Encore un reclassement: pour l'anniversaire de Cybelia l'an passé.
Préambule : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Erik Kripke & Robert Singer. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Avertissement: les pensées de Dean ne sont pas toujours dans un langage très policé...
Un pays pour nous
Ce n’était pas juste ! Tout simplement pas juste !
Merde ! Il y avait des années maintenant qu’il se crevait le cul à défendre ce putain de monde dont il se demandait parfois s’il en valait vraiment la peine : il avait renoncé à tellement de choses pour ça ! Il y avait tellement longtemps qu’il vivait comme un vagabond, sans attache, sans habitudes.
Certes, les habitudes il les honnissait, mais ça ne voulait pas dire que certains soirs il n’aurait pas aimé rentrer dans la même maison, retrouver la même personne pour échanger avec elle les mêmes banalités. Ca ne voulait pas dire qu’il n’aurait pas aimé, lui aussi, comme tant d’autres, se réchauffer jour après jour aux mêmes bras, à la même chaleur, à la même douceur.
Ce n’était pas lui qui avait choisi d’être chasseur, c’était le destin qui l’avait choisi, le destin, les archanges, Dieu… en fait il s’en foutait un peu ! En tout cas, il ne s’était pas levé un matin en se disant :
- Tiens, et si je faisais chasseur de créatures démoniaques ou malfaisantes en tout genre, histoire de risquer ma vie à chaque instant, de voir tomber autour de moi ceux que j’aime, de trembler de perdre le peu de famille qui me reste, de prendre des coups, d’être menacé, poursuivi, battu, torturé… tué… ? En voilà une idée qu’elle est bonne !
Non, il avait juste subi, depuis ce jour apocalyptique où il avait vu sa mère disparaître dans les flammes, où il avait pris contre lui son petit frère pour tenter de l’arracher au destin maudit. Il avait subi et pourtant il avait toujours essayé de faire de son mieux, à sa façon, certes imparfaite, mais ça aurait dû compter.
Ca aurait dû…
Alors pourquoi… Pourquoi ceux de là-haut, anges ou démons, en tout cas tous aussi empaffés les uns que les autres, leur refusaient-il d’avoir la part de bonheur à laquelle devrait avoir droit chaque être humain ?
Ce n’était pas juste !
Et s’il le fallait, alors il allait rétablir les chances ! A sa façon !
Au-delà du ciel
À l'autre bout du ciel
Il existe au-delà de tout
Un pays pour nous
Quelle était cette loi qui proclamait qu’un humain et un ange ne devaient pas s’aimer ? Quel était ce Dieu qu’on disait d’amour et qui refusait à ses créatures de partager ce cadeau ? Quel était ce sort qui leur interdisait de se toucher, de se respirer, de s’abreuver, de se nourrir l’un de l’autre, pour se réconforter, reprendre des forces, se ménager quelques moments de bonheur dans un monde si laid ?
Après tout, il n’avait rien demandé non plus… Ca non ! Ni les tourments de l’enfer, ni les affres de la résurrection, ni les leçons de morale, ni la violence parfois, cette austérité froide d’un être dépositaire d’une mission qui dictait sa conduite et animait ses gestes.
Et il n’avait pas cherché à gratter cette carapace, à découvrir dessous ce cœur gros comme l’univers, cette âme généreuse, cette naïveté à fleur de peau… Il n’avait pas voulu se noyer dans les yeux bleu-gris, laisser son cœur s’emballer en sa présence, savourer l’odeur de son corps, goûter la saveur de ses lèvres…
Quelqu’un d’autre avait décidé pour lui… pour eux…
Et aujourd’hui on venait leur dire qu’ils ne devaient pas ?
Ce n’était pas juste !
