Je vois... En fait tu craques totalement pour le beau Derek alors tu ne peux pas imaginer qu'il te préfère Pénélope...
Allez, embarquement pour le chapitre 3 : attachez vos ceintures!
Chapitre 3
Dans la voiture qui la ramenait vers Quantico, l’éloignant de son amie d’enfance, Pénélope retenait ses larmes.
Six jours…
Six jours seulement qu’elle avait reçu ce coup de téléphone et toute sa vie était bouleversée. Six jours qui allaient marquer le reste de son existence. Six jours pour se replonger dans le passé et affronter un avenir qu’elle n’avait pas imaginé.
Elle chassa les larmes qui lui montaient aux yeux d’un revers de main et remonta le temps, à cet instant où elle était entrée dans la chambre d’hôpital, le cœur battant la chamade, le cœur au bord des lèvres tant elle était nerveuse : revoir Mel après tout ce temps, mais la revoir là, couchée sur son lit de souffrance c’était encore plus dur.
Elle retint un cri en entrant dans la petite pièce et en regardant la seule occupante des lieux : si elle n’avait pas eu la confirmation que c’était bien Melinda Dickson, née Flowers, qui gisait là, elle n’aurait pas reconnue son amie. Où était la pétillante, la ravissante Mel ? Qu’avait-elle de commun avec la créature émaciée, mince jusqu’à la maigreur, la tête enveloppée de bandages, le visage tuméfié, un pansement sur l’œil droit, les lèvres gonflées par les coups, un bras plâtré reposant sur un oreiller tandis que sa jambe était maintenue en extension par des poulies, des fils sortant d’à peu près tous ses orifices tandis qu’une canule nasale lui apportait l’oxygène qu’elle aspirait avec difficulté ?
Pénélope ne put retenir ses larmes alors qu’elle avançait vers son amie, jugulant cette envie de s’enfuir qui la mordait aux tripes.
- Mel…, murmura-t-elle doucement en prenant délicatement la main indemne de la jeune femme, Mel, c’est moi, c’est Penny…
L’infirmière à laquelle elle s’était adressée lui avait pourtant dit qu’il y avait fort peu de chances pour que la patiente se réveille. Elle glissait petit à petit dans le coma, et, bien que, comme elle n’était pas de la famille, la femme n’ait pas voulu lui en dire trop, Pénélope avait compris que le personnel n’avait pas beaucoup d’espoir de voir la blessée s’en sortir.
Ca ne pouvait pas être possible : Mel ne pouvait pas mourir, pas comme ça ! Mel était une battante, elle en avait toujours été une, depuis le premier jour où elles s’étaient rencontrées. Sans elle, Pénélope ne serait pas devenue ce qu’elle était, elle n’aurait pas lutté pour s’en sortir. C’était Mel qui lui avait donné la force de résister, la rage de ne pas se laisser couler, tout en lui offrant cette protection qui lui avait tant manquée durant trop d’années. Alors non, tous les infirmiers et médecins du monde, qui ne la connaissaient pas comme elle la connaissait, pourraient l’affirmer, elle ne croirait jamais que Mel puisse mourir.
- Penny…
Comme pour lui donner raison, Melinda venait d’ouvrir les yeux, ou plutôt l’œil et l’intensité de la douleur qu’elle lut dans la prunelle verte la chavira tandis qu’elle s’asseyait précautionneusement sur le lit pour que son amie la voie mieux :
- Oui, c’est moi Mel… Je suis là…
La blessée inspira le plus profondément qu’elle put : Pénélope avait vu le drain qui sortait de son thorax et elle n’avait pas besoin d’être médecin pour savoir qu’au moins un poumon de son amie était abîmé. Puis, d’une voix où douleur, joie et épuisement s’entendaient, Melinda reprit :
- Oh Penny, mon Dieu, tu es venue ! Tu es venue malgré ce que j’ai fait ! Pardon Penny ! Si tu savais comme je regrette ! Si tu savais comme tu m’as manqué ! Mais j’ai payé pour ma trahison… J’ai bien payé… Si tu savais…
- Chut… Ca n’a pas d’importance Mel. Tu sais… Il n’était pas si important pour moi.
