Torchwood - Au coeur de la nuit - L'équipe - PG 13

Chapitre 1

Le soir tombait sur la cité de Cardiff et les membres de l’équipe se préparaient à rentrer chez eux. Le capitaine, accoudé à la rambarde, observait les agents qui rangeaient leur table de travail. Ces derniers étaient soulagés de ne pas faire d’heures supplémentaires, la semaine ayant été particulièrement longue et mouvementée. Surpris de ne pas voir le dernier de la troupe, le leader se demandait où il avait bien pu passer. Cela faisait quelques jours que Jack avait constaté que Ianto ne restait plus le soir dans la zone centrale à vaquer aux occupations habituelles. Parfois, le Gallois se retranchait dans l’espace cuisine alors qu’il avait fini son service et même si cela l’intriguait, le dirigeant était ravi de l’avoir sous les yeux et de le voir évoluer dans la base comme s’il était seul au Hub.

Après un coup d’œil à sa montre, l’immortel vit le docteur Harper lui faire un signe de la main avant d’entraîner ses collègues vers la sortie. Il lui rendit son salut puis retourna à son bureau la mine soucieuse. L’office de tourisme était fermé et toujours aucune apparition de l’agent Jones. Après avoir visionné plusieurs bandes, Jack le trouva à la zone de détention en train de nourrir les pensionnaires. Ianto s’acquittait de ses tâches en silence. Le capitaine sourit, appréciant le soin que le jeune homme mettait à ne pas salir sa chemise parme.

L’agent Jones était toujours tiré à quatre épingles, quelle que fût la situation ou son occupation. Son supérieur n’avait rien à redire de son travail, quoique certaines images l’empêchent de se concentrer sur le sien. Les rapports de missions s’entassaient sur sa table et il devait s’y atteler même s’il n’avait pas la tête à cela. Tant que Ianto était à la base, l’immortel était très attentif à ses déplacements, admirant les formes de son subordonné sous les couches de vêtements qui couvraient le corps de cette tentation ambulante.

Jones n’avait-il aucune idée de l’émoi qu’il provoquait chez son capitaine ? L’immortel s’interrogeait à ce sujet après avoir surpris quelques coups d’œil furtifs vers sa personne. Le dirigeant ne savait pas comment aborder le sujet avec l’agent de sécurité. Il n’était pas certain que ce dernier accepte de pousser ce flirt un peu plus loin. Il est vrai que depuis son arrivée, Jack n’arrêtait pas de lui faire des compliments à peine voilés, le Gallois se contentant de répondre poliment à ses sourires sans pour autant l’encourager à aller plus loin. S’il avait perçu ses pensées, le leader s’y serait pris autrement, mais là n’est pas le sujet de cette histoire.

Jack éteignit l’écran de la CCTV, se renfonça dans son fauteuil, et ferma les yeux quelques minutes. Il devait résister à toutes ces visions qui le rendaient plus intéressé qu’il ne devait l’être envers son subordonné. L’homme du 51e siècle soupira, un sourire étirant ses lèvres, puis il se plongea dans le dossier devant lui et ne vit pas le temps défiler, préoccupé par les écrits qui s’étalaient sous ses yeux. Jamais, il n’aurait pensé avoir affaire à une créature si nuisible. Que se passait-il dans les rues de Cardiff ?

Les forces de police étaient désemparées par l’ampleur de l’affaire. Le chef de district n’ayant aucune piste avait fait appel à l’organisation après avoir trouvé le dernier cadavre. Il ne restait plus rien d’organique, l’épiderme était desséché comme si la chair avait été aspirée, rendant son identification impossible. La mort avait dû être horrible, encore que rien ne puisse affirmer que le défunt ait été conscient lors du dernier souffle. Pour l’instant, des rumeurs couraient sur un homme étrange aperçu sur les lieux. Certains parlaient de bouche se transformant en trompe ainsi que des sons sortis d’outre-tombe qui donnaient la chair de poule, mais aucun témoignage recueilli ne semblait crédible aux yeux des autorités.

