Chapitre 15 : De l’angoisse
- Ne vous inquiétez pas Alan, ça va aller…
Alan jeta un coup d’œil à la jeune femme qui tentait ainsi de le rasséréner et ne répondit pas. Si elle avait voulu le rassurer, alors il aurait fallu que sa voix soit un peu plus convaincante que ça, que son teint soit un peu moins pâle et que ses mains cessent de trembler malgré elle.
Le patriarche des Eppes reporta son attention sur la route sans mot dire. Des pensées toutes plus horribles les unes que les autres tournaient en boucle dans son esprit. Après ce qu’il avait subi, fallait-il que Charlie soit de nouveau malmené par ses ravisseurs ? Pourquoi n’avaient-ils pas pressenti le drame ? Et si Don était grièvement blessé ? Si… Non ! Ca il ne pouvait pas l’imaginer, il n’avait pas le droit même de commencer à le penser.
Don allait s’en sortir ! Il était fort ! C’était Don, son Donnie, celui qui était toujours là pour aider les autres. Mais qui était là pour lui ? chuchotait une petite voix agaçante dans un coin de son esprit. Et s’il en avait assez justement de toujours soutenir les uns et les autres en s’oubliant ? S’il en avait par-dessus la tête de passer toujours après son frère, de toujours le protéger comme lorsqu’ils étaient enfants ? S’il aspirait maintenant à un repos bien mérité ?
- Non, pas Donnie.
Une main se posa sur les siennes, crispées sur ses genoux et il s’aperçut qu’il avait parlé à voix haute. Il releva les yeux vers Amita qui tenait le volant de la main gauche et recouvrait les siennes de la droite comme pour le rassurer et se rassurer en même temps.
- Don va s’en sortir, forcément ! dit-elle d’une voix qu’elle s’efforçait de rendre ferme.
Il fallait qu’il s’en sorte. C’était indispensable. D’abord parce que sa disparition creuserait un vide insupportable dans leur vie et qu’Alan savait qu’elle le conduirait un peu plus rapidement vers la tombe. Mais aussi parce que Charlie ne survivrait pas sans lui. Déjà dans d’autres conditions la mort de son frère avait de grandes chances de lui être insupportable, mais dans celles-ci, quoi qu’on lui dise il serait la proie d’une culpabilité qui finirait par le faire basculer dans la folie ou dans la mort.
Amita reposa sa main sur le volant, se concentrant sur sa conduite. Ce n’était certes pas le moment d’avoir un accident ! Unis dans la même inquiétude, les deux occupants du véhicule sentait celle-ci croître au fur et à mesure qu’ils approchaient de l’hôpital.
Enfin elle arrêta sa voiture sur le parking des urgences et Alan en jaillit aussi vite que le lui permettait son âge et ses jambes flageolantes d’angoisse. Ils se précipitèrent à la réception :
- Je suis Alan Eppes. Mes fils ont été admis ici et…
- Alan !
Le père se retourna vers la voix qui l’interpelait et soupira d’aise en reconnaissant Colby. Cela allait lui simplifier les choses et surtout il allait avoir des nouvelles récentes de ses garçons.
- Colby ! Comment vont-ils ? Don…
- Venez par ici Alan et calmez-vous. Don est en chirurgie mais les médecins disent qu’il va s’en sortir.
Un double soupir de soulagement s’échappa des deux poitrines avant qu’Amita n’interroge à son tour, prenant Alan de vitesse :
- Et Charlie ?
Un léger voile passa sur le visage de Colby, que ne manqua pas de déceler le père du mathématicien qui scrutait attentivement l’agent pour ne pas rater le moindre signe d’un possible mensonge ou d’une possible demi-vérité qu’il lui débiterait pour le protéger. Mais il avait besoin d’entendre la vérité, quelle qu’elle soit. D’ailleurs Colby dut le comprendre car son hésitation fut très courte, presqu’imperceptible et si Alan n’avait pas eu son attention exacerbée par l’angoisse, il ne l’aurait sans doute même pas perçue.
- Charlie était en état de choc lorsqu’il a quitté Calsci. Il semblait agir de manière totalement machinale, se contentant de rester rivé aux côtés de Don. Arrivé ici les médecins ont voulu emmener son frère pour l’examiner et…
- … quoi ? interrogea Amita pâle d’angoisse.
- Il a fait une véritable crise de panique. Il était à la fois affolé et agressif et rien de ce qu’on pouvait lui dire ne semblait l’atteindre.
- Mais Don n’a pas réussi à…, commença Alan.