- Bien sûr qu’il l’était ! C’était ton premier amour… Je n’aurais pas dû. Mais il était tellement, tellement charmeur… Il a su me convaincre et…
- Ca n’a plus d’importance, je te le jure. J’ai tourné la page depuis bien longtemps.
- Tu es mariée ? Tu as des enfants ?
- Non… Je suis célibataire.
Un nuage passa sur le visage crispé :
- Tu n’as pas pu faire ta vie à cause de moi ?
- Non ! Arrête de penser ça ! Ca n’a rien à voir ! Et puis, si tu veux tout savoir, je suis amoureuse…
Et elle se mit à raconter, abolissant soudain dix ans de silence. D’un seul coup elle avait de nouveau seize ans et elle confiait à son alter-ego ses premiers émois, son cœur qui battait lorsqu’il entrait dans la pièce, qui chavirait lorsqu’il lui parlait, qui tressautait lorsqu’il posait sa main sur elle et son corps, son corps qui n’en pouvait plus d’être sage et aspirait à se perdre dans les bras musclés, à se donner à ce corps qui l’attirait… Puis elle s’aperçut que Mel avait refermé les yeux et elle se tut, pensant que son amie s’était endormie, mais sitôt sa voix éteinte, la prunelle claire se fixa de nouveau sur elle tandis que de sa voix faible, la blessée disait :
- Parle-moi encore de toi Penny… C’est si bon de t’entendre, si bon de savoir que tu vis, que tu vivras…
- Tu vivras aussi Mel ! s’affola l’analyste à la note d’abandon qui s’était glissée dans le ton de la jeune femme.
Un sourire désabusé distendit les lèvres déformées, qui, mieux que des mots, fit comprendre à Pénélope que ses paroles n’étaient que du vent pour celle qu’elle venait de retrouver.
- Le FBI hein ? souffla celle-ci, sans plus s’appesantir sur le sujet. Qui aurait dit que tu serais un jour du bon côté de la barrière ?
- C’est grâce à toi Mel.
Et devant l’air abasourdi de son amie à cette affirmation, elle enchaîna :
- Si tu n’avais pas…, elle se reprit, craignant que cette tournure ne paraisse accusatrice, si Shawn et toi n’aviez pas eu une aventure, peut-être que je ne serai pas partie… Et sans doute que ma vie aurait pris une autre voie. Alors tu vois : tu ne dois surtout pas t’en vouloir. C’est grâce à toi que je suis devenue ce que je suis.
- Je suis si fière de toi Penny ! Regarde-toi, tu es magnifique !
L’ex-hackeuse se mordit les lèvres : que pouvait-elle répondre en retour à ce compliment ? Si elle le lui retournait, nul doute que Melinda s’étoufferait de rire ou de larmes. Alors elle aussi, comme son amie l’instant d’avant, omit de répondre à la réflexion et changea de sujet :
- L’infirmière m’a dit que tu t’appelais Dickson… Est-ce que ça veut dire que tu as épousé Shawn ?
Il n’y avait aucune acrimonie, aucun regret dans son ton s’aperçut-elle tandis que de nouveau s’imposait à elle l’évidence que Shawn avait juste été un amour d’adolescente qui n’aurait vraisemblablement pas résisté à l’usure du temps.
Mel sursauta à cette question directe et Pénélope s’empressa de la rassurer :
- Non… Je ne te fais aucun reproche. Shawn appartient à mon passé. Mais je t’ai parlé de moi alors c’est à ton tour.
Avait-elle vraiment envie de l’entendre parler d’elle, de savoir ce qu’elle faisait là, seule dans cette petite chambre ? Mais si Melinda lui avait demandé de venir, ce n’était pas pour l’entendre raconter sa propre vie, mais sans doute pour lui parler de ce qui lui était arrivé, peut-être parce qu’elle était du FBI.
La blessée semblait hésiter, comme si finalement elle regrettait d’avoir appelée son amie. Dans son œil unique, la peur le disputait maintenant à la souffrance et cela creva le cœur de Pénélope qui lui caressa de nouveau la main en lui murmurant :
- Tu ne crains rien Mel, tu es en sécurité ici. Dis-moi ce qui t’effraie tant.