L’immortel était intrigué, n’ayant pas rencontré de telle créature lors de ses voyages avec le Docteur. Devait-il le contacter ? L’homme du 51e siècle hésitait, il ne voulait pas faire appel au Seigneur du Temps avant d’en savoir plus, même si l’envie de le revoir était très forte. Tout à ses pensées, le leader ne remarqua pas l’arrivée du Gallois. Ce dernier, silencieux, déposa une tasse de café sur la table et rebroussa chemin rapidement, espérant que le capitaine ne le remarque pas. Jack leva les yeux du rapport qu’il lisait en sentant l’arôme qui répandait une agréable odeur dans la pièce. Il vit alors l’agent Jones près de la porte.

– Ianto !

Ledit Ianto stoppa net, se fustigeant intérieurement d’avoir cédé à son impulsion. Il savait pourtant que le dirigeant ne l’aurait pas laissé partir ainsi, sans un mot. Il fit demi-tour et approcha de la table de travail.

– Que puis-je faire pour vous, Monsieur ?

Jack plissa les yeux, évaluant l’homme face à lui. Pourquoi était-il si distant ? Diablement sexy également. Ianto était debout, attendant que son supérieur prenne la parole, espérant ne pas avoir droit à un interrogatoire à la Harkness. Il était fatigué et n’avait pas envie de demeurer plus en ces lieux avec l’immortel alors qu’ils étaient seuls au Hub. Le silence régnait dans la pièce, augmentant le malaise de l’agent Jones. Son regard croisa celui de son vis-à-vis et il sut, à cet instant, que son supérieur n’allait pas le réprimander. Soupirant doucement, il se détendit peu à peu pour le plus grand plaisir de Jack.

– Comment vas-tu, Ianto ?
– Bien, capitaine.

Ledit capitaine soupira, cette appellation, venant du Gallois, lui faisait de l’effet, mais il devait se contrôler pour ne pas se laisser distraire par l’envie qui le tenaillait de l’embrasser, se souvenant du bouche-à-bouche effectué lorsque la cyberwomen avait envoyé valser son petit-ami. Une image qu’il avait bien eu du mal à oublier, croyant avoir perdu l’agent Jones ce jour-là.

– Tu peux m’appeler Jack, les autres le font bien.

Jones resta silencieux quelques instants, analysant la situation. Il est vrai que les membres de l’équipe s’interpellaient par leurs prénoms, sauf lorsqu’ils étaient en froid. Même le médecin avait abandonné les sobriquets le concernant et Ianto lui en était reconnaissant, même s’il ne l’avait pas dit de vive voix.

– Est-ce si difficile ?

L’immortel faisait tout pour le mettre à l’aise depuis sa réintégration dans l’équipe. Il le scrutait attentivement, attendant une réaction de son subordonné. Ianto, persuadé que son supérieur ne lâcherait pas l’affaire, esquissa un sourire avant de répondre.

– Non, Jack.
– Demain, une longue journée nous attend. Nous devons trouver ce visiteur avant qu’il crée une panique parmi la population. Nous avons déjà bien assez de problèmes avec les Weevils, sans avoir, en plus, une autre créature sur les bras.
– Serait-ce un nouveau prédateur ?
– Tant que nous ne savons pas à quoi nous avons affaire, rien ne peut…

Le capitaine ne finit pas sa phrase, intriguant son interlocuteur. Jamais, il n’avait vu cette expression sur le visage de l’immortel et cela n’était pas de bon augure. Jack avait une longue expérience de la vie extraterrestre, et aucune idée sur l’identité de l’alien qui laissait des cadavres derrière lui, néanmoins il restait persuadé que ce dernier venait de la faille.

À quel moment était-il arrivé ? Cette question le préoccupait, car le leader n’avait pas relevé de phénomènes étranges ces derniers jours, à part l’arrivée d’autres bêtes à tête de loup, des Weevils qui se terraient ensuite dans les égouts de la cité. Il but une gorgée du nectar, avant de reporter son attention sur son vis-à-vis.

– Rentre chez toi, j’irai faire un tour en ville dès que j’aurai fini, fit-il, désignant la pile devant lui.

Le Gallois connaissait assez bien son supérieur pour savoir que ce dernier se mettrait en chasse dès qu’il serait dans les rues de Cardiff. Le savoir seul face à cette créature ne le rassurait pas, même s’il savait que le dirigeant ne risquait rien étant donné sa particularité. Le jeune homme avait déjà assisté à une mort de son chef ainsi qu’à sa résurrection et il en avait été attristé bien plus que les autres membres de l’organisation, même s’il n’en laissait rien paraître devant eux.

