Reclassement du cadeau offert à Demetra l'an passé.
Un couple que j'adorais et qui a hélas disparu...
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Shonda Rhimes. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Songfic basée sur la saison 8 et les graves problèmes de couple rencontrés par Christina et Owen.
Les amants
Ils se regardaient et soudain il leur semblait qu’ils n’avaient plus rien à se dire, que ce fossé qui s’était creusé entre eux était devenu un gouffre infranchissable.
Alors c’était ça ? C’était ainsi que ça se terminait ? Dans le silence et dans les reproches non exprimés ? Est-ce qu’une belle histoire doit toujours se finir dans les regrets, dans les « si », les « mais », les « pourtant » ?
C’était ce qu’elle avait redouté dès le début, c’était ce qui l’avait conduite à avoir du mal à s’engager, cette douleur qui vous tord les tripes lorsque vous vous rendez compte que vous êtes au bout d’un chemin que vous auriez voulu interminable.
Quand les amants entendront cette chanson
C'est sûr, ma belle, c'est sûr qu'ils pleureront...
Ils écouteront
Les mots d'amour
Que tu disais
Ils entendront
Ta voix d'amour
Quand tu m'aimais
Quand tu croyais que tu m'aimais
Que je t'aimais, que l'on s'aimait...
Elle l’aimait pourtant, elle l’aimait presque autant qu’elle aimait la chirurgie. C’était peut-être là que résidait le problème, dans ce « presque autant ». Etait-ce le « presque » ou le « autant » qui était le plus incompatible avec un amour inconditionnel ? Pourquoi n’était-elle pas de ces femmes qui mettent leurs sentiments au-dessus de tout, leur vie personnelle avant tout le reste ?
Pourtant elle n’avait pas l’impression de l’avoir trahi. Elle avait toujours été claire : pour elle, la chose la plus importante c’était de devenir chirurgien cardio-thoracique, le reste, tout le reste, y compris leur amour, était secondaire, voire subordonné à cet objectif aussi vital pour elle que le sang qui coulait dans ses veines.
Elle était restée fidèle à ce qu’elle avait toujours été. Alors… Etait-ce lui qui avait changé ?
Quand les amants entendront cette chanson
C'est sûr, ma belle, c'est sûr qu'ils pleureront...
Il aurait aimé trouver les mots pour décrire son ressenti mais il n’y arrivait pas. Déjà, avant de partir au front, il lui était difficile d’exprimer ses sentiments. Mais depuis qu’il était revenu, il les gardait cadenassés au fond de lui, par peur qu’en leur entrouvrant la porte ils ne le submergent et ne le noient. C’était plus facile de se taire, plus facile d’aller de l’avant en baissant la tête et en serrant les dents, plus facile de reléguer au fond de sa mémoire les amis morts, les chairs brûlées, les cris de douleur…
Pourtant, avec Christina, il n’avait pas choisi la facilité, loin s’en fallait. Mais il y avait cru. Il avait cru qu’il pourrait un jour dompter ce cheval sauvage, que l’amour qu’il avait pour elle serait assez grand pour qu’elle change ses priorités. Mais elle n’avait pas changé, elle ne pouvait pas changer.
Peut-être qu’il en voulait trop. Peut-être qu’il avait voulu la modeler à l’image de la femme idéale qui sommeillait en lui, l’épouse attentive, la mère aimante, la maîtresse de maison… Un rire douloureux lui échappa en imaginant Christina dans l’un de ces rôles. Elle s’y serait étiolée comme une orchidée fragile perdue au milieu d’un champ de marguerites. C’était ça : Christina était une orchidée et lui était un simple cultivateur de marguerites.
C’était perdu d’avance.
J'entends toujours... j'entends ton rire
Quand quelquefois je te disais :
"Si un jour tu ne m'aimais plus,
Si un jour on ne s'aimait plus..."
Tu répondais : "C'est impossible !"
Et tu riais... tu riais...
Eh bien, tu vois, tu n'aurais pas dû rire...
Le passif entre eux n’avait cessé de grandir et tout l’amour du monde ne pouvait venir à bout de ces petits coups d’épingle qui, à force de se répéter au même endroit, avaient fini par former une blessure béante et trop douloureuse.