- Shawn…, réussit à balbutier Melinda.
- Shawn ? C’est bien ton mari ? Tu veux que je l’appelle ?
Elle avait déjà saisi son téléphone et s’apprêtait à taper le numéro que son amie lui dicterait quand le cri de celle-ci la figea sur place :
- NON ! Il ne faut pas ! Tu ne dois surtout pas…
Les instruments autour d’elle commencèrent à émettre des sons stridents et soudain la chambre fut envahie par plusieurs personnes qui la repoussèrent tandis qu’elles s’afféraient autour de la patiente. Une infirmière lui demanda sèchement de quitter la pièce et elle réussit enfin à faire bouger ses jambes devenues de plomb jusqu’au mur opposé à la porte, contre lequel elle s’appuya, se demandant ce qui s’était passé. Les alarmes cessèrent soudain de sonner et, un à un, les médecins et infirmiers sortirent de la pièce. La dernière à quitter les lieux, une petite femme replète d’une cinquantaine d’années qui portait au revers de sa blouse un badge indiquant : Docteur Morgenson s’approcha de Pénélope et lui demanda d’une voix sèche :
- Qui êtes-vous et que s’est-il passé ?
- Je m’appelle…
- Pas ici ! Suivez-moi dans mon bureau !
- Mais Mel…
- Madame Dickson dort maintenant. Vous ne pourrez pas la voir avant au moins trois heures, si jamais je vous autorise à le faire d’ailleurs ! Maintenant suivez-moi je vous prie.
Pénélope aurait bien aimé se révolter contre l’autorité de cette femme, mais elle ne le pouvait pas. Elle se retrouva à la suivre, tête basse, comme une gamine convoquée chez le proviseur du lycée et qui sait qu’elle va se faire morigéner. Le problème c’était qu’elle ne voyait pas ce qu’elle avait bien pu faire de mal, pensait-elle en cherchant frénétiquement ce qui avait pu déclencher l’accès de panique de Melinda. Parce qu’elle ne se trompait pas sur la crise qui avait terrassée celle-ci : c’était bien la peur poussée à son paroxysme… Mais pourquoi ?
- Alors… Je vous écoute. Qui êtes-vous ? Qui vous a permis d’approcher ma patiente ? Comment avez-vous su qu’elle était là ?
- Je m’appelle Pénélope Garcia. Mel et moi étions… sommes amies ! Et c’est elle qui m’a appelée.
Le visage du médecin s’adoucit instantanément :
- C’est vous Pénélope Garcia ?
- Oui… Mais… vous avez entendu parler de moi ?
- Melinda m’a donné votre nom. C’est moi qui l’aie encouragée à reprendre contact avec vous.
L’analyste nota le glissement de Madame Dickson à Melinda, qui montrait que la praticienne avait un certain degré d’intimité avec sa patiente. Mais avant qu’elle ait pu poser une question, le docteur Morgenson l’interrogeait la première :
- Que s’est-il passé dans cette chambre ? Qu’avez-vous dit à Melinda pour la mettre dans cet état ?
De nouveau la voix était chargée d’accusation et Pénélope s’empressa de se disculper :
- Rien ! Nous parlions… Ou plutôt je parlais, rectifia-t-elle, comme si la nuance était importante.
- Vous lui avez fait des reproches sur ce qui s’est passé autrefois ?
Pénélope la regarda, bouche bée et la doctoresse enchaîna :
- Oui, je suis au courant… Melinda et moi avons beaucoup parlé depuis quelques mois.
- Quelques mois ? Mais… Je croyais… Pourquoi….
La femme leva la main pour interrompre le flot de questions qu’elle sentait venir :
- Je vous expliquerai en détails plus tard. Sachez que je connais Melinda depuis plus de six mois. Mais elle est arrivée ici il y a une semaine. C’est tout ce que vous avez à savoir pour le moment, tant que je ne saurai pas ce qui a provoqué cette crise… Donc je réitère ma question : avez-vous été assez stupide pour lui faire des reproches ?
