Merci à vous toutes... Désolée pour l'attente : trop de boulot! Mais voici une petite suite.
Chapitre 27 : Remise de diplôme (partie 1)
Avril 2006 – 9 h 00 : Big Bear Montain- Et dire qu’aujourd’hui tu tuerais pour des lasagnes ! ironisa Don à la fin de ce petit rappel de leur enfance en commun.
La lassitude et la douleur perceptible dans la voix de son frère fendirent le cœur de Charlie :
- Donnie… Est-ce que ça va ?
- Pourquoi ça n’irait pas ? Parce que j’ai un poignet cassé, une jambe en miette, un mal de tête à me cogner le crâne sur une pierre ou que je vais devoir rendre des comptes pour avoir bousillé mon véhicule de service ? Tout baigne frangin ! rétorqua l’aîné d’un ton aigre.
- Je suis désolé, balbutia Charlie, pensant entendre un reproche sous la réflexion.
- Non… Moi je suis désolé mon pote…, je crois que je suis un peu de mauvaise humeur.
- On se demande bien pourquoi, tenta piteusement de plaisanter le plus jeune.
- J’en sais rien… Pas assez dormi peut-être, pourtant le matelas était plutôt confortable.
Don fut heureux de voir le sourire qu’il espérait illuminer le visage de son cadet à ce compliment détourné. Celui-ci se disait qu’il avait au moins été utile à quelque chose, qu’il avait pu prendre soin de son frère et lui permettre de passer la nuit la moins mauvaise possible.
- Peut-être que je devrais dormir encore un peu, émit Don après quelques minutes de silence.
- Non… Il faut que tu essaies de rester éveillé, protesta Charlie.
- Pourquoi ? Tu as peur tout seul ?
- Oui, quelque chose comme ça, répondit le professeur qui ne voulait pas avouer qu’effectivement il était terrorisé, pas par la solitude que le sommeil de son frère engendrerait pour lui, mais par la possibilité que celui-ci ne se réveille pas s’il sombrait dans l’inconscience.
- D’accord… Il y a quoi à la télé ?
Un instant le mathématicien s’affola : son frère était-il en train de délirer ? Puis il perçut la note d’humour dans la voix et il comprit que celui-ci plaisantait, ce qui le rasséréna au-delà des mots qu’auraient pu lui dire Don pour le rassurer, sachant combien son aîné était dur au mal d’une part et soucieux de toujours le protéger d’autre part. S’il avait encore la force de plaisanter, c’est que la situation n’était pas aussi désespérée qu’elle le semblait et que son état restait stable malgré la tache de sang qui s’élargissait sur le bandage entourant la jambe.
- J’ai perdu la télécommande, répliqua Charlie, entrant dans le jeu de son frère.
- Ca ne m’étonne pas de toi, marmonna celui-ci en s’appuyant un peu plus sur le torse du plus jeune. Tu as toujours eu le chic pour tout perdre. Surtout ce qui n’était pas à toi, termina-t-il après un bref instant de silence.
Contrairement à ce qu’il pensait, Charlie ne protesta pas à l’accusation, se contentant de dire :
- Je suis désolé Donnie, tellement désolé…
Don tenta de se redresser un peu pour faire face à son frère et gémit à l’effort. Charlie s’empressa de le recaler convenablement, passant ses mains dans ses cheveux pour le calmer. Lorsqu’il le sentit se détendre de nouveau il reprit :
- Pour tout ça… Cet accident… Si seulement j’avais écouté le shérif…Si je t’avais écouté…
- Charlie, avec des si on mettrait Los Angeles en bouteille mon pote ! Si moi je ne t’avais pas écouté, si je ne t’avais pas emmené, si le sous-directeur ne m’avait pas envoyé remplir cette mission foireuse, si…
- OK… D’accord… Tu as raison… N’empêche, j’ai l’impression de gâcher ta vie depuis si longtemps !
- Arrête ton char Chuck !
