Ben oui, il y en a une, il faut juste me laisser le temps de la poster...
Chapitre 12 : La conférence
Avril 2006 – 18 h 25 : Big Bear MontainCharlie frémit en se souvenant des jours d’angoisse qui avaient suivi tandis que Don se débattait contre la mort. Bien évidemment, dans un premier temps, ses parents avaient refusé de lui dire la vérité. Mais il avait vite compris, au visage bouleversé de sa mère, à la nervosité de son père… Ils avaient fini par lui dire que quelque chose était arrivé à Donnie et qu’il était dans un état grave. Il n’avait pas pu le voir parce qu’il était trop jeune. De toute façon jamais Alan et Margaret ne lui auraient laissé voir son frère branché à toutes ces machines. Et puis, après l’angoisse, lorsque Don était revenu enfin, il y avait eu les tracas administratifs : un médecin avait signalé l’hématome sur le bras, la rougeur sur la joue… Il y avait eu une enquête : police, services sociaux. Pour que les enfants ne soient pas placés, Alan avait dû accepter de s’éloigner de leur domicile le temps que les psychologues et les assistants sociaux rendent leur verdict. Finalement, après trois semaines d’horreur, les choses s’étaient apaisées. On avait fini par écouter les frères qui clamaient qu’ils n’étaient pas maltraités, admettre que les fractures, entorses et autres contusions qui avaient amené Don aux urgences dans les années précédentes étaient provoqués par des accidents, le plus souvent durant les activités sportives, que sa tentative de suicide n’était pas due à une volonté d’échapper à de mauvais traitements.
Mais Charlie n’avait jamais oublié les conséquences terribles de son petit mensonge, même s’il n’avait compris que beaucoup plus tard les causes de la « maladie » de son frère. Plus jamais il n’avait menti sur quoi que ce soit en ce qui concernait leur relation. Mais quelque chose déjà s’était déchiré à l’époque, quelque chose qu’il n’avait jamais pu réparer et que son attitude, deux mois plus tard, lors de l’anniversaire de Don avait définitivement brisé.
Et de nouveau par son égoïsme, ses caprices, il venait de mettre la vie de son frère en danger ! Mais quel démon l’habitait qui le poussait à faire ainsi du mal à celui qui l’aimait tant ?
- Charlie…
La voix faible de son frère le ramena, une fois de plus, au présent.
- Charlie, tu dois y aller. Je vais tenir le coup, je te le promets.
Retenant ses larmes, le mathématicien serra la main valide de son frère, comprenant qu’il n’était plus temps d’atermoyer.
- D’accord… Je reviens vite.
- C’est ça…
Mais, parmi tous les arguments qu’il avait alignés pour rester auprès de son aîné, Charlie avait tout simplement oublié celui qui serait imparable : la trahison de son propre corps.
Alors qu’il se relevait pour aller chercher du secours, il poussa un grand cri et s’abattit auprès de son aîné.
- Charlie ! Charlie ! Qu’est-ce que tu as ? Tu es blessé ? Charlie !!!
La voix affolée de Don l’arracha à la demi-inconscience ou l’avait plongé la douleur. Il sentit que son frère s’agitait, au risque d’aggraver ses blessures et il se glissa près de lui pour le rassurer :
- Non… Je vais bien… T’inquiète.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que tu as ?
- C’est ma cheville…
- Ta cheville ?
- Quand je suis descendu pour… pour…
Il ne pouvait pas, même sachant ce qu’il savait maintenant, se replonger dans le cauchemar qu’il avait vécu lorsqu’il avait dégringolé la pente, terrifié, certain que son frère était mort. Ce dernier comprit ce qu’il ne disait pas et lui serra la main pour le rassurer :
- Ca va mon pote… Je suis là…
- Oui… Oui…, tu es là…
Cette fois-ci les larmes lui débordèrent des yeux et il les essuya d’un geste rageur : comme si c’était le moment de pleurnicher !
- Hé… Tu pleures ? s’inquiéta l’aîné.
-Non ! C’est cette foutue pluie qui me dégringole dans les yeux, se défendit-il dans une tentative fort peu convaincante.
- Si tu le dis…, répliqua son frère qui n’était certes pas dupe mais savait combien Charlie détestait être surpris en flagrant délit de faiblesse.
Puis l’agent revint à sa préoccupation première :
- Que s’est-il passé ? Où as-tu mal frangin ?
- C’est ma cheville : une entorse, une fracture, je ne sais pas mais… je serai incapable de remonter, c’est sûr.