– Tu veux de la compagnie, lâcha-t-il soudainement.

L’immortel l’observa longuement avant de répondre. Ainsi, Ianto s’inquiétait pour lui ! Jack n’avait pas réalisé, avant ce soir, que son subordonné était bouleversé lorsque la grande faucheuse venait le cueillir. Les autres agents ne semblaient pas affectés par ses retours à la vie et il s’en voulait de n’avoir pas compris que ce n’était pas le cas pour le plus jeune membre. Le capitaine lui adressa un sourire réconfortant.

– Je te remercie, mais ça ira. Bonne soirée.

Le Gallois avait fait sa proposition sans y réfléchir et était soulagé de rentrer chez lui. Il tourna les talons, et quitta le Hub sans tarder. Une fois dans l’ascenseur, Ianto retira sa cravate puis s’appuya contre la paroi, attendant d’atteindre la surface sous le regard de l’immortel qui suivait ses déplacements sur le circuit interne. Jack éteignit l’écran une fois que l’agent Jones apparut sur la place. Le leader avait l’intention d’inspecter les lieux du dernier meurtre et ne voulait pas risquer la vie de son équipe. L’aspect de cette affaire demandait de la prudence, et même s’il avait l’habitude de foncer tête baissée, il voulait prendre le temps d’examiner le site où l’on avait retrouvé le dernier corps pour voir s’il trouverait des résidus de substance non humaine.

Ianto couvrit la distance entre l’office et son domicile en dix minutes. Soucieux, son regard explora les lieux avant de composer le code d’entrée. Un léger bruit attira son attention ainsi qu’une forte odeur. Il dégaina son arme et scruta la rue attentivement. Il aurait juré avoir vu une ombre se faufiler entre les véhicules stationnés. Un frisson le parcourut. Allait-il tomber sur le prédateur que tous recherchaient ?

A suivre...

Chapitre 2

Sa main libre glissa vers sa poche de veste et Ianto appuya sur une touche de son portable, déclenchant l’alerte sur celui de son chef. Le capitaine se leva d’un bond et quitta le Hub sans tarder, oubliant au passage son manteau militaire. Il était inquiet après avoir vu le code s’afficher sur son bracelet. Depuis quelques jours, chaque membre était équipé d’un signal d’identification propre qui ne devait être activé que s’il était en danger ou incapable de faire face à la menace. C’était une situation d’urgence, l’immortel n’en doutait point. Son cœur battait la chamade à mesure qu’il se rapprochait des lieux.

Le Gallois n’avait pas bougé, tétanisé par la créature qui se dressait à quelques mètres de lui et qu’il pouvait entrevoir malgré la pénombre. Jamais, depuis qu’il travaillait pour l’organisation, le jeune homme n’avait vu un être comme celui-ci. Pourtant, il n’était pas du genre à avoir peur, mais là, la frayeur supplantait tout autre émotion. L’agent Jones espérait que son supérieur qui n’était plus qu’à quelques centaines de mètres ne tarderait pas.

Que devait-il faire ? Avancer attirerait inévitablement le visiteur vers lui, s’enfuir était risqué pour les mêmes raisons. Une voix le tira de ses pensées et il reconnut celle de son proche voisin. Ce dernier qui promenait son chien s’arrêta pour soulager une envie pressante sans avoir conscience du danger qui le guettait. Soudain, des aboiements retentirent et en une fraction de seconde, l’entité fondit sur l’homme attiré par lui comme un papillon vers la lumière.

Ianto assista, impuissant, à la scène. La bouche de la créature était ouverte, des tentacules s’accrochèrent au visage de la victime tétanisée par la peur et des mandibules en forme de bec de perroquet pénétrèrent ensuite dans la bouche de l’homme puis aspirèrent l’essence vitale du malheureux. C’était un spectacle cauchemardesque, pourtant le Gallois ne pouvait détacher ses yeux de la scène. L’étranger avait terminé et regardait maintenant dans sa direction.