- Non, c’est vrai : je t’ai volé l’attention de papa et maman. Ils ont toujours tout fait pour moi et toi…
- Ils ont aussi tout fait pour moi, je te signale.
- Ce n’est pas vrai. Combien de fois as-tu renoncé à quelque chose qui te tentait parce que j’avais autre chose le même jour ? Combien de fois t’es-tu retrouvé sans personne lors d’un match ou d’une manifestation qui te tenait à cœur parce qu’ils m’accompagnaient ailleurs ? Combien de fois maman a-t-elle assisté aux rencontres auxquelles tu participais ?
- Ce n’était pas grave Charlie. C’était important pour toi tous ces cours, meetings, conférences, séminaires et autres joyeusetés du genre. Et je vois mal comment tu aurais pu t’y rendre seul à l’époque. Même maintenant je m’étonne que papa ose te laisser aller de droite et de gauche sans t’accompagner.
Mais une fois encore son trait d’humour tomba à plat tandis que Charlie reprenait, comme s’il n’avait pas entendu l’interruption :
- C’était important pour toi aussi Donnie… A cause de moi les parents ont manqué pleins de rendez-vous avec toi.
- Et grâce à toi ils en ont aussi honoré d’autres. Crois-tu que j’ai oublié ma remise de diplôme à Quantico ?
FlashbackNovembre 1993 : PasadenaMargaret tournait et retournait la carte officielle qu’elle venait de recevoir et sa mine trahissait sa perplexité, mâtinée d’une profonde déception.
- Maggie ? Qu’est-ce qui se passe ? interrogea Alan en entrant dans la pièce.
- Je viens de recevoir cette carte du F.B.I.
Aussitôt son époux pâlit :
- Donnie va bien ?
- Mais oui ! Bien entendu qu’il va bien ! s’écria-t-elle aussitôt. C’est simplement l’invitation à la remise des diplômes de sa promotion.
- Oh… Et tu n’as pas très envie d’y aller, dit Alan.
- Comment peux-tu dire une chose pareille ? Bien sûr que j’ai envie d’y aller ! C’est mon petit garçon qui va être diplômé : je te rappelle que ce n’est pas rien que d’être admis au centre de formation du F.B.I !
- Non je sais mais je pensais… avec notre passé que… que tu ne serais peut-être pas à l’aise avec ça, argumenta Alan.
- Je crois que le plus mal à l’aise d’entre nous, ce serait plutôt toi non ! contra-t-elle.
- Non ! Pas du tout ! C’est juste que… Et puis tu détournes la conversation, protesta Alan en s’apercevant qu’il risquait de s’enferrer plutôt qu’autre chose s’il continuait dans cette voie.
- Je ne vois pas en quoi…
- Je te demandais ce qui se passait.
- Et je te l’ai dit : je viens de recevoir l’invitation officielle pour aller à la remise des diplômes.
- Et tu ne m’as pas dit où était le problème, insista l’époux.
- Le problème c’est que c’est le 27 novembre.
- Et alors ?
- Alan Eppes ! Le samedi 27 novembre 1993 ! Ca ne te rappelle rien ?
Alan écarquilla les yeux :
- Tu veux dire… CE samedi ?
- Exactement ! Il fallait que ça tombe juste à cette date.
- Mais c’est impossible !
- Pourtant non.
- Il y a sans doute quelque chose à faire.
- Quoi donc ? Demander aux dirigeants du F.B.I. de déplacer la cérémonie à la semaine suivante histoire que nous puissions nous libérer pour voir notre fils être diplômé de leur académie ? Je suis certaine qu’ils seront particulièrement sensibles à la demande venant de personnes impliquées dans le mouvement pacifiste il y a vingt ans, à moins que ton dossier chez eux plaide en notre faveur !