Colby lui jeta un regard gêné : il aurait préféré passer certains détails sous silence.
- Don avait perdu connaissance quelques minutes avant d’arriver à l’hôpital.
- Quoi ? Mais… S’il s’est évanoui c’est que…
- Non… Il avait perdu pas mal de sang et il souffrait. C’est ce qui a provoqué son malaise. Mais ses constantes restaient correctes et, comme je vous l’ai dit, le chirurgien ne semble pas inquiet.
- Ne semble… Mais il n’est pas complètement sûr n’est-ce pas ?
- Alan… Il ne pourra être sûr qu’après l’intervention. Mais il m’a assuré que tout devrait bien se passer.
- Devrait…
Alan laissa tomber le mot avec une sorte de colère. Il n’avait pas besoin de conditionnel. Tout ce qu’il voulait c’était des certitudes qu’on lui dise que tout ALLAIT bien se passer, que le chirurgien n’ETAIT pas inquiet, qu’on le conforte dans la certitude que Don allait se remettre, qu’il n’était pas en danger, qu’ils allaient très vite oublier cet épisode traumatisant.
- Et Charlie ? reprit Amita, concentrée sur l’état de son fiancé.
Le père des garçons lui jeta un regard presque hostile : Charlie ! Charlie ! Charlie ! Depuis sa naissance on aurait dit qu’il n’y avait plus que lui qui comptait. Et Don dans tout ça ? C’était lui qui avait reçu une balle ! Lui qui était en chirurgie ! Lui qui peut-être…
« STOP ! lança la voix de la raison dans sa tête. Ca ne sert à rien de penser au pire. Les médecins savent ce qu’ils disent. S’ils ne sont pas trop inquiets tu ne dois pas l’être non plus. Et Amita a raison de s’inquiéter de Charlie, parce que pour le moment il n’y a rien que vous puissiez faire pour Don, ni les uns ni les autres. Et quoi que tu puisses ressentir actuellement, tu sais très bien que Charlie n’est pas responsable et qu’il est autant ton fils que Don. »
Il passa une main fatiguée sur son visage, s’en voulant de cette seconde de réaction provoquée par un trop plein d’émotions. Depuis qu’il savait ce qu’avait enduré Charlie, il vivait dans une tension perpétuelle, horrifié de ce qui s'était produit, angoissé de ce qui pourrait arriver : son petit garçon si sensible se remettrait-il de cette nuit d’horreur ? Les malfrats allaient-ils s’en prendre à lui de nouveau ? Et aujourd’hui la nouvelle des événements l’avait fait atteindre le point culminant de cette angoisse. Les mêmes questions auxquelles s’ajoutaient toutes celles sur l’état de Don, l’évolution de ses blessures et d’autres tout aussi obsédantes qui tournaient en boucle dans sa tête douloureuse. De là cette réaction épidermique à une question légitime.
Il s’aperçut qu’Amita et Colby le fixaient d’un air inquiet et comprit qu’il se devait de les rassurer : non il ne s’effondrerait pas. Du moins pas tant que ses enfants auraient besoin de lui.
- Où est Charlie ? demanda-t-il alors à son tour.
Qu’au moins il soit rassuré sur le sort d’un de ses garçons !
- Il a fallu le maîtriser et le sédater.
- Oh mon Dieu ! s’écria Amita en portant ses mains tremblantes à son visage.
- Mais ça va aller…, s’empressa de terminer Colby. Selon les médecins il ne devrait pas tarder à reprendre conscience.
- Où est-il ? réitéra Alan.
- On vient de le transporter dans une chambre du service de chirurgie.
- De chirurgie ? Mais… Il est blessé ? s’effraya le père.
- Non. Je leur ai simplement dit que le meilleur moyen pour qu’il reste calme était qu’il puisse s’assurer que son frère allait bien. On l’a monté dans la chambre où on installera Don dès qu’il sera sorti de réanimation.
- Comment ça en réanimation ?
Cette fois-ci le ton d’Alan était complètement affolé et Colby se gifla mentalement d’être si peu capable d’expliquer clairement les choses. Il aurait aimé que Liz ou David soient à ses côtés, mais les deux agents, ainsi que Nikki, qui en l’occurrence n’aurait pas été d’une grande aide, étant encore plus maladroite que lui dans ce genre de situation, avaient été requis ailleurs. David devait rester à l’université pour les constats avec les services scientifiques afin de déterminer les circonstances de la mort de Samuel Ackerman et faire en sorte que Don n’ait pas d’ennuis à la suite de ce décès. Nikki et Liz avaient accompagné Jason et Stich à l’hôpital où ils devaient être examinés avant, si possible, de les ramener dans les locaux du F.B.I. pour un interrogatoire qui se conclurait par leur emprisonnement dans une cellule dont, pour sa part, Colby aurait bien jeté la clé.
