Dernier reclassement de la saison : le cadeau de Noël destiné à Pandi et Fanncis.
Disclaimer: Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Ann Donahue & Anthony E. Zuiker. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction. Petit clin d’œil aussi avec les autres personnages qui ne m’appartiennent pas non plus : l'équipe de "Les infiltrés", série créée par Pandi et Fanncis.
Equipiers
- Hé Danny !
Danny Messer, policier de la police scientifique de New-York se retourna à l’appel et sourit en voyant arriver son jeune collègue. Jérémy Stafford était arrivé dans le service depuis trois semaines maintenant, à la place d’Adam parti en vacances deux semaines et qui, à son retour, avait appris que le stage qu’il avait demandé sur les nouvelles techniques criminelles, avait enfin été accepté par la hiérarchie. Il avait donc refait ses valises et s’était envolé pour Washington pour une durée de douze semaines.
Bien qu’il regrette parfois l’absence de son ami, Danny avait noué des liens avec Jérémy. Ce gamin lui rappelait un peu le Danny qu’il avait été à une époque : écorché vif, ayant du mal à trouver sa voie, un peu trop près de la ligne pour sa propre sécurité, jeune chien fou qui pensait tout savoir et que le monde lui en voulait personnellement. Il avait réussi à obtenir la confiance du jeune homme et il espérait que celui-ci saurait venir le trouver si un jour il se sentait attiré un peu trop par l’idée d’une connerie toujours possible venant de sa part.
Mais évidemment, si le laborantin n’avait pas été à la hauteur, son tempérament et son histoire personnelle n’auraient sans doute pas suffi à ce que Danny lui accorde confiance et protection au point d’ailleurs, avec la bénédiction de Lindsay, d’avoir proposé au nouvel arrivé la chambre d’amis pour s’installer, le temps qu’il trouve un logement à son goût et dans ses moyens. Et depuis trois semaines qu’il logeait chez eux, Jérémy ne leur avait pas fait regretter sa décision. Il adorait Lucy, qui le lui rendait bien, et avait même permis au couple quelque sorties en amoureux dont ils avaient bien besoin.
Ainsi ramené à ses préoccupations privées, Danny soupira. Il n’y avait pas besoin d’être un grand clerc pour comprendre que quelque chose n’allait pas entre lui et Lindsay. Oh, ils ne se disputaient jamais, étaient toujours d’une grande politesse l’un envers l’autre et leur tendresse mutuelle était évidente, mais lorsqu’il s’autorisait à être honnête avec lui-même, il savait que ce n’était pas de l’amour, plus celui qui l’avait poussé vers elle cinq ans plus tôt. D’ailleurs, parfois, il se demandait si cet amour avait vraiment existé ou n’avait été qu’un désir que la venue intempestive de Lucy avait transformé en quelque chose de plus fort.
Puis il repoussa ces pensées importunes. De toute façon il ne quitterait pas Linday, surtout pas maintenant qu’elle attendait leur deuxième enfant. Danny Messer était peut-être un type compliqué, mais il se voulait un type bien et il ne laisserait pas seule une femme qui lui avait accordé sa confiance, offert son amour et fait le cadeau inestimable de le rendre père.
- Allo la Terre ! Messer ! Vous m’entendez ?
Ramené à la réalité par l’interpellation de son collègue, Danny focalisa enfin son attitude sur celui-ci.
- Oui… Désolé Jérém ! Je suis toute ouïe…
- A quoi pensais-tu ? Pas de problème j’espère ?
- Non… Rien…
Et devant l’air dubitatif du jeune homme, il insista :
- Rien qui ne puisse être réglé… Je t’assure…
- Si tu le dis…
- Bon… Qu’est-ce qui t’amène ?
Et le boulot balaya les pensées personnelles et les interrogations de toute façon inutiles. Les éléments apportés par le jeune homme étaient de ceux qui nécessitaient l’intervention de Mac et les deux scientifiques se dirigèrent vers le bureau de leur supérieur.
- Danny, Jérémy ! Vous avez quelque chose ? les apostropha le lieutenant dès qu’ils franchirent le seuil après s’être annoncés.
- Oui… Jérémy pense avoir une trace ADN qui confirmerait nos soupçons.
- Dites m’en un peu plus !
L’ordre qui venait de fuser n’était pas de Mac mais du lieutenant Charles Lewis, présent dans le bureau avec le lieutenant Don Flack. Les deux hommes faisaient équipe sur ordre de leur hiérarchie dans la complexe enquête sur des disparitions inquiétantes et des overdoses en cascades qui mettaient la police new-yorkaise sur les dents depuis près de trois mois. Charles Lewis, ancien marine revenu d’Irak quelques mois plus tôt, avait intégré les stups et il avait été désigné pour mener l’enquête conjointe avec la criminelle. C’était un homme d’une quarantaine d’année, plutôt bien fait de sa personne, mais d’une arrogance qui agaçait fortement Danny. A son contact, il lui semblait même que Don devenait plus dur et il n’aimait pas cela. Don était son ami depuis ses débuts à la scientifique, il ne voulait pas que quelqu’un se mette entre eux.
Il n’avait pas envie de se demander pourquoi la présence de Lewis l’insupportait autant, pourquoi il se sentait abandonné lorsqu’il voyait Don sourire à son équipier de ce sourire qui lui faisait toujours chaud au cœur lorsque c’était à lui qu’il était adressé. Il n’en avait pas le droit. C’était comme pour Lindsay… Affaires privées…
- Hé ! Messer ! Je vous ai parlé il me semble !
