Une histoire destinée à Terryjones.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Donald P. Bellisario & Don McGill. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Quelqu’un m’a dit
« Je suis un idiot, je le sais et tu le sais aussi. Je suis un idiot doublé d’un pauvre type… »
Après avoir jeté ces mots en introduction, Leroy Jethro Gibbs s’arrêta, saisit la bouteille de bière qui était posée à côté de lui sur la table, but une grande rasade au goulot et reprit son stylo qu’il mâchouilla nerveusement quelques minutes avant de recommencer à écrire.
On me dit que nos vies ne valent pas grand chose,
Elles passent en un instant comme fanent les roses.
On me dit que le temps qui glisse est un salaud
Que de nos chagrins il s'en fait des manteaux
A la base, il était persuadé qu’il n’y arriverait pas, lui, l’éternel handicapé des sentiments : comment aurait-il pu se livrer ainsi ? Comment dire enfin ce qu’il s’était si longtemps interdit de dire ? D’ailleurs en avait-il encore le droit ?
Il avait gâché cette chance qui lui était offerte en se conduisant comme un imbécile, en laissant sa peur du qu’en dira-t-on prendre le pas sur ses sentiments, en refusant de voir l’évidence. Il avait tout gâché et pourtant il voulait penser qu’il y avait encore un espoir.
Pourtant quelqu'un m'a dit
Que tu m'aimais encore,
C'est quelqu'un qui m'a dit que tu m'aimais encore.
Serait-ce possible alors ?
Lorsqu’il avait pris conscience de ce qui l’attirait vers son subordonné, il avait tout fait pour lutter contre ce sentiment qui, à ses yeux, n’avait pas lieu d’être. Comment ? Lui ? Après avoir été si longtemps marine, soumis à la promiscuité des camps, et qui jamais n’avait ressenti d’élan envers l’un de ses camarades de combat ? Lui, marié trois fois et qui était tellement attiré par les femmes qu’une seule ne lui aurait jamais suffi ?
C’était tout bonnement impossible ! Il se trompait, se faisait des illusions.
Ou bien le bel Italien lui avait jeté un sort. Mais il avait tellement envie de succomber à ce sort-là !
On me dit que le destin se moque bien de nous
Qu'il ne nous donne rien et qu'il nous promet tout
Parait qu'le bonheur est à portée de main,
Alors on tend la main et on se retrouve fou.
Petit à petit il s’était laissé apprivoisé, avait accepté de baisser ses défenses, d’explorer ce côté de lui qu’il ignorait, d’ouvrir son cœur. Et les quelques mois qu’avait alors duré leur liaison restaient parmi ses plus beaux souvenirs.
Seulement il n’avait pas été capable de s’abandonner tout à fait : il voulait bien partager de tendres moments avec Tony, mais cela ne devait pas se savoir, surtout pas ! Il était Leroy Jethro Gibbs et en aucun cas on ne pouvait dire de lui qu’il était gay. D’ailleurs il ne l’était pas ! Il était simplement inexplicablement attiré par son bel adjoint, si habile à le faire décoller, si avide de lui donner du plaisir, si attachant lorsqu’il abandonnait son masque de play-boy écervelé.
Il avait pris, sans donner, jusqu’au jour où son amant n’avait plus supporté cette attitude.
Pourtant quelqu'un m'a dit
Que tu m'aimais encore,
C'est quelqu'un qui m'a dit que tu m'aimais encore.
Serait-ce possible alors ?
Il n’avait rien vu venir, en homme stupide et égoïste attaché à son propre petit confort, ne se souciant que de son propre plaisir et de cette réputation qui aujourd’hui lui semblait tellement anecdotique face au désert de sa vie.
Il n’avait rien voulu voir venir malgré les avertissements de plus en plus pressants de Tony qui ne supportait plus la clandestinité qu’il lui imposait.
Il n’avait récolté que ce qu’il avait semé et un jour, en arrivant au bureau, il avait simplement trouvé la lettre de démission de son amant. Il se souvenait encore avoir haussé les épaules, toujours tellement imbu de lui-même qu’il avait pensé que ce n’était qu’une façon de chercher à faire pression sur lui, et nul ne faisait pression sur Leroy Jethro Gibbs !
Seulement le soir, en rentrant chez lui, il avait trouvé la clé dans la boîte aux lettres, cette clé qu’il avait confiée à son amant et que celui-ci avait été tellement heureux de recevoir avant de comprendre qu’elle ne représentait rien de plus qu’une commodité sans engagement. En entrant dans la maison il s’était rendu compte que les quelques affaires personnelles de Tony avaient disparu. Il avait alors foncé jusqu’à l’appartement de son amant et il l’avait trouvé déserté. Tony était bel et bien parti.
Il y avait maintenant trois mois de cela et depuis pas une nouvelle, rien… Et depuis il y avait ce vide au fond de lui, ce sentiment d’avoir tout gâché. Il ne savait où chercher, comment reprendre contact et il avait traîné sa misère dans les bars sous le regard étonné puis inquiet des autres membres de l’équipe.
