Songfic écrite pour Fanncis l'an passé...
Les personnages de « Moins Une » ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de Fanncis et Pandi. Je ne les emprunte que pour cette fiction dont je ne tire aucun bénéfice.
Ballade pour un fou
Owen s’était figé, immobile, regardant son époux sans croire ce qu’il venait d’entendre.
Partir ? Partir loin de lui ? Loin d’eux ? Il en était donc là son amour, perdu, écartelé entre ses démons, ses désirs, ses doutes… Mettre fin à deux années de vie commune, certes avec des hauts et des bas, mais aussi emplie de tellement d’amour, de rires, de confidences. Avaient-ils tellement avancé pour en arriver là ?
- Alex… Alex… parle-moi…
Parler….
Il lui semblait qu’ils n’avaient fait que ça depuis des semaines, depuis que tout avait basculé sans qu’il sache vraiment pourquoi. Bien sûr il y avait eu des signes avant-coureurs, bien sûr il savait que son Baby n’allait pas bien. Mais de là à vouloir partir, les laisser derrière eux, lui et Océane, fuir un passé qui hantait son présent et empoisonnait son avenir…
-Non… Je ne te laisserai pas partir.
Tu vois, je suis planté, planté, planté,
Au milieu d’un désert, (1)
Dont mes rêves sont faits
Des enfants astronautes gonflent mon cœur
Pour le voir s´envoler au milieu des splendeurs
- Rappelle-toi nos beaux moments : notre première fois, l’arrivée d’Océane, notre mariage, notre voyage en Egypte… Rappelle-toi tout ce que nous avons traversé ensemble, tous les démons que nous avons vaincus parce que nous étions deux. Non… Non tu ne partiras pas !
Il avait tant de choses à lui dire, lui, le taiseux, lui qui avait, à son contact, appris que parler libère, fait avancer, panse les blessures.
Non ! Il n’accepterait pas de le voir partir loin de lui, disparaître à jamais parce qu’il savait que s’il le laissait franchir le seuil de cette porte, quitter leur petit nid, il ne reviendrait pas, courant toujours après ce qui lui manquait et qu’il n’arrivait pas à identifier.
Tu vois, je suis planté, planté, planté,
A Montréal la fière, la ville aux yeux fardés
Au fond de cet estuaire, où viennent les grands voiliers (2)
Donner à la rivière, un long baiser salé.
- Tu ne partiras pas, parce que je t’aime et que j’ai besoin de toi. Tu ne partiras pas parce qu’Océane a besoin de son papa.
- Elle t’a…
- Oui, elle m’a et elle m’aura toujours. Mais si tu t’en vas, qui lui parlera de cette mère que je n’ai pas connue ?
- Il y a les bandes, les photos…
- Ce n’est pas pareil. Tu sais faire revivre les gens, tu sais les rendre réels, par la magie de tes mots, le son de ta voix, l’éclat de tes yeux lorsque tu parles d’eux. Et puis tu es son père !
- Pas plus que toi !
- Tu es son père biologique Alex, celui qui représente ses racines ! Tu n’as pas le droit de la laisser ainsi, se demander pourquoi soudain il y a un vide dans sa vie.
- Elle est petite, elle s’en remettra.
- Et moi ? Moi !!!! Tu crois vraiment que je m’en remettrais ? Tu crois que je pourrai aller de l’avant si tu n’es pas là pour me tenir la main ? Tu crois que sans toi j’aurais encore envie de continuer ?
Loco, Loco, Loco
C´est le nom qu´ils me donnent
Et qui veut dire fou
Et dans ce monde
Où tous les hommes se croient debout
Je suis le seul à me vanter
De me traîner à tes genoux
Comment lui dire ? Comment lui faire comprendre ce besoin impérieux, cette nécessité vitale de sa présence, de sa peau, de son odeur ? Comment lui faire comprendre, sans l’effrayer, la place qu’il avait dans sa vie.