Instantanément Margaret se reprocha le ton aigre qu’elle avait pris pour répondre à son mari et, avant qu’il ne réagisse elle enchaîna :
- Désolée… Je ne devrais pas décharger ainsi ma frustration sur toi mais…
- Et sur qui donc pourrais-tu la décharger autrement ? sourit-il en posant la main sur son bras dans un geste d’apaisement avant de la prendre contre lui pour la bercer doucement, tout en pestant contre la destinée, qui, une fois de plus, les mettait dans l’obligation de faire un choix impossible.
- Pourquoi faut-il encore que ça se passe comme ça ? soupira-t-elle en se laissant aller dans les bras de son mari. Pourquoi faut-il qu’à chaque fois on doive prendre ce type de décision ?
- C’est la rançon d’avoir un enfant particulier…
- Deux enfants particuliers, contra-t-elle en s’arrachant à son étreinte, sentant remonter sa colère, comme à chaque fois qu’elle avait l’impression qu’Alan sous-estimait leur fils aîné.
- Hé ! plaida celui-ci en levant les mains en signe de reddition. Je n’ai rien dit contre Don… Juste que d’avoir un enfant comme Charlie nous a amené à faire des choix difficiles depuis dix-huit ans, et que ça continue aujourd’hui.
- Ce n’est pas juste ! gronda-t-elle.
- Je sais, mais c’est comme ça. Qu’allons-nous faire ?
- Je n’en sais rien… Peut-être que… Non, je ne sais pas !
Découragée, elle se laissa aller dans le canapé. Alan considéra la carte qu’ils avaient reçue, cherchant à son tour une solution et n’en trouvant pas. Les parents continuèrent longtemps à discuter, tentant de trouver une issue à leur dilemme, mais ils savaient par avance qu’il n’y avait pas trente-six solutions possibles et cela leur crevait le cœur.
- Bien… Il va falloir l’appeler, finit par dire Alan lorsqu’ils eurent l’impression d’avoir choisi la moins pire des options.
- Ca va être dur pour lui, énonça son épouse les larmes aux yeux.
- Je sais. Mais je suis sûr qu’il comprendra.
- Bien sûr. Ca fait quinze ans maintenant qu’il comprend, pourquoi en serait-il autrement ?
De nouveau la voix de Margaret était amère et Alan décida de ne pas en tenir compte, il savait très bien ce qu’elle ressentait à ce moment-là.
- Je vais l’appeler…
Il regarda rapidement sa montre et enchaîna :
- Il est vingt-deux heures là-bas, on devrait encore pouvoir le joindre non ?
- Oui… On peut appeler jusqu’à 23 h 00 rappela-t-elle. A moins bien sûr qu’ils ne soient en entraînement de nuit.
Alan ne savait pas trop s’il devait ou non espérer cette hypothèse : ne pas pouvoir joindre Don ce soir c’était remettre la corvée de le décevoir, une fois de plus, une fois de trop peut-être.
- Laisse, je vais l’appeler, décida soudain Margaret en lui prenant le téléphone des mains.
- Tu es sûre ?
- Oui… Je crois qu’il le prendra mieux de moi.
