Une songfic à l'époque dédiée à Tarma...
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Jeff Davis. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
J’aurais préféré
Spencer Reid en avait assez ! Assez de ce jeu de cache-cache auquel il se prêtait depuis trop longtemps, assez d’être juste là pour écouter son collègue lui raconter ses conquêtes, ses nuits enflammées, se confier à lui comme à l’ami qu’il pensait avoir.
Combien de fois avait-il retenu les mots qui menaçaient de lui échapper ? Combien de fois s’était-il retenu de faire à son tour courir sa main le long de ce visage qu’il aimait tant ?
Il s’était tu pendant si longtemps… Des mois et des mois de silence, de plus en plus lourd à porter à mesure que ses sentiments évoluaient pour se muer dans cette torture quotidienne qu’était cet amour à sens unique, cet amour impossible.
Pourquoi avait-il fallu que parmi tous les mecs de la création il s’éprenne du seul qui ne pourrait, ne voudrait jamais être à lui ? Quand bien même Derek aurait montré quelques penchants pour les hommes, quelle chance avait-il, lui, l’avorton, la grosse tête fichée sur ce corps trop long, trop maigre ? Comment pourrait-il jamais attirer l’attention de cet Apollon qu’était l’agent spécial Derek Morgan ?
Alors il s’était contenté de son rôle d’ami, de rire avec lui de ses blagues pas toujours drôles, de l’encourager dans ses coups de cœur.
Et il n’en pouvait plus !
J'aurais préféré être une aventure
Une histoire d'un soir, un instant sans futur
J'aurais préféré n'être qu'une de celles
Que tu rejoins la nuit, rien qu'une étincelle
Depuis quelque temps les migraines étaient revenues, plus fortes, plus fréquentes. Le scanner n’avait révélé aucune anomalie et il tremblait de ce que pourrait être le diagnostic : trente ans… l’âge auquel les premiers symptômes étaient apparus chez sa mère, l’âge des premières crises.
Et s’il s’égarait dans cet autre monde où s’était perdue sa mère, jamais Derek ne saurait ce qu’il avait en lui, ce qu’il espérait, ce qu’il attendait.
Mais s’il devait vraiment à son tour plonger dans la folie, alors il n’avait pas le droit de faire vivre ce calvaire à son ami…
Cet ami qu’il aurait tant voulu pouvoir nommer d’un autre nom.
Ne plus être l'ami, le tendre confident
Celui à qui l'on sourit mais qu'on ne voit pas
Au début, lorsqu’il était arrivé dans l’équipe, emprunté, maladroit, intimidé par le professionnalisme de ces hommes qu’il venait épauler de ses connaissances encyclopédiques, trop conscient de n’avoir aucune autre expérience, il n’avait pas pensé un seul instant qu’il tomberait sous le charme du bel agent et ce d’autant plus que celui-ci avait semblé fort dubitatif sur ses capacités à leur être d’une quelconque utilité.
Mais les choses avaient changé et ce cœur qu’il avait trop longtemps ignoré pour ne nourrir que son cerveau, s’était soudain mis à battre au rythme d’un sourire, au son d’une voix, à la vue d’une peau sombre et d’un corps si parfait que bientôt ses nuits avaient été peuplées de ce corps sur le sien, dans des songes érotiques qui le laissaient pantelant de ce plaisir qu’il n’aurait jamais qu’en rêve.
Moi j'aurais préféré que tu te taises enfin
Que je connaisse aussi la douceur de tes mains
Oh j'aurais préféré que tu m'aimes rien qu'une heure
Etre juste un jouet ou même être une erreur
Il savait qu’il n’avait rien de plus à espérer que cette amitié et qu’elle lui était trop chère pour qu’il la risque dans une approche malheureuse qui n’aboutirait jamais.
Derek ne voyait en lui qu’un petit frère, fragile, délicat, un partenaire à qui il pouvait se confier sans fausse honte, sans pudeur, un camarade de drague éventuel à qui il pouvait refiler quelques-unes de ses méthodes pour faire tomber dans ses filets les jolies petites minettes qui tournaient autour de lui.
Comment lui avouer qu’aux minettes il préférait les matous dans son genre, félins, musclés, puissants et que l’idée même de ses mains sur sa peau le faisait se sentir à l’étroit dans son pantalon ? Comment lui faire comprendre que parfois il enviait ces filles qui passaient comme un éclair dans le lit de son ami sans rien savoir de ce qu’il était mais à qui il donnait ce que lui ne recevrait jamais !
Moi j'airais tant aimé, si tu savais
J'aurais préféré ne plus être moi
Préféré aussi t'avoir rien qu'une nuit
Etre celui que l'on s'offre mais qui n'a pas de prix
Pourquoi n’était-il pas capable de s’assumer enfin ? Il avait trois doctorats, plusieurs maîtrises, il était un génie aux dires des autres et pourtant il se révélait totalement inapte aux relations humaines ! A quoi lui servait cette grosse tête si elle ne le menait pas sur le chemin du bonheur !
Il n’avait jamais aimé prendre des risques et surtout pas de cette importance : parler c’était s’exposer à perdre une amitié précieuse, se taire c’était continuer à souffrir au-delà du supportable. Dans les deux cas il se perdait, il le perdait.
Il porta la main à son front : la migraine revenait, comme toujours lorsqu’il pensait à toutes ces occasions perdues, à cette lâcheté qui l’empêchait d’affronter cette réalité, ou plutôt d’y confronter celui pour lequel son cœur battait.
Moi j'aurais préféré ne rien savoir de toi
Que la force de ton corps, la douceur de ta voix
Oh j'aurais préféré être fait de plaisir
Et je pourrais enfin te voir fermer les yeux
- Spence… ça ne va pas ?