La voix rogue de Charles Lewis le ramena de nouveau à la réalité et il se secoua : il était plus que temps qu’il arrête de se perdre ainsi dans ses pensées. Ca lui arrivait de plus en plus souvent depuis quinze jours et ce n’était franchement pas le meilleur moment pour cela. Il devait une fois pour toute se contenter de ce qu’il avait… Se contenter… Il grimaça un peu à ce vocable peu flatteur pour ceux qui habillaient sa vie de bonheur ! Puis il mit fin à ses réflexions vagabondes et se concentra sur leur affaire.
Lorsqu’ils eurent terminé de leur donner les dernières nouvelles, Flack et Lewis partirent d’un même pas pour interpeller le suspect trahi par son ADN, espérant remonter grâce à lui jusqu’en haut de la filière. Danny les regarda partir côte à côte : même taille, même silhouette élancée, même détermination dans le pas… Il refusa de se demander pourquoi soudain son cœur se serrait à cette vision tandis qu’une vague de mauvaise humeur l’envahissait.
*****
La rencontre avait été plutôt houleuse. Mac avait décidé de cette réunion entre les différents agents travaillant sur le dossier afin d’affiner le profil de leur suspect qui, épaulé par des avocats retords et parfaitement amoraux, comme trop souvent ils en rencontraient, continuait de nier farouchement malgré les évidences et réussissait à instiller le doute dans l’esprit de certains magistrats. Le procureur commençait à tiédir à l’idée de perdre un procès, lui qui espérait de la médiatisation de cette affaire, poser la première marche d’une réélection sans obstacles.
Alors le lieutenant Taylor les avaient tous réunis : laborantins, analystes, psychologues, flics ayant de près ou de loin eu un rôle dans l’enquête, et bien sûr son équipe de scientifiques, celle dont il était si fier.
Tout d’abord, l’ambiance avait été chaleureuse, malgré la tension qui régnait eu égard aux enjeux qui se jouaient là. Et puis, suite à une remarque de lieutenant Lewis, Danny était monté au créneau, accusant le flic de les prendre de haut et de mettre en doute leurs compétences professionnelles. Aussitôt Don avait pris la défense de son coéquipier, assurant que le scientifique s’était mépris quant aux paroles de Charles.
- Dis tout de suite que je suis un parfait crétin ! avait alors aboyé Messer.
Jérémy Stafford s’était mêlé au débat pour appuyer son collègue et cette fois-ci c’était Flack qui l’avait mal pris.
Bref, il avait fallu que Mac remette les protagonistes en place par l’un de ces sermons bref mais bien senti dont il avait le secret. Penauds, les quatre hommes n’avaient plus moufté du reste de la réunion, mais ils n’en avaient pas moins échangé des regards chargés de ressentiment les uns envers les autres.
Maintenant ils se dispersaient. Ils auraient dû être sereins : grâce à la réunion de leurs informations, ils pensaient avoir trouvé la faille qui deviendrait le gouffre où tomberait le criminel qu’ils traquaient. Mais pour deux d’entre eux, on était loin de la satisfaction du devoir presque accompli.
Don regardait partir Danny, flanqué comme toujours de son inséparable Jérémy et, une fois de plus, il se demanda pourquoi cette vision le mettait de si mauvaise humeur. Ou plutôt non… Finalement il ne se le demandait pas, mais il s’interdisait de formaliser les conclusions auxquelles il était parvenues.
- Un fichu caractère ce Messer !
Flack sursauta, n’ayant pas entendu Lewis arriver à ses côtés.
Il se tourna vers son équipier provisoire et, maussade, il acquiesça.
- Sûr… Mais c’est aussi un bon flic.
- Ah oui ?
L’air dubitatif de son collègue agaça Don qui insista :
- Bien sûr ! Ne le prends pas pour un rigolo sous prétexte qu’il est dans la police scientifique. C’est un fameux laborantin mais c’est surtout un sacré flic ! Je lui confierai ma vie sans hésiter.
- Pas besoin de me le dire… Ca se voit.
- Quoi ? Qu’est-ce que tu entends par là ?
- Don… Ca fait quoi… trois mois maintenant qu’on se connaît ? Arrête de me prendre pour un con ! Je vois clair dans ton jeu.
Mauvais, Flack fit face à son partenaire :
- Tu vois clair dans quoi ?
Charles jeta un coup d’œil alentours : il n’avait pas vraiment envie que tout le labo sache ce qu’il avait à dire à son collègue. Au début il avait eu quelques doutes, mais à force de côtoyer le flic, il avait fini par se dire qu’il ne se trompait pas. Et si Don ne voulait pas voir la vérité en face, c’était peut-être le meilleur service à lui rendre que de l’obliger à ouvrir les yeux. Malgré tout, il ne voulait pas le mettre dans l’embarras. Avisant une pièce vide, il y poussa son collègue et referma la porte pour la petite conversation qu’il projetait depuis un bout de temps. Mais ça n’avait jamais été le moment propice et il n’aurait jamais cru que ça se passerait comme ça. Pourtant il sentait que c’était l’instant adéquat et que s’il le laissait échapper il n’aurait peut-être pas d’autre occasion. Une fois isolés des autres, il reprit :
- Tu en pinces pour lui mec…
- QUOI !!!! T’es pas bien ou quoi !!!! D’abord il est marié !
Le sourire de Lewis s’intensifia tandis qu’il répliquait :
- Tiens donc… Un autre se serait écrié qu’il n’était pas gay ou que Danny ne l’était pas… Toi, ta première réaction c’est : il est marié !
- Connard ! Ca veut dire la même chose ! Il est marié à une femme ! Ca veut dire qu’il n’est pas gay !!!
- Et toi ?
- Moi ?
Don resta coi. Il aurait bien sûr voulu proclamer qu’il n’était pas, n’avait jamais été et ne serait jamais attiré par les hommes, mais il avait de moins en moins envie de se mentir et de mentir aux autres. Certes il ne savait pas vraiment où il en était, mais proclamer face à un collègue, devenu en peu de temps un ami sûr, quelque chose qu’il savait au plus profond de lui être une contrevérité, il n’en avait plus envie.