L’agent Jones était figé, réalisant l’horreur de l’acte dont il avait été témoin. Ne restait plus qu’un amas de vêtements et de peau vide où tout organe et fluide avaient été extirpé de la malheureuse victime. Le chien aboyait toujours, couvrant les palpitations de son cœur. La panique le quitta, cédant place au soulagement à la vue de son capitaine. Lui saurait quoi faire, se disait-il en reculant lentement, tandis que l’humanoïde progressait vers lui. Jack sentit le danger avant même d’avoir atteint l’agent Jones. Sa première pensée fut de s’interposer entre cet être et le jeune homme, ce qu’il fit tout en ne quittant pas de vue l’étranger.

– Que s’est-il passé, Ianto ?
– Il l’a… il a…

Le Gallois bredouillait tant il était bouleversé. Le leader pointa son arme vers la créature, prêt à faire feu. Il analysait la situation tout en protégeant son subordonné. Qu’était donc cette entité ? Comment pourrait-il la neutraliser sans attirer l’attention d’éventuels témoins ? Les habitants du quartier, alertés par les aboiements, avaient prévenu les autorités du vacarme. Le risque que l’alien puisse faire d’autres victimes, s’ils ne l’arrêtaient pas, était grand, mais son arme suffirait-elle à l’éliminer ?

Les deux hommes entendaient la sirène de police qui se rapprochait de leur position. Les sons émis par le véhicule étaient de plus en plus forts. Contre toute attente, la créature fit demi-tour, s’évaporant dans la nuit. Jack se tourna vers un Ianto pâle comme la mort. Il le prit dans ses bras le sentant trembler contre lui. L’immortel attendit patiemment que son subordonné se calme, réalisant avec effroi ce qui aurait pu se passer si ce dernier avait été seul dans la rue.

– C’est fini, chuchota le capitaine, tu ne risques plus rien.
– Il est mort sans que je puisse…

Ses mots s’arrêtèrent au bord des lèvres et il s’accrocha à son chef comme à une bouée de sauvetage en pleine mer déchaînée. Des sanglots s’échappèrent de sa gorge sans que le Gallois puisse les contenir. Dans d’autres circonstances, la scène aurait pu faire sourire l’immortel, mais il se contenta de réconforter le jeune homme jusqu’à ce que ce dernier se reprenne et mette de la distance entre eux. C’est là que Ianto se rendit compte qu’il avait eu un petit accident. Il regarda la dépouille, détournant l’attention de son supérieur de sa personne en priant pour que ce dernier n’ait pas remarqué son embarras.

– Qu’allons-nous faire de lui ?

Le dirigeant resta silencieux quelques instants, soufflé par l’attitude du Gallois. Malgré cette épreuve, le jeune homme restait détaché, comme si ce qui venait de se passer entre eux n’avait pas eu lieu. Pourtant il avait senti réagir son corps contre le sien, cette peau douce qu’il rêvait de découvrir sans ces couches de vêtements. L’agent Jones l’observait également attendant une réponse de sa part.

– Tu le connais ?
– C’est… c’était mon voisin.
– Il avait de la famille ?
– Il vivait seul depuis que sa femme est décédée l’hiver dernier, ils n’avaient pas d’enfant, ni de proches à ma connaissance.
– Nous allons trouver ce visiteur et lui faire regretter de s’être attaqué à cet homme, sois-en sûr.

Ils avaient enfin une piste, une description de la créature et malheureusement une nouvelle victime à déplorer. Pour autant, Jack ne renonçait pas à traquer cet être maléfique. Vu l’urgence, l’immortel ne pouvait pas laisser le corps sur place au risque de le voir embarquer par les forces de police. Pour récupérer le mort, il devrait alors remplir de la paperasse et attendre le lever du jour pour le transférer au centre. Il fallait ramener la dépouille au quartier général sans se faire remarquer !

– Va me chercher une couverture.

Ianto monta rapidement chez lui prendre un sac mortuaire, deux paires de gants latex et changer de pantalon. Il fut de retour en quelques minutes. Son supérieur le fixa, surpris de voir les objets en sa possession. Cependant, il garda pour lui ses réflexions, le moment n’étant pas au questionnement. Ils emballèrent la dépouille que le capitaine souleva et plaça sur son épaule. Le cadavre privé de fluides était léger.

– Rentre maintenant, nous nous verrons demain.
– Et pour lui ? s’inquiéta le Gallois en désignant le chien assis à ses pieds.