Elle voulait surtout éviter que les deux hommes se disputent si jamais Don acceptait mal la nouvelle, ce qui n’aurait en soi rien d’étonnant réfléchit-elle. Depuis qu’ils avaient découvert les dons incroyables de Charlie, leur aîné avait eu plus que son lot de fausses joies et de vraies déceptions, de fêtes remises et de rendez-vous annulés. Il n’avait presque jamais eu la joie d’avoir ses deux parents dans les moments qui comptaient tant pour un enfant : une exposition de dessins à l’école, un match de base-ball important, une distinction décernée par ses pairs… Même lors de la cérémonie de fin d’études universitaires, quelques mois plus tôt, seul Alan avait pu être présent pendant que Margaret assistait à celle de Charlie. Total, et malgré les films que chacun avait fait pour l’autre, les deux parents avaient été frustrés et les deux enfants déçus. Et cette fois encore les emplois du temps des deux garçons se télescopaient, et cette fois encore ils allaient devoir décevoir leur fils aîné et ce d’autant plus qu’il avait l’impression qu’ils ne comprenaient pas son choix et qu’ils étaient déçus qu’il ait abandonné le base-ball pour la carrière autrement plus dangereuse de policier. Et c’était vrai qu’elle n’arrivait pas vraiment à comprendre comment son bébé avait pu devenir cet homme qui allait en traquer d’autres, les blesser, les tuer peut-être ou être lui-même blessé ou tué en remplissant son devoir. Comment eux, des pacifistes convaincus, avaient pu mettre au monde un enfant qui porterait une arme tout le long de sa vie professionnelle et qui aurait obligatoirement à la pointer un jour sur un autre être humain ? Mais autant elle avait douté au départ, autant, les quelques fois où elle avait revu son fils durant ces dix-sept semaines de stage, elle l’avait à chaque fois senti plus serein, plus heureux, comme s’il avait enfin trouvé sa voie et cela l’avait tranquillisée. Pourtant Alan avait encore du mal à passer le cap et les relations entre lui et Don restaient un peu tendues, c’est pourquoi, si ce dernier répliquait un peu trop durement à la nouvelle, le premier risquait de s’emporter pour cacher son propre sentiment de culpabilité et les choses pourraient très vite dégénérer. Aussi il valait mieux qu’elle fasse cet appel.
Alan ne discuta pas sa décision et s’en voulut un peu de sa lâcheté : mais il était finalement soulagé de n’avoir pas à annoncer lui-même les choses à son fils aîné. Lui aussi redoutait que celui-ci s’emporte et dans ce cas il avait peur de ne pas pouvoir garder son calme et de lui dire des choses qu’il regretterait ensuite. Parce que même s’il avait beaucoup de mal à accepter la voie choisie par son fils, il restait son garçon, son premier né, et pour rien au monde il ne voulait lui faire du mal ou que quiconque lui fasse du mal, il voulait qu’il sache qu’il serait toujours chez lui sous son toit et ce quoi qu’il fasse et quoi qu’il pense.
Margaret avait formé le numéro, demandé à parler à Don et, quelques minutes plus tard, la voix claire de son fils retentit à ses oreilles :
- Maman ? Tout va bien à la maison ?
Une note d’inquiétude perçait dans le ton et elle s’émerveilla de la capacité qu’avait son fils à s’oublier au profit des autres, ce qui expliquait sans doute en grande partie son choix de carrière conclut-elle avant de le rassurer :
- Oui mon ange… Tout va parfaitement bien. Et toi ?
- Je suis en pleine forme. On termine le stage la semaine prochaine. Ensuite on aura nos affectations et le samedi suivant il y a la remise de diplôme.
Elle pouvait maintenant distinguer l’excitation dans la voix tant aimée et son cœur se serra un peu : une nouvelle vie allait s’ouvrir à son petit, une vie d’où elle serait exclue. En son fort intérieur elle pria pour qu’il ne soit pas affecté trop loin afin qu’elle puisse encore le voir assez régulièrement. Mais désormais il n’était plus son bébé, il était un homme, un agent junior du F.B.I. et elle allait devoir s’habituer à cette nouvelle donne.
- Oui… Je sais… Tu as une idée d’où on va t’envoyer ?
- Non… On ne choisit pas vraiment… C’est surtout en fonction de notre classement à l’issue du stage.
- Je suis sûre que tu seras dans les meilleurs, dit-elle d’une voix vibrante de fierté.
- J’espère ne pas vous décevoir, répliqua-t-il avec une soudaine réserve qu’elle comprit aussitôt.
- Tu ne nous as jamais déçus chéri, jamais ! assena-t-elle d’une voix forte.
- C’est vrai ?
