La saison des reclassements est revenue. Voici une fiction offerte l'an passé à DSandrine
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Cheryl Heuton & Nicolas Falacci. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Avant toi
C’était si évident maintenant, tellement normal, tellement logique comme l’aurait dit Charlie. Pourtant, à l’origine, ça avait été tout sauf ça. S’avouer gay passé trente cinq ans, craquer pour un de ses subordonnés, envisager la vie avec un homme… jamais Don Eppes, agent du FBI n’aurait pensé que ça lui arriverait, pas à lui, pas comme ça.
Et pourtant, ce soir, il était là, dans les bras de celui qui venait de l’aimer comme jamais personne ne l’avait aimé, celui qui lui avait fait découvrir, dans les élans de leurs corps brûlants, un autre lui…
Un lui qui enfin avait trouvé son port.
C'est des jours entiers
Ployer sous un fardeau
Jamais léger
Toujours courber le dos
Avant toi
Avant toi laisse moi te dire que
C'est traîner des pieds
C'est exister à peine
Désespérer
Que quelque chose advienne
Avant toi
Avant toi laisse moi te dire
Bien sûr la vie n’avait pas été si difficile pour lui, et pourtant il lui avait toujours manqué cette impression d’être essentiel à quelqu’un. Dans la famille, depuis la naissance de son cadet, il lui avait toujours semblé qu’il était moins important, moins brillant, moins intéressant et que si ses parents lui accordaient si peu de temps, c’est qu’il n’en méritait pas plus.
Ses aventures féminines, si elles avaient comblé ses sens, n’avaient jamais finalement assouvi cette soif d’absolu qui le poussait en avant sans même qu’il s’en rende compte. Et si certaines de ses histoires s’étaient terminées à peine commencées, c’était parce qu’au fond de lui, il savait que son âme sœur l’attendait quelque part et que sa quête prendrait fin un soir, dans des draps de soie bleu pâle, au son d’une musique lente qui exacerbait leurs sens.
Soudain tout avait pris sa place.
Avant toi c'était quoi
Sinon un préambule
Un long chemin de croix
Puis tout bascule
Avant toi c'était rien
Ou si peu que mon corps
Avant toi se souvient
De s'être senti mort
Il voulait cesser de fuir, de se démener en vain. Désormais il savait où il allait, pourquoi et avec qui.
Lui qui avait quitté si tôt le nid familial, poussé autant par le désir de voler de ses propres ailes que par le besoin de se prouver ce qu’il valait, d’exister loin des siens pour lesquels il avait l’impression de n’être qu’un intrus. Il avait choisi le FBI par goût mais aussi par défi, sachant très bien ce que ressentirait son ex-activiste de père à savoir que son aîné embrassait cette profession qu’il exécrait et entrait dans l’institution qui l’avait fiché pour ses opinions.
Il n’avait jamais accordé vraiment sa confiance à personne au long de son périple professionnel. Ses subordonnés s’accordaient à le trouver exigeant mais juste et loyal et tous s’étaient attachés à ce chef, mais il gardait ses distances avec eux afin de ne pas risquer de désillusions cruelles. Le boulot était une chose, l’amour et l’amitié en étaient d’autres.
Il n’y avait que depuis qu’il était revenu à Los Angeles qu’il avait baissé sa garde, depuis que sa mère était morte, depuis qu’il s’était rapproché de son père et de son frère, depuis que sa vie avait semblé prendre un autre tournant. Il avait laissé ses équipiers entrer dans sa vie : David, Megan, Nikki, Liz, et Colby.
Colby… Lui, il l’avait laissé franchir d’autres barrières, et il avait fini par se trouver devant lui, nu comme à son premier jour, tant physiquement que moralement.
Soudain tout prenait son sens.
C'est se démener
Chanter dans le désert
Pour qui c'était
Tous ces vers, tous ces airs
Avant toi
Avant toi laisse moi te dire
Soudain il comprenait qu’il n’avait vécu qu’à moitié, lui dont la vie semblait si remplie qu’il n’avait que peu de temps à accorder aux siens.
Tout ce qu’il avait fait depuis ses dix-huit ans, ça avait été de fuir un amour qu’il pensait de pas mériter, lui qui était si imparfait, bien moins intelligent que son cadet, pas assez bon pour devenir un pro du base-ball, pas assez doué pour que les universités lui déroulent le tapis rouge.
Oui, il avait été un bon flic, un excellent meneur d’hommes mais s’il devait faire le point sur sa vie personnelle, c’était le vide absolu : des années loin de sa famille, et ce fossé entre lui et son petit frère qu’il pensait ne jamais franchir un jour, ces femmes qui passaient dans sa vie sans jamais parvenir à le retenir, malgré toute la tendresse qu’il éprouvait pour elles.