L’immortel grimaça, ayant oublié l’animal de compagnie. Il ne pouvait pas le prendre au Hub alors qu’il serait seul à la base. Le déposer à la fourrière était exclu vu que le canidé avait un tatouage d’identification.

– Peux-tu le garder cette nuit ?

Ianto n’avait pas prévu d’avoir un animal de compagnie parce qu’il passait la plupart de son temps à l’organisation. Il accepta malgré tout, sachant que le capitaine trouverait une solution. Ils se quittèrent après avoir vérifié que la rue était déserte. La patrouille avait été déroutée vers une autre intervention plus urgente qu’un tapage nocturne.

***

À l’aube, le docteur Harper arriva au centre en compagnie de l’agent Sato. Ils étaient en avance, mais avec l’affaire en cours, ils ne pouvaient pas se permettre de reporter les recherches. Une agréable odeur de café embaumant le Hub les fit sourire. Ils se rendirent vers le coin-cuisine et se servirent une tasse, heureux d’ingurgiter un délicieux nectar après une bonne nuit de sommeil. Ils étaient certains que le Gallois était dans les lieux, lui seul pouvait préparer une boisson digne de ce nom. Un léger bruit les fit se retourner et ils se retrouvèrent face à un capitaine à la mine soucieuse. Ils déposèrent leur boisson et avancèrent vers lui.

– Jack, que se passe-t-il ? s’alarma Tosh.
– Une autre victime, lâcha l’immortel.
– Quand est-ce arrivé ? demanda le médecin en enfilant sa blouse, prêt à se rendre à la zone médicale.
– Cette nuit, Ianto a assisté à la scène, répondit leur chef.
– Quoi ! s’écrièrent-ils de concert.
– Comment va-t-il, où est-il ? s’inquiéta l’informaticienne.
– À l’infirmerie, il note tout ce qu’il a vu…

Owen n’attendit pas la fin de la phrase et descendit les marches le menant près de son collègue. Il l’observa quelques instants avant de l’approcher.

– Comment vas-tu ?
– Bien. Lui a eu moins de chance, lâcha Ianto en désignant la dépouille.
– Peux-tu me décrire ce qui s’est passé ?

À l’écoute du récit de l’agent Jones, les poils se dressèrent sur la peau du médecin et il mit quelques secondes avant de se pencher sur le cadavre. Une forte odeur l’incita à mettre un masque de protection, étant donné qu’il ignorait si la dépouille était couverte de bactéries. Cette pensée traversa brièvement son esprit, il secoua la tête, persuadé que les détecteurs de la baie médicale auraient signalé la menace, la zone aurait été alors immédiatement verrouillée. Les tissus desséchés ne laissaient que peu de chance de récolter de l’ADN non humain. Le docteur Harper ausculta l’épiderme soigneusement avec son scanneur portable, oubliant qu’il n’était pas seul dans la pièce.

Chapitre 3

Le Gallois n’avait pas bougé dans l’attente des conclusions du médecin. Ils furent rejoints par le leader.

– Alors ? interrogea ce dernier.
– C’est insensé ! Les organes ont été dissous, il ne reste plus une goutte de sang dans ce corps, pas d’os, rien que je puisse analyser, j’ignore à quel type de créature nous avons affaire, répliqua Owen en relevant les yeux vers son supérieur.

Ce dernier était intrigué par l’odeur qui émanait de la victime. S’il n’avait pas vu la scène de crime, il aurait pu croire que la dépouille avait séjourné dans les égouts. Le médecin ne pouvait pas, lui non plus, déterminer l’origine de ce relent.

– Nous avons au moins son identité, lâcha Ianto en désignant la victime. Devons-nous les prévenir ?

Jack soupira, sachant que tôt ou tard, il devrait informer les responsables de l’UNIT. Il savait également que les chercheurs de l’organisation londonienne ne mettraient pas longtemps à récupérer le corps, les excluant par la même occasion de l’affaire. C’était à lui de stopper cette créature et il comptait bien y parvenir sans avoir les militaires sur le dos. Être une organisation indépendante avait parfois du bon, mais dans ce cas précis, allait-il pouvoir conduire les recherches sans leur aide ?

– Où est Gwen ? demanda le leader.