Sans lui, il n’y aurait plus rien… Rien qu’un long chemin vide de sens. Oh, bien sûr, il savait déjà que son sens du devoir le contraindrait à s’accrocher, pour Océane qu’il aimait éperdument. Mais pour autant, sa vie à lui n’aurait plus aucune saveur, aucune odeur… Incolore, insipide, inodore… Voilà ce que ce serait, jour après jour, mois après mois et pour les années qui lui resteraient à vivre.
Comment lui dire qu’il était tout simplement totalement, irrémédiablement amoureux, et prêt à tout pour le garder.
Loco, Loco, Loco
C´est le nom qu´ils me donnent
Et qui veut dire fou
Et dans ce monde
Où tous les hommes se croient debout
Je suis le seul à me vanter
De me traîner à tes genoux
S’il le fallait, il accepterait même de le partager….
A cette proposition, Alex l’avait regardé, les yeux ronds :
- Tu crois que je te trompe ?
- Pourquoi voudrais-tu me quitter sans cela ?
Quelle explication donner à cette décision sinon un autre amour, ailleurs, une femme peut-être qui lui donnerait un autre enfant, un enfant que lui ne connaîtrait jamais… Mais s’il le fallait, alors il accepterait le partage, parce que seul le bonheur de son amour comptait à ses yeux, même si lui devait souffrir. Il ne pouvait pas imaginer la vie sans lui, c’était tout simplement impossible.
Il y avait tant de petits riens qu’il aimait chez lui : son sourire, ses yeux magnifiques, cette petite moue qu’il faisait quand il était contrarié, la beauté de son visage encore un peu enfantin, et son abandon dans le sommeil, lorsqu’il le tenait dans ses bras en se sentant dépositaire de sa confiance.
Tu vois, je suis planté, planté, planté
Dans un ciel de réglisse, j´ai jeté mes dragées
C´est ta croix du sud que je viens de semer
Et qui du fond du ciel étoile ton sommeil.
La musique qu’il avait mise au début de la matinée résonnait dans sa tête et il sentait la migraine arriver. C’était cette musique triste du fado, l’éternelle histoire d’amour toujours tragique que racontaient les longs sanglots de la mélodie lancinante, comme si déjà les instruments pleuraient sur la fin de leur histoire.
Il restait là, bras ballants, au milieu la terrasse, cherchant à trouver les mots qui convaincraient son époux de rester auprès d’eux, cherchant quoi lui proposer pour qu’il accepte au moins de revenir de temps à autre, même si c’était pour sentir sur lui les effluves du parfum d’un ou d’une autre… Il saurait être fort tant qu’Alex serait là… S’il passait la porte, s’il partait sans retour, alors il s’effondrerait, comme un château de carte au souffle d’un vent léger. Il tomberait sans filet….
Il regardait droit devant lui, la ville qui s’étendait à leurs pieds dans le crépuscule déjà avancé et il cherchait désespérément les mots qui le sauveraient.
Tu vois, je suis planté, planté, planté
Le souffle du bandonéon, avale mes poignets
Les cils des feux rouges clignotent sans arrêt
Pour me faire chanter, me taire ou bien voler
- Il n’y a personne d’autre Owen ! Comment peux-tu croire une seule seconde que je te tromperais ? Tu es ce qui m’est arrivé de meilleur ! Jamais je ne pourrai te faire de mal !
- Et pourtant tu m’en fais ! Tu m’en fais en décidant de partir comme ça !
- Je suis désolé… Ce n’est pas ce que je veux… Je t’aime !
- Alors si tu m’aimes montre-le moi ! Si tu m’aimes, parle-moi ! Dis-moi ce qui ne va pas ! Ce que je dois faire pour que tu restes ! Dis-moi où je me suis trompé, où j’ai merdé ! Dis-moi ce que je dois corriger en moi pour te garder ! Je ferai tout, tout ce que tu voudras, sans poser de questions, sans me plaindre, sans me mettre en colère ! Je ferai tout pour toi, tout !
Loco, Loco, Loco
C´est le nom qu´ils me donnent
Et qui veut dire fou
Et dans ce monde
Où tous les hommes se croient debout
Je suis le seul à me vanter
De me traîner à tes genoux
Oui, il était capable de tout, de mentir, de trahir, de voler, de tuer même s’il l’avait fallu ! Il s’effraya soudain de l’intensité des sentiments qui le traversaient. Jamais, même avec Jeff il n’avait ressenti cela. A croire qu’Alex l’avait totalement envoûté, mais c’était un envoûtement dont il aurait voulu ne jamais s’extraire.