Don poussa un soupir de résignation sous lequel Charlie décela aussi une forme de soulagement, comme si, finalement, son aîné n’était pas si mécontent qu’il doive rester près de lui : appréhension de rester seul démuni comme il l’était ou instinct de mère poule envers son cadet qui le rendait inquiet de le savoir isolé dans une nature hostile ? Le mathématicien savait qu’il n’aurait jamais la réponse et devrait se contenter de probabilités, la seconde ayant les plus fortes chances d’être la bonne, mais selon toute vraisemblance un peu des deux dans une proportion qu’il pourrait peut-être…
- Hé… Reste avec moi mon pote !
La voix de Don le coupa sur la route de calculs inutiles et il se focalisa de nouveau sur leur situation :
- Qu’est-ce qu’on va faire ?
Pitoyable ! Il était pitoyable ! Son frère était gravement blessé, incapable de bouger, et c’était lui qui devait trouver des solutions ! Ah il était beau le génie !
- Et bien, je présume que lorsqu’il ne nous verra pas renter papa va déclencher une alerte internationale…
L’humour dans le ton du plus vieux lui échappa quand il songea à l’inquiétude qu’allait éprouver Alan. Et ce ne serait rien à côté de la colère qui serait la sienne lorsqu’il apprendrait l’enchaînement des événements ! Mais tant qu’il était seulement en colère et pas en deuil, songea le professeur, ce ne serait que demi-mal.
- C’est vrai… Il va donner l’alerte.
- Et le shérif sait par quelle route nous comptions redescendre, donc ils lanceront des recherches très vite.
- A condition que le temps le permette.
Il se détestait d’être aussi défaitiste, mais il ne pouvait pas s’en empêcher.
- D’après ce que j’ai vu de ce type, ce n’est pas quelques gouttes de pluie et deux ou trois éclairs qui devraient l’arrêter, tenta de le rassurer Don.
- Sans doute… Donnie…
Au son de sa voix, l’agent sut ce que son frère voulait dire et il lui coupa aussitôt la parole :
- Non Charlie ! Pas de ça ! Tu n’es pas responsable de ce qui vient d’arriver !
- Pourtant… C’est moi qui aie insisté pour qu’on prenne la route malgré la météo.
- Et j’ai accepté ! Tu me connais assez pour savoir que si j’avais vraiment pensé qu’on courait le moindre risque j’aurais refusé. Tu peux me dire la dernière fois où tu as réussi à me faire changer d’avis quand je voulais vraiment quelque chose ?
- Et bien…
Le mathématicien avait bien des exemples à lui donner, mais effectivement, ils étaient tous concentrés dans leur enfance. Lorsque l’adolescence les avait séparés, il n’avait plus eu ce pouvoir de réussir à obtenir ce qu’il voulait de son aîné, enfin, la plupart du temps.
- Tu te souviens de la conférence ?
- La conférence ?
- Oui, tu sais bien… J’avais douze ans. Les parents devaient m’emmener et…
Don sourit : oh oui il s’en souvenait. L’espace d’un instant, les deux frères oublièrent leur position précaire pour se replonger dans ce souvenir commun.
Flashback
Septembre 1987 : Pasadena- Charlie, Charlie, qu’est-ce que tu fiches bon sang ? On va être en retard ! Charlie !!
Excédé, Don monta quatre à quatre les escaliers et fit irruption dans la chambre de son jeune frère. En le voyant entrer comme une furie, Charlie sursauta violemment :
- Alors ! Magne-toi un peu mon vieux ! Tracy m’attend ! Déjà que je dois me taper la corvée de te déposer, alors au moins tu pourrais t’arranger pour être à l’heure !
Subitement, il prit conscience de ses paroles en voyant le front de son frère se rembrunir et des larmes lui monter aux yeux.
- Oh Charlie ! Excuse-moi, je ne voulais pas dire ça.
- Bien sûr que tu voulais dire ça. Mais tu sais, tu n’es pas obligé de m’emmener. Je peux très bien rester là.
- Alors ça, pas question ! Les parents m’étriperaient figure-toi !