- Tu veux que je te dise ? J’en sais rien ! Ca me bouffe de l’avouer, mais j’en sais rien ! Jusqu’à il y a peu de temps, je n’avais jamais envisagé d’être…
- … homo ?
Flack haussa les épaules, puis jeta un regard un peu effrayé autour de lui, semblant seulement se rendre compte d’où ils étaient. Rassuré par leur isolement, il fixa son partenaire dans les yeux et, d’un ton délibérément provoquant il répliqua :
- Et si cela était ? Ca te poserait un problème ?
- Aucun ! D’ailleurs, si ça m’en posait, tu crois vraiment que je me serais rendu compte de quelque chose ?
La réplique tilta dans l’esprit de Don dont les yeux s’écarquillèrent :
- Attends… Est-ce que tu essaies de me dire que…
- Que je suis homo ? Je n’essaie pas particulièrement de te le dire, mais si tu veux le savoir : oui, je suis gay.
- Tu ne me l’as jamais dit.
- Pourquoi aurais-je dû te le dire ? Pourquoi faudrait-il qu’un homo doive annoncer sa sexualité lorsqu’il se présente ? Est-ce que tu m’as dit « Salut, lieutenant Flack, hétéro ! », lorsqu’on s’est rencontrés ? Perso je me fous totalement de qui couche avec qui tant que je peux compter sur mes collègues.
- Tu as raison… Mais tous les flics ne raisonnent pas comme toi.
- C’est pour ça que tu te caches ?
- Non… C’est…
Il s’interrompit, regarda son vis-à-vis et s’étonna soudain :
- Comment ça se fait que je te parle de ça ? Jusque là, je n’avais même pas vraiment pris conscience que… On se connaît depuis à peine plus de trois mois et… Comment tu fais ?
- Je dois être doué pour inspirer confiance. Ou bien j’ai un don pour lire dans l’âme des gens qui me plaisent.
- Les gens qui te plaisent… Est-ce que… Tu veux dire que…
- Non ! Rassure-toi : je n’ai pas du tout flashé sur toi. Tu es un bon collègue, et j’espère un ami. Mais… En plus, je crois que ton cœur est pris par ailleurs.
- Comment tu le sais ? C’est si évident ?
Lewis éclata d’un rire bref en entendant l’anxiété dans la question :
- Rassure-toi, je ne crois pas que beaucoup de monde se soit rendu compte de quoi que ce soit.
La réponse fut loin de rasséréner le lieutenant qui pâlit un peu plus en répétant :
- Pas beaucoup de monde ? Tu veux dire que…
- Il faudrait que tu apprennes à finir tes phrases Flack. Je veux dire que, sauf erreur de ma part, Taylor et Denville ont percé ton petit secret. Mais il est en de bonnes mains et tu peux être sûr qu’avec eux il ne sera pas révélé au grand jour tant que tu ne seras pas prêt pour ça.
- Mac et Jo ? Tu pense que… qu’ils savent ?
- J’en mettrai ma main à couper ! Et je pense aussi que…
Il s’interrompit brusquement.
- Cette fois-ci, c’est toi qui ne finis pas ta phrase.
- Parce que je ne voudrais pas dire de connerie.
- Oui, mais tu en as trop dit, ou pas assez. Qui d’autre est au courant à ton avis ?
Lewis se mordilla la lèvre quelques instants, indécis. Après tout il pouvait être totalement à côté de la plaque, mais il avait bien observé les uns et les autres depuis trois mois, mieux qu’aucun ne pouvait le soupçonner, et il avait tiré pas mal de conclusions qui, petit à petit, se confirmaient toutes. Seulement, avait-il le droit de s’immiscer dans la vie privée des autres ? Ne risquait-il pas de déclencher une crise dont il ne savait pas comment elle se terminerait ? Cette équipe fonctionnait bien, l’une des meilleures qu’il ait jamais côtoyée. Il savait qu’il allait partir lorsque l’enquête serait terminée : avait-il le droit de laisser derrière lui une équipe déchirée ? Mais se taire empêcherait-il les choses de mal se passer ou au contraire permettrait-il de les arranger ?
Finalement, il opta pour la franchise, parce que c’était dans sa nature profonde et parce que de toute façon, le risque lui paraissait aussi grand de se taire que de parler :
- Je pense que Lindsay le sait.
Flack le regarda, les yeux ronds, la bouche entrouverte, le souffle coupé.
- Quoi ? Mais…, réussit-il à coasser.
Charles en aurait ri s’il n’avait pas ressenti tout le désarroi de son collègue.
- Je peux me tromper mais… Et si j’ai raison, je ne crois pas que tu doives t’inquiéter.
- Je ne dois pas m’inquiéter ? La femme de l’homme que… enfin… de Danny, saurait que je suis gay ? Et je ne dois pas m’inquiéter ?
Lewis s’approcha de lui et posa ses mains sur ses épaules :
- Elle n’est pas ton ennemie Don. Je pense même que c’est une alliée.
- Tu rigoles ! Tu ne sais pas…
- Tu crois que je ne sais pas ? Tu crois que je n’ai pas compris ? A ton avis, pourquoi on a cette conversation ?
A ce moment-là la porte s’ouvrir sur un Danny plutôt pâle, au regard plus que courroucé :
- Quand vous aurez fini de roucouler tous les deux, vous pourrez peut-être nous rejoindre ! Il y a du nouveau !
