rien à lui… L’institution l’avait trahi… Moralement il ne se sentait redevable de rien à son égard… Il n’avait d’ailleurs pas le début de la somme qu’il allait devoir restituer… Ironie de l’histoire, si Mercier avait accédé à la demande de Recht il serait à l’heure actuelle délié de toute obligation…
Il chassa tout cela de son esprit… Paperasses… Argent… Il partait pour ne plus revenir… Jamais… Il ne devait plus rien à personne… Il se sentait épuisé… Épuisé de lutter contre l’envie de faire taire définitivement le tourbillon sans fin de ses pensées…Qu’ils le croient en train de faire la fiesta sous le soleil mexicain, c’était très bien ainsi… Au moins personne ne se soucierait de lui… Sa destination réelle personne ne la trouverait puisque lui-même l’ignorait… Juste partir… Ne pas se retourner… Franchir un pas après l’autre ce putain de pont interminable…
Te laisser partirIl regarda l’heure à sa montre pour la dixième fois au moins en une demi-heure, avec soulagement il constata qu’elle affichait enfin l’heure où il pouvait décemment quitter cette chambre d’hôtel qu’il haïssait… Depuis huit jours il s’obligeait à ce petit rituel pour ne pas retomber dans l’errance de sa première semaine d’exil… Oui d’exil, loin de son foyer… de leur foyer… Il s’en était chassé lui-même, sur un mouvement d’humeur… Quelques vêtements jetés en vrac dans un sac, une chambre d’hôtel sordide et les yeux rivés sur son portable… En pure perte, les heures étaient passées, les jours, Kévin n’avait pas appelé… Tout était dit… Devenant fou à se morfondre dans cet hôtel, il avait suivi ses pas qui le guidaient dans un lieu différent de jour comme de nuit… Marcher pour ne pas hurler, pour ne pas tout casser, pour ne pas courir supplier Kévin de lui accorder un regard, un mot d’espoir… Il ressortait vidé de ses errances où partout le poursuivaient les mêmes images, celles d’un bonheur qu’il avait cru à sa portée et qui s’était évanoui… Son boulot s’en ressentait et il ne pouvait pas se le permettre, c’était tout ce qui lui restait…
Ainsi pour reprendre le contrôle de sa vie il se soumettait à ce timing précis : ne pas quitter l’hôtel trop tôt pour ne pas être tenté de vagabonder mais juste à l’heure pour faire le trajet jusqu’au commissariat … Dix minutes pour concentrer ses pensées sur un seul but : se mettre dans la peau du commissaire stagiaire Yann Berthier irréprochable et inébranlable… Ses pensées noires, ses pensées obsessionnelles, toutes tournées vers celui qui avait su lui passer la corde au cou, il les retrouvait dés la porte du commissariat franchie et elles ne le quittaient plus, hantant ses heures de repos… de repos… Comme s’il pouvait encore trouver le repos….
Il ne cessait de se repasser le film de ce dernier mois, comment sans qu’il s’en rende compte Kévin lui avait échappé, déliant les liens qui les unissaient… Oui il n’avait rien vu venir c’était là son plus grand tort et le signe qu’il avait sa part de responsabilité dans le naufrage… A peine un soupçon qu’il avait balayé d’un revers de main, trop confiant… Tellement confiant que rien ne pourrait plus briser ce qu’ils avaient eu tant de peine à construire qu’il n’avait pas hésité à plonger le premier dans l’infidélité… Un coup sans conséquence, sans commune mesure avec ce qu’il partageait avec son Kévin et pourtant… Aussitôt fait, aussitôt regretté mais pas aussitôt avoué peut-être cela aurait-il changé l’histoire… A quoi bon ressasser cela… Kévin l‘avait quitté… pour un autre… Putain çà faisait mal…
Une fois il avait transgressé son rituel, se trouvant une bonne raison pour cela : s’excuser de son comportement lorsqu’il avait croisé Kévin au bois de Boulogne… Ses pas l’avait conduit jusqu’à ce qui avait été chez lui et où il n’était plus autorisé à franchir le seuil sans autorisation… Il l’avait pourtant fait pour mettre son cœur à nu, vrai, direct, sincère, vibrant comme il n’aurait jamais pensé pouvoir le faire… Sans réellement réussir à ébranler Kévin… Un Kévin bien lointain… Il avait tout donné sans vraiment rien obtenir en retour… Sa chambre d’hôtel lui avait paru ce soir là plus lugubre encore, une cellule pour un condamné à perpétuité sans espoir de remise de peine…
Après tout il la méritait cette peine, la main tendue de Kévin il n’avait pas su la saisir… Il en pleurait de rage quand il y repensait… Presque deux semaines qu’il veillait son portable comme au chevet d’un grand malade mais c’est son cœur à lui qui avait manqué s’arrêter quand le message de Kévin s’était affiché… Il n’avait pas hésité une seconde… Volant à son secours, volant vers son amour qui l’appelait à l‘aide, son amour qui l’appelait lui et pas un autre… Et il ne l’avait pas entendu, pas cru… Fuyant devant sa rage, l’abandonnant blessé, souffrant... Il avait été minable… Même s’il ne croyait toujours pas à ses allégations, il aurait pu, il aurait du au moins faire mine de l’écouter… Kévin lui avait tendu la main, il l’avait lâché…
Çà y est il était arrivé … Il était l’heure de mettre de côté ses pensées pour ne plus être qu’un flic… Malgré tout une phrase tournait en boucle dans son esprit embrumé… Comment va-t-il ?… Oui même s’il devait accepter de le laisser partir puisque visiblement plus rien ne pouvait le retenir il avait besoin, un besoin vital, de s’assurer que ses blessures n’étaient pas graves… Comment ? Qui ? Un seul nom lui vient à l’esprit : Franchard…
Le visage fermé, pour que personne ne soit tenté de lui adresser la parole, il fila droit vers le bureau du commandant, bureau que Kévin avait partagé avec celui-ci pendant un temps… Que c’était douloureux de longer ses couloirs encore hantés de leur rencontre, de leur histoire, de leurs souvenirs…
« Louis ! »« Yann !! » la surprise le disputait à la gêne sur le visage de l’ex-capitaine monté en grade.« Pas de commentaire … Je veux juste savoir si Kévin va bien ? »« Euh oui … Mais … »« Ses blessures c’est bon ? C’est pas grave ? » « Lesquelles de blessures ? Les visibles ou les invisibles ? » « Putain Louis… Je veux juste savoir si il va bien ! »«T’as qu’à lui demander ! Enfin si t’as un forfait pour l’international sinon çà va te coûter cher … »« Qu’est-ce que tu racontes ?! »Louis leva vers lui un regard triste et désabusé qui lui souleva le cœur : « Parti le Kévin, envolé…Y a plus de Kévin ici … »« C’est quoi ces conneries ? !! » parvint-il à grande peine à articuler.« Tu m’as très bien compris ! Maintenant j’ai du boulot, toi aussi non ? ! J’ai cru comprendre que çà bossait dur à la Bac… Çà doit rapporter aussi … »Qu’est-ce qu’il lui bavait ?! L’esprit embrouillé il ne chercha pas à obtenir plus d’explications et repartit en marchant mécaniquement, un pied devant l’autre, comme on se relève après un coup violent sur la tête… Pénétrant dans son bureau, il se laissa lourdement tomber sur le premier fauteuil venu et regarda sans le voir le capharnaüm qui l'entourait, un foutu bordel à l'image de ce qu'était devenue sa vie...FIN