Et intérieurement, pour la énième fois de la journée, Don se mit à pester contre ses parents. Ils étaient partis le matin même pour rendre visite à une de leur relation et devaient rentrer à temps pour emmener Charlie à un séminaire durant lequel il devait faire une conférence devant une assemblée d’étudiants de troisième année à Calsci, l’université de Los Angeles. Et puis ils avaient téléphoné, deux heures plus tôt, pour dire à Don qu’il y avait eu un accident sur la voie rapide et qu’en conséquence ils ne seraient pas là avant trois bonnes heures. A lui de se charger de son petit frère. Et quand il avait tenté de protester, disant qu’il avait rendez-vous avec Tracy et autre chose à faire que de s’occuper du petit génie, son père avait pris un tel ton qu’il avait compris que toute discussion était inutile. Et voilà, il se retrouvait avec le fardeau sur les bras ! Une fois encore ! Mais Charlie n’y était pour rien lui, il n’avait pas à s’en prendre à lui.
- Allez, dépêche-toi, dit-il radouci. On t’attend au séminaire et moi, si je suis en retard, je prends un carton rouge avec Tracy alors…
A ce moment-là, il aperçut l’accoutrement de son frère et ses yeux s’arrondirent.
- Attends, tu ne comptes tout de même pas y aller comme ça ?
- Comment ça, comme ça ? s’étonna le gamin.
- Enfin ! Regarde ta cravate ! Elle est dans un état !
En effet, sa cravate ressemblait plus à un vieux chiffon sale qu’à l’accessoire d’élégance qu’elle était censée être.
- Mais qu’est-ce que tu as fait avec cette cravate ? Tu l’as traînée dans la boue ou quoi ?
- Non, j’ai oublié de demander à maman de la laver après ma dernière conférence.
- Et bien mets-en une autre ! Tu ne peux pas sortir avec ce… truc autour du cou.
- Mais c’est ma cravate porte-bonheur !
- Et bien prends en une autre tout de même. Tu n’imagines pas que je vais te laisser t’exhiber en public avec ça !
Charlie était indécis. Bien sûr il s’était rendu compte que sa cravate n’était pas très présentable, mais de là à dire… Et puis un coup d’œil à son frère, suprêmement élégant avec son complet gris, sa chemise blanche immaculée et sa cravate bleue finement rayée de bordeaux, lui fit prendre conscience du négligé de sa tenue par rapport à celle de son frère aîné.
Seulement, c’était sa cravate porte-bonheur. Quoi mettre d’autre ?
- Bon, on ne va pas y passer la nuit. Tiens, mets donc celle-ci !
Don, fouillant dans les tiroirs de son frère, venait de lui jeter une cravate verte qui s’harmonisait tout à fait avec ses vêtements. Charlie obtempéra, comprenant que la patience de Don commençait à s’épuiser. A dix-sept ans, celui-ci avait horreur qu’on lui colle la garde de son jeune frère sur les bras, et encore plus si, comme c’était le cas ce soir-là, il avait un rendez-vous galant. Depuis le temps qu’il parlait de sortir avec Tracy Larson !
- Allez, dépêche-toi. Bon sang, que tu peux être empoté !
Ignorant le visage contrit de son petit frère, Don le poussa rudement devant lui. Le gamin descendit rapidement les marches et se rua dans la cuisine.
- Charlie ! C’est pas vrai ! Il faut qu’on y aille maintenant !
- Oui, juste le temps de prendre un jus de fruits !
Don poussa un soupir d’exaspération : décidément, son frère était irrécupérable. Au moment où il pénétrait à son tour dans la cuisine, il entendit Charlie pousser une exclamation de désespoir.
- Quoi ? Qu’est-ce qui se passe encore ?
Il s’aperçut alors que Charlie regardait sa cravate d’un air piteux : celle-ci dégoulinait de jus de fruits rouge, bien épais et bien salissant ! Don eut un geste de résignation : d’accord ! Heureusement qu’il avait prévu de partir en avance !
- Ce que tu peux être maladroit ! Bon, et bien file te changer idiot !
Comme son frère restait planté au milieu de la cuisine, il se précipita vers lui, l’attrapa par le poignet et le tira vers les escaliers. En moins de cinq minutes, le gamin se retrouva nanti d’une nouvelle chemise et d’une cravate propre que son frère noua rapidement avant de l’entraîner à nouveau en bas.
- Allez, on fonce.
- Attends !
- Quoi encore ?
- Mes papiers ! Mes notes pour la conférence !
- Tu es incroyable ! Ce n’est pas encore prêt ?
- Si, sur la table du salon ! Je vais les prendre. Deux minutes ! Tiens : une et…
- NOON !!! hurla Don.