Les deux flics sursautèrent et se tournèrent vers le nouvel arrivant qui les fusillait du regard. Puis sans un mot de plus ils le suivirent. Mais tout en marchant chacun d’eux songeait à la conversation qu’ils venaient d’avoir, Don surtout qui sentait que sa vie risquait d’être à jamais chamboulée. Pouvait-il espérer ? Pouvait-il croire que c’était possible ? En tout cas, une chose était sûre, il faudrait qu’il finisse cette conversation. Charles avait sans doute vu des choses que lui n’avait jamais vues, trop proche et trop préoccupé pour avoir l’esprit clair. Il avait peut-être des réponses à lui apporter.
Derrière eux, Danny marchait, s’étonnant de cette envie de meurtre qu’il ressentait à l’égard de Lewis. Il aurait juste aimé lui sauter dessus et écraser son visage de coups de poing. Lorsqu’il les avait vus, tous les deux, si proches, les mains du nouveau venu sur les épaules de son ami de toujours, quelque chose en lui avait semblé se briser et il avait dû juguler son désir de sauter sur Lewis.
« Mais qu’est-ce qui me prends ? Pourquoi je me mets dans cet état-là ? » se demandait-il tout en marchant. Une petite voix dans sa tête lui susurrait la réponse, mais il ne voulait pas, il ne pouvait pas l’entendre.
*****
- Mais pourquoi tu te mets dans des états pareils ?
Danny fit face à Jérémy :
- C’est plus fort que moi ! Ce type me tape sur le système ! Il se prend pour Dieu le Père ou quoi ?
- Arrête… Tu l’as agressé verbalement…
- Hé ! T’es de quel côté ?
Le visage de Jérémy se durcit :
- Je n’ai pas à choisir un côté Messer ! Arrête de te comporter comme un sale môme !
- Quand j’aurais besoin de tes conseils je te sonnerai Stafford !
Et sur ces mots qu’il pensait bien sentis, Danny s’éloigna de celui qui, en ce moment précis, n’était plus du tout le nouvel ami qu’il avait pensé trouver.
Mais Jérémy Stafford n’était pas du genre qu’on plante au milieu d’une conversation et il rejoignit bien vite l’expert dans les vestiaires.
- Et si tu arrêtais de te comporter comme un gros abruti Messer, tu ne crois pas que ce serait plus simple pour tout le monde ?
Le visage de Danny se crispa sous l’effet de la colère qui commençait à monter. Il s’approcha de Jérémy jusqu’à le toucher :
- Sale môme, gros abruti ! Tu en as encore d’autres comme ça à mon adresse Stafford ? Tu cherches quoi à la fin ?
- A te faire ouvrir les yeux ! Merde Danny ! On a d’autres problèmes que tes petites crises de jalousie ! Je te croyais plus pro que ça !
La bouche de Danny s’ouvrit mais aucun son n’en sortit. Il regardait son collègue comme s’il venait de pousser un troisième œil au milieu du front de celui-ci et visiblement il n’arrivait pas à assimiler ce qu’il venait d’entendre. Ce fut d’une voix changée qu’il répliqua, avec quelques secondes de retard :
- Jalousie… Mais… De quoi tu parles ? Ce n’est pas de la jalousie ! Ce type…
- Le lieutenant Lewis…
- Oui ! Je sais parfaitement comment il s’appelle ! Monsieur Je Sais Tout, J’ai Tout Vu, Super Flic…
- … Partenaire de Don Flack…, insinua Jérémy.
- Qu’est-ce que Don vient faire là-dedans ? protesta Danny. Mais le rouge qui lui était monté au front démentait la véhémence de la protestation.
- Tu veux vraiment que je te le dise ?
Sentant le terrain glissant, le scientifique attaqua sous un autre angle :
- Ca n’a rien à voir avec Don ! C’est… Bordel ! Tu n’as pas compris ce qu’il a sous-entendu ce connard ?
- Si… J’ai compris la même chose que toi. Il pense qu’il y a une taupe dans l’équipe.
- Et c’est tout l’effet que ça te fait ? Un flic venu de je ne sais où arrive et au bout de quelques semaines il se permet de remettre en cause notre intégrité et toi tu trouves ça normal !
- Danny ! Et si tu réfléchissais en flic ? Tu sais à quoi ça peut faire penser, là, ta façon de réagir ?
- A un gros abruti de sale môme…, proposa Danny qui reprenait petit à petit son sang-froid face à la patience et aux arguments logiques de son partenaire.
Jérémy sourit :
- A ça aussi… mais surtout à un coupable.
De nouveau Danny le regarda bouche bée, suffoqué par l’insinuation :
- Quoi ! Tu crois que…
- Mais non ! Je sais bien que tu n’es pas la taupe, et je suis sûr que Lewis le sait aussi… mais vue la manière dont tu es parti au quart de tour…
- Ce n’est pas du tout ça !
- Je le sais très bien ! Mais d’autres pourraient s’y tromper !
Danny se laissa tomber sur le banc du vestiaire. Maintenant que sa colère s’estompait, son esprit analytique reprenait le dessus :
- Tu crois qu’il a raison ? demanda-t-il d’un ton apaisé.
- Et toi ?
- Tu n’as pas bientôt fini par répondre à une question par une autre question. Ca aussi ça fait un peu coupable mon pote.
De nouveau Jérémy sourit : Danny retrouvait son sens de l’humour, la crise était passée.
- Oui… Sauf que la taupe que nous cherchons sévit depuis bien plus longtemps que je ne suis arrivé… Hors de cause grâce à mon timing ! Qui dit mieux ?
Mais Danny ne souriait plus. L’idée que l’un des leurs, un des collègues à qui il faisait confiance, à qui il aurait confié sa vie sans hésiter, les trahissait, vraisemblablement depuis de longs mois, lui pesait sur le cœur et il n’avait pas franchement envie de plaisanter avec ça.