- Rassurez-vous Alan. C’est la procédure normale de chirurgie. Vous savez bien qu’on surveille les patients le temps que leurs constantes soient satisfaisantes. Je crois qu’en fait j’aurais dû dire : salle de réveil…, s’excusa l’agent.
Un profond soupir de soulagement échappa à Alan qui, l’espace d’un instant, avait eu l’impression qu’on lui avait menti sur l’état réel de son fils aîné. S’efforçant de calmer les battements désordonnés de son cœur, il demanda :
- On peut le voir ?
- Oui, bien sûr. Je descendais justement voir si vous étiez arrivés afin de vous emmener à sa chambre.
Guidés par Colby, Alan et Amita se dirigèrent à pas pressés vers la chambre où se reposait Charlie.
*****
Charlie reprenait conscience doucement. Pendant une fraction de secondes il se sentit bien. Puis, presqu’immédiatement, la sensation qu’il s’était passé quelque chose d’horrible le submergea. Désespérément il chercha dans ses souvenirs…
- Donnie !!!!
Le mathématicien se dressa sur son lit, les yeux écarquillés, le corps tendu comme un arc, la bouche ouverte sur un hurlement d’angoisse qui ne franchit pas ses lèvres.
- Charlie… Charlie… tout va bien fiston.
- Charlie, ça va aller.
Deux voix réconfortantes le ramenèrent définitivement à la réalité. Ses yeux se posèrent sur Alan et Amita qui se tenaient de chaque côté de son lit.
- Papa ? Amita ?
Durant un instant, il se sentit réconforté par leur présence puis soudain l’angoisse déferla à nouveau sur lui :
- Donnie… Comment va Donnie ?... Papa !!!
Alan sentit son cœur se serrer : cette voix, ce cri, c’étaient ceux d’un enfant qui perd pied et qui appelle à l’aide celui qui a toujours veillé sur lui. Il posa les mains sur les épaules de Charlie, le forçant à s’allonger doucement avant de passer une main rassurante sur son front en sueur, chassant les boucles brunes qui s’y étaient collées.
- Ton frère va aller bien, dit-il. On va l’amener dans quelque temps.
- Il va aller bien ? Vraiment ?
- Vraiment oui. Il est sorti de chirurgie. Le médecin nous a dit que la balle n’avait touché aucun organe vital. Ils ont eu un peu de difficultés à l’extraire et Don a perdu pas mal de sang. Mais ça va aller. Il va juste falloir prendre garde à une possible infection parce que l’intestin a été perforé. Mais le chirurgien est confiant : la plaie a été débridée, nettoyée, et ton frère est solide. Tout va bien se passer.
- C’est vrai ? Tu ne me racontes pas d’histoires ?
- Charlie… Crois-tu que je te mentirais sur ce point ? s’offusqua Alan.
Il sentit le corps de son fils se détendre soudain tandis que celui-ci murmurait :
- Non… Non… Je sais que tu ne me mentirais pas…
Il ferma les yeux un moment murmurant, comme pour lui-même, comme pour s’en convaincre :
- Ca va aller… Donnie va bien aller…
Amita et Alan échangèrent un regard mi- inquiet, mi-attendri. Puis la jeune femme déposa un baiser léger sur le front de son fiancé :
- Charlie, je reviens vite… Je dois aller prévenir les autres que tu vas bien. Larry est sur les charbons ardents.
Charlie ouvrit les yeux et se contenta d’acquiescer du regard, comme s’il était incapable d’articuler un mot tant il restait sous le coup de la frayeur qui l’avait paralysé. Lorsque la jeune femme eut quitté la chambre, Alan se retrouva seul avec son fils. Colby, rassuré sur l’état de Don, était allé prêter main forte à ses collègues, prévenant Alan qu’ils passeraient sans doute tous dès le lendemain matin pour rendre visite aux deux patients, qui risquaient de n’avoir de patients que le terme médical d’ailleurs, avait-il ajouté dans une tentative de détendre l’atmosphère qui avait atteint son but, un sourire amusé fleurissant sur les lèvres crispées d’Alan et d’Amita.
Néanmoins ils ne seraient totalement rassurés que quand Charlie aurait repris connaissance et que Don serait près d’eux aussi.