En prenant un peu trop vivement son stylo plume qu’il avait laissé ouvert, Charlie venait, une nouvelle fois de tacher sa cravate, au désespoir de son aîné qui commençait à se demander s’il n’y avait pas une malédiction sur lui ce soir-là.
- Mais tu veux me rendre dingue ou quoi ? File te changer, et dépêche-toi un peu !
Le gamin restait là, bras ballants, à regarder les éclaboussures noires qui déparaient le rouge vif de la jolie cravate que son frère lui avait donnée.
- Mais…
- Mais quoi ?
- Je n’ai plus de cravate maintenant ! C’était la dernière qui était propre !
- Tu veux dire que tu n’as que trois cravates ?
- Non, j’en ai cinq, mais il y en avait déjà deux de sales.
- Tu veux dire qu’il y en a cinq sales oui ! Il faudrait que tu arrêtes de confondre cravate et bavoir frangin !
Avec un soupir d’exaspération, Don se rua dans la chambre de leurs parents et en rapporta trois cravates appartenant à Alan. Puis il saisit son frère par le coude et le propulsa dans la voiture.
- C’est bon : avec ça on devrait être parés ! En route !
Sur le chemin, du coin de l’œil, il regardait son jeune frère se débattre avec son nœud de cravate. Très vite, la première ressembla à une vieille serpillière et Don se dépêcha de s’arrêter sur le bas côté avant que son frère ne gâche aussi les deux autres qu’il avait prises.
- Arrête un peu ça ! Bon sang ! Pourquoi est-ce que tu n’es pas capable de faire tes nœuds de cravate ? Bien la peine d’être un génie tiens !
Et puis il s’aperçut que les yeux de son petit frère s’emplissaient de larmes et il dit plus doucement :
- Je plaisantais Charlie. Allez, tiens, tu es beau comme un dieu avec cette cravate. Tu vas tous les scotcher !
Ils repartirent et, sans plus s’occuper de son cadet, Don se concentra sur sa conduite.
Arrivés au centre de conférence, il se gara soigneusement et les deux garçons descendirent de voiture.
- Bon, je t’accompagne jusqu’à la salle de conférence, je te confie au responsable et je file !
- Don…
- Quoi ?
- Tu ne veux pas rester avec moi ?
C’est seulement à ce moment-là que Don s’aperçut combien son petit frère était pâle et tendu.
- Qu’est-ce qui t’arrive frangin ?
Les yeux de Charlie se remplirent de larmes.
- Je ne veux pas y aller tout seul !
- Quoi ? Ah non ! Ne me fais pas ce coup là hein ? Les parents m’ont demandé de te déposer. Ils vont arriver, ils te ramèneront. Alors tu ne joues pas les bébés, c’est clair ?
Il vit le teint de son frère passer au vert et il comprit soudain ce qui allait se produire.
- Non Charlie ! Noonn !
Trop tard ! Sous l’effet de l’angoisse, l’enfant venait de vomir le jus de fruits qu’il avait avalé avant le départ.
- Mais c’est pas vrai !
Charlie se redressait, piteux, s’essuyant la bouche avec… sa cravate !
Les yeux exorbités, Don le regardait faire en ne voulant pas croire ce qu’il voyait.
- Charlie !
Mais Charlie n’avait que faire de la belle cravate de son père qu’il venait de gâcher irrémédiablement. Tout ce qu’il savait, c’est que son frère avait l’intention de le laisser seul en face de plusieurs centaines de jeunes gens, qui se feraient un plaisir de se moquer de lui s’il commettait la plus petite des erreurs. Cette conférence, il n’y tenait déjà pas avant, alors là…
- Je ne veux pas y aller Don ! C’est trop dur !
- Charlie ! Ecoute, tu n’as pas à avoir peur. Tu vas faire sensation, comme toujours !
- Mais je serai tout seul ! Je ne veux pas y aller tout seul !
Et soudain Don oublia Donald Eppes, l’adolescent qui rêvait d’un rendez-vous avec Tracy Larson et qui était prêt à tout pour l’obtenir pour redevenir Donnie Eppes, le grand frère de Charlie, Charlie qui avait besoin de lui en cet instant. Devant lui il y avait son petit frère, les larmes aux yeux : une cravate souillée pendouillait lamentablement autour de son cou et son menton tremblait tandis que deux grosses larmes roulaient sur ses joues.
- Bon d’accord. Ecoute, d’abord on va aller aux toilettes pour te nettoyer un peu…
- Ensuite ?
- Quoi ensuite ?