- Je n’arrive pas à y croire… Pourtant… Toutes ces fuites… Ces coupables identifiés qui prenaient la tangente juste avant qu’on arrive… Et depuis trois mois… On a l’impression que nos gars ont toujours une longueur d’avance… Mais de là à soupçonner une taupe dans nos services. Et pourquoi faut-il que ce soit Lewis qui mette la main dessus hein ?
- En fait c’est ça qui t’agace le plus : que ce soit lui le porteur de mauvaise nouvelle…
- Non… Enfin oui… Que veux-tu… Il m’insupporte ce type avec ces airs supérieurs ! Mais Flack dit que c’est un bon flic.
- Et il a sans doute raison.
- Mais pourquoi n’avons-nous rien soupçonné avant ? Pourquoi faut-il que ce soit un flic extérieur qui…
- Justement parce qu’il est de l’extérieur, parce qu’il n’a pas noué les relations que vous avez, parce qu’il arrive avec un regard neuf. C’est sans doute aussi ce qui en fait notre meilleur atout.
- Toi aussi tu as un regard neuf… Tu es arrivé quasi en même temps que lui… Alors pourquoi…
- Je ne suis pas flic Danny. Ici je suis stagiaire, les gens que je côtoie, je leur fais confiance parce que ce n’est pas mon boulot de les soupçonner…
- N’empêche que la pilule est dure à avaler.
- Pourquoi ? Parce qu’il semble qu’il y ait une taupe parmi nous ou parce que l’hypothèse vient de Lewis ?
Le regard de Danny croisa celui de Jérémy :
- Les deux, je crois… finit-il par laisser tomber.
- Et on en revient à ma question première : pourquoi lui en veux-tu autant ?
- Et on en revient à ma réponse première : parce qu’il se prend pour le sel de la terre !
- Et parce qu’il est le partenaire de Don Flack !
- Arrête avec Don ! Qu’est-ce que tu insinues à la fin !
Les regards se croisèrent de nouveau : celui de Danny courroucé, celui de Jérémy empli de défi :
- Tu sais très bien ce que j’insinue.
- Non je ne le sais pas !
- Arrête Danny ! Tu nous prends pour des idiots ou quoi ?
- Je ne vois pas ce que tu veux dire.
- Hé les filles ! Quand vous aurez fini de vous crêper le chignon !
Les deux hommes sursautèrent et se tournèrent vers Lindsay qui venait ainsi de les apostropher. Danny pâlit en se demandant ce qu’elle avait bien pu entendre, mais son épouse affichait un sourire serein qui le rassura aussitôt :
- On a besoin de nous ? questionna Jérémy.
- « On » non et « Nous » non plus, répliqua Lindsay. Mais si tu veux bien j’aimerais récupérer mon mari pour que nous rentrions. Il se fait tard.
- Pas de soucis. Je dois aller boire un verre avec des collègues, j’essaie de ne pas rentrer trop tard.
- Tu peux rentrer quand tu veux… Tu sais très bien que tu ne nous déranges jamais.
Jérémy sourit en guise de réponse et s’éloigna après avoir enfilé son blouson. Restés seuls, les deux époux se regardèrent :
- Ca va toi ? demanda Lindsay.
- Oui… je suis juste un peu sonné. Penser que l’un d’entre nous puisse aider les criminels que nous poursuivons…
- Je sais… c’est dur.
Elle posa sa main sur le bras de son époux, sembla réfléchir un moment puis lança :
- Mais il n’y a pas que ça, n’est-ce pas ?
Il la regarda, semblant sincèrement étonné :
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Pas avec moi Danny Messer, je te connais trop bien ! J’ai entendu votre conversation. J’ai entendu les questions auxquelles tu n’as pas répondu.
Le visage de Danny se ferma et il dégagea son bras avant de se tourner vers son vestiaire où il saisit sa veste tout en répliquant :
- S’il te plaît Lindsay… Ce n’est pas le moment.
- Ce n’est jamais le moment Danny. Pourtant, il faudra bien qu’on en parle un jour.
Il se retourna et la regarda : elle était tellement belle dans la maturité de sa grossesse, avec ce doux sourire sur son visage un peu arrondi par son septième mois. Son cœur se serra à l’idée que s’il répondait à sa question, son sourire se fanerait et qu’il la ferait souffrir. Il l’aimait… Oui, il l’aimait… Peut-être pas comme on aime son âme sœur, mais il avait pour elle tellement de tendresse et de reconnaissance. Comment pourrait-il jamais lui faire du mal ?
Il s’efforça de plaquer un sourire convaincu sur ses lèvres :
- Il n’y a rien à dire bébé…
Elle lui sourit en retour, un sourire un peu triste :
- Bien sûr que si. Il faudra que tu finisses par regarder ta réalité en face Danny Messer !
Puis elle lui tourna le dos et sortit, sachant qu’il lui emboîterait le pas, ce qu’il ne manqua pas de faire, tournant et retournant dans sa tête des myriades de questions sans réponses et de réponses qu’il refusait de formuler.
*****
- S’il te plaît Don… S’il te plaît… S’il te plaît…
Il lui semblait qu’il répétait cette litanie depuis des jours et des jours, qu’il n’était plus capable de formuler que ces six mots, en boucle, comme perdu dans un labyrinthe dont il ne trouverait jamais la sortie.
Combien de temps ? Combien d’heures, de jours ? Il ne savait plus. Il restait là, à côté du lit et son cœur battait au même rythme que le bip des appareils qui indiquaient que son ami était toujours en vie… mais si peu…
Tout avait basculé si vite ! Tout était devenu en même temps tellement important et tellement futile ! Toutes ses pensées, toutes ses hésitations, toutes ses réactions… tout lui revenait par flash et passait et repassait dans sa tête fatiguée, devant ses yeux rougis par le manque de sommeil et les larmes.