Elle souffrit de l’incrédulité qui perçait sous la question où perçait le mal-être d’un enfant qui avait l’impression qu’il ne serait jamais aussi doué que son petit frère et qu’il ne vaudrait jamais autant que celui-ci.
- Evidemment que c’est vrai. Nous sommes fiers de toi mon ange.
- Merci maman.
Elle pouvait entendre son sourire à des milliers de kilomètres de distance et voir ses traits se détendre, adoucir cette dureté qu’elle lui avait vu deux mois auparavant lors de sa dernière visite, comme si déjà l’innocence le fuyait dans cette formation si difficile où, sur les cinquante recrues acceptées quelques mois auparavant, seules trente-deux continuaient à s’accrocher malgré la dureté des entraînements et l’horreur des cas qu’on leur présentait dans certains cours pour qu’ils sachent ce à quoi ils pourraient être confrontés dès leur sortie de l’académie pour certains d’entre eux.
- Tu avais quelque chose à me dire ? reprit Don après quelques instants de silence.
- Oui… Ecoute chéri… En fait…, elle prit une grande inspiration puis se lança : en fait nous venons de recevoir l’invitation pour ta remise de diplôme.
- Oh… Elles sont déjà arrivées… Je voulais envoyer un petit mot mais…
- Non, ne t’inquiète pas mon ange. Je sais bien que tu es très occupé.
- C’est vrai qu’on ne chôme pas, déclara son fils, puis d’un seul coup, comme s’il commençait à comprendre la raison de l’appel, sa voix se fit suspicieuse : Vous viendrez n’est-ce pas ?
Ca y était, le moment tant redouté de le décevoir à nouveau était arrivé songea-t-elle en faisant une grimace à son mari avant de répondre d’une voix hésitante :
- Et bien… Tu sais… Ca ne tombe pas très bien parce que…
- Charlie ! le coupa alors Don d’un ton résigné, Charlie a un truc ce jour-là bien sûr !
Ce fut peut-être le bien sûr qui lui fit mal, plus mal que la déception qu’elle discernait sans peine dans la voix de son fils, comme s’il s’était attendu à leur défection dès le départ, ce qui expliquait peut-être qu’il n’ait pas pris le temps de leur envoyer un mot personnel.
- Je sais que ça tombe mal chéri. Mais… Ton frère donne une conférence à Harvard ce jour-là. Harvard tu te rends compte !
- Oui, évidemment !
Cette fois-ci l’amertume était parfaitement perceptible dans l’intonation de l’agent stagiaire tandis qu’il enchaînait :
- A côté de ça, Quantico ce n’est pas grand-chose…
- Non ! Tu ne dois pas penser comme ça ! C’est simplement que… Et bien il y a une série de conférences pour leur séminaire d’avant Noël et ils ont convié ton frère à parler justement ce samedi soir ! C’est la première fois qu’il va s’exprimer devant une telle assemblé et… et bien…
- Il a besoin de vous pour le soutenir.
Cette fois-ci il n’y avait plus aucune trace de déception ou d’amertume dans la voix, juste le ton assuré que prenait son fils lorsqu’il savait qu’il faisait ce qu’il fallait :
- Je comprends, termina-t-il. D’ailleurs ce n’est qu’une petite formalité ici tu sais… Rien de comparable à une conférence à Harvard.
- Bien sûr que ce n’est pas comparable, mais ça ne veut pas dire que c’est moins important ! contra-t-elle. Alors ton père viendra à ta cérémonie et je resterai avec Charlie. Mais j’aurais tant voulu pouvoir être avec toi mon ange ! J’espère que tu le sais.
- Bien sûr que je le sais, comme je suis sûr que papa aimerait voir Charlie prendre la parole à Harvard.
- Il aura peut-être d’autres occasions, tenta-t-elle, en songeant que pour ce qui la concernait, il n’y aurait pas de séance de rattrapage.
