Dernier reclassement de la saison, juste avant la rentrée...
Cette petite fiction était destinée à Homer.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Ann Donahue & Anthony E. Zuiker. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
C'est si peu dire que je t'aime
Mac tenait la main de son amour serrée dans la sienne et il priait de toute son âme : pas maintenant, pas encore… S’il vous plaît… Encore un moment pour s’aimer… Encore un moment pour être avec lui, pour penser à un avenir encore possible.
Il regardait cette main parcheminée, cette main qu’il tenait depuis si longtemps et la peur le tenaillait, lui qui n’avait pas souvent eu peur.
Après tant d’années, tant de bonheur partagé, tant de nuits enfiévrées, le temps ne pouvait pas être venu de laisser partir son âme sœur. Pas encore… Pas maintenant…
Il voulait encore du temps : du temps pour aimer, du temps pour espérer, du temps pour parler, lui qui n’avait jamais été un grand bavard. Il avait besoin de ce temps, il avait besoin de repousser cette fin inéluctable, besoin de ne pas poser encore ce point final, ce point de non retour, ce point qui signifierait la fin de son amour.
Comme une étoffe déchirée
On vit ensemble séparés
Dans mes bras ton odeur me hante*
Et la blessure de durer
Faut-il si profond qu'on la sente
Quand le ciel nous est mesuré
C'est si peu dire que je t'aime
Mac regardait le visage ridé de son amour et il ne voyait pas ces rides. Lui, il revoyait le jeune flic, sûr de lui, au sourire ravageur, aux yeux bleus acier, en pleine possession de ses moyens, chien un peu fou, indompté qu’il avait aimé au premier regard, sans s’en rendre compte alors.
Il lui avait fallu du temps pour oser poser des mots sur ce qu’il ressentait pour le lieutenant, plus de temps encore pour oser faire le premier pas. Mais Don était son âme sœur : celui qui lui était destiné de toute éternité et dès que leurs lèvres s’étaient unies, ce soir de lassitude à l’issue d’une affaire compliquée, il l’avait compris.
Ensuite ils s’étaient installés ensemble, faisant fi des remarques des uns et des moqueries des autres. Ceux auxquels ils tenaient : Danny, Lindsay, Sid, Adam, Sheldon, Jo, avaient tous accepté leur amour et même l’avaient applaudi. Les autres, tous les autres, l’un comme l’autre se contrefichaient de leur opinion.
Tant d’années après, l’amour était toujours là, aussi fort, aussi absolu.
Cette existence est un adieu
Et tous les deux nous n'avons d'yeux
Que pour la lumière qui baisse
Chausser des bottes de sept lieux
En se disant que rien ne presse
Voilà ce que c'est qu'être vieux
C'est si peu dire que je t'aime
Où étaient passées toutes ces années ? Qu’avaient-ils fait de tout ce temps passé ensemble à se bâtir un bonheur peut-être un peu égoïste mais tellement doux ?
Et finalement, pas si égoïste que cela. Il y avait eu Bobby, le petit délinquant d’une dizaine d’années que Don avait pris sous son aile et que finalement ils avaient adopté, lui offrant une seconde chance ainsi qu’à sa petite sœur de quatre ans. Leurs enfants, leurs amours… qui avaient cimenté leur couple mais l’avait parfois fragilisé aussi lorsque les vieux démons étaient venus de nouveau hanter Bobby, jamais tout à fait sorti de la rue, jamais tout à fait entré dans la légalité.
Bobby… Combien de fois s’étaient-ils disputés à son sujet ? Combien de fois Don et lui s’étaient-ils mouillés pour le sortir des mauvais pas où il se fourrait ? Jusqu’à ce coup de trop qui aurait dû le conduire droit en prison. Mac avait fait jouer ses relations et Bobby était parti pour l’armée. Il y était enfin devenu le gars bien qu’il était au fond de lui mais que son enfance saccagée avait empêché d’émerger.
Sans doute serait-il devenu un homme exceptionnel si la mort ne l’avait pas fauché dans une attaque suicide quelque part en Afghanistan. Cette peine-là, elle était encore au fond de son cœur et il savait que Don ne s’était jamais tout à fait remis de la disparition de leur fils.