Si sa mère n’était pas tombée malade, peut-être aurait-il fait un long bout de chemin avec Kim mais finalement, il n’en était pas sûr du tout. Si vraiment il avait tenu à elle, n’aurait-il pas trouvé le moyen de la faire venir ?
De toute façon, cette question n’avait plus de raison d’être, maintenant il savait ce à quoi il avait été destiné de toute éternité.
Avant toi c'était quoi
Un répétition
De mots de gestes las
Puis l'explosion
Avant toi c'était rien
Ou si peu que mes bras
N'avaient jamais étreint
Que du vide et du froid
Comment aurait-il pu soupçonner ? Comment aurait-il pu imaginer que ça lui arriverait ? Que ça lui tomberait dessus, comme ça, sans prévenir ?
Lorsque Colby était entré dans son équipe, tout de suite quelque chose l’avait poussé vers lui. Tout de suite il avait ressenti une empathie telle que jamais il n’en avait ressentie pour aucun de ses subordonnés. Mais justement parce que c’était un subordonné, il s’était interdit tout geste, tout mot, toute attitude qui aurait pu passer pour du favoritisme et créer des tensions au sein de son équipe en même temps que des problèmes au nouvel arrivant.
Il avait été anéanti lorsqu’il avait pensé que le jeune agent l’avait trahi et il avait passé des heures et des heures à visionner et revisionner la vidéo de ses aveux. Il n’avait pas alors compris pourquoi c’était si douloureux, il ne s’était pas posé la question de savoir si ça l’aurait moins été de la part de David ou de Megan. Et puis la vérité avait éclaté et il se souvenait de sa peur lorsqu’il avait trouvé David en train de réanimer Colby.
Celui-ci était passé bien près de la mort. Que se serait-il passé s’il avait péri sur cette barge ? Que serait-il devenu, lui, qui aurait toujours ignoré être passé à côté du véritable amour ? Aurait-il continué à papillonner de bras en bras ? Aurait-il fini par s’installer à côté d’une femme qui lui aurait donné les petits enfants réclamés à cors et à cris par son père ? Aurait-il juste fermé son cœur définitivement ?
Il ne le saurait jamais et c’était une chance.
Avant toi c'était quoi
Sinon un préambule
Un long chemin de croix
Puis tout bascule
Avant toi c'était rien
Ou si peu que mon corps
Avant toi se souvient
De s'être senti mort
Ca ne s’était pas fait en un jour ce rapprochement. Lorsque Colby avait choisi de revenir dans son équipe son cœur avait été inondé de joie sans qu’il comprenne vraiment pourquoi. Et puis, petit à petit il s’était laissé apprivoiser.
Leur amitié s’était peu à peu transformée en quelque chose dont il refusait de savoir le nom. Il ne pouvait pas imaginer être amoureux d’un homme. Ce n’est pas que l’homosexualité le gêne, mais ce n’était pas lui… Et pourtant…
Pourtant un jour il avait laissé les lèvres de Colby venir frôler les siennes, sa main venir enlacer ses doigts et il avait compris que toutes les raisons du monde n’avaient pas leur place contre ce qui les unissait. Il avait compris cet élan du premier jour qui l’avait conduit à accorder immédiatement sa confiance à cet homme, un peu chien fou, qui déboulait dans son équipe, sûr de ses choix, habitué à réagir plutôt qu’à agir, au point qu’au départ sa collaboration avec David n’avait pas été des plus simples.
Colby lui avait avoué l’avoir aimé du premier moment et avoir crevé de trouille qu’on découvre cet amour qu’il pensait impossible. Il lui avait aussi dit qu’il n’était pas son premier amant mais qu’il était le seul qu’il ait jamais aimé et il le croyait.
Pour lui, Colby serait à jamais le seul homme qu’il aimerait, le seul qui saurait le faire vibrer.
Avant toi c'était quoi
Juste une scène immense
Bien trop vaste pour moi
Et puis tout danse
Avant toi c'était rien
Ou si peu que ma vie
Commença le matin
Du jour où je te vis
Il lui avait fallu du temps pour vaincre sa crainte d’un amour physique dont il ignorait tout. Colby avait été patient, doux, attentif, sachant le mettre en confiance, sachant faire grimper chez lui l’envie de plus, de mieux, de meilleur…
Aujourd’hui, pour la première fois, il s’était totalement abandonné à l’étreinte et maintenant, lové dans les bras protecteurs de son amant, contre ce torse musclé dont il connaissait chaque parcelle, il se sentait bien comme jamais auparavant.
Il aimait un homme qui le lui rendait bien. Il avait enfin trouvé sa place en ce monde.
FIN
Chanson de Calogéro