Parfois quelqu’un entrait, lui parlait… Il ne savait pas qui… Il ne savait pas pourquoi… Il n’entendait rien, ne voyait rien. Rien d’autre que Don allongé sur ce lit, un tuyau dans la bouche, l’air insufflé de force dans ses poumons par une machine qu’il haïssait et bénissait en même temps, ambivalence éternelle dans laquelle il se noyait depuis que c’était arrivé.
Tout avait basculé si vite, trop vite. Un moment il était juste un homme en proie à des sentiments troubles, entre colère et jalousie, entre amour et tendresse, entre agacement et soulagement… et l’instant d’après il était vide… vide de tout : vide de larmes, vide de colère, vide d’espoir… Il ne se raccrochait qu’à ce sentiment qu’il s’était enfin avoué, mais trop tard peut-être. Il ne se raccrochait qu’à cette infime espérance d’avoir peut-être une seconde chance.
- S’il te plaît Don… S’il te plaît… S’il te plaît…
Il ne voyait pas derrière la vitre les visages affligés des autres : Mac, Lindsay, Adam, Jo, Sid, Sheldon, Jérémy et même Charles… Ils étaient tous là, se relayant auprès de lui, l’obligeant à s’alimenter, à sortir faire quelques pas autant qu’ils le pouvaient. Ils étaient là, attendant des nouvelles, ne lui disputant jamais sa place auprès de Flack, eux qui auraient très bien pu revendiquer aussi le droit d’être à côté du flic en l’absence de sa famille proche.
Il ne voulait pas entendre leurs mots d’encouragement, la théorie selon laquelle chaque heure gagnée était encourageante pour l’avenir. Il voulait simplement rester-là, tenir la main de Don et attendre qu’il ouvre les yeux pour enfin oser lui dire ce qu’il n’avait jamais osé dire, ce qu’il s’était même empêché de pensé, comme le parfait abruti qu’il était.
- Si je dois payer pour ma bêtise, alors faites moi payer… Mais pas lui… Pas lui…
Il cherchait toujours à comprendre comment cela avait pu se passer, comment tout avait pu basculer si vite…
Il se souvenait de leur réunion secrète chez Mac. Ils étaient tous là : sa garde rapprochée comme l’avait appelée Lewis en leur expliquant pourquoi il ne les pensait pas capables de trahir. « Les Grognards de Mac le grognon » avait alors osé Flack, faisant rire l’assemblée et s’attirant un regard faussement courroucé du principal intéressé.
Mais l’heure n’était pas vraiment à l’humour et très vite les huit protagonistes, auquel s’était joint Mickaël Revlon, un répartiteur de la police en lequel Lewis avait toute confiance étant donné qu’ils avaient servi ensemble du temps de l’armée, en étaient venus à l’essentiel : comment démasquer la taupe qui sévissait dans leur service et mettait en danger non seulement leurs investigations mais surtout la population de New-York et qui trahissait tout ce en quoi chacun d’entre eux croyait ?
Bien sûr, la discussion n’avait pas été facile, en grande partie à cause de lui, de son foutu caractère, de son entêtement puéril et de l’aversion instinctive qu’il avait envers le lieutenant Lewis ! Comme il aurait aimé que celui-ci soit leur traître. Mais malgré l’inimitié qu’il ressentait à son égard, il savait que c’était impossible. Quoi que puisse proposer Lewis, Danny trouvait à redire, jusqu’à ce que Mac se fâche et lui intime d’avoir soit à écouter et se taire, à moins d’avoir quelque chose de constructif à proposer, soit de partir voir ailleurs. Penaud et vexé, Danny se l’était tenu pour dit et avait ouvert ses oreilles plutôt que sa grande bouche.
A son grand regret, le plan de Lewis tenait la route : il avait dans le collimateur Ralph et Suzan del Orio, deux membres du gang qu’ils traquaient et qui avaient accepté de travailler pour eux en échange de l’immunité. Grâce à Mickaël qui, en tant que répartiteur, pouvait propager de fausses nouvelles, le piège se dessinait lentement mais sûrement. Ils avaient une demi-douzaine de suspects possibles, les uns ayant été écartés parce que trop subalternes pour avoir accès à certaines informations, les autres parce que leur loyauté avait été maintes fois prouvée, les derniers parce qu’ils auraient eu beaucoup trop à perdre en se vendant aux malfrats.
Six suspects seulement et pourtant les membres de la police scientifique trouvaient que c’était six suspects de trop. Comment imaginer que des personnes en lesquelles vous avez placé toute votre confiance puissent ainsi vous trahir ? C’était pour Mac surtout que c’était difficile : il était le chef, il aurait dû savoir, il aurait dû être capable d’inciter la fidélité de ses subordonnés. Chacun l’avait rassuré du mieux qu’ils le pouvaient : nul n’est à l’abri d’une trahison, aussi loyal et juste soit-il.
Il s’était passé encore une semaine avant que le traquenard ne se referme sur leur cible. Et c’était au moment où ils pensaient avoir gagné, où enfin ils relâchaient la pression que le gang avait attaqué, comme le fait une bête sauvage acculée qui n’a d’autre choix que de tuer ou d’être tuée. Danny se souvenait du cri de Don, d’une bousculade, du bruit des coups de feu et du poids d’un corps sur lui.
Puis tout était redevenu calme et il avait tenté de se débarrasser du lieutenant qui restait allongé sur lui, le protégeant de son corps. Mais Don ne s’était pas relevé…
Pourquoi s’était-il jeté ainsi devant lui, lui qui avait été tellement désagréable les jours précédents ? Pourquoi avoir sacrifié sa vie à la sienne ? Pourquoi ?