Et son devoir était de rétablir la justice…
Un pays sans loi
Sans autre loi que toi
Où rien ne pourra plus jamais
M'enlever le droit de t'aimer
Là-bas, là-bas
Nous bâtirons des rivages
Des horizons sans nuage
Là-bas
Ils allaient partir… juste tous les deux, loin de tout, loin des hommes qui les regardaient parfois avec dans le regard une condamnation sans appel, juste parce qu’ils étaient tous les deux mecs…
S’il avait su, Cas aurait pris un vaisseau femme ! Ca aurait au moins était plus facile aux yeux des arriérés humains !
Mais en ce qui concernait les arriérés emplumés, malheureusement ça n’aurait rien changé !
Triste constat que de s’apercevoir que ceux qui veillent sur nous sont tout aussi étroits d’esprit que certains pauvres cons de fermiers du fin fond d’un état merdique du sud profond des Etats-Unis. Bordel ! Et ils étaient censés représenter la Loi, la Justice, le Bien ?
Ils allaient partir… Là où on ne les retrouverait pas, où ils pourraient vivre en paix et tant pis pour la guerre qui opposait les forces du bien à celles du mal. Lorsque ceux qui devraient lutter pour le premier se conduisent comme s’ils étaient de l’autre bord, juste parce que, selon eux, vous n’avez pas le droit d’agir comme vous le faites, alors il n’y a aucune raison de continuer…
Qui a le droit de vous dire qui vous devez aimer ? Qui la le droit de vous dire quels corps peuvent se perdre l’un dans l’autre ? Qui a le droit de condamner cette ivresse délicieuse qu’est l’autre lorsque ses mains courent sur votre peau enfiévrée et que vos saveurs se mêlent, pour ne plus faire qu’une, une qui a simplement le goût du bonheur, de l’espoir…
Il y avait forcément quelque part un ailleurs pour eux… Dans cette vie ou dans l’autre… Mais rien, rien au monde ne pourrait les empêcher de rester ensemble, dut-il se battre contre les légions célestes et infernales simultanément.
Ils avaient gagné leur droit au bonheur.
Au-delà du temps
Par les chemins du temps
Nous irons au-delà de tout
Dans la joie d'un pays pour nous
Là-bas, là-bas
Nous bâtirons des rivages
Des horizons sans nuage
Là-bas
Ils se tenaient la main et communiquaient sans parler, juste par le pouvoir de leurs yeux et de leurs peaux…
Il savait que Castiel doutait encore, qu’il avait l’impression de trahir son Père, ses Frères et tout ce pour quoi il existait… Il savait qu’il avait peur, lui qui jamais n’avait reculé devant le danger : il avait peur de se dresser contre les siens, d’oser faire entendre sa voix, leur voix, pour plaider leur cause… quitte à se montrer aussi intransigeant qu’il savait l’être quand il mettait le combat qu’il menait au-dessus de tout le reste.
Ce combat-là, ils ne le perdraient pas, c’était hors de question… Ils l’avaient déjà remporté face aux hommes, en tout cas à ceux qui comptaient pour eux, pour lui…
Sam avait rigolé de l’air de celui à qui on n’apprend rien, mais visiblement heureux pour son grand frère. Bobby les avait regardés avec incrédulité, avant de marmonner quelques jurons bien sentis qui avaient fait se dresser les plumes de l’ange, très à cheval sur le langage faisant appel aux forces célestes… Mais lui aussi s’était incliné. Avec son solide bon sens et l’affection qu’il éprouvait pour les deux frères, il savait bien qu’il n’aurait servi à rien de tenter de les convaincre qu’ils faisaient une connerie. De toute façon, peu lui importait avec qui Dean couchait, tant qu’il était heureux… Et il était heureux, cela ne faisait aucun doute, ou plutôt il l’aurait été si les alliés de Castiel avaient réagi aussi bien que ceux de l’aîné des Winchester. Parmi les autres chasseurs, les filles avaient parfois fait un peu la tête de voir un si beau morceau disparaître de leur liste de conquêtes potentielles, et certains mecs s’étaient marrés, révisant aussitôt leurs préjugés sur les homos tant Dean ne correspondait pas à l’archétype qu’ils avaient toujours imaginé.