- Tu as dit : d’abord, donc, il y a nécessairement un ensuite…
- Dis donc, pour quelqu’un qui dit avoir peur, il me semble que tu raisonnes plutôt bien toi. Allez amène-toi petit génie !
Ils pénétrèrent dans le grand hall du centre de conférences et Don repéra très vite le panonceau indiquant les toilettes. Il y entraîna son frère, l’aida à se rincer la bouche puis à se débarbouiller et lui enleva la cravate devenue inutilisable. Il grimaça : c’était l’une des cravates préférées de son père. Il allait encore en prendre pour son grade !
Il fouilla dans sa poche à la recherche de la dernière des cravates qu’il avait saisies dans la penderie paternelle.
- Allez, viens-là massacreur de cravates ! Heureusement que j’avais prévu large !
Pas assez large apparemment pensa-t-il la seconde suivante en voyant l’effet qu’avait l’accessoire sur la chemise de son frère : cela jurait effroyablement. Et même Charlie, qui pourtant n’avait rien d’un génie en matière d’habillement et d’harmonisation des couleurs, eut une grimace en se regardant dans la glace. A nouveau ses yeux s’embuèrent.
- Je ne peux pas y aller comme ça
- Et bien ne mets pas de cravate !
- Pas de cravate ?
- Figure-toi que je n’en ai plus ! C’est la sixième en moins de deux heures ! Tu veux établir un record ou quoi ?
- Mais je ne peux pas y aller sans cravate ! Ca ne fait pas sérieux ! Maman dit toujours qu’il faut une cravate !
- Arrête ton char ! De toute façon, dès que tu auras ouvert la bouche, ils oublieront complètement comment tu es fringué mon petit père ! Ils ne sont pas venus entendre une conférence sur l’élégance masculine !
Charlie ne protesta plus, mais il baissa la tête et Don put voir à nouveau que ses lèvres tremblaient. C’était plus qu’il ne pouvait en supporter.
- D’accord, tu as gagné ! souffla-t-il.
Et il entreprit d’enlever sa propre cravate : cette cravate à laquelle il tenait tout particulièrement parce que c’était le dernier cadeau que lui avait fait leur grand-mère qui était morte six mois plus tôt.
Charlie le regardait faire, les yeux encore humides, pleins d’appréhension, mais aussi d’incompréhension.
- Bon, alors voilà : avec cette cravate-là, tu ne peux plus avoir peur, c’est clair ? Habillé comme ça, tu vas tous les laisser sur place !
- Tu me prêtes ta cravate, vraiment ? Tu me la prêtes ?
- On dirait bien oui. Je sens que je vais le regretter mais bon… Moi, de toute façon, on ne me regardera pas alors…
- Tu restes avec moi ?
Adieu Tracy Larson ! Mais la joie qu’il lisait dans les yeux de son petit frère le payait largement du petit pincement au cœur qu’il ressentait en cet instant. Il ébouriffa les cheveux bouclés du petit génie :
- Oui, je reste avec toi moustique ! Content ?
- Oh Donnie !
Et avant qu’il n’ait pu s’en défendre, Charlie se jeta dans ses bras. Contrairement à son habitude, Don ne se débattit pas contre l’étreinte, il serra gentiment son cadet contre lui et à cet instant, il se sentit bien mieux que s’il avait eu rendez-vous avec toutes les Tracy Larson du monde.
- Et tu me prêtes vraiment ta cravate ?
Le gamin n’en revenait pas.
- Non ! Finalement, je ne te la prête pas !
Puis, voyant à nouveau le visage de son frère se crisper, il éclata de rire :
- Je rigole petit génie ! Je ne te la prête pas je te la donne !
- Tu me la donnes ! Pour de vrai ?
- Pour de vrai !
- Alors, ce sera ma nouvelle cravate porte-bonheur !
- Oui, et bien avec la série qu’il te faut pour en avoir une propre au bout du compte, tu feras bien d’en avoir plus d’une de cravate porte-bonheur, crois-moi !
- Bon, on y va maintenant ?
- On y va, et tu vas tous les épater !
Main dans la main les deux frères se présentèrent au directeur du séminaire qui entraîna bien vite Charlie vers la tribune tandis que Don s’asseyait au fond du grand amphithéâtre.
Charlie monta bientôt au pupitre : il était radieux, sûr de lui et, avec un sourire, Don vit qu’il gardait la main plaquée contre sa belle cravate !
A quoi ça tenait le bonheur…
Fin du flashback(à suivre)