- S’il te plaît Don… S’il te plaît… S’il te plaît…
Il lui fallait des réponses, il avait besoin que Don ouvre les yeux, qu’il lui parle, qu’il lui dise ce qui avait motivé son geste.
Lui maintenant savait où il en était. Il se souvenait de sa longue conversation avec Lindsay dans la salle d’attente, alors que Don était en chirurgie et qu’ils pensaient qu’il ne survivrait pas.
Lindsay… Quelle autre femme aurait été capable, comme elle, de lui ouvrir les yeux sur cette vérité qu’il refusait ? Quelle autre femme aurait mis des mots sur sa détresse, sur sa souffrance ? Quelle autre femme lui aurait dit que ça ne changeait rien pour elle, qu’elle serait toujours son amie, qu’il serait toujours le père de leurs enfants, mais qu’il devait vivre la vie dans laquelle il serait heureux ? Quelle autre femme aurait accepté de sacrifier son amour à celui de l’homme qui partageait sa vie ?
Il se rendait compte de la chance qu’il avait d’avoir rencontré Lindsay. Elle avait fait de lui un homme heureux, un homme comblé, un père… Elle avait fait de lui celui qui désormais était prêt à affronter d’autres défis, à vivre un nouvel amour, celui qu’il s’était toujours interdit d’imaginer.
Il avait aussi parlé longuement avec Jérémy et Charles… Qui aurait dit qu’un jour il aurait pu considérer celui-ci comme un allié, quelqu’un sur qui compter, quelqu’un sur qui s’appuyer ? C’était aussi dans la salle d’attente que Mac leur avait annoncé qu’il n’y avait ni Jérémy Stafford ni Charles Lewis, pas plus d’ailleurs que de Mickaël Revlon ou de Ralph et Suzan del Orio. Tous les cinq étaient membres d’une même équipe, habituée aux infiltrations et sollicitée par le chef de la police pour démasquer leur taupe. Peut-être que si désormais il supportait Lewis c’était parce qu’il s’agissait en fait d’Alec Balsey, chef d’équipe et qu’il s’avérait être le compagnon de Jérémy, alias Luka Nantel. Il n’était donc pas et n’avait jamais été un danger pour lui.
« De toute façon, je n’intéresse nullement Flack. Il n’y a qu’un homme dans son cœur. » avait lâché Alec au cours de leur conversation.
Don l’aimait donc ? Il l’aimait autant que lui-même l’aimait ? Mais à quoi servait de le savoir si jamais plus il ne se réveillait, si jamais il ne lui laissait l’occasion de lui dire tous ces mots qu’il aurait voulu lui dire et qu’il n’avait jamais osés ? Pourquoi, alors qu’il avait enfin l’opportunité de vivre son amour au grand jour, fallait-il que lui soit refusée cette chance ?
- S’il te plaît Don… S’il te plaît… S’il te plaît…
Combien de fois avait-il répété les mêmes mots inutiles depuis qu’il était là ? Combien de fois le cœur de Don s’était-il arrêté, entraînant l’irruption immédiate de médecins qui le poussaient hors de la chambre, le laissant dans le couloir, désespéré et priant comme sans doute il n’avait jamais prié, lui, le mécréant ?
Sheldon lui avait dit, un peu plus tôt, que l’état de Don semblait s’améliorer. Lui il ne voyait rien qui soit propice à espérer. Don était toujours là, immobile, plus blanc que les draps entre lesquels il reposait, le ventilateur forçait toujours l’air dans ses poumons, la perfusion apportait toujours du liquide dans son corps exsangue, ses paupières restaient obstinément closes et aucun des mots qu’il lui adressait ne semblait l’atteindre.
- Ca fait trois jours Hawkes ! Trois jours !
- Justement… On lui donnait moins de vingt-quatre heures. Il est toujours là.
Comment croire en l’impossible ? Comment croire que Don aurait la force de déjouer tous les pronostics ? D’ailleurs, où la trouverait-il cette force, lui qui aimait un homme marié, un homme qui semblait le rejeter ?
- Il sait que tu l’aimes. Il attendait simplement que tu t’en aperçoives, lui avait dit Charles/Alec.
Devait-il le croire lui aussi ? A qui se fier ? A quoi se raccrocher ?
- S’il te plaît Don… S’il te plaît… S’il te plaît…
Le ventilateur rata un battement et Danny se redressa. La main de Flack se resserra dans la sienne et soudain il se mit à se débattre.
- Arrête ! Attends ! Tu vas te blesser ! Tout va bien ! Je suis là… Tu es intubé ! Ca va aller ! Doucement, je suis là !
Les yeux de Don s’étaient ouverts et avaient plongé dans les siens et soudain il se calma, comme si la présence de Danny à ses côtés suffisait à le rassurer, à apaiser la douleur de son corps prisonnier de la machine. Déjà, alertés par les alarmes, les médecins se précipitaient et bientôt Don était débarrassé du tube : il respirait par lui-même, enfin !
Epuisé, le policier se rendormit, sa main dans celle de Danny. Celui-ci essuya les larmes qui roulaient sur ses joues. Tout irait bien désormais. Don allait reprendre des forces et il pourrait lui dire tout ce qu’il avait sur le cœur. Oui… Ils auraient tout le temps du monde…
Et sur cette pensée, le scientifique s’endormit à son tour, anéanti par des jours et des nuits au chevet de l’homme qu’il aimait. Mais même au plus profond du sommeil, leurs mains ne se désunirent pas.
*****
- Tu es prêt ? Ils arrivent !
Don se retourna et sourit à son compagnon. Son compagnon ! Si on lui avait dit, six mois auparavant qu’en ce soir de Noël il recevrait officiellement leurs amis communs dans une maison qu’ils auraient acquise ensemble avec cet homme dont il rêvait depuis si longtemps en pensant ce rêve inaccessible, il aurait sans doute bien ri, un rire amer, mais un rire tout de même.