Mais qui est ce qui m'a dit que toujours tu m'aimais?
Je ne me souviens plus c'était tard dans la nuit,
J'entend encore la voix, mais je ne vois plus les traits
"Il vous aime, c'est secret, lui dites pas que j'vous l'ai dit"
Alors aujourd’hui, quand enfin on lui avait dit où s’était réfugié celui pour lequel son cœur battait, celui pour lequel aujourd’hui il savait qu’il pourrait défier toutes les lois de la terre, son premier réflexe avait été de courir le rejoindre. Puis il s’était ravisé : Tony ne voudrait peut-être pas lui parler. Il avait peut-être désormais, malgré ce qu’on lui avait dit, quelqu’un d’autre dans sa vie, quelqu’un qui le respectait, quelqu’un qui ne lui demandait pas de rester dans l’ombre.
Alors il avait décidé d’écrire cette lettre, la plus importante qu’il ait jamais écrite, lui qui était si peu porté sur les mots. Il à mesure qu’il écrivait, qu’il se dévoilait, il voulait croire qu’il pouvait encore espérer.
Tu vois quelqu'un m'a dit...
Que tu m'aimais encore, me l'a t'on vraiment dit...
Que tu m'aimais encore, serais ce possible alors ?
Tandis que les mots naissaient sous ses doigts, il revoyait tous leurs bons moments : ces soirées dans de petits restaurants où les bons repas étaient le prélude à d’autres délices, ces quelques jours de vacances arrachés à leur emploi du temps surchargé, qui les avaient emmenés dans ce petit coin du Massachussetts où personne ne les connaissait et où ils avaient pu se promener main dans la main pour la première fois, ces nuits où leurs corps s’unissaient, leur faisant frôler le ciel.
Mais il revoyait aussi les moments moins glorieux : les départs en catimini de l’un ou de l’autre, les salutations au bureau alors qu’ils s’étaient quittés quelques minutes plus tôt, les disputes surtout et cette souffrance qu’il avait trop souvent lue dans les yeux du brun lorsqu’il lui refusait obstinément le droit à la transparence, le droit de pouvoir révéler qu’ils étaient ensemble.
On me dit que nos vies ne valent pas grand chose,
Elles passent en un instant comme fanent les roses
On me dit que le temps qui glisse est un salaud
Que de nos tristesses il s'en fait des manteaux.
Il avait déjà noirci deux pages, livrant son cœur, ses regrets, ses remords, ses attentes, ses espoirs.
Il n’était même pas sûr que Tony, en reconnaissant son écriture, daignerait ouvrir la lettre. Qu’aurait-il fait, lui, si les rôles avaient été inversés ? Certes on lui avait dit que Tony était seul mais son informateur pouvait-il en être aussi sûr ? Après tout, rien n’empêchait son amant d’avoir cherché à se rassurer et à se consoler dans d’autres bras.
Et si c’était le cas, que lui resterait-il à lui, lui qui aurait voulu pouvoir remonter le temps pour se conduire autrement, avoir le courage d’affronter la vérité et d’afficher son bonheur, leur bonheur, ce bonheur qu’il ne pourrait plus jamais connaître si Tony refusait de lui pardonner.
Cette lettre, c’était sa dernière chance, et elle tenait à si peu de choses.
Pourtant quelqu'un m'a dit
Que tu m'aimais encore,
C'est quelqu'un qui m'a dit que tu m'aimais encore.
Serais ce possible alors ?
« Tu vois, j’ai enfin compris. Je sais que tu as toutes les raisons du monde de ne plus vouloir me parler, mais s’il te plaît, donne-moi une chance de te montrer que j’ai enfin grandi. Je te vois me répliquer qu’à cinquante balais il serait temps mais que veux-tu… C’est grâce à toi que je deviendrai quelqu’un de vraiment bien : tu es le seul qui puisse me rendre ce bonheur que j’ai saccagé.
Et surtout, surtout… N’en veux pas à Abby de m’avoir dit où tu te cachais. Elle a tenu le secret durant plus de trois mois : tu imagines combien cela a dû être difficile pour elle… Mais là, elle a compris que je n’en pouvais plus, que j’avais désespérément besoin de toi.
Je suis un idiot, je le sais et tu le sais aussi. Je suis un idiot doublé d’un pauvre type… Mais cependant, cet idiot tu l’as aimé alors… Si tu pouvais l’aimer un petit peu, rien qu’un tout petit peu encore… Il serait le plus heureux des hommes.
Réponds-moi mon Tony… Dis-moi que tu acceptes de me donner une seconde chance… Laisse-moi espérer que je peux me racheter à tes yeux.
Je t’aime… Réponds-moi…
Je t’aime..
Ton idiot »
FIN
Chanson de Carla Bruni