- Papa… Je suis désolé…
La voix de Charlie sortit Alan de ses pensées et, incrédule, il reporta son attention sur son cadet.
- Quoi ? Mais de quoi tu parles Charlie ?
- Don a été blessé à cause de moi.
- Charlie ! Tu t’enlèves ça de la tête tout de suite ! Don n’a pas été blessé à cause de toi mais à cause de criminels qui s’en sont pris à toi.
- Si je n’avais rien dit…
- Si tu n’avais rien dit des gens seraient morts Charlie. Tu étais prêt à vivre avec ça ?
- Mais c’est mon frère qui a failli mourir parce que j’ai parlé ! Est-ce que sa vie a moins de valeur que celles d’étrangers ?
- Charlie… Arrête ! Tu as tout faux et tu le sais. Ton frère n’accepterait jamais que la moindre vie soit sacrifiée à la sienne… C’est pour ça qu’il a choisi ce métier : pour faire le bien, aider les autres. Crois-tu qu’il pourrait se pardonner d’apprendre que, pour le protéger, d’autres personnes sont mortes ? Crois-tu qu’il aurait pu te pardonner de ne pas lui parler ?
- Mais… à cause de moi…
- Pas à cause de toi fils ! Ces hommes ont choisi leur voie et ils en ont payé le prix.
- Mais il s’est sacrifié pour moi. Il est entré dans cette pièce, et ils ont tiré sur lui…
- C’était son choix Charlie. Tu es son petit frère, il ne pourrait pas supporter qu’on te fasse du mal.
- Quitte à se sacrifier pour moi ?
- Oui.
- C’est injuste papa !
- Qu’est-ce qui est injuste ?
- Il me donne tant, tellement souvent, depuis toujours. Et moi je ne fais jamais rien pour lui. Il est toujours là pour moi et je ne lui attire que des ennuis. A plusieurs reprises il a été blessé à cause de moi, j’ai failli lui faire perdre son travail, sa pension, et maintenant…
Alan posa la main sur celle de son fils, le forçant à le regarder bien en face :
- Alors maintenant tu vas m’écouter attentivement Charles Edouard Eppes avant de continuer de débiter une litanie de bêtises qui mériterait que je te flanque mon pied aux fesses si tu étais dans une autre position ! Jamais Don n’a été blessé à cause de toi.
Il continua plus fort, serrant la main de son garçon pour l’empêcher de protester :
- JAMAIS. Certes tes calculs l’ont parfois mis dans des situations dangereuses qui ont à l’occasion abouti à des blessures. Mais sans tes calculs, il aurait tôt ou tard été face aux mêmes dangers. Et loin de lui être inutile, ton aide lui a été précieuse depuis toutes ces années. Il adore travailler avec toi et tu sais bien que ce ne serait pas le cas si tu ne lui apportais pas une aide précieuse. Tu as toujours été là pour lui Charlie, comme il a toujours été là pour toi, comme je serai toujours là pour vous deux. Il y a des choses comme ça qui ne changeront jamais. Alors certes parfois la vie vous envoie des avertissements, comme aujourd’hui mais c’est aussi ces moments-là qui vous permettent de mesurer l’affection que l’on vous porte.
Il se tut un instant, semblant vouloir laisser à son fils la possibilité d’argumenter. Mais le mathématicien se contentait de le fixer d’un regard où brillaient quelques larmes :
- Don n’aurait pas pu agir autrement qu’il l’a fait aujourd’hui, parce que sans toi il serait perdu, parce que, s’il t’était arrivé quelque chose dans ce bureau, il n’aurait jamais pu se le pardonner. Et je suis sûr qu’il préfère mille fois endurer une blessure que de te voir, toi, être blessé.
- Ce n’est pas pour autant que c’est juste, s’entêta Charlie.
- Mais qui a dit que la vie était juste fiston ? Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, tu seras toujours le petit frère de Don, celui qu’il a pris dans ses bras quelques semaines avant ses cinq ans. Si tu avais pu voir son air fier à ce moment-là ! Ta mère et moi nous avons tout de suite su que quiconque se mettrait sur ta route le trouverait sur la sienne. Au moment précis où il a posé son regard sur toi, nous avons été certains qu’il veillerait toujours sur le petit frère que nous venions de lui offrir. Et ça ne s’est jamais démenti depuis.
Alors que Charlie ouvrait la bouche pour une remarque ou une nouvelle protestation, Alan ne le saurait jamais, la porte s’ouvrit sur les brancardiers poussant le lit dans lequel reposait Don.