Malgré tout ce qu’ils avaient vécu, malgré toutes les épreuves traversées en si peu de temps ou peut-être finalement grâce à elles, il ne s’était jamais senti aussi proche, aussi fusionnel de qui que ce soit, ou alors peut-être avec son frère, mais ce n’était pas la même chose et puis ils étaient encore si jeunes quand le destin avait tranché définitivement ce lien qui les unissait ! Parfois il se demandait ce qu’il serait devenu si ce jumeau adoré avait vécu…. Parfois seulement… Parce que contrairement à Alex, il ne s’appesantissait pas sur le passé : il lui suffisait du présent et d’un avenir qu’il espérait heureux et qu’il bâtissait au jour le jour.
- Je t’aime Alex… Je t’aime comme un fou !
Loco, Loco, Loco
C´est le nom qu´ils me donnent
Et qui veut dire fou
Et dans ce monde
Où tous les hommes se croient debout
Je suis le seul à me vanter
De me traîner à tes genoux
Alex restait là, se sentant mal, ayant l’impression d’être un monstre soudain. Pourquoi vouloir plus que ce que la vie lui avait apporté ? Et elle lui avait fait deux merveilleux cadeaux : Océane et Owen. Avait-il le droit de tout saccager simplement parce qu’il ne savait plus où il en était ?
Ce n’était pas la première fois qu’il se sentait ainsi, inutile, déplacé, sale, indigne de cet homme qui lui apportait tant de bonheur, un bonheur qu’il était assez ingrat, assez stupide pour mettre en danger, juste parce que dans sa tête tout était si confus, si désordonné. Son cœur lui était limpide comme de l’eau et ne battait que pour ses deux amours… Son âme ne s’exaltait que lorsqu’il était près d’Owen, l’homme qui lui était destiné, l’homme qui l’avait réconcilié avec son corps, avec l’amour…
Alors pourquoi… Pourquoi ce désir de fuir ? Fuir et mentir… serait-ce toujours les deux seules choses à quoi il serait bon ? Ah non ! Il y avait aussi détruire ! Sa trilogie : fuir, mentir, détruire !!! Et dire qu’il s’appelait Lachance ! Lapoisse aurait été mieux porté !
Cette déclaration d’amour l’avait heurté en plein cœur, réveillant ses propres sentiments… Non… non il ne partirait pas, non, il ne fuirait pas une fois de plus, une fois de trop. Ils allaient s’asseoir et se parler et il ne cacherait rien ni de ses errances, ni de ses erreurs. Il lui dirait tout et si alors son époux voulait toujours de lui, il prendrait sa main et ne la lâcherait plus, plus jamais.
- Je ne bouge pas de là Owen… Pardonne-moi. Je veux rester ici, avec toi, avec Océane. Prends-moi simplement dans tes bras et dis-moi encore que tu m’aimes.
Les larmes roulaient sur ses joues et Owen s’approcha doucement, pris son visage en coupe dans ses mains et l’essuya de ses pouces avant de déposer un baiser léger sur ses lèvres, doux comme un zéphyr, comme s’il avait peur, en insistant plus, d’effaroucher son amour. Puis il le prit dans ses bras, comme il le lui avait demandé, se rassurant de sentir leurs cœurs s’accorder immédiatement et répondre au tempo de la musique qui avait succédé à la chanson précédente : une musique plus gaie, apaisante, rassurante…
Il n’avait pas en main tous les éléments pour comprendre, mais il tenait l’homme qu’il adorait au creux de ses bras, à la place qui était faite pour lui, et le reste, tout le reste pouvait attendre…
Tu vois, je suis planté, planté, planté
FIN
Chanson de Julien Clerc
Paroles originales :
1 : Au milieu du désert,
2. Au cœur de Buenos Aires, la ville aux yeux fardés
Au fond de cet estuaire, où viennent les pétroliers