Cette fois-ci Pénélope se fâcha :
- Je ne vous permets pas de m’insulter ! Vous ne me connaissez pas ! Et non ! Je ne lui ai fait aucun reproche ! Je lui ai dit que j’avais tourné la page depuis longtemps. Je lui ai même parlé de l’homme que j’aime… Elle sait que je ne lui en veux plus.
- Alors quoi ? Il y a forcément quelque chose ? Quelque chose que vous avez dit ou fait ?
- Non, se défendit l’analyste.
- Enfin ! Elle n’a pas fait cette crise de panique pour rien.
Ainsi c’était bien la panique qu’elle avait lu dans la prunelle verte, songea fugacement Pénélope tout en répondant.
- Je ne sais pas… Je lui ai demandé si elle était bien mariée à Shawn et j’ai proposé de l’appeler et…
- Vous avez fait quoi ?
La colère qui flambait soudain dans la voix du médecin coupa net la parole à Pénélope qui la regarda, abasourdie, ne comprenant pas plus la raison de cette réaction que celle qu’avait eue Melinda.
- J’ai proposé d’appeler Shawn, murmura-t-elle d’une voix mourante.
- Mais vous êtes inconsciente ou quoi ?
- Ca commence à bien faire ! s’emporta Garcia à son tour. Il y a dix ans que je n’ai pas eu de nouvelles de Mel ! Elle m’appelle au secours et je viens ! D’après son patronyme, je conclus qu’elle a épousé celui à cause duquel nous nous sommes fâchées et….
Elle se tut, découragée, puis reprit, toute colère ayant déserté sa voix :
- Je n’y comprends rien ! Vous savez quoi ? Laissez tomber ! Je n’aurais pas dû venir ! Je vais rentrer, c’est le mieux que je puisse faire.
Elle commença à rassembler ses affaires et la doctoresse l’interrompit, posant la main sur son bras pour la retenir. Pénélope leva les yeux vers elle et vit que le visage de la femme était maintenant calme, presque compatissant tandis qu’elle lui disait :
- Non… Attendez. Excusez-moi de m’être emportée mais… Melinda est pour moi plus qu’une patiente, vous avez dû vous en apercevoir.
- Vous êtes amies ?
- Non… Ce n’est pas une amie. C’est juste une victime de plus que j’aurais voulu sauver.
- Comment ça ? questionna Pénélope complètement perdue.
- Asseyez-vous, proposa le médecin en s’asseyant elle aussi sur le canapé qui meublait son bureau et en faisant signe à l’analyste de s’installer à ses côtés. En vous confiant ce que je vais vous confier je trahis en grande partie le secret médical, mais je sais que c’est ce que voudrait Melinda : elle a confiance en vous, elle m’a dit que vous étiez la seule amie qu’elle avait jamais eue.
A cette affirmation, Pénélope sentit les larmes lui monter aux yeux et elle s’assit à côté du docteur Morgenson qui reprit :
- En fait, Mel ne vous a pas parlé de sa vie…
- On n’a pas eu le temps… Elle m’a questionnée sur moi et… Vous pensez que je n’aurais pas dû tant parler de moi ? C’était égoïste sans doute !
Soudain la culpabilité l’envahissait mais son interlocutrice la rassura :
- Non ! Non, vous avez bien fait ! Mel ne se serait pas livrée comme cela. Elle avait besoin d’une conversation normale avec une amie perdue de vue depuis trop longtemps. Cela devait lui permettre de se confier à son tour.
Pénélope tiqua au mot « normale », comme s’il y avait quoi que ce soit de normal dans cette situation, pensa-t-elle tout en prêtant attention à ce que le médecin lui expliquait :
- Donc… Vous ne pouviez pas savoir… C’est pourquoi vous avez proposé d’appeler son mari… Ce n’était pas votre faute.
- Savoir quoi ? s’énerva Pénélope. De quoi vous parlez ? En quoi appeler son mari était une erreur ?
Soudain elle s’arrêta, bouche ouverte, le sang quittant progressivement son visage tandis que les éléments du puzzle se mettaient en place dans sa tête. Le docteur Morgenson lut dans les prunelles bleues la montée progressive de la compréhension et elle confirma :
- Oui… C’est bien Shawn Dickson qui l’a mise dans cet état !
(à suivre)