Mais ils avaient tenu bon, traversé la tempête ensemble et leur amour en était sorti plus fort.
Aujourd’hui il ne voulait pas, il ne pouvait pas accepter que ce moteur qui l’avait tenu debout depuis si longtemps pouvait s’arrêter. Il avait encore tant de chose à dire à l’homme qu’il aimait, tant de mots à lui murmurer, tant de serments à prêter.
C'est comme si jamais, jamais
Je n'avais dit que je t'aimais
Si je craignais que me surprenne
La nuit sur ma gorge qui met
Ses doigts gantés de souveraine
Quand plus jamais ce n'est le mai
C'est si peu dire que je t'aime
La vieillesse, ils étaient entrés dedans sans même s’en rendre compte, à petits pas. A force de se mirer dans le regard de l’autre, ils n’avaient pas pris conscience de ces années qui passaient. Bien sûr l’âge de la retraite avait sonné, d’abord pour lui, puis pour Don, et pourtant ils avaient toujours l’impression d’être à la fleur de l’âge.
Pourtant, petit à petit leurs balades s’étaient faites moins longues, leurs vacances les emmenaient moins loin, les petits maux étaient devenus plus fréquents… Lisa, leur fille, leur fierté, devenue flic à son tour, était devenue plus attentive, protectrice de ceux qui l’avaient protégée si longtemps…
Un jour ils s’étaient réveillés vieux, mais toujours amoureux.
Lorsque les choses plus ne sont
Qu'un souvenir de leur frisson
Un écho de musique morte
Demeure la douleur du son
Qui plus s'éteint plus devient forte
C'est peu, des mots pour la chanson
C'est si peu dire que je t'aime
Et je n'aurai dit que je t'aime
Et aujourd’hui, Mac avait l’impression d’avoir cent ans. Depuis que Don s’était réveillé quelques jours plus tôt avec du mal à respirer, depuis ce trajet en ambulance, depuis qu’il avait entendu les infirmiers parler du « vieil homme en détresse respiratoire, suspicion de crise cardiaque… »
Don n’était pas, ne serait jamais un vieil homme ! Il était son amour, son bel amour, le jeune homme fougueux qui avait embelli sa vie. Don ne pouvait pas, ne devait pas partir, pas encore… jamais.
C’était lui le plus âgé, en toute justice, c’était à lui de partir le premier…
- Mon amour…
Mac sursauta, arraché à ses pensées par le murmure qui venait du lit. Il releva la tête et croisa le regard de son compagnon, un regard plus las, mais toujours si beau, avec cette étincelle qui pétillait au fond de ses prunelles, aujourd’hui comme hier.
- Don…
Il ne trouvait pas ses mots. Il avait peur… peur d’entendre les mots d’adieux, les mots qui scelleraient sa solitude.
- Mon amour…
Deux mots… Deux mots qu’il voulait entendre encore et encore. Il saisit la main frêle de son amour et la porta à ses lèvres en souriant :
- Don… Tu m’as fait peur.
Il y eu ce sourire, ce sourire qu’il avait cru ne plus jamais revoir :
- Que ferais-tu sans moi hein ? Je n’ai pas l’intention de te laisser. Je t’aime…
Bien sûr ce n’était qu’un sursis. Bien sûr qu’ils cheminaient maintenant sur la fin du sentier, mais pas maintenant, non… pas encore. Mac ne savait plus s’il devait espérer partir le premier sachant quel serait le désarroi de son amour si cela arrivait. Etait-ce égoïste d’espérer échapper à la douleur ? Il espérait que, peut-être, le destin serait clément et les rappellerait ensemble.
Peut-être.
Mais c’était pour demain, ou pour après demain ou dans bien longtemps encore. Aujourd’hui ils étaient vivants tous les deux, plus fatigués, plus courbés, plus ridés, mais ensemble. Et tandis que leurs lèvres s’unissaient avec une infinie tendresse, Mac se fit la promesse que jamais, jamais plus il ne laisserait son amour partir loin de lui. Ils étaient deux âmes sœurs, ils n’étaient qu’un…
FIN
*Paroles originales : je te tiens absente
Chanson de Jean Ferrat