Leur collègue n’était pas à son poste, ce qui était étrange étant donné les investigations qu’ils menaient. L’alarme de la roue de fer leur indiqua que le dernier membre venait d’arriver. Ils tournèrent la tête vers la rambarde, attendant de voir apparaître l’ex-agente de police. Cette dernière avait le sourire aux lèvres, sourire qui se figea lorsqu’elle croisa Tosh.

– Un problème ?
– Une autre victime, le corps est à l’infirmerie.

La Galloise posa son sac et rejoignit rapidement le reste de la bande. Une grimace déforma ses lèvres lui faisant froncer le nez.

– Owen, tu pourrais au moins prévenir ! C’est quoi cette puanteur ?

Un regard noir dudit Owen la fit taire. Ses collègues semblaient plus préoccupés que d’habitude, ce qui lui fit comprendre que ce cas était différent. Au cours de leur activité, ils avaient déjà eu affaire à des évènements étranges, néanmoins ce dernier était particulier, la Galloise en était bien consciente. Mais comme elle n’avait pas connaissance de tous les éléments, le teint blême du plus jeune l’inquiéta. Elle se tourna vers son supérieur.

– Qui est-ce ?
– Un voisin de Ianto, c’est arrivé cette nuit alors qu’il rentrait chez lui. Il a assisté à la scène, répondit le leader.
– Comment vas-tu ? demanda-t-elle, se tournant vers le Gallois.
– Selon toi, répliqua Owen, il aurait pu être à sa place ! Si ce type n’avait pas été là, c’est notre ami qui serait allongé sur cette table.
– Mais il ne l’est pas, souligna Jack. Nous devons nous mettre au travail et retrouver cette créature avant qu’elle ne fasse d’autre victime, continua-t-il en entraînant l’agent Jones vers la sortie.

Gwen les observa quelques instants avant de reporter son attention sur le médecin qui la fixait. Ce dernier savait très bien ce qui cogitait dans la tête de sa collègue. Il fallait être aveugle pour ne pas voir à quel point leur supérieur tenait au Gallois, plus qu’il ne le devrait, mais ce n’était pas ses affaires, tant que cela n’interférait pas avec leurs missions.

Tous connaissaient l’immortel et sa réputation, peu de personnes résistaient à son charme. Il n’en était pas de même pour la jeune femme qui se tenait devant la table d’autopsie. Le médecin savait que Tosh respectait leur chef et ne nourrissait pas de sentiment à son égard autre qu’une profonde amitié et il en était de même pour lui. Jack avait été présent à un moment crucial de leur existence et ils lui en étaient reconnaissants. Pour le Gallois, c’était moins évident à déceler, le jeune homme était secret et confiait rarement ses états d’âme.

– Ianto semble bouleversé, fit-elle.
– On le serait à moins. Cette créature était à deux doigts de ne faire qu’une bouchée de lui !
– Tu me fais marcher.
– Sans l’intervention de notre capitaine, notre jeune ami serait dépouillé de toute substance.
– Tu l’as examiné ?
– Pourquoi l’aurais-je fait ? Ianto n’a rien eu, à part une grande frayeur.

Owen se remémora le récit du Gallois et imagina ce que ce dernier avait dû ressentir en étant témoin de l’attaque. Comment aurait-il réagi si l’agent Jones avait été tué ? Aurait-il pu autopsier son collègue ? Ses questions ne cessaient de tourner dans sa tête. Gwen avait assisté à la descente aux enfers de Ianto après les évènements qui avaient failli lui coûter la vie et elle était inquiète pour le plus jeune. Le capitaine avait éliminé la menace, mais à quel prix ! Un frisson traversa son corps au souvenir de la souffrance du jeune homme.

– Il devrait en parler, se confier, lâcha-t-elle.
– Ianto le fera lorsqu’il sera prêt et Jack sera là pour l’écouter.
– Je pensais plutôt à un spécialiste, renchérit Gwen.

L’éclat de rire du médecin la fit grimacer lorsqu’elle se rendit compte de l’absurdité de sa remarque. Comme si un membre de Torchwood allait s’allonger sur un canapé et raconter ses états d’âme alors que leurs missions devaient rester secrètes !

– Ça va ! grommela-t-elle en quittant la zone.

Harper la regarda s’éloigner un sourire aux lèvres, il savait que sa collègue irait voir le leader pour discuter de la victime et glaner quelques informations sur l’agent Jones par la même occasion. Il secoua la tête et reporta son attention sur la dépouille. Par où commencer son autopsie ? Il n’en avait pas la moindre idée. Il se pencha et ausculta à nouveau attentivement la peau.