Non… le problème c’était ces êtres qui se croyaient investis de la Vérité, alors qu’on leur avait juste donné quelques clés pour en explorer les infinies possibilités.
Devait-on s’apercevoir que les « gentils » n’étaient pas plus sages que « les méchants » ?
En tout cas, à l’aune de l’Humanité, les humains l’emportaient haut la main, malgré les quelques imbéciles qui continuaient à ne pas savoir regarder au-delà des apparences.
Ils se tenaient la main pour se souvenir, pour s’encourager, pour se soutenir…
Cette bataille, s’ils la perdaient, alors c’est que le monde n’était pas digne d’être sauvé.
Au-delà du temps
Par les chemins du temps
Nous irons au-delà de tout
Dans la joie d'un pays pour nous
Là-bas, là-bas, là-bas
Les mots font plus mal que les coups…
Les mots heurtent, blessent, tranchent, agressent, torturent et vous poursuivent longtemps… Les ecchymoses invisibles qu’ils laissent dans votre âme ne guérissent pas, ou en tout cas beaucoup moins vite que les bleus sur la peau et les fractures des os.
Alors oui, ils les avaient reçus de plein fouet ces mots, injustes, méchants, insidieux, péremptoires, condamnant à grands coups de vérités de pacotille.
Mais ils avaient tenu bon : main dans la main ils avaient fait front. Parfois il sentait une pression sur ses doigts, lorsqu’il allait se jeter sur ces abrutis d’emplumés qui accusaient son homme, tentaient de le détourner de lui pour le ramener à ce qu’ils disaient son devoir, comme s’il n’était pas capable d’assumer cette tâche avec quelqu’un à ces côtés !
Ils n’avaient donc rien compris malgré leurs milliers d’années d’existence ! Ils ignoraient vraiment le courage qu’on puise dans l’autre lorsqu’on est à bout de forces, à bout d’espoir et qu’il vous relève, vous ressource, vous régénère ? Ils ignoraient la puissance engendrée par l’envie de protéger celui qui nous est cher ?
Alors oui, il avait eu envie de leur hurler dessus, de leur envoyer son poing en pleine tronche, juste pour leur faire éprouver, l’espace d’un instant, la vraie douleur, celle que connaissent les humains. Mais toujours Cas l’avait retenu par sa poigne solide : il savait que ça n’aurait servi à rien, pire, que certains de ses frères auraient pu réduire l’insolent en poussière d’un simple geste !
Et parfois, l’étreinte lui disait la souffrance qui traversait celui qu’il aimait, ce cri muet qui ne franchissait pas ses lèvres, cette déchirure à l’âme, ce bleu au cœur qui serait longtemps douloureux…
Mais ils s’étaient défendus : mot pour mot, parole contre parole…
Et ils avaient gagné !
Ils avaient gagné parce que les anges avaient compris que les deux hommes ne faisaient pas un vulgaire chantage, juste pour obtenir gain de cause. Non, ils étaient sérieux : ou on les laissait s’aimer ou ils abandonnaient la lutte…
Bien sûr ils auraient pu anéantir les rebelles… et après ?
Alors ils avaient cédé…
Certes Castiel avait laissé ses ailes dans la bataille, mais finalement, était-ce un mal ?
Désormais ils avaient leur petit coin à eux, rien qu’à eux… ce chalet perdu dans ce petit coin boisé du Dakota du Sud, pas très loin de chez Bobby. La lutte continuait bien sûr, mais, entre deux batailles, ils venaient se ressourcer ici, faire le plein de bonheur pour pouvoir mieux affronter les difficultés à venir.
Ils étaient chez eux.
Ils étaient heureux.
FIN
Chanson de Frida Boccara, sur « Somewhere » de West Side Story