- Non… Ecoute, tu sais quoi ? Ce serait vraiment idiot qu’il n’assiste pas à ça. Ici ce n’est rien de plus qu’une petite cérémonie de quelques minutes. Et puis il ne serait pas à son aise entouré de tous ces agents fédéraux, tu ne crois pas ?
Malgré l’humour du propos, elle sentait la tristesse dans sa voix :
- Bah… Maintenant que son fils va être agent fédéral, il devra bien s’y habituer, répondit-elle. Autant que ce soit le plus vite possible.
- Non maman… Ce n’est pas grave, je comprends. Charlie aura bien plus besoin de vous que moi : il doit être mort de trouille le pauvre ! Alors laissez tomber.
- Non… Donnie… Ce n’est pas du tout ce que…
- Mais bien sûr que si maman !
Et cette fois-ci l’amertume était de retour, à peine masquée, tandis qu’il continuait :
- Tu m’as bien appelé pour m’entendre te dire que ça m’était égal non ? Alors voilà, je te l’ai dit : tout va bien, je comprends… D’ailleurs je ne m’attendais pas à ce que vous soyez là à dire vrai et j’ai fait des projets avec les parents de Terry pour l’après cérémonie, donc vous n’avez pas à vous en faire.
- Donnie…
- Ecoute… Il faut que j’y aille : demain on a un examen sur les techniques d’interrogatoire et j’ai plusieurs points à revoir. Je t’embrasse très fort. Embrasse papa pour moi et surtout ne vous inquiétez pas, j’ai parfaitement compris.
Et avant même qu’elle ait eu le temps de protester ou simplement de lui glisser un « je t’aime », il avait raccroché. Elle en fit autant, les larmes aux yeux, se remémorant sa dernière phrase. Elle savait très bien ce qu’il avait compris : que son père et elle favoriseraient toujours Charlie parce qu’à ses yeux il était leur préféré et que lui-même ne serait jamais que numéro deux dans leurs préoccupations et dans leurs cœurs.
- Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda Alan.
- Qu’il comprenait, que ça ne faisait rien…
- Je le savais tu vois, tout s’arrange, sourit-il.
- Non ! Rien ne s’arrange, se fâcha-t-elle. Il se sent abandonné, une fois de plus !
- N’exagérons rien, je serai là-bas, répliqua le père.
- Il ne veut pas que tu y ailles !
- Quoi ?
Il eut l’impression d’avoir reçu un coup au plexus solaire et il se laissa tomber dans le canapé, les yeux dans le vague : son fils ne voulait pas de lui ? Son fils le rejetait ? Comprenant sa souffrance, Margaret s’assit auprès de lui et lui caressa le dos :
- Ce n’est pas contre toi Alan, murmura-t-elle.
- Ah non ? Alors explique-moi pourquoi j’ai l’impression d’avoir tout raté d’un seul coup ! lâcha-t-il en se tournant vers elle.
- Non, je t’assure. C’est simplement qu’il pense que Charlie aura besoin de nous deux et aussi que tu préfèreras être avec lui pour le voir faire sa première conférence à Harvard.
- C’est vrai que j’aimerais voir ça ! Mais je voudrais aussi pouvoir aller voir mon fils recevoir son insigne à Quantico ! C’est tellement important pour lui !
- Et qu’est-ce qui t’empêcherait de le faire ?
La voix de Charlie les fit sursauter. Plongés dans leur conversation, ils ne l’avaient pas entendu descendre du solarium où il préparait son intervention. Le jeune homme venait de mettre la dernière main à son discours d’introduction et il voulait avoir l’avis de sa mère à ce sujet : est-ce que ce n’était pas trop pompeux, pas trop gamin, pas trop abscons ? Bref, il avait besoin d’elle pour l’aider un peu, pétrifié qu’il était à l’idée de l’assemblée prestigieuse qui l’attendait où certains n’étaient sans doute pas ses amis et attendraient que le « petit prodige » s’effondre. En descendant, il avait surpris la toute dernière phrase de son père d’où sa question.
(à suivre)