Christina avait encore la sensation de ses mains autour de son cou. Bien sûr elle avait compris, pardonné parce qu’Owen n’avait jamais voulu lui faire du mal. Mais cette première fêlure restait plantée comme une écharde au fond de son cœur, auréolée d’un million de « si » : et si ça recommençait ? Et si il ne se réveillait pas cette fois ?
Et si…
Et si…
Et puis il y avait l’enfant. Cet enfant qu’ils n’auraient jamais parce qu’elle l’avait décidé. Certes il lui avait tenu la main tandis que s’anéantissaient ses espoirs d’une nouvelle vie, ce bébé qui enverrait les ombres des morts rejoindre les limbes où elles avaient leur place. Une vie nouvelle, c’était l’espoir d’un monde meilleur, la rémission de toutes les peines, une raison de se battre sur une Terre qu’il ne comprenait plus. Mais cette vie s’était écoulée dans le sang, creusant un vide abyssal en lui au fur et à mesure que l’utérus de son épouse se vidait de son rêve.
Peut-être aurait-il dû insister plus. Peut-être n’aurait-il pas dû écouter Meredith. Peut-être que son amour aurait suffi…
Peut-être…
Quand les amants entendront cette chanson
C'est sûr, ma belle, c'est sûr qu'ils pleureront...
Ils en étaient là aujourd’hui, assis sur ce canapé, devant cet homme qui ne disait pas un mot mais semblait les juger. Que pensait-il au fond de lui de cet immense gâchis ? Que savait-il de leurs erreurs, de leurs errances, de leurs peurs, de leurs espérances ?
Il avait épousé cette femme pour le meilleur et pour le pire, il lui avait offert son cœur, il voulait qu’elle soit son âme sœur, plus que tout. Pourtant il l’avait trompée. Il avait laissé ses mains courir sur un autre corps, il avait fait frémir une autre peau, il avait recueilli d’autres soupirs que les siens.
Elle l’avait épousé pour le meilleur et pour le pire, elle lui avait donné sa confiance, elle avait donné sa chance à l’amour en dépit de ses craintes. Pourtant, elle n’arrivait pas à se faire comprendre, elle ne trouvait pas les mots pour lui faire ressentir son désarroi, son incapacité viscérale à donner la vie. Elle était femme, elle n’était pas, ne serait jamais mère. Et elle s’en voulait de le priver de son rêve.
Il n’était pas l’homme qu’il lui fallait, elle n’était pas la femme qui le rendrait heureux.
Ils écouteront
Les mots d'amour
Que tu disais
Ils entendront
Ta voix d'amour
Quand tu m'aimais
Quand tu croyais que tu m'aimais
Que je t'aimais, que l'on s'aimait...
Où étaient leurs fous-rires, leurs étreintes passionnées, ces moments volés où ils se retrouvaient dans la chaufferie de l’hôpital, dans la chambre de garde ou même sous la grande table de la salle de réunion ?
Où étaient leurs promesses de s’épauler, de se comprendre, de s’aimer en dépit de la dureté de l’existence ?
Certains couples s’étiolent à la banalité du quotidien. Leur quotidien à eux était tout sauf banal, entrecoupé de drames, de joies, de chagrins…
Pourtant…
Pourtant ils en étaient là… Etrangers l’un à l’autre… Etrangers à eux-mêmes.
Quand les amants entendront cette chanson
C'est sûr, ma belle, c'est sûr qu'ils pleureront...
- C’est la fin de notre séance.
Ils se levèrent, sans se regarder, sans se parler. La fin d’une séance… La fin d’un amour.
Et pourtant, en la regardant partir, il eut envie de la rappeler, de la prendre contre lui, de lui répéter les mots d’amour qu’il lui avait déjà dit, de lui assurer que rien n’avait d’importance tant qu’elle restait près de lui.
Elle sentait son regard sur lui mais ne voulait pas se retourner : elle refusait qu’il voit ses larmes, qu’il s’en serve pour forger des chaînes dans lesquelles il la maintiendrait. Et pourtant son cœur saignait à l’idée de le laisser derrière elle.
Un amour à contretemps… Un amour en déséquilibre…
Mais un amour tout de même.
FIN
Chanson d’Edith Piaf