Celle-ci était pour l'anniversaire de Gred
Préambule : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Jeff Davis. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Toi
Derek Morgan en avait assez ! Assez de cette violence, de ce sadisme, de cette lutte perpétuelle contre le mal qui semblait ne devoir jamais prendre fin. A peine une affaire était-elle bouclée qu’une autre s’amorçait. Toujours plus de victimes, plus de cris, plus de larmes, plus de souffrance auxquels répondaient plus de brutalité, plus de blessures, plus de tortures.
Des soirs comme celui-là, alors qu’il venait d’annoncer à une famille qu’elle ne reverrait plus jamais l’enfant tant chéri qui avait éclairé leur vie durant trop peu de temps, il avait envie de tout laisser tomber, de rendre sa plaque et son arme et de partir, partir loin de tout ça, loin de cette vie de dingue ou il lui semblait se perdre jour après jour dans les méandres les plus noirs de l’âme humaine.
Certes le monstre était hors d’état de nuire, mais des yeux s’étaient fermés à jamais, une jeune vie avait été volée, bien trop tôt, et tous les espoirs que portait l’enfant s’étaient évaporés à jamais sous le couteau du bourreau.
Et lui…
Lui il savait qu’il n’oublierait jamais les yeux fixes, les traits torturés, les mains tordues qui semblaient l’implorer, cette vision abominable qu’il avait eue en ouvrant cette porte alors qu’il avait encore l’espoir que derrière le petit serait vivant. Encore un tableau à accrocher dans sa galerie des horreurs, encore une mémoire dans son Panthéon de l’indicible, ce musée cadenassé dans un coin de sa tête mais qui parfois ressurgissait avec violence menaçant de le précipiter dans les tréfonds d’une folie dont il ne remonterait jamais.
Des soirs comme celui-là, Derek Morgan aurait voulu n’être jamais devenu ce qu’il était.
Il posa sa tête sur sa main, tentant de reprendre contenance. L’équipe l’avait laissé, chacun sachant parfaitement comment il se sentait et que le moment n’était pas venu de s’imposer à lui. Il savait très bien que Hotch allait lui parler dès le lendemain, puis Rossi et les autres, à leur manière… Chacun lui demanderait comment il allait, comment il surmontait ce qui n’était pas leur échec mais qu’ils ne pouvaient s’empêcher de considérer comme tel parce que chaque vie non sauvée pesait toujours plus lourd sur leurs cœurs et leurs consciences. Mais ce soir, ils savaient, avec leur expérience de profiler, que leur collègue avait juste besoin d’être seul pour exorciser ses démons et ils avaient respecté cette nécessité, comme ils respectaient toujours les volontés les uns des autres tant qu’elles ne nuisaient pas à l’équipe.
A cet instant précis, Derek se demandait s’il n’aurait pas plutôt dû se joindre à eux, aller dans ce petit café où ils buvaient ensemble, riaient et plaisantaient, peut-être un peu trop fort, juste pour oublier deux yeux bleus qui ne s’ouvriraient jamais plus.
Et puis, sans qu’il ait entendu le moindre bruit, perdu qu’il était dans ses pensées, il y eut soudain cette main sur son épaule et ses doigts sur sa nuque. Il n’avait pas besoin de lever la tête pour savoir de qui il s’agissait…
Il attrapa la fine main blanche et s’y cramponna, comme un noyé à la bouée qu’on lui envoie. Puis il la porta à sa bouche et la baisa doucement avant de lever enfin les yeux vers la jeune femme qui le regardait, les larmes au bord des cils et tout l’amour du monde au fond des prunelles.
Toi, ce sont ces mains qui traînent
Le long de mon corps
Toi, c'est la vie qui s'enchaîne
A la mort
Pourtant toi
C'est bien plus que ma vie
Bien plus que la mort
Même l'amour est moins fort
Que ce nous qui nous unit
Et nous lie
- Tu vas bien ?
Elle avait cette voix douce qui l’apaisait toujours, et portait ce parfum qu’il aimait tant, ce parfum qui, immanquablement, le faisait voyager sur des rivages ensoleillés où le malheur n’avait plus cours.
- Ca ira bébé…, parvint-il à articuler d’une voix qu’il s’étonna de trouver rauque. Tant que tu es là, ça ira…
Elle se contenta de s’approcher encore et d’attirer son visage contre sa poitrine où il s’enfouit, respirant cette fragrance de vie qu’elle dégageait et qui chassait les miasmes de mort qu’il transportait.
Toi, c'est tout un monde où l'amour se déroule
Plein d'éternité
Monde
De rêves qui s'enroulent
De réalité
Toi, ce sont mes insomnies
Mes peines et mes joies
Et le souffle de ma vie
Pénélope… Son ange… Son ancre… Sa lumière…
Il n’y avait pas un jour, quelles que soient les horreurs qu’il voyait, où il ne remercie le ciel de l’avoir placée sur sa route. La complicité entre eux avait été immédiate, l’amour aussi sans doute, mais il avait fallu du temps pour qu’ils se l’avouent.