Sa voix juste au-dessus de lui, sa main sur son épaule, l’odeur de son after-shave qui venait chatouiller délicieusement ses narines et réveiller sa virilité…
Il sursauta, bredouilla quelques mots incohérents et s’éclipsa en direction des toilettes pour hommes avant que son trouble ne devienne trop apparent. Comment pourrait-il encore rester dans cette équipe si désormais son corps réagissait au moindre contact avec son collègue ? Mais comment pourrait-il partir, justifier une telle décision ? Comment surtout pourrait-il survivre loin d’eux, loin de LUI ?
- Maintenant tu vas me dire ce qui ne va pas !
Il se retourna, affolé comme une biche cernée par les chasseurs.
- Rien… Tout va bien..., répliqua-t-il mollement aussi peu convaincant qu’un gamin pris sur le fait et qui s’entête à nier sa bêtise.
- A d’autres Spence ! Je sais bien que quelque chose ne va pas. Ca fait des semaines que tu sembles me fuir, comme si tu avais quelque chose à me reprocher ! J’ai attendu, en me disant que nous étions amis, que tu finirais par me parler… Mais comme tu ne sembles pas vouloir le faire ! Je te préviens que ni toi ni moi ne quitterons cette pièce avant d’avoir mis les choses au point !
- Je n’ai rien à te dire Derek ! Rien !
Ou plutôt tant à dire, tant qu’il ne dirait jamais !
N'être rien, juste un homme mais si homme une nuit
Partager tes plaisirs et sortir de ta vie
Oublier tous ces mots, même les confidences
Et ne sentir enfin que l'odeur de ta peau
- Alors on est là pour un moment ! déclara Morgan en s’appuyant à la porte tout en croisant les bras.
La détermination qui s’était peinte sur son visage fit comprendre à Reid qu’il n’y avait rien qu’il puisse faire pour le persuader de le laisser passer. Il était coincé !
Son cerveau semblait tourner à vide tandis qu’il cherchait vainement un motif plausible à son attitude, quelque chose qu’il puisse jeter en pâture au redoutable profiler. Il avait reculé à l’autre bout de la pièce d’eau, s’appuyant au mur comme s’il avait peur de s’effondrer et la souffrance se lisait sur son visage. Les yeux de Derek se firent plus doux, plus chaud avec quelque chose au fond des prunelles qui le fit frémir tandis que l’homme qu’il aimait en secret disait d’une voix adoucie :
- Parle-moi Spence… Quoi que tu dises, quoi que tu aies fait ou pensé… quoi qu’il se passe je serai toujours là pour toi. Je suis ton ami.
Plus fort que lui, plus fort que la raison la digue céda alors à ce simple mot :
- Mais je ne veux pas être ton ami Derek ! Tu ne comprends pas ! Je n’en peux plus de n’être que ton ami !
Je suis prêt à tout perdre et prêt à tout donner
Pour savoir de toi ce qui ne se dit pas
Les gestes impudiques, les désirs que l'on tait
Belle comme la musique de l'amour que l'on fait...
- Alors c’était ça… juste ça…
Le petit rire qui ponctua la phrase, le ton amusé de celle-ci, la proximité qu’il ressentit soudain le forcèrent à relever la tête vers l’homme à qui il venait de crier son amour. Il s’aperçut alors seulement qu’il était tombé à genoux, le dos voûté, les mains entre ses cuisses, comme s’il s’attendait à être foudroyé de l’aveu qui avait passé ses lèvres.
Mais l’orage ne s’était pas abattu sur lui… Au contraire…
Comme dans un rêve il vit Derek se pencher vers lui, le relever et le prendre dans ses bras :
- Si tu savais combien de fois j’ai rêvé que tu me dises enfin cela pretty boy… Si tu le savais !
Non… Non il ne le savait pas… Il ne voulait même pas le savoir, même pas chercher à comprendre. Tout ce qu’il voulait, c’était se fondre dans cette étreinte, faire durer ce rêve encore et encore jusqu’au réveil forcément douloureux.
- Non… Tu ne rêves pas pretty boy, et moi non plus… murmura Derek à son oreille en le serrant un peu plus fort contre lui.
Pretty boy… Ses prunelles se rivèrent à celles de son ami, son cœur s’affola de ce qu’il y lut et soudain son cerveau se remit à fonctionner à toute vitesse et des milliards de questions se pressèrent sur ses lèvres.
- Chut ! susurra Derek en posant un doigt sur sa bouche. Plus tard… Pour le moment je veux faire ce dont je rêve depuis trop longtemps…
Et avant que Spencer n’ait pu s’émerveiller une fois de plus que le profiler ait lu en lui comme dans un livre ouvert, ses lèvres furent capturés par celles de Morgan, d’abord douces, comme pour l’apprivoiser, puis de plus en plus exigeante à mesure que le désir montait en eux, que leurs langues venaient se goûter, se découvrir. Derek avait plaqué le génie contre le mur et ils sentaient leur désir mutuel s’exacerber de ce contact.
Envolée la migraine, oubliée la souffrance, éparpillées les hésitations, désintégrée la peur…
Tant pis si ce n’était qu’un rêve, tant pis si ce n’était que pour un instant : cet instant-là, le docteur Spencer Reid s’en souviendrait toute sa vie : l’instant où enfin il apaisait ce désir brûlant et étanchait son amour. Qu’importait ce que ça durerait : il était vivant et amoureux ! Ils étaient vivants et amoureux !
Par la magie d’un baiser, deux amis étaient en train de devenir amants.
FIN
Chanson de Chimène Badi