Et pourtant, depuis qu’il était sorti du coma, trouvant un Danny effondré à ses côtés, tant de choses avaient changé pour lui, pour eux… Parce que maintenant il y avait un « eux ». Ils étaient ensemble depuis qu’il était sorti de l’hôpital, bien faible encore, s’appuyant sur cet ami qui n’était pas encore devenu son amant.
Est-ce que sans son passage sur les rives de la mort les choses auraient évolué de la même manière ? Est-ce que Danny aurait enfin laissé tomber le masque, est-ce que lui-même se serait dévoilé ? Il n’aurait jamais de réponses à ces questions parce qu’il n’en avait plus besoin. Inutile de réécrire le passé quand le présent vous convient !
Et son présent c’était la vie auprès de Danny. Jour après jour leur amour semblait se renforcer à se côtoyer. Ils se connaissaient si bien, savaient exactement comment l’autre réagirait en toute circonstance, savaient ramener un sourire lorsque l’orage grondait, un bon souvenir pour chasser celui d’une mauvaise journée. Leurs amis disaient qu’ils ne les avaient jamais vus aussi épanouis, aussi sereins, aussi heureux.
Parce qu’ils étaient heureux, comme jamais ils n’avaient pensé pouvoir l’être, comme jamais ils ne l’avaient été auparavant. Toutes les difficultés qui auraient pu se dresser sur leur passage semblaient s’aplanir d’elles-mêmes, comme si leur amour était une telle évidence que tout devait plier sur son passage.
Ils n’étaient pas dupes : ils voyaient bien la patte de Mac dans l’éloignement d’un imbécile qui confondait encore homosexualité et pédophilie, dans la fin des ricanements stupides d’un collège qui avait soudain cessé de s’inquiéter de « qui faisait la femme »… Le chef de la police scientifique n’était pas de ceux qui laissent intimider les personnes qu’il apprécie et même s’il ne disait jamais rien, nul besoin d’être devin pour savoir combien il appréciait Danny et Don et combien il était heureux de les voir enfin s’épanouir l’un à côté de l’autre.
Lindsay aurait pu aussi être leur pire cauchemar et elle était l’amie la plus fidèle sur laquelle il pouvait compter. Ca n’avait pas été si facile pour elle de renoncer à Danny : elle l’aimait. Mais justement au nom de cet amour elle savait n’avoir pas le droit de le retenir et de le faire passer à côté de son âme sœur. Le petit Joshua et Lucy passaient la moitié de leur temps chez leur père et leur « oncle Don », l’autre moitié chez leur mère et, depuis quelques semaines, leur « oncle Matt ». L’amitié entre Lindsay et Matthew Fraser, l’informaticien de l’équipe d’Alec Balsey, s’était muée en quelque chose de beaucoup plus doux et la jeune femme avait fini par céder à l’amour que lui portait cet ami.
Deux mois plus tôt, Don avait repéré la petite maison, dans un quartier pavillonnaire paisible et il en avait parlé à Danny. Là encore, les choses avaient été rondement menées et, depuis quinze jours maintenant, les deux hommes habitaient chez eux après avoir vécu chez Don. Les deux enfants avaient chacun leur chambre et Lucy était ravie de profiter d’un jardin, Lindsay ayant gardé l’appartement qu’elle occupait avant avec son mari.
Justement Lucy débarquait, se jetait dans les bras de son père puis ceux de son « oncle », piaillant à qui mieux mieux, se précipitant dans le salon pour admirer le sapin, hurlant pour savoir quand le père Noël passerait, petite fille heureuse et pas du tout perturbée par le fait d’avoir un papa, deux tontons et une maman. Celle-ci entrait à son tour au bras de Matt qui portait le bébé endormi. Un instant Danny eut un pincement au cœur en voyant le tableau : est-ce que Joshua ne finirait pas par considérer son beau-père comme son père ? Puis il se rassura : il voyait ses enfants autant qu’il le voulait, à lui et à lui seul de donner à son fils les souvenirs qui feraient de lui son père. Faire un enfant n’est pas difficile, être un père, une mère, c’est tout autre chose.
Ensuite le reste des invités arriva : chacun apportant des cadeaux, des victuailles pour le réveillon et bientôt des rires fusèrent de toute part.
Assis côte à côte dans un grand fauteuil, Don et Danny regardaient l’agitation autour d’eux et ils se sentaient bien. Il y avait là tous ceux qu’ils aimaient : leur équipe, mais aussi Alec et Lucas qui étaient devenus des amis proches, même si parfois encore, Danny était exaspéré par Alec, ce qui faisait bien rire les deux autres. C’était devenu un jeu pour le chef d’équipe que de trouver le moyen d’agacer le scientifique et il ne se privait pas d’user et d’abuser de ce pouvoir. Mais en général, tout se terminait par un éclat de rire.
Ils étaient bien. Ils étaient chez eux. Lucy tournoyait dans la lumière, les adultes conversaient bruyamment, échangeaient des sourires, des regards heureux. Que pouvaient-ils demander d’autre ? Ils étaient chez eux, entourés de ceux qu’ils aimaient et qui avaient accepté cette invitation avec plaisir, preuve, s’il en était besoin, que le fait qu’ils soient gays ne les gênait aucunement.
C’était leur premier Noël ensemble, et ils savaient déjà qu’il serait inoubliable. Mais ils savaient aussi qu’il y en aurait bien d’autres parce que leur vie à deux ne faisait que commencer et qu’ils n’avaient pas l’intention de laisser quiconque se mettre en travers de leur amour.
C’était leur premier Noël. Mais le plus beau cadeau qu’ils aient jamais espéré, ils l’avaient reçu de la vie : leur amour.
FIN