Cette odeur qu’il n’arrivait pas à identifier persistait, bien que moins prononcée depuis son arrivée, alors que les tissus étaient privés de fluides. Cela l’intriguait, il ne trouvait aucune correspondance avec les fichiers de l’institut médico-légal auquel il s’était connecté. Owen consigna cet élément dans son rapport après avoir jeté ses gants souillés dans le conteneur de déchets infectieux.

Le signalement que lui avait fait le Gallois l’intriguait. Comment la créature pouvait-elle absorber des organes sans occasionner plus de blessures externes ? Les déchirures sur le visage étaient si minuscules qu’il avait dû les examiner à la loupe. Avait-elle recours à de l’acide pour les liquéfier et les absorber ensuite dans son organisme ?

Il consulta la base de données de l’UNIT, espérant y trouver des réponses ou au moins un début de piste. Tosh faisait de même fouillant les archives numériques pour vérifier si les militaires avaient déjà été confrontés à un cas similaire. L’informaticienne se demandait pourquoi le capitaine n’avait pas encore averti les dirigeants de l’organisation londonienne.

Ianto était inquiet, sur la défensive alors que rien ne le poussait à l’être. Jack ne savait pas comment s’y prendre avec le jeune homme. La veille, l’agent Jones était parvenu à communiquer avec lui. Que redoutait-il ?

– Ianto, que se passe-t-il ?
– Vous…

Le Gallois hésitait, ne sachant pas comment le leader réagirait à sa requête. Il avait pris de l’assurance depuis sa mise à pied et commençait à s’ouvrir aux autres membres de l’équipe. Pour autant, il ne leur révélait pas tout de sa vie. Le capitaine avait parfois ce regard qui le mettait mal à l’aise, comme s’il lisait en lui et connaissait ses sombres secrets. L’immortel était intrigué par le comportement de l’agent Jones, ne sachant pas ce qui l’ennuyait.

– Qu’as-tu, Ianto ?

Après tout, il n’avait rien à perdre, Jack n’avait fait aucune allusion devant les autres membres, ce qui était surprenant connaissant le personnage, espérait le Gallois en se lançant.

– Vous n’allez pas mentionner cet incident.
– Incident, répéta le leader, ne voyant pas à quoi faisait allusion l’agent Jones.

Le Gallois fuyait son regard.

– Parle.
– Vous savez bien, bredouilla-t-il.

C’est là que Jack comprit de quoi il retournait, ayant oublié ce détail. Une main se posa sur l’épaule du plus jeune qui releva la tête.

– Je ne vais rien leur dire, le rassura-t-il. Tu as ma parole, mais j’ai une requête, poursuivit-il.
– Laquelle ?
– Tu me tutoies comme les autres.

Le visage du Gallois se détendit progressivement sous l’effet du soulagement. Il n’aurait pas supporté les plaisanteries du médecin si ce dernier avait appris sa petite mésaventure alors qu’il était parvenu à reprendre une place au sein de l’équipe. Place qu’il comptait bien conserver envers et contre tout.

– Merci, Jack.
– Je t’en prie. Je ne leur raconte pas tout, ajouta-t-il en se rapprochant de la baie vitrée les séparant des autres membres de l’organisation. Je sais que parfois je peux paraître insensible, mais jamais je ne te mettrais mal à l’aise devant eux volontairement, précisa le capitaine en croisant le regard de l’agent Jones qui l’avait rejoint.

– Que vas-tu faire de lui ? demanda le jeune homme en désignant le chien qui avait trouvé refuge dans la pièce.
– Je vais le garder pour l’instant, lâcha le leader. Ils ne sont pas au courant et je doute que l’un d’eux veuille le prendre.
– Je peux lui chercher un foyer.
– Nous verrons lorsque cette affaire sera résolue.

Le Gallois ne renchérit pas. Il réajusta son costume et quitta la pièce après un dernier regard à l’immortel. Jack s’installa dans son fauteuil et le chien se coucha à ses pieds sous la table de travail. L’immortel saisit le dossier devant lui et commença à le consulter cherchant un détail qui pourrait faire avancer l’enquête.

A suivre…