Les deux hommes fixèrent leur regard sur la forme qui gisait dans les draps. Don avait les yeux fermés, il était pâle et une canule nasale était accrochée à son visage tandis qu’une ligne intraveineuse fixée au dos de sa main gauche lui apportait les médicaments dont il avait besoin, mêlés à du sérum qui le réhydratait. Son index était passé dans un doigtier qui indiquait ses constantes.
Après avoir vérifié les appareils, les infirmiers prirent rapidement congé tandis que le médecin entrait à son tour :
- Il va bien ? questionna Charlie d’une voix angoissée.
- Oui. Tout va bien. Il a repris conscience il y a vingt minutes et il était cohérent quoiqu’un peu léthargique ce qui est tout à fait normal. Ses constantes sont bonnes et il ne montre aucun signe d’infection. On lui a retiré la sonde urinaire et je pense pouvoir ôter l’oxygène d’ici une heure ou deux.
- Il est si pâle ! s’inquiéta le mathématicien.
- C’est normal. Il a tout de même perdu beaucoup de sang et subi une intervention chirurgicale qui n’est pas anodine.
- Mais ça va aller ? demanda à son tour Alan en s’approchant du lit de son fils pour prendre sa main dans la sienne.
- Oui… Nous allons le garder deux ou trois jours, le temps de nous assurer que la plaie cicatrise et qu’il ne développe aucune infection. Mais je ne suis pas inquiet.
- Merci docteur, dit Alan alors que le praticien quittait la chambre. Dieu merci ! Il va aller bien, reprit-il en fixant son regard sur Charlie comme pour l’en convaincre.
Le mathématicien en effet était alarmé par la pâleur de son frère et il avait du mal à croire aux déclarations du chirurgien.
- Papa… Tu es sûr que ça va aller ?
- Tu as entendu le médecin comme moi Charlie.
- Oui, mais si…
- Non ! Ne commence pas ! Pas de si, pas de mais, pas de conjectures inutiles. Don va aller bien !
- Ecoute un peu ce qu’on te dit, tête de mule…
La voix faible mais ferme de Don les fit sursauter tous les deux.
- Donnie… Comment vas-tu mon ange ?
Alan ne sut pas si la grimace qu’arbora alors son fils était due à la douleur ou à la réaction à ce surnom un peu trop « câlin » à son gré.
- J’ai déjà été mieux…, chuchota-t-il en prenant une légère inspiration pour tenter de maîtriser la douleur.
- Tu as mal ? s’inquiéta Charlie, cherchant des yeux la sonnette pour appeler l’infirmière.
- Charlie… j’ai pris une balle au cas où tu l’ignorerais.
- Oui… Je suis désolé Don…
- Oh non ! pitié !! Ca ne va pas recommencer ! Papa… dis-moi qu’il ne se sent pas responsable de…
Alan eut une moue désabusée :
- Tu connais ton frère…
Don ferma les yeux un instant puis les rouvrit. Il tourna la tête pour fixer son frère :
- Et toi comment tu vas Charlie ?
La question prit le mathématicien de court.
- Comment ça comment je vais ? C’est toi qui est blessé et…
Il s’interrompit en voyant une nouvelle grimace de douleur déformer les traits las de son frère. Ce n’était pas le moment de polémiquer.
- Je vais bien, admit-il.
- Alors tout va bien, sourit Don en refermant les yeux avec accablement. Et Charlie…
- Oui ?
- Tu n’es responsable de rien frangin tu m’entends… De rien du tout…
Avant que le cadet ait pu répondre, une infirmière entrait. Elle vit tout de suite que le patient souffrait et injecta un produit dans le fil de la perfusion. Très vite les traits de Don se détendirent et il plongea dans un sommeil réparateur.
Même s’il n’en avait pas envie, Alan dut se résigner à quitter ses fils, les heures de visite étant largement dépassées. Il n’avait dû son autorisation à rester plus longtemps qu’à l’insistance de Colby et à l’appartenance de Don au F.B.I. Maintenant qu’il était rassuré sur le sort de ses garçons, il devait rentrer chez lui prendre un peu de sommeil. De toute façon il n’y avait rien qu’il puisse faire pour eux. Charlie devait sortir dans la journée du lendemain et il devait lui apporter des vêtements.
Amita était revenue dans la chambre juste le temps d’embrasser son fiancé et de s’assurer que Don allait le mieux possible. Puis ils prirent congé du mathématicien qui se laissa à son tour doucement glisser dans le sommeil, bercé par le souffle de son frère. Don était là, près de lui… Il ne pouvait rien lui arriver.
(à suivre)