Elle avait peur, peur de ces femmes superbes avec lesquelles il aimait s’afficher, peur que son physique qu’elle jugeait quelconque, ses tenues trop excentriques, ses prises de positions trop singulières, éloignent à tout jamais d’elle cet homme qui l’attirait ; lui aimait leur amitié, leurs petites joutes verbales, ces compliments qu’ils s’adressaient l’un à l’autre et ne se rendait pas compte de la place que la jeune informaticienne tenait dans sa vie.
Jusqu’à ce jour où elle avait failli mourir sous les coups de cet homme qu’il aurait aimé pouvoir étrangler de ses propres mains. C’est à ce moment-là, tandis qu’elle luttait contre la mort, qu’il avait entraperçu le gouffre béant sous ses pieds, ce gouffre où il tomberait si elle le quittait. Alors il avait osé lui parler, il avait su trouver les mots pour la convaincre et la rassurer et elle s’était alors donnée à lui avec cette passion qu’elle mettait dans tout ce qu’elle entreprenait.
Il ne pouvait plus imaginer rentrer un soir et ne plus la trouver.
Y'a plus de ciel, y'a plus d'enfer
Y'a plus de terre plus d'espace
Il n'y a plus que toi et moi
Y'a plus de bien, y'a plus de mal
Mais dans nos coeurs il n'y a place
Rien que pour toi et moi
L’équipe n’avait pas tardé à découvrir le pot aux roses. D’ailleurs ni lui ni elle n’avaient rien fait pour leur dissimuler la liaison ardente qu’ils entretenaient. Quand bien même l’auraient-ils voulu, il aurait fallu être aveugle et totalement idiot pour ne pas ressentir l’amour qui les unissait et l’attirance qu’ils éprouvaient l’un envers l’autre. Et leurs équipiers étaient tout sauf aveugles et idiots.
Hotch leur avait simplement indiqué que si leur couple posait problème à l’équipe, il devrait se séparer de l’un d’entre eux, pour le reste, comme tous les autres, il s’était montré sincèrement ravi de les voir heureux ensemble.
Et chaque fois que Derek allait mal, chaque fois que sa tâche lui paraissait insurmontable, elle était là, comme une bonne fée veillant sur son destin.
Toi, ce sont ces mains qui traînent
Le long de mon corps
Toi, c'est la vie qui s'enchaîne
A la mort
Pourtant toi
C'est bien plus que ma vie
Bien plus que la mort
Même l'amour est moins fort
Que ce nous qui nous unit
Et nous lie
Il pleurait à présent, le visage dans son giron et elle se contentait de lui caresser la tête et la nuque tout en le berçant doucement et en lui murmurant des mots doux qui venaient épancher sa peine et soulager sa douleur.
Là, serré contre ce corps chéri, les horreurs de la vie n’avaient plus de prise sur lui et les fantômes s’éloignaient.
Tandis qu’il se cramponnait à elle, comme un enfant désespéré à sa mère, il sentait, petit à petit, son calme revenir et sa vocation se reconstruire. Certes il y aurait d’autres morts tout aussi douloureuses, tout aussi injustes, mais s’il baissait les bras, il trahissait non seulement ceux tombés sous les coups des bourreaux, mais ceux qui tomberaient à leur tour et qu’il n’aiderait pas à venger.
Non… il n’avait pas le droit de s’apitoyer sur lui-même… Pas quand la vie lui avait fait ce merveilleux cadeau…
Toi, c'est tout un monde où l'amour se déroule
Plein d'éternité
Monde
De rêves qui s'enroulent
De réalité
Toi, ce sont mes insomnies
Mes peines et mes joies
Et le souffle de ma vie
Pourtant toi
C'est bien plus que ma vie
Bien plus que la mort
Même l'amour est moins fort
Que ce nous qui nous unit
Et nous lie
Il s’éloigna un peu d’elle, renifla de manière pas très élégante, tirant un sourire mi-attendri, mi-soucieux à sa muse, s’essuya les yeux d’un revers de main puis se leva et l’enlaça en répétant d’une voix cassée :
- Tant que tu es là, ça ira…
Puis il prit sa bouche dans un baiser d’abord plein de tendresse qui devint très vite plein de désir : il avait besoin d’elle maintenant pour exorciser définitivement les démons !
Toi, c'est tout un monde où l'amour se déroule
Plein d'éternité
Monde
De rêves qui s'enroulent
De réalité
Toi, ce sont mes insomnies
Mes peines et mes joies
Et le souffle de ma vie
Et tandis qu’il l’aimait, sa passion et sa fougue répondant à la sienne, deux yeux bleus se fermèrent définitivement dans un coin de sa mémoire tandis que la nuit s’éloignait.
FIN
